Jurisprudence : CA Montpellier, 13-02-2024, n° 24/00106, Confirmation


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

N° RG 24/00106 - N° Portalis DBVK-V-B7I-QD5Z


O R D O N N A N C E N° 2024 - 109

du 13 Février 2024

SUR PROLONGATION DE RETENTION D'UN ETRANGER DANS UN ETABLISSEMENT NE RELEVANT PAS DE L'ADMINISTRATION PENITENTIAIRE



dans l'affaire entre,


D'UNE PART :


Monsieur [W] [L]

né le … … … à [Localité 2] (ALGERIE)

de nationalité Algérienne


retenu au centre de rétention de [Localité 5] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,


Comparant et assisté de Maître Laetitia BERRY, avocat commis d'office,


Appelant,


et en présence de [M] [S], interprète assermenté en langue arabe,


D'AUTRE PART :


1°) MONSIEUR LE PREFET DE L'HERAULT

[Adresse 4]

[Localité 1]


Non représenté


2°) MINISTERE PUBLIC :


Non représenté



Nous, Sylvie BOGE conseiller à la cour d'appel de Montpellier, délégué par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile🏛, assisté de Alexandra LLINARES, greffière,



EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE


Vu l'arrêté du 29 mars 2023 de MONSIEUR LE PREFET DE L'HERAULT portant obligation de quitter le territoire national sans délai pris à l'encontre de Monsieur [W] [L].


Vu la décision de placement en rétention administrative du 6 février 2024 de Monsieur [W] [L], pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.



Vu l'ordonnance du 10 Février 2024 à 13 h 18 notifiée le même jour à la même heure du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Montpellier qui a décidé de prolonger la rétention administrative pour une durée maximale de vingt-huit jours.


Vu la déclaration d'appel faite le 12 Février 2024 par Monsieur [W] [L], du centre de rétention administrative de [Localité 5], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour à 12 h 04.


Vu les télécopies et courriels adressés le 12 Février 2024 à MONSIEUR LE PREFET DE L'HERAULT, à l'intéressé, à son conseil et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 13 Février 2024 à 10 H 00.


L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, dans le box dédié de l'accueil de la cour d'appel de Montpellier, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l'entretien, en la seule présence de l'interprète , et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier.


L'audience publique initialement fixée à 10 H 00 a commencé à 10 h 07.



PRETENTIONS DES PARTIES


Assisté de [M] [S], interprète, Monsieur [W] [L] confirme son identité telle que mentionnée dans l'ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l'audience : 'Je m'apppelle [W] [L], je suis né le … … … à [Localité 2] (ALGERIE). J'ai un passeport mais il n'est pas ici, il est dans mon pays. Je ne me souviens plus de mon adresse, j'habite chez ma famille à [Localité 3]. Je repartirai en Algérie.'


L'avocat Me Laetitia BERRY développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger.

Irrecevabilité de la requête en prolongation, le laissez-passer étant litigieux. Toutes le diligences ont été faites par la préfecture au cours de son incarcération, Monsieur a coopéré et le laisser-passer a été fait mais à la dernière minute, on se serait rendu compte d'une erreur de photographie. Pour autant, la copie du laisser-passer n'est pas produite, la préfecture ne fournit que le mail qu'elle a adressé aux autorités consulaires algériennes. La nécessité de la prolongation de la rétention n'est donc pas prouvée. C'est d'autant plus important que Monsieur est un homme très jeune qui a mal vécu la période de détention et vit mal sa rétention.

Moyens de nullité :

- tardiveté du placement en rétention par rapport à la levée d'écrou (23 minutes).

- absence de prise en compte de l'état de vulnérabilité.


Le conseiller soulève l'absence de requête en contestation de l'OQTF.


Me Laetitia BERRY : antériorité de l'arrêté de placement en rétention sur la découverte de la difficulté concernant le laisser-passer alors que l'éloignement était prévu dès la sortie de détention et donc, la rétention inutile.

