Cour de justice des Communautés européennes
15 janvier 1998
Affaire n°C-15/96
Kalliope Schöning-Kougebetopoulou
c/
Freie und Hansestadt Hamburg
61996J0015
Arrêt de la Cour
du 15 janvier 1998.
Kalliope Schöning-Kougebetopoulou contre Freie und Hansestadt Hamburg.
Demande de décision préjudicielle: Arbeitsgericht Hamburg - Allemagne.
Libre circulation des personnes - Convention collective pour les travailleurs du secteur public - Avancement à l'ancienneté - Expérience professionnelle acquise dans un autre Etat membre.
Affaire C-15/96.
Recueil de Jurisprudence 1998 page I-0047
1 Libre circulation des personnes - Travailleurs - Égalité de traitement - Avancement à l'ancienneté - Prise en compte par une convention collective pour travailleurs du service public des seules périodes d'emploi accomplies dans le service public national à l'exclusion de celles accomplies, dans un domaine d'activité comparable, dans le service public d'un autre État membre - Discrimination en raison de la nationalité - Justification - Absence
(Traité CE, art. 48; règlement du Conseil n° 1612/68, art. 7, § 1 et 4)
2 Libre circulation des personnes - Travailleurs - Égalité de traitement - Clause d'une convention collective contraire au principe de non-discrimination - Nullité de plein droit - Obligations du juge national
(Traité CE, art. 48; règlement du Conseil n° 1612/68, art. 7, § 1 et 4)
3 L'article 48 du traité et l'article 7, paragraphes 1 et 4, du règlement n° 1612/68, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté, s'opposent à une clause d'une convention collective applicable au service public d'un État membre qui prévoit, pour les employés de ce service public, un avancement à l'ancienneté après huit années de travail dans une catégorie de rémunérations déterminée par cette convention, sans tenir compte des périodes d'emploi, dans un domaine d'activité comparable, accomplies antérieurement dans le service public d'un autre État membre. En effet, une telle clause est susceptible de violer le principe de non-discrimination consacré par ces dispositions en ce que les conditions d'avancement à l'ancienneté jouent manifestement au détriment des travailleurs migrants ayant accompli une partie de leur carrière dans le service public d'un autre État membre. Elle ne saurait être justifiée, s'agissant d'activités ne relevant pas du champ d'application de l'article 48, paragraphe 4, du traité, ni par des arguments tirés des caractéristiques particulières de l'emploi dans le service public ni, eu égard à la pluralité des employeurs qui sont juridiquement distincts, par le souci de récompenser la fidélité des employés.
4 Une clause d'une convention collective qui comporte une discrimination contraire à l'article 48 du traité et à l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1612/68 est, en vertu de l'article 7, paragraphe 4, du même règlement, nulle de plein droit. Le juge national est alors tenu, sans demander ou attendre l'élimination préalable de cette clause par la négociation collective ou par tout autre procédé, d'appliquer aux membres du groupe défavorisé par cette discrimination le même régime que celui dont bénéficient les autres travailleurs.
Dans l'affaire C-15/96,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par l'Arbeitsgericht Hamburg (Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
Kalliope Schöning-Kougebetopoulou
Freie und Hansestadt Hamburg,
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 48 du traité CE et de l'article 7, paragraphes 1 et 4, du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2),
LA COUR,
composée de MM. C. Gulmann, président des troisième et cinquième chambres, faisant fonction de président, H. Ragnemalm, M. Wathelet et R. Schintgen, présidents de chambre, G. F. Mancini, J. C. Moitinho de Almeida, P. J. G. Kapteyn, J. L. Murray, D. A. O. Edward (rapporteur), J.-P. Puissochet, G. Hirsch, P. Jann et L. Sevón, juges,
avocat général: M. F. G. Jacobs,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,
considérant les observations écrites présentées:
- pour Mme Schöning-Kougebetopoulou, par Me Klaus Bertelsmann, avocat à Hambourg,
- pour le gouvernement allemand, par M. Ernst Röder, Ministerialrat au ministère fédéral de l'Économie, et Mme Sabine Maass, Regierungsrätin zur Anstellung au même ministère, en qualité d'agents,
- pour le gouvernement français, par M. Claude Chavance, attaché principal d'administration centrale à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et Mme Catherine de Salins, sous-directeur à la même direction, en qualité d'agents,
- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. Peter Hillenkamp, conseiller juridique, et Pieter van Nuffel, membre du service juridique, en qualité d'agents,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales de Mme Schöning-Kougebetopoulou, représentée par Me Klaus Bertelsmann, du gouvernement allemand, représenté par M. Ernst Röder, du gouvernement espagnol, représenté par M. Santiago Ortiz Vaamonde, abogado del Estado, en qualité d'agent, du gouvernement français, représenté par M. Claude Chavance, et de la Commission, représentée par M. Bernhard Jansen, conseiller juridique, en qualité d'agent, à l'audience du 13 mai 1997,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 17 juillet 1997,
rend le présent
Arrêt
1 Par ordonnance du 1er décembre 1995, parvenue à la Cour le 19 janvier suivant, l'Arbeitsgericht Hamburg a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, deux questions préjudicielles sur l'interprétation de l'article 48 du même traité et de l'article 7, paragraphes 1 et 4, du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2).
