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Sur le premier moyen, pris en ses premiere et deuxieme branches : vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que la societe civile immobiliere club plein air, denommee ci-apres la s.c.i., a acquis en 1973 des epoux A... des parcelles de garrigues en vue d'amenager un terrain de camping et de construire des maisons individuelles ;
Que l'acquisition de ces terrains a ete realisee par trois actes dresses par M. Y..., notaire : le premier acte, en date du 2 fevrier 1973, portant sur dix hectares environ, moyennant le prix de 378.570 francs ;
Le second acte, en date du 22 mai 1973, portant sur quatorze hectares environ, moyennant le prix de 420.000 francs ;
Le troisieme acte, en date du 22 octobre 1973, portant sur 7.325 metres carres, moyennant le prix de 10.987 francs ;
Que, pour assurer le paiement du prix et pour financer les amenagements et constructions projetes, la s.c.i. S'est adressee a M. Pierotti, courtier en prets hypothecaires, qui a reuni cinquante preteurs, lesquels lui ont donne procuration generale pour le placement de leurs fonds sous les seules conditions d'obtenir un interet determine et d'etre garantis par une hypotheque de premier rang ;
Que, parallelement aux actes de vente precites, le notaire Y... a ainsi dresse trois actes de prets, les preteurs etant representes par M. Pierotti : le premier acte, en date du 2 fevrier 1973, aux termes duquel six personnes consentaient un pret total de 200.000 francs a la s.c.i. Avec garantie hypothecaire de premier rang sur les terrains acquis par celle-ci le meme jour ;
Le second acte, en date du 22 mai 1973, aux termes duquel sept personnes consentaient un pret total de 200.000 francs a la s.c.i. Avec garantie hypothecaire de premier rang sur les terrains acquis par celle-ci le meme jour ;
Le troisieme acte, en date des 21 novembre et 5 decembre 1973, aux termes duquel trente sept personnes pretaient une somme totale de 700.000 francs a la s.c.i. ;
Qu'une clause de cet acte, intitulee "reserve de rang hypothecaire", indiquait que l'ensemble des terrains acquis par la s.c.i. Par les trois actes des 2 fevrier, 22 mai et 22 octobre 1973 constituerait desormais le gage hypothecaire de l'ensemble des cinquante preteurs, la date de prise d'effet de cette garantie globale et commune se trouvant reportee pour tous au jour de l'inscription de cette derniere constitution d'hypotheque ;
Qu'une autre clause du meme acte, intitulee "reserve de concurrence" stipulait que la s.c.i., qui avait ainsi jusqu'alors emprunte une somme totale de 1.100.000 francs, se reservait d'emprunter encore une somme de 900.000 francs avec une garantie hypothecaire qui viendrait en concurrence avec l'hypotheque globale consentie aux cinquante preteurs ;
Attendu que, par la suite, M. Pierotti, en raison de malversations, a fait l'objet d'une information penale, et que la s.c.i., sans realiser son programme d'amenagement et de construction, n'a pas rembourse ses emprunts ;
Que les terrains donnes en gage ont fait l'objet d'une procedure de saisie-immobiliere en vue de leur vente et que la s.c.i., apres avoir obtenu la conversion de la vente sur saisie en vente volontaire, s'est trouvee, faute d'acquereur, dans l'impossibilite de proceder a cette vente ;
Qu'aucun preteur n'a pris l'initiative de requerir la vente de crainte de se voir, a defaut d'encherisseur, declarer adjudicataire pour le montant de la mise a prix et des frais ;
Qu'en 1979, vingt-neuf preteurs, denommes ci-apres mm. B... Et X..., ont assigne le notaire Y... en reparation de leur prejudice en lui reprochant d'avoir manque a son obligation de conseil en n'attirant pas leur attention sur l'insuffisance du gage, et d'avoir omis de recueillir leur accord avant d'inserer dans le troisieme acte de pret des clauses qui avaient pour effet de reduire les garanties qu'ils avaient exigees ;
Attendu que, pour ecarter la responsabilite du notaire, la cour d'appel enonce que, si les biens acquis pour un prix total de 798.750 francs etaient hypotheques pour garantir des prets d'un montant total de 1.100.000 francs, pouvant meme atteindre 2.000.000 francs, cette circonstance ne suffisait pas a caracteriser la faute de M. Z... Que les fonds pretes a la s.c.i. Devaient etre affectes pour partie a une operation qui se presentait sous un jour favorable et qui aurait du apporter une plus-value aux terrains donnes en gage ;
Attendu qu'en se determinant ainsi, alors qu'a supposer que le notaire se fut borne a authentifier les actes de prets hypothecaires, sans avoir ete le negociateur de ces actes, il avait neanmoins l'obligation, s'il etait en mesure de connaitre ou de suspecter l'insuffisance du gage, d'appeler l'attention des preteurs sur cette situation, et alors que cette insuffisance devait etre appreciee en fonction de la valeur des biens au moment des actes de pret, sans que puisse etre prise en consideration une plus-value eventuelle pouvant resulter d'operations a venir, la cour d'appel a viole le texte susvise ;
Sur la quatrieme branche du premier moyen : vu l'article 455 du nouveau code de procedure civile ;
Attendu que les premiers juges avaient retenu qu'independamment du manquement a son devoir de conseil concernant l'insuffisance du gage, le notaire Y... avait egalement commis une faute en ne s'assurant pas de l'accord personnel des preteurs avant d'inserer dans le troisieme acte de pret la clause dite de "reserve de rang hypothecaire" qui, en regroupant les garanties afferentes aux trois actes de pret sur l'ensemble des terrains acquis, avait pour effet de compromettre l'efficacite juridique et de modifier l'etendue des garanties exigees par les preteurs ;
Qu'en ne repondant pas a ce moyen invoque par mm. B... Et autres qui, en concluant a la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, s'en etaient approprie les motifs, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvise ;
Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche : vu encore l'article 455 du nouveau code de procedure civile ;
Attendu que, pour ecarter la responsabilite du notaire, la cour d'appel a enonce que, jusqu'a la realisation du gage, rien ne permet d'en retenir l'insuffisance, de sorte que le prejudice invoque, a caractere eventuel, ne peut donner lieu a une action en l'etat ;
Attendu, cependant, que les premiers juges avaient retenu qu'en dehors de la perte pouvant resulter de l'insuffisance du gage, le prejudice etait d'ores et deja constitue en son principe par l'affaiblissement de l'efficacite juridique des suretes et par les difficultes rencontrees par les preteurs dans la poursuite de la procedure de saisie-immobiliere ;
Qu'en ne repondant pas a ce moyen invoque par mm. B... Et autres qui, en concluant a la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, s'en etaient approprie les motifs, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvise ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisieme branche du premier moyen ni sur la premiere branche du second moyen, casse et annule en son entier, l'arret rendu le 18 janvier 1984 entre les parties, par la cour d'appel de nimes ;
Remet, en consequence, la cause et les parties au meme et semblable etat ou elles etaient avant ledit arret et, pour etre fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de montpellier, a ce designee par deliberation speciale prise en la chambre du conseil ;