Demande assignation à résidence au vu de l'état de vulnérabilité, Monsieur présentant des garanties de représentation, étant hébergé dans sa famille. Il prend un traitement assez lourd (Lyrica) pour des problèmes neurologiques. Un suivi médical est nécessaire.


Monsieur le représentant de MONSIEUR LE PREFET DE L'HERAULT ne comparait pas mais a fait parvenir un mémoire tendant à voir confirmer l'ordonnance déférée.


Assisté de [M] [S], interprète, Monsieur [W] [L] a eu la parole en dernier et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : 'Je quitterai la France, je partirai.'


Le conseiller indique que l'affaire est mise en délibéré et que la décision sera notifiée par les soins du Directeur du centre de rétention de [Localité 5] avec l'assistance d'un interprète en langue arabe à la demande de l'étranger retenu.



SUR QUOI


Sur la recevabilité l'appel :


Le 12 Février 2024, à 12 h 04, Monsieur [W] [L] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Montpellier du 10 Février 2024 notifiée à 13 h 18, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R743-11 du CESEDA.


Sur l'appel :


Sur l'irrecevabilité de la requête préfectorale pour défaut de pièces utiles


Monsieur [W] [L] fait valoir que le défaut du formulaire de recueil de ses observations sur le placement en rétention, notamment pour l'examen de sa vulnérabilité, et de la copie du laissez-passer litigieux dont la photographie serait erronée, ce qui justifierait l'impossibilité de procéder à son éloignement, constitue un défaut de pièces utiles.


L'article R. 743-2 du CESEDA dispose que : « à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention. Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2 ».


Les textes ne précisent pas les pièces justificatives utiles devant accompagner la requête à l'exception de la copie du registre actualisé.


Il s'agit des pièces nécessaires à l'appréciation par le juge des libertés et de la détention des éléments de fait et de droit dont l'examen lui permet d'exercer pleinement ses pouvoirs.


En l'espèce, la copie du registre actualisé figure au dossier.


Le formulaire d'évaluation permettant de déterminer le cas échéant les conditions du placement en rétention de l'intéressé et garantissant qu'il ait été en mesure de faire valoir ses observations quant à la détection de ses vulnérabilités ne figure pas dans la procédure.


Ce formulaire d'évaluation et toute fiche de renseignement ne constituent pas des pièces justificatives utiles dont le défaut entraînerait l'irrecevabilité de la requête. Les déclarations de l'intéressé lors de son audition par les enquêteurs avant son incarcération, aux termes desquelles il a 'mal au dos' et consomme de la prégabaline sans ordonnance, permettent d'apprécier sa situation au regard de sa vulnérabilté lors du placement en rétention.


La production du laissez-passer ne constitue pas non plus une pièce utile devant être jointe. En effet, les courriels échangés entre la préfecture et les services consulaires figurant à la procédure établissent la réalité de la problématique liée à la délivrance d'un laissez-passer portant une photographie erronée. Ces éléments suffisent à l'exercice des pouvoirs du juge des libertés et de la détention pour apprécier la nécessité de la prolongation de la rétention, motivée par le risque de soustraction de l'intéressé dans l'attente de son éloignement.


Sur la régularité de la procédure


Sur l'information tardive du Parquet


L'intéressé fait valoir que l'avis au ministère public n'a été effectué que le 7 février 2024 à 11 heures 10 alors que l'arrêté de placement en rétention lui a été notifié à 10 heures10 ce qui lui caise nécessairement grief.


Contrairement à ses allégations, il ressort du procès-verbal de prise en charge (PV N°192/2024) que le procureur de la République a été avisé dès 10 heures 10 par les services de gendarmerie au moment de la notification de l'arrêté de placement en rétention.


Sur la tardiveté du placement en rétention par rapport à la levée d'écrou


La levée d'écrou est intervenue à 9 heures 47 et la notification de l'arrêté de placement à 10 heures 10. Ce délai de 23 minutes n'est pas excessif eu égard notamment aux formalités de prise en charge de l'intéressé à 10 heures auprès du greffe de la maison d'arrêt et à la nécessité de requérir un interprète (PV N°192/2024).


