TA Rouen, du 19-12-2023, n° 2104148
A44782A4
Référence
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 25 octobre 2021, le 27 juin 2022 et le 24 octobre 2022, M. A B, demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision du 22 septembre 2021 par laquelle le directeur du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) a refusé de faire droit à sa demande de télétravail ;
2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1,08 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Il soutient que :
- il maintient sa requête ;
- la décision attaquée ne constitue pas une mesure d'ordre intérieur dès lors qu'il lui a été interdit d'exercer ses fonctions en télétravail ;
- la plage de " joignabilité " qui lui a été opposée est contraire à la note de gestion du 28 novembre 2016 relative aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail du ministère du logement et du développement durable dès lors que le règlement intérieur du CEREMA ne fixe pas de plage de " joignabilité " ;
- les plages fixes du service doivent être retenues ;
- aucune concertation n'a été faite, en contradiction avec le paragraphe 1.5.1.3 de l'accord cadre relatif à la mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique du 3 avril 2022 ;
- le nombre maximal de soixante-huit jours de télétravail qui lui a été proposé contrevient à la décision 2020-78 DG du CEREMA car ses conditions d'emploi n'ont pas changé et qu'il était autorisé à télétravailler quatre-vingt-quatre jours par an et à l'article 3 du décret 2016-151 du 11 février 2016🏛 qui ne limite pas le nombre de jours de télétravail à deux par semaines comme le fait irrégulièrement le CEREMA, mais à trois jours par semaines, alors que l'esprit de ce décret est de développer le télétravail dans la fonction publique.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 30 mai 2022 et le 14 octobre 2022, le CEREMA, représenté par son directeur, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce qu'une amende pour recours abusif soit prononcée ;
3°) à ce que soit mise à la charge de M. B la somme de 480,56 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est devenue sans objet ;
- la requête, dirigée contre une mesure d'ordre intérieur, est irrecevable ;
- les moyens soulevés par M. B ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012🏛 ;
- le décret n° 2016-151 du 11 février 2016🏛 ;
- l'arrêté du 21 juillet 2016 portant application du décret n° 2016-151 du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature aux ministères chargés de l'environnement et du logement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Deflinne, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Barray, rapporteure publique,
- et les observations de M. B.
1. Le 26 janvier 2021, M. B, agent contractuel assurant alors des fonctions de chargé de mission informatique à la direction territoriale Normandie-Centre du CEREMA a fait une demande d'exercice de ses fonctions en télétravail. Un refus lui a été opposé, qui lui a été confirmé et explicité lors d'un entretien, le 2 mars 2021. La décision, formalisée le 22 septembre 2021, a été adoptée aux motifs que le nombre de soixante-douze jours flottants demandés était supérieur au nombre de jours flottants maximum autorisés par an qui s'élevait à soixante-huit, et que les plages horaires de " joignabilité " ne correspondaient pas aux modalités horaires choisies par l'agent. La décision indiquait par ailleurs que la demande de télétravail était susceptible d'être acceptée sous réserve de modification de ces deux éléments. Le 30 septembre 2021, M. B a fait un recours hiérarchique auprès du directeur général, lequel a, le 4 octobre 2021, rejeté sa demande. M. B, qui, atteint par la limite d'âge, a cessé son activité le 9 décembre 2021, demande l'annulation de la décision du 22 septembre 2021.
2. Aux termes de l'article 133 de la loi du 12 mars 2012🏛 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique alors applicable : " Les fonctionnaires relevant de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983🏛 portant droits et obligations des fonctionnaires peuvent exercer leurs fonctions dans le cadre du télétravail tel qu'il est défini au premier alinéa de l'article L. 1222-9 du code du travail🏛. L'exercice des fonctions en télétravail est accordé à la demande du fonctionnaire et après accord du chef de service. Il peut y être mis fin à tout moment, sous réserve d'un délai de prévenance. Les fonctionnaires télétravailleurs bénéficient des droits prévus par la législation et la réglementation applicables aux agents exerçant leurs fonctions dans les locaux de leur employeur public. Le présent article est applicable aux agents publics non fonctionnaires et aux magistrats. () " Aux termes de l'article 2 du décret du 11 février 2016🏛 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature, dans sa version applicable : " Le télétravail désigne toute forme d'organisation du travail dans laquelle les fonctions qui auraient pu être exercées par un agent dans les locaux de son employeur sont réalisées hors de ces locaux de façon régulière et volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la communication. Le télétravail est organisé au domicile de l'agent ou, éventuellement, dans des locaux professionnels distincts de ceux de son employeur public et de son lieu d'affectation. () " Aux termes de l'article 3 de ce décret : " La quotité des fonctions pouvant être exercées sous la forme du télétravail ne peut être supérieure à trois jours par semaine. Le temps de présence sur le lieu d'affectation ne peut être inférieur à deux jours par semaine. Les seuils définis au premier alinéa peuvent s'apprécier sur une base mensuelle. " Aux termes, enfin, de son article 5 : " L'exercice des fonctions en télétravail est accordé sur demande écrite de l'agent. Celle-ci précise les modalités d'organisation souhaitées, notamment les jours de la semaine travaillés sous cette forme ainsi que le ou les lieux d'exercice. Le chef de service, l'autorité territoriale ou l'autorité investie du pouvoir de nomination apprécie la compatibilité de la demande avec la nature des activités exercées, l'intérêt du service et, lorsque le télétravail est organisé au domicile de l'agent, la conformité des installations aux spécifications techniques précisées par l'employeur. () "
3. Les dispositions précitées instituent, pour les agents publics, la possibilité d'exercer leurs fonctions pour partie en télétravail, sous réserve de la compatibilité de cet exercice avec la nature des activités exercées et l'intérêt du service. Le choix par l'administration de ne pas accorder à un agent le maximum des jours de télétravail offert par les dispositions susvisées sous la forme de jours mensualisés, donc flottants, de télétravail, constitue une mesure d'organisation du service qui ne porte pas nécessairement atteinte aux droits que tient cet agent de son statut ou aux prérogatives attachées à ses fonctions.
4. M. B conteste la décision du 22 septembre 2021 en tant qu'elle ne lui accorde que soixante-huit jours de télétravail par an non fixés à l'avance, et non les soixante-douze jours demandés. Cette décision ne constitue pas un refus de télétravail ni une acceptation telle qu'elle équivaudrait à un refus, alors qu'elle n'implique aucune perte de rémunération ou de compétence. Une telle décision, qui constitue ainsi qu'il a été dit au point précédent, une mesure d'organisation du service est, en l'espèce, au regard de sa faible incidence sur la situation de M. B, constitutive d'une mesure d'ordre intérieur, insusceptible de recours.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre fin de non-recevoir opposée en défense, que M. B n'est pas recevable à demander l'annulation de la décision du 22 septembre 2021 par laquelle le directeur du CEREMA a refusé de faire droit à sa demande de télétravail. Par voie de conséquence, ses conclusions au titre des frais d'instance doivent être rejetées.
6. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. B une amende pour recours abusif ni de faire droit à la demande présentée par le CEREMA au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 1er : La requête de M. B et les conclusions du CEREMA sont rejetées.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A B, et au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Minne, président,
M. Deflinne, premier conseiller,
M. Le Vaillant, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023.
Le rapporteur,
signé
T. DEFLINNE
Le président,
signé
P MINNE
Le greffier,
signé
H. TOSTIVINT
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
N. BOULAY
N°2104148