Cour de justice des Communautés européennes
11 juin 1996
Affaire n°C-2/94
Holding Maarssen BV
c/
Kamer van Koophandel en Fabrieken voor Midden-Gelderland, Kamer van Koophandel en Fabrieken voor 's-Gravenhage, Kamer van Koophandel en Fabrieken voor Amsterdam et Kamer van Koophandel en Fabrieken voor Utrecht en Omstreken
61994J0002
Arrêt de la Cour
du 11 juin 1996.
Denkavit International BV, Galveston BV, Heklicht Scheepvaartbelangen BV, C. Roeleveld Beheer BV et autres, R. J. Schippefelt, Sigarenhandel Ben Sterk vof et J. H. van Werkhoven Holding Maarssen BV contre Kamer van Koophandel en Fabrieken voor Midden-Gelderland, Kamer van Koophandel en Fabrieken voor 's-Gravenhage, Kamer van Koophandel en Fabrieken voor Amsterdam et Kamer van Koophandel en Fabrieken voor Utrecht en Omstreken.
Demande de décision préjudicielle: College van Beroep voor het Bedrijfsleven - Pays-Bas.
Directive 69/335/CEE - Cotisation au registre du commerce.
Affaire C-2/94.
Recueil de Jurisprudence 1996 page I-2827
Dispositions fiscales ° Harmonisation des législations ° Impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux ° Perception d'une imposition en raison de l'immatriculation d'une entreprise valant également, le cas échéant et sans majoration, immatriculation de la société de capitaux propriétaire ° Admissibilité
(Directive du Conseil 69/335, art. 10, c))
L'article 10, sous c), de la directive 69/335, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, qui interdit au titre de la prohibition des impôts indirects présentant les mêmes caractéristiques que le droit d'apport la perception d'impositions pour l'immatriculation ou pour toute autre formalité préalable à l'exercice d'une activité, à laquelle une société peut être soumise en raison de sa forme juridique, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'applique pas à une imposition qui est due annuellement en raison de l'immatriculation d'une entreprise auprès d'une chambre de commerce et d'industrie, même si cette opération vaut également immatriculation de la société de capitaux qui en est, le cas échéant, propriétaire, sans pour autant que cette dernière formalité s'accompagne d'une majoration de l'imposition en cause.
En effet, le fait générateur d'une telle imposition consiste non pas en l'immatriculation de la société propriétaire d'une entreprise, mais en l'immatriculation de l'entreprise elle-même, l'imposition étant indépendante de la forme juridique que revêt l'entité propriétaire de l'entreprise pour laquelle elle est due. L'imposition en cause ne saurait donc être liée à des formalités auxquelles les sociétés de capitaux peuvent être soumises en raison de leur forme juridique.
