TA Toulouse, du 03-10-2023, n° 2105726
A88421L3
Référence
Par une requête et un mémoire enregistrés les 1er octobre 2021 et 23 avril 2023, Mme A C demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision du 14 septembre 2021 par laquelle la présidente de l'université Toulouse II- Jean Jaurès a refusé de l'autoriser à télétravailler trois jours par semaine ;
2°) d'enjoindre d'une part, à la présidente de l'université de Toulouse II- Jean Jaurès d'abroger la charte du télétravail et de mettre en place une charte du télétravail conforme aux dispositions légales en vigueur et, d'autre part, de réexaminer sa demande de télétravail ;
3°) de mettre à la charge de l'Université de Toulouse II- Jean Jaurès la somme de 1 euro au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Mme C soutient que :
- la décision attaquée est entachée d'une insuffisante motivation dès lors qu'elle se fonde uniquement sur la charte de télétravail de l'université de Toulouse II relative à la durée du télétravail hebdomadaire ;
- la décision attaquée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle n'a pas été précédée de l'entretien prévu par l'article 5 du décret du 11 février 2016🏛 ;
- la décision attaquée est illégale dès lors qu'elle est fondée sur une charte qui a été adoptée à l'issue d'une procédure irrégulière faute d'avoir été adoptée par le conseil d'administration ; cette charte est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle méconnait les dispositions législatives et réglementaires encadrant le télétravail dans la fonction publique en restreignant le nombre de jours " télé-travaillables " ; elle est également entachée d'un détournement de pouvoir dès lors que l'université n'a pas mis en œuvre l'accord du 13 juillet 2021 relatif à la mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique ; cette charte a été remplacée par la charte intitulée " phase transitoire à l'accord-cadre télétravail de l'enseignement supérieur et de la recherche " qui prévoit deux jours fixes de télétravail ;
- la décision attaquée méconnait les dispositions de l'article L. 1222-9 du code du travail🏛 ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle ne tient pas compte de sa situation ;
- la décision attaquée méconnait le principe d'égalité dès lors que des agents publics affectés dans d'autres universités sont autorisés à télétravailler trois jours par semaine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2022, la présidente de l'université de Toulouse II- Jean Jaurès conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme C ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 4 avril 2023 la clôture d'instruction a été fixée au 27 avril 2023 à 12h00.
Mme C a produit un mémoire le 19 septembre 2023, qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983🏛 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984🏛 ;
- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012🏛 ;
- le décret n°2016-151 du 11 février 2016🏛 ;
- le décret n°2019-634 du 25 juin 2019 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Biscarel,
- les conclusions de Mme Nègre-Le Guillou, rapporteure publique,
- et les observations de Mme C.
1. Mme C, ingénieure d'études, exerce à temps complet les fonctions de documentaliste au sein de la maison de l'image et du numérique de l'université de Toulouse II-Jean Jaurès. Le 13 septembre 2021, elle a présenté une demande d'autorisation de télé-travailler à hauteur de trois jours par semaine. Par une décision du 14 septembre 2021, sa demande a été refusée. Par sa requête, Mme C demande au tribunal d'annuler cette décision.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes des dispositions du premier alinéa de l'article L. 1222-9 du code du travail : " () Le télétravail désigne toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la communication. " Aux termes des dispositions de l'article 133 de la loi du 12 mars 2012🏛 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique : " Les fonctionnaires relevant de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires peuvent exercer leurs fonctions dans le cadre du télétravail tel qu'il est défini au premier alinéa de l'article L. 1222-9 du code du travail. L'exercice des fonctions en télétravail est accordé à la demande du fonctionnaire et après accord du chef de service. () / Un décret en Conseil d'État fixe, après concertation avec les organisations syndicales représentatives de la fonction publique, les conditions d'application du présent article, notamment en ce qui concerne les modalités d'organisation du télétravail et les conditions dans lesquelles la commission administrative paritaire compétente peut être saisie par le fonctionnaire intéressé en cas de refus opposé à sa demande de télétravail. " Aux termes de l'article 5 du décret du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail, pris pour l'application du dernier alinéa de l'article 133 de la loi du 12 mars 2012 : " L'exercice des fonctions en télétravail est accordé sur demande écrite de l'agent. Celle-ci précise les modalités d'organisation souhaitées. Lorsque le télétravail est organisé au domicile de l'agent ou dans un autre lieu privé, une