2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant Mme Schöning-Kougebetopoulou, de nationalité grecque, à la Freie und Hansestadt Hamburg (ville libre et hanséatique d'Hambourg) au sujet de son classement dans une catégorie de rémunérations supérieure sur la base du Bundes-Angestelltentarifvertrag (convention collective fédérale concernant les employés du secteur public, ci-après le "BAT").
3 L'annexe 1a du BAT établit la classification de rémunérations. Ainsi, les "Médecins spécialistes exerçant un emploi correspondant après huit années d'emploi de médecin exercé dans la catégorie de rémunérations Ib" doivent être classés dans la catégorie de rémunérations Ia, groupe 4.
4 Depuis le 1er août 1993, Mme Schöning-Kougebetopoulou est employée sous contrat, en qualité de médecin spécialiste, dans le service public de la Freie und Hansestadt Hamburg en Allemagne. Son contrat de travail, établi sur la base du BAT, la classe dans la catégorie de rémunérations Ib, groupe 7, en tant que "Médecin spécialiste exerçant une activité correspondante".
5 Au cours de la période comprise entre le 1er octobre 1986 et le 31 août 1992, Mme Schöning-Kougebetopoulou a travaillé dans le service public grec, en qualité de médecin spécialiste, sous le statut applicable aux fonctionnaires de cet État.
6 Cette période n'ayant pas été prise en compte dans le calcul de son ancienneté, elle a, le 22 juin 1995, introduit devant l'Arbeitsgericht Hamburg une demande en vue d'être classée dans une catégorie de rémunérations supérieure selon le BAT. A l'appui de cette demande, elle fait valoir qu'elle est victime d'une discrimination indirecte contraire à l'article 48 du traité et à l'article 7, paragraphes 1 et 4, du règlement n° 1612/68.
7 L'article 7, paragraphes 1 et 4, du règlement n° 1612/68 prévoit:
"1. Le travailleur ressortissant d'un État membre ne peut, sur le territoire des autres États membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes conditions d'emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement, et de réintégration professionnelle ou de réemploi s'il est tombé en chômage.
...
4. Toute clause de convention collective ou individuelle ou d'autre réglementation collective portant sur l'accès à l'emploi, l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail et de licenciement, est nulle de plein droit dans la mesure où elle prévoit ou autorise des conditions discriminatoires à l'égard des travailleurs ressortissant des autres États membres."
8 L'Arbeitsgericht Hamburg a alors décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
"1) Y a-t-il une violation de l'article 48 du traité CE et de l'article 7, paragraphe 1 et paragraphe 4 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté lorsqu'une convention collective applicable au service public ne prévoit un avancement à l'ancienneté après huit années de travail que dans une catégorie de rémunérations déterminée de la convention collective BAT en vigueur pour tous les employés du service public en République fédérale d'Allemagne, sans par conséquent tenir compte d'un travail comparable (vergleichbare Tätigkeit) effectué dans le service public d'un autre État membre?
2) Au cas où la question 1 appelle une réponse affirmative:
Les dispositions combinées de l'article 48 et du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté imposent-elles, quand des médecins ont exercé des activités médicales dans le service public d'un autre État membre, que cette période soit également prise en compte pour l'avancement à l'ancienneté du BAT ou
eu égard à une autonomie normative des parties signataires d'une convention collective, la juridiction ne peut-elle prendre une décision de ce type mais doit-elle plutôt la laisser aux parties signataires d'une convention collective?"