Dans l'affaire C-2/94,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par le College van Beroep voor het Bedrijfsleven (Pays-Bas) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
Denkavit Internationaal BV,
Galveston BV,
Heklicht Scheepvaartbelangen BV,
C. Roeleveld Beheer BV e.a.,
R. J. Schippefelt,
Sigarenhandel Ben Sterk vof,
J. H. van Werkhoven Holding Maarssen BV,
Kamer van Koophandel en Fabrieken voor Midden-Gelderland,
Kamer van Koophandel en Fabrieken voor 's-Gravenhage,
Kamer van Koophandel en Fabrieken voor Amsterdam,
Kamer van Koophandel en Fabrieken voor Utrecht en Omstreken,
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (JO L 249, p. 25),
LA COUR,
composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, C. N. Kakouris, D. A. O. Edward, J.-P. Puissochet (rapporteur) et G. Hirsch, présidents de chambre, G. F. Mancini, F. A. Schockweiler, J. C. Moitinho de Almeida, C. Gulmann, J. L. Murray, P. Jann, H. Ragnemalm et L. Sevón, juges,
avocat général: M. F. G. Jacobs,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,
considérant les observations écrites présentées:
° pour Denkavit Internationaal BV, par M. H. R. Buys, directeur,
° pour Heklicht Scheepvaartbelangen BV, par Me A. J. H. W. M. Versteeg, avocat au barreau d'Amsterdam,
° pour R. J. Schippefelt, par M. W. F. Mars, conseil, en qualité d'agent,
° pour les défenderesses au principal, par Mes C. J. J. C. van Nispen, avocat au barreau de La Haye, et E. H. Pijnacker Hordijk, avocat au barreau d'Amsterdam,
° pour le gouvernement néerlandais, par M. A. Bos, conseiller juridique au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent,
° pour le gouvernement danois, par M. P. Biering, chef de direction au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent,
° pour le gouvernement hellénique, par M. P. Kamarineas, conseiller juridique adjoint auprès du Conseil juridique de l'État, Mme A. Rokofyllou, conseiller spécial du ministre adjoint des Affaires étrangères, et Mme M. Basdeki, mandataire judiciaire auprès du Conseil juridique de l'État, en qualité d'agents,
° pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme S. Lucinda Hudson, du Treasury Solicitor' s Department, en qualité d'agent, assistée de MM. S. Richards et R. Thompson, barristers,
° pour la Commission des Communautés européennes, par M. B. J. Drijber, membre du service juridique, en qualité d'agent,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales de Denkavit Internationaal BV, représentée par Me I. L. Buys, avocat au barreau d'Utrecht, de Heklicht Scheepvaartbelangen BV, représentée par Me A. J. H. W. M. Versteeg, des défenderesses au principal, représentées par Mes C. J. J. C. van Nispen et E. H. Pijnacker Hordijk, du gouvernement danois, représenté par M. P. Biering, du gouvernement hellénique, représenté par M. P. Karamineas, Mmes A. Rokofyllou et M. Basdeki, du gouvernement néerlandais, représenté par M. M. Fierstra, conseiller juridique adjoint au ministère des Affaires étrangères, du gouvernement du Royaume-Uni, représenté par Mme L. Nicoll, du Treasury Solicitor' s Department, en qualité d'agent, assistée de MM. D. Wyatt, QC, et R. Thompson, et de la Commission, représentée par M. B. J. Drijber, à l'audience du 30 janvier 1996,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 7 mars 1996,
rend le présent
Arrêt
1 Par ordonnance du 23 novembre 1993, parvenue à la Cour le 5 janvier 1994, le College van Beroep voor het Bedrijfsleven a posé, en application de l'article 177 du traité CE, trois questions relatives à l'interprétation de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (JO L 249, p. 25, ci-après la "directive 69/335").
2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre de litiges opposant les sociétés Denkavit Internationaal (ci-après "Denkavit"), Galveston, Heklicht Scheepvaartbelangen, C. Roeleveld Beheer e.a., R. J. Schippefelt, Sigarenhandel Ben Sterk vof et J. H. van Werkhoven Holding Maarssen aux défenderesses au principal, qui sont les chambres de commerce et d'industrie de Midden-Gelderland, de La Haye, d'Amsterdam et d'Utrecht et de ses environs, à propos du paiement de la cotisation au registre du commerce.
3 Il ressort du dossier de l'affaire au principal que, aux Pays-Bas, les chambres de commerce et d'industrie sont, conformément à l'article 1er de la loi modifiée du 26 juillet 1918 sur le registre du commerce (ci-après la "loi"), chargées de tenir et de gérer le registre du commerce de leur circonscription territoriale respective.
4 L'article 1er, paragraphe 1, de la loi prévoit que sont immatriculées au registre du commerce toutes les entreprises qui:
a) sont établies aux Pays-Bas ou
b) ont une succursale aux Pays-Bas... ou
c) sont représentées aux Pays-Bas par un agent commercial mandaté à cet effet.