Sur l'antériorité de la rédaction de l'arrêté de placement en rétention par rapport à l'annulation du vol


La rédaction de l'arrêté de rétention administrative le 6 février 2024 avant sa notification le 7 février 2024 ne constitue pas une irrégularité en application des dispositions légales. Surabondamment, cette antériorité ne fait pas grief à l'intéressé.


Il convient de rejeter les moyens soulevés.


Sur le défaut de diligences


L'intéressé soutient un défaut de diligences au motif qu'elles n'ont pas permis la délivrance d'un document de voyage conforme dans un bref délai par les autorités algériennes, alors qu'il était détenu depuis le 27 octobre 2023, identifié dès le 25 novembre 2023 et que l'erreur de photographie n'a donné lieu à l'annulation du vol que le 7 février 2024, jour de la demande de prolongation de la rétention.


Il résulte de l'article L. 741-3 du CESEDA qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l'administration étant tenue d'exercer toutes diligences à cet effet, dès le placement en rétention (1re Civ., 13 mai 2015, pourvoi n° 14-15.846⚖️, Aa. 2015, I, n° 109).De jurisprudence constante, ces diligences doivent être réalisées dès le placement en rétention administrative.


Dès le 15 novembre 2023, l'administration préfectorale justifie de diligences, auxquelles elle n'est pas tenue légalement, en saisissant les autorités consulaires algériennes d'une demande d'identification, puis en procédant à sa présentation le 23 novembre 2023.


L'annulation du vol prévu le 7 février 2024 en raison d'une erreur de photographie sur le laissez-passer délivré le 31 janvier 2024 par le consulat ne relève pas d'un défaut de diligences de l'administration préfectorale qui, si elle n'a constaté cette erreur que le jour du vol, en a immédiatement informé les autorités consulaires ce même jour dès 11 heures 01 et justifie avoir demandé un nouveau routing d'éloignement à compter du 7 février 2024.


Sur l'absence de prise en compte de l'état de vulnérabilité par l'arrêté de placement en rétention


Il résulte des articles L. 741-10, L. 743-3 à L. 743-18 et R. 743-1 et suivants du CESEDA que la contestation de la régularité de l'arrêté portant placement enrétention administrative doit se faire par requête écrite déposée à cette fin par l'étranger ou son représentant dans un délai de 48 heures à compter de sa notification. A défaut d'une telle requête, le juge des libertés et de la détention n'est pas régulièrement saisi (Cass. 1** civ., 1-janvier 2019, n°18-50.047).


En l'espèce, ni l'intéressé, ni son conseil n'ont déposé de requête écrite de sorte que le juge des libertés et de la détention n'est pas valablement saisi d'une contestation de la régularité de I`arrété portant placement en rétention administrative pris par M.le préfet de l'Hérault le 6 février 2024 notifié le 7 février 2024 à l'intéressé à 10heures 10.


En conséquence, il convient d'écarter le moyen portant sur la contestation de l'arrêté de placement en rétention sur l'insuffisance d'examen réel et sérieux de la vulnérabilité.


Sur la demande d'assignation à résidence


L'assignation à résidence ne peut en l'état être ordonnée en l'absence de passeport valide, l'intéressé déclarant que son passeport se trouve en Algérie.Au surplus, il ne déclare aucune adresse à [Localité 3].


En l'absence de toute illégalité susceptible d'affecter les conditions (découlant du droit de l'Union) de légalité de la rétention, et à défaut d'autres moyens présentés en appel, il y a lieu de confirmer l'ordonnance déférée.



PAR CES MOTIFS :


Statuant publiquement,


Confirmons la décision déférée,


Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile🏛,


Fait à Montpellier, au palais de justice, le 13 Février 2024 à 10 h 52.


Le greffier, Le magistrat délégué,

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