Sur la première question
9 Selon une jurisprudence constante de la Cour, celle-ci, dans le cadre de l'application de l'article 177 du traité, n'est pas compétente pour statuer sur la compatibilité d'une disposition nationale avec le droit communautaire. La Cour peut cependant dégager du libellé des questions formulées par le juge national, eu égard aux données exposées par celui-ci, les éléments relevant de l'interprétation du droit communautaire, en vue de permettre à ce juge de résoudre le problème juridique dont il se trouve saisi (voir, notamment, arrêt du 3 mars 1994, Eurico Italia e.a., C-332/92, C-333/92 et C-335/92, Rec. p. I-711, point 19).
10 A cet égard, il convient de constater, en premier lieu, que, en l'espèce au principal, l'intéressée demande uniquement la prise en compte des périodes pendant lesquelles elle a exercé des activités de médecin spécialiste dans le service public d'un autre État membre.
11 En deuxième lieu, il ressort du libellé même de la première question que les activités de médecin spécialiste exercées en l'espèce par l'intéressée tant dans le service public de l'État membre de départ que dans celui de l'État membre d'accueil doivent être considérées comme comparables. A cet égard, il y a lieu de rappeler qu'il s'agit d'une profession réglementée au niveau communautaire.
12 En troisième lieu, l'article 48 du traité énonce le principe fondamental de la libre circulation des travailleurs. L'article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1612/68 qui ne fait qu'expliciter et mettre en oeuvre certains droits découlant déjà de l'article 48 du traité (arrêt du 23 février 1994, Scholz, C-419/92, Rec. p. I-505, point 6) assure l'égalité de traitement des travailleurs ressortissants des autres États membres au regard de toute clause d'une convention collective ou individuelle ou d'une autre réglementation collective portant notamment sur la rémunération.
13 En quatrième lieu, la clause d'exception figurant à l'article 48, paragraphe 4, du traité, selon laquelle les dispositions relatives à la libre circulation des travailleurs ne sont pas applicables "aux emplois dans l'administration publique", ne concerne que l'accès de ressortissants d'autres États membres à certaines fonctions dans l'administration publique (arrêt du 13 novembre 1997, Grahame et Hollanders, C-248/96, non encore publié au Recueil, point 32). Elle ne concerne pas les activités de médecin spécialiste, lesquelles ne comportent aucune participation, directe ou indirecte, à l'exercice de la puissance publique et aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l'État ou des collectivités publiques (voir, à cet égard, arrêt du 17 décembre 1980, Commission/Belgique, 149/79, Rec. p. 3881, point 10).
14 Dans ces conditions, la première question posée par l'Arbeitsgericht Hamburg doit être comprise comme visant à savoir si l'article 48 du traité et l'article 7, paragraphes 1 et 4, du règlement n° 1612/68 s'opposent à une clause d'une convention collective applicable au service public d'un État membre, telle que celle en cause, qui prévoit, pour les employés de ce service public, un avancement à l'ancienneté après huit années de travail dans une catégorie de rémunérations déterminée par cette convention, sans tenir compte des périodes d'emploi, dans un domaine d'activité comparable, accomplies antérieurement dans le service public d'un autre État membre.
15 Le gouvernement allemand soutient que la clause litigieuse du BAT n'a ni pour objectif ni pour effet de défavoriser exclusivement ou majoritairement les ressortissants des autres États membres par rapport aux ressortissants allemands. En effet, la clause litigieuse ne tiendrait compte ni des périodes d'emploi qui ont été effectuées à l'étranger, ni des périodes effectuées en Allemagne en dehors du champ d'application du BAT, ni des périodes effectuées dans une catégorie de rémunérations autre que la catégorie Ib.
16 Selon le gouvernement espagnol, la clause litigieuse ne saurait être qualifiée de discriminatoire. En effet, les années d'ancienneté acquises dans les administrations publiques allemande et grecque se fonderaient sur des normes différentes et ne seraient pas comparables. Or, on ne saurait considérer comme contraires au principe de non-discrimination des clauses qui traitent de manière différente de telles situations.
17 En tout état de cause, les gouvernements allemand, espagnol et français estiment que la clause litigieuse repose sur des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination. Ils développent, à cet égard, deux argumentations.