Les entreprises sont immatriculées au registre du commerce tenu par la chambre de commerce et d'industrie dans la circonscription de laquelle elles sont établies ou ont une succursale.
5 En outre, conformément à l'article 1er, paragraphe 7, de la loi, toutes les sociétés anonymes, les sociétés privées à responsabilité limitée, les coopératives, les sociétés de caution mutuelle et les groupements européens de coopération économique visés par le règlement (CEE) n° 2137/85 du Conseil, du 25 juillet 1985, relatif à l'institution d'un groupement européen d'intérêt économique (GEIE) (JO L 199, p. 1), qui ont leur siège social aux Pays-Bas doivent être immatriculés.
6 Aux termes de l'article 9, sous c), de la loi, "Lorsqu'une personne morale mentionnée à l'article 1er, paragraphe 7, est propriétaire d'une entreprise qui est immatriculée auprès de la chambre de commerce et d'industrie dans la circonscription de laquelle cette personne morale possède son siège social, l'immatriculation de l'entreprise auprès de ladite chambre vaut également immatriculation de ladite personne morale."
7 Il n'existe pas de registre distinct pour les sociétés. De ce fait, le registre du commerce néerlandais a une double finalité: d'une part, en tant que registre des sociétés, il est censé satisfaire aux exigences de publicité et d'enregistrement des actes juridiques des sociétés requises par la première directive 68/151/CEE du Conseil, du 9 mars 1968, tendant à coordonner, pour les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans les États membres, des sociétés au sens de l'article 58, deuxième alinéa, du traité, pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers (JO L 65, p. 8, ci-après la "directive 68/151"); d'autre part, en tant que registre des entreprises, il constitue un répertoire et une source d'informations économiques sur les entreprises établies dans la circonscription territoriale de chaque chambre de commerce et d'industrie.
8 L'article 22 de la loi prévoit que les chambres de commerce et d'industrie perçoivent annuellement des entreprises une cotisation pour leur immatriculation dont le taux est fixé par la chambre compétente. Les entreprises sont réparties en catégories selon le montant du capital engagé dans l'entreprise, diminué de celui des pertes. La chambre de commerce et d'industrie ne peut prévoir un montant plus élevé que celui déterminé pour la catégorie d'entreprises concernée par un règlement de l'administration publique. La chambre de commerce et d'industrie peut toutefois classer une entreprise dans une catégorie à laquelle s'applique un montant plus élevé que celui qui s'applique à la catégorie dont ladite entreprise a déclaré relever, si elle estime que l'entreprise entre dans la première catégorie ou que son importance le justifie.
9 Conformément à l'article 22, paragraphe 6, de la loi, un montant déterminé en vertu d'un règlement de l'administration publique ° qui a été fixé à 61 HFL ° est dû pour l'immatriculation d'une personne morale mentionnée à l'article 1er, paragraphe 7, pour chaque année civile pendant laquelle la personne morale est immatriculée ou doit être immatriculée à la chambre concernée. Cette disposition ne s'applique pas si, conformément à l'article 9, sous c), l'immatriculation de l'entreprise appartenant à la personne morale vaut immatriculation de la personne morale.
10 L'article 26 de la loi prévoit que la cotisation est due par la personne à laquelle l'entreprise appartient ou, s'il s'agit de l'immatriculation d'une personne morale mentionnée à l'article 1er, paragraphe 7, de la loi, par cette dernière. Si plusieurs personnes détiennent l'entreprise, elles sont solidairement redevables de cette cotisation.
11 Les requérantes au principal, dont aucune n'est assujettie au montant forfaitaire de 61 HFL, ont formé des recours devant la juridiction de renvoi à la suite du rejet par les chambres de commerce et d'industrie des réclamations qu'elles avaient introduites à l'encontre des décisions les imposant au titre de la cotisation sur le registre du commerce.
12 La juridiction de renvoi s'interroge tout d'abord sur la compatibilité de la cotisation au registre du commerce avec les dispositions de la directive 69/335, compte tenu notamment de l'arrêt du 20 avril 1993, Ponente Carni et Cispadana Costruzioni (C-71/91 et C-178/91, Rec. p. I-1915, ci-après l'"arrêt Ponente Carni").
13 Elle se demande ensuite si, à supposer que la directive 69/335 soit interprétée par la Cour comme s'opposant à la perception d'une cotisation du type de la cotisation litigieuse, une chambre de commerce et d'industrie est fondée, eu égard à la jurisprudence de la Cour et en particulier à l'arrêt du 25 juillet 1991, Emmott (C-208/90, Rec. p. I-4269), à opposer à une société qui réclamerait le remboursement de droits qu'elle estimerait illégalement perçus un délai de 30 jours tel que celui fixé par la loi sur les recours administratifs en matière d'organisation de l'économie pour l'introduction de réclamations et de recours. Il ressort en effet de l'ordonnance de renvoi que ce délai était expiré lorsque, en particulier, Denkavit a introduit sa réclamation.
14 En application de l'article 177 du traité CE, le College van Beroep voor het Bedrijfsleven a donc sursis à statuer et a posé à la Cour les questions suivantes:
"1) a) L'article 10 de la directive 69/335/CEE doit-il être interprété en ce sens que, outre une imposition pour l'immatriculation des sociétés, associations et personnes morales visées par cet article, une cotisation telle que celle qui est due annuellement en raison de l'immatriculation ° obligatoire ° d'une entreprise auprès d'une chambre de commerce et d'industrie et dont le critère consiste dans la valeur économique des différentes entreprises, telle que celle-ci se traduit ° en premier lieu ° par l'avoir social utilisé dans l'entreprise, relève également, purement et simplement, de l'interdiction inscrite dans cet article, même lorsqu'il n'existe pas de lien entre l'obligation d'immatriculation de l'entreprise et la forme juridique de la personne à laquelle l'entreprise appartient?
b) Pour le cas où la première question appelle une réponse négative:
Si l'immatriculation au sens visé dans la question 1) a) réalise également, en ce qui concerne le propriétaire de l'entreprise, l'accomplissement de la formalité décrite à l'article 10, sous c), de la directive 69/335/CEE, le droit imposé au propriétaire en raison de l'immatriculation de l'entreprise doit-il être considéré comme une imposition au sens de l'article susmentionné, même si cela ne s'accompagne pas d'une majoration du droit visé dans la question 1) a)?
2) Pour le cas où les questions énoncées ci-dessus (ou l'une des questions énoncées ci-dessus) appellent une réponse positive:
La notion de 'droits ayant un caractère rémunératoire' énoncée à l'article 12, sous e), de la directive 69/335/CEE, comprend-elle un droit tel que celui imposé par une chambre de commerce et d'industrie qui, outre la couverture des coûts inhérents, pour ladite chambre, à l'inscription des immatriculations dans le registre du commerce qu'elle tient, vise également le financement de missions et d'activités accomplies par la chambre au profit de l'ensemble des entreprises établies dans sa circonscription, dans le cadre duquel les coûts desdites missions et activités sont mis à la charge des entreprises selon le critère de la valeur économique des différentes entreprises telle que celle-ci se traduit ° en premier lieu ° par l'avoir social utilisé dans l'entreprise?
3) S'il convient de partir du principe qu'un droit, tel que celui qui est visé dans les questions énoncées ci-dessus, est illégal, n'est-il pas permis d'opposer au justiciable qui, dans le cadre d'un litige dont est saisie une juridiction nationale, invoque cette illégalité en se référant à la directive 69/335/CEE, le dépassement du délai prévu par le droit national en ce qui concerne les voies de droit, aussi longtemps que les dispositions légales fondant la perception de cette imposition, incompatibles avec la directive précitée, n'ont pas été abrogées?"