18 D'une part, les gouvernements espagnol et français soutiennent que les conditions de l'avancement à l'ancienneté prévues par le BAT peuvent être justifiées par les caractéristiques propres à l'emploi dans le service public. En effet, en l'absence d'harmonisation ou même de coordination des règles nationales d'organisation et de fonctionnement applicables à la fonction publique, la reconnaissance du service accompli au sein d'une administration publique d'un État membre bouleverserait l'application des divers régimes applicables aux emplois publics dans les autres États membres, notamment en ce qui concerne les modalités de la prise en compte de l'ancienneté en matière de promotion interne et du déroulement de carrière.
19 D'autre part, bien que les questions préjudicielles soient fondées sur la prémisse selon laquelle le BAT est un accord du secteur public qui sert à fidéliser le personnel qualifié à l'ensemble de ce secteur, le gouvernement allemand soutient que l'avancement à l'ancienneté prévu par cette convention a, à l'instar des accords collectifs du secteur privé, pour finalité de récompenser la fidélité d'un employé à l'égard de l'ensemble d'un groupe déterminé d'employeurs et de le motiver par la perspective d'améliorer sa situation financière. Or, le droit communautaire ne s'opposerait pas à ce que la fidélité d'un travailleur à un employeur privé soit ainsi récompensée.
20 Les gouvernements espagnol et français évoquent également les difficultés de comparer les règles applicables en matière d'avancement à l'ancienneté dans le secteur public et dans le secteur privé.
21 Il y a lieu d'examiner successivement si une clause d'une convention collective applicable au service public d'un État membre, telle que celle en cause, est susceptible de violer le principe de non-discrimination consacré par l'article 48 du traité et l'article 7, paragraphes 1 et 4, du règlement n° 1612/68 et, le cas échéant, si ces réglementations sont justifiées par des considérations objectives, indépendantes de la nationalité des travailleurs concernés, et si elles sont proportionnées à l'objectif légitimement poursuivi par le droit national (voir, notamment, arrêt du 23 mai 1996, O'Flynn, C-237/94, Rec. p. I-2617).
Sur le principe de non-discrimination
22 Il est constant que le BAT exclut toute possibilité de prendre en compte des périodes d'emploi effectuées dans le service public d'un autre État membre.
23 Ainsi qu'il ressort des points 12 à 14 des conclusions de M. l'avocat général, les conditions de l'avancement à l'ancienneté prévues par le BAT jouent ainsi manifestement au détriment des travailleurs migrants ayant accompli une partie de leur carrière dans le service public d'un autre État membre. Elles sont donc, de ce fait, susceptibles de violer le principe de non-discrimination consacré par l'article 48 du traité et l'article 7, paragraphes 1 et 4, du règlement n° 1612/68.
24 Cette constatation n'est remise en question dans les circonstances de l'espèce ni par le fait que certains employés du service public allemand pourraient connaître la même situation que les travailleurs migrants ni par le fait que la fonction publique soit soumise à des règles d'organisation et de fonctionnement différentes dans les États membres.
Sur la justification
25 S'agissant de l'argument tiré des caractéristiques particulières de l'emploi dans le service public, il suffit sur ce point de se reporter au point 13 du présent arrêt dont il ressort que le litige au principal ne concerne que les activités de médecin spécialiste, lesquelles ne relèvent pas du champ d'application de l'article 48, paragraphe 4, du traité.
26 Quant à la justification tirée de ce que le BAT viserait à récompenser la fidélité d'un employé à l'égard de son employeur et à le motiver par la perspective d'améliorer sa situation financière, le gouvernement allemand a expliqué, lors de l'audience, que le BAT concerne non seulement la plupart des institutions publiques allemandes, mais aussi des entreprises remplissant des missions d'intérêt public.
27 Il y a lieu cependant de relever que, si tel est le cas, la prise en compte des périodes d'emploi exercées auprès de l'une de ces institutions ou de ces entreprises lors de la détermination de l'ancienneté en vue de décider de l'avancement ne saurait être justifiée par le souci de récompenser la fidélité des employés, eu égard à la pluralité d'employeurs. Au contraire, ce système permet aux employés qui relèvent du BAT une mobilité considérable au sein d'un ensemble d'employeurs juridiquement distincts.
28 Il convient dès lors de répondre à la première question posée que l'article 48 du traité et l'article 7, paragraphes 1 et 4, du règlement n° 1612/68 s'opposent à une clause d'une convention collective applicable au service public d'un État membre qui prévoit, pour les employés de ce service public, un avancement à l'ancienneté après huit années de travail dans une catégorie de rémunérations déterminée par cette convention, sans tenir compte des périodes d'emploi, dans un domaine d'activité comparable, accomplies antérieurement dans le service public d'un autre État membre.