15 Il convient tout d'abord de rappeler les finalités et le contenu de la directive 69/335 tels qu'ils ont été précisés dans l'arrêt Ponente Carni.
16 Comme il ressort de son préambule, la directive 69/335 tend à promouvoir la liberté de circulation des capitaux, considérée comme essentielle à la création d'une union économique ayant des caractéristiques analogues à celles d'un marché intérieur. La poursuite d'une telle finalité suppose, en ce qui concerne la taxation frappant les rassemblements de capitaux, la suppression des impôts indirects jusqu'alors en vigueur dans les États membres et l'application, à leur place, d'un impôt perçu une seule fois dans le marché commun et d'un niveau égal dans tous les États membres.
17 Dès lors, la directive 69/335 prévoit la perception d'un droit d'apport sur les capitaux rassemblés qui, selon ses sixième et septième considérants, doit, pour ne pas perturber la circulation des capitaux, être harmonisé à l'intérieur de la Communauté en ce qui concerne non seulement ses taux, mais aussi sa structure (arrêt du 27 juin 1979, Conradsen, 161/78, Rec. p. 2221, point 11). Ce droit d'apport est régi par les dispositions des articles 2 à 9 de la directive.
18 L'article 3 détermine les sociétés de capitaux auxquelles sont applicables les dispositions de la directive 69/335, au nombre desquelles figurent, notamment, la "naamloze vennootschap" (société anonyme), la "commanditaire vennootschap op aandelen" (société en commandite par actions) et la "personenvennootschap met beperkte aansprakelijkheid" (société à responsabilité limitée).
19 L'article 4, l'article 8, dans sa rédaction résultant de la directive 85/303/CEE du Conseil du 10 juin 1985, modifiant la directive 69/335/CEE (JO L 156, p. 23), et l'article 9 énumèrent, sous réserve des dispositions de l'article 7, les opérations soumises au droit d'apport et certaines opérations qui peuvent être exonérées par les États membres. Selon les dispositions de l'article 4, paragraphe 1, sous a), la constitution d'une société de capitaux figure au nombre des opérations soumises au droit d'apport.
20 La directive 69/335 prévoit également, conformément à son dernier considérant, la suppression d'autres impôts indirects présentant les mêmes caractéristiques que le droit d'apport ou le droit de timbre sur les titres dont le maintien risquerait de remettre en cause les buts poursuivis. Ces impôts indirects, dont la perception est interdite, sont énumérés aux articles 10 et 11 de la directive. L'article 10 dispose:
"En dehors du droit d'apport, les États membres ne perçoivent, en ce qui concerne les sociétés, associations ou personnes morales poursuivant des buts lucratifs, aucune imposition, sous quelque forme que ce soit:
a) pour les opérations visées à l'article 4;
b)...
c) pour l'immatriculation ou pour toute autre formalité préalable à l'exercice d'une activité, à laquelle une société, association ou personne morale poursuivant des buts lucratifs peut être soumise en raison de sa forme juridique."
21 Les dispositions de l'article 12, paragraphe 1, de la directive 69/335 établissent une liste exhaustive des taxes et droits autres que le droit d'apport qui, par dérogation aux articles 10 et 11, peuvent frapper les sociétés de capitaux à l'occasion des opérations visées par ces dernières dispositions (voir, en ce sens, arrêt du 2 février 1988, Dansk Sparinvest, 36/86, Rec. p. 409, point 9). L'article 12 de la directive vise, notamment, en son paragraphe 1, sous e), les "droits ayant un caractère rémunératoire". L'article 12, paragraphe 2, interdit certaines formes de discrimination concernant les taxes et droits mentionnés au paragraphe 1 de ce même article.
Sur la première question
22 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si une imposition telle que la cotisation néerlandaise au registre du commerce, en tant qu'elle est due annuellement en raison de l'immatriculation d'une entreprise auprès d'une chambre de commerce et d'industrie et que cette opération vaut également immatriculation de la société de capitaux qui en est, le cas échéant, propriétaire, sans pour autant que cette dernière formalité s'accompagne d'une majoration de la cotisation en cause, relève du champ d'application des dispositions de l'article 10, sous c), de la directive 69/335.
23 Il convient de rappeler au préalable que l'article 10 de la directive 69/335, lu à la lumière de son dernier considérant, prohibe notamment les impôts indirects qui présentent les mêmes caractéristiques que le droit d'apport. Sont ainsi visées, parmi d'autres, les impositions qui, quelle que soit leur forme, sont dues pour la constitution d'une société de capitaux et l'augmentation de son capital [article 10, sous a)], ou pour l'immatriculation ou toute autre formalité préalable à l'exercice d'une activité, à laquelle une société peut être soumise en raison de sa forme juridique [article 10, sous c)]. Comme l'a relevé M. l'avocat général au point 44 de ses conclusions, cette dernière interdiction se justifie par le fait que, si les impositions en cause ne frappent pas les apports de capitaux en tant que tels, elles sont néanmoins perçues en raison des formalités liées à la forme juridique de la société, c'est-à-dire de l'instrument utilisé pour rassembler des capitaux, de sorte que leur maintien risquerait de mettre également en cause les buts poursuivis par la directive.
24 En l'espèce, comme le relève la juridiction de renvoi, le fait générateur de la taxe litigieuse consiste, selon la loi néerlandaise, non pas en l'immatriculation de la société ou de la personne morale propriétaire d'une entreprise, mais en l'immatriculation de l'entreprise elle-même. Il s'agit d'une charge qui frappe, sur la base de leurs fonds propres, l'ensemble des entités qui, en dehors de certains secteurs, participent aux échanges économiques et poursuivent un but lucratif.
25 Cette imposition est indépendante de la forme juridique que revêt l'entité propriétaire de l'entreprise pour laquelle l'imposition est due. Il peut s'agir tout aussi bien d'une personne physique que d'une personne morale, d'une société de personnes que d'une société de capitaux. Inversement, une société qui ne détient aucune entreprise n'en est pas redevable et une société, qui ne possède pas d'entreprise dans le ressort de la chambre de commerce et d'industrie dans lequel elle a son siège social, n'est pas soumise à son paiement auprès de cette chambre.
26 La taxe litigieuse ne saurait donc être liée à des formalités auxquelles les sociétés de capitaux peuvent être soumises en raison de leur forme juridique. C'est ainsi qu'une entreprise dont le propriétaire adopte en cours d'année la forme d'une société de capitaux n'est pas tenue d'acquitter à nouveau la taxe en question. En outre, si l'année suivante cette nouvelle personne morale s'abstient de verser sa cotisation, elle n'en perdra pas pour autant le bénéfice de son inscription en tant que société.
27 La cotisation néerlandaise litigieuse se distingue, dans ces conditions, de la taxe de concession italienne en cause dans l'arrêt Ponente Carni. Cette dernière était en effet spécifiquement perçue lors de l'inscription des sociétés au registre des sociétés commerciales, puis, chaque année, en contrepartie du seul maintien de leur immatriculation.
28 L'interprétation qui précède n'est pas remise en cause par le fait que, selon la législation néerlandaise, l'immatriculation d'une entreprise auprès d'une chambre de commerce et d'industrie vaut également immatriculation de la personne morale qui en est propriétaire, chaque fois que le siège social de cette dernière se situe dans le ressort de la même chambre. Cette disposition, qui n'a d'ailleurs été introduite dans la législation néerlandaise qu'en vue d'assurer la transposition de la directive 68/151, ne saurait en effet modifier à elle seule le fait générateur de la taxe litigieuse et transformer celle-ci en une imposition due en raison de l'immatriculation de la personne morale propriétaire dès lors que, au surplus, elle ne s'accompagne d'aucune majoration de la cotisation en cause.