Sur la seconde question
29 La seconde question porte sur les conséquences qui découleraient de la constatation, par la juridiction de renvoi, de l'incompatibilité d'une clause d'une convention collective, telle que celle en cause dans le litige au principal, avec l'article 48 du traité et l'article 7, paragraphes 1 et 4, du règlement n° 1612/68, compte tenu notamment de l'autonomie des parties à une telle convention.
30 En vertu de l'article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1612/68, une clause d'une convention collective applicable au service public d'un État membre, qui prévoit un avancement à l'ancienneté après huit années de travail dans une catégorie de rémunérations déterminée par cette convention, sans tenir compte des périodes d'emploi, dans un domaine d'activité comparable, accomplies antérieurement dans le service public d'un autre État membre, est nulle de plein droit dans la mesure où elle prévoit ou autorise des conditions discriminatoires à l'égard des travailleurs ressortissants des autres États membres.
31 Dans ces conditions, compte tenu de la réponse apportée à la première question, il convient de déterminer les conséquences qui découlent de l'article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1612/68 aussi longtemps que les parties à la convention collective n'ont pas adopté les modifications nécessaires pour éliminer cette discrimination.
32 A cet égard, il y a lieu, comme le soutiennent Mme Schöning-Kougebetopoulou et la Commission, de transposer dans le présent contexte la jurisprudence de la Cour relative au principe de l'égalité des rémunérations des travailleurs masculins et féminins.
33 Selon cette jurisprudence, en présence d'une disposition comportant une discrimination à l'égard des femmes, les membres du groupe défavorisé doivent être traités de la même façon et se voir appliquer le même régime que les autres travailleurs, régime qui, à défaut de l'exécution correcte de l'article 119 du traité en droit national, reste le seul système de référence valable (voir, à cet égard, arrêts du 1er juillet 1993, Van Cant, C-154/92, Rec. p. I-3811, point 20; du 7 février 1991, Nimz, C-184/89, Rec. p. I-297, point 18; du 27 juin 1990, Kowalska, C-33/89, Rec. p. I-2591, point 20, et du 24 mars 1987, McDermott et Cotter, 286/85, Rec. p. 1453, point 19).
34 Il y a lieu de rappeler que, ainsi qu'il ressort du point 11 du présent arrêt, les activités de médecin spécialiste exercées en l'espèce par l'intéressée tant dans le service public de l'État membre de départ que dans celui de l'État membre d'accueil doivent être considérées comme comparables.
35 Dans ces conditions, il suffit de répondre à la seconde question qu'une clause d'une convention collective qui comporte une discrimination contraire à l'article 48 du traité et à l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1612/68 est, en vertu de l'article 7, paragraphe 4, du même règlement, nulle de plein droit. Le juge national est alors tenu, sans demander ou attendre l'élimination préalable de cette clause par la négociation collective ou par tout autre procédé, d'appliquer aux membres du groupe défavorisé par cette discrimination le même régime que celui dont bénéficient les autres travailleurs.
Sur les dépens
36 Les frais exposés par les gouvernements allemand, espagnol et français, ainsi que par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR,
statuant sur les questions à elle soumises par l'Arbeitsgericht Hamburg, par ordonnance du 1er décembre 1995, dit pour droit:
37 L'article 48 du traité CE et l'article 7, paragraphes 1 et 4, du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté, s'opposent à une clause d'une convention collective applicable au service public d'un État membre qui prévoit, pour les employés de ce service public, un avancement à l'ancienneté après huit années de travail dans une catégorie de rémunérations déterminée par cette convention, sans tenir compte des périodes d'emploi, dans un domaine d'activité comparable, accomplies antérieurement dans le service public d'un autre État membre.
38 Une clause d'une convention collective qui comporte une discrimination contraire à l'article 48 du traité et à l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1612/68 est, en vertu de l'article 7, paragraphe 4, du même règlement, nulle de plein droit. Le juge national est alors tenu, sans demander ou attendre l'élimination préalable de cette clause par la négociation collective ou par tout autre procédé, d'appliquer aux membres du groupe défavorisé par cette discrimination le même régime que celui dont bénéficient les autres travailleurs.