29 Cette conclusion n'est pas davantage affectée par la circonstance, mise en avant par les requérantes au principal et qui n'a pas été contestée par le gouvernement des Pays-Bas, selon laquelle toute société de capitaux est présumée détenir une entreprise au sens de la législation néerlandaise pertinente. D'une part, cette présomption ne s'étend pas aux sociétés dites "vides", c'est-à-dire qui sont dépourvues d'actifs et n'exercent donc plus aucune activité. D'autre part, les requérantes au principal ne contestent pas que toute création de société vise en principe à l'exploitation d'une entreprise, mais déduisent de la correspondance entre, d'une part, la création d'une société et, d'autre part, l'exploitation d'une entreprise que la cotisation litigieuse doit être considérée comme due en raison même de l'inscription de la société. Or, la circonstance selon laquelle toute société de capitaux détient en principe une entreprise ne saurait modifier le fait générateur de la taxe qui, dans cette hypothèse également, réside dans l'immatriculation de l'entreprise elle-même.
30 Denkavit soutient cependant, à titre subsidiaire, que ses activités, en tant que société holding, se limitent à la gestion et au financement de ses filiales. Elle serait donc assujettie en tant que telle à la taxe litigieuse dans la mesure où il serait établi que les sociétés holding n'exercent pas d'activités d'entreprise au sens matériel du terme. Denkavit s'est en particulier référée, lors de l'audience, aux arrêts de la Cour du 20 juin 1991, Polysar Investments Netherlands (C-60/90, Rec. p. I-3111), et du 22 juin 1993, Sofitam (C-333/91, Rec. p. I-3513).
31 Il convient tout d'abord de rappeler que, dans ces deux arrêts, la Cour a exclu que la simple prise de participations financières dans d'autres entreprises constitue une activité économique au sens de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ° Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après, la "sixième directive"). Elle a cependant ajouté qu'il en va différemment lorsque la participation s'accompagne d'une immixtion directe ou indirecte dans la gestion des sociétés dans laquelle s'est opérée la prise de participation, sans préjudice des droits que détient l'auteur des participations en sa qualité d'actionnaire ou d'associé. En tout état de cause, l'interprétation retenue par la Cour ne concerne que la sixième directive. Elle ne saurait en particulier s'imposer aux États membres dans un domaine où le droit communautaire ne comporte aucune disposition spécifique visant à exclure ou à limiter la compétence de ces derniers. Ainsi que l'ont souligné lors de l'audience les défenderesses au principal et la Commission, la définition de la notion d'entreprise au sens de la législation litigieuse relève de la responsabilité du législateur néerlandais.
32 Il convient dès lors de répondre à la première question que l'article 10, sous c), de la directive 69/335 doit être interprété en ce sens qu'il n'interdit pas une imposition qui est due annuellement en raison de l'immatriculation d'une entreprise auprès d'une chambre de commerce et d'industrie, même si cette opération vaut également immatriculation de la société de capitaux qui en est, le cas échéant, propriétaire, sans pour autant que cette dernière formalité s'accompagne d'une majoration de l'imposition en cause.
Sur les deuxième et troisième questions
33 Compte tenu de la réponse apportée à la première question, il n'y a pas lieu de répondre aux deuxième et troisième questions.
Sur les dépens
34 Les frais exposés par les gouvernements néerlandais, danois, hellénique et du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR,
statuant sur les questions à elle soumises par le College van Beroep voor het Bedrijfsleven, par ordonnance du 23 novembre 1993, dit pour droit:
L'article 10, sous c), de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, doit être interprété en ce sens qu'il n'interdit pas une imposition qui est due annuellement en raison de l'immatriculation d'une entreprise auprès d'une chambre de commerce et d'industrie, même si cette opération vaut également immatriculation de la société de capitaux qui en est, le cas échéant, propriétaire, sans pour autant
que cette dernière formalité s'accompagne d'une majoration de l'imposition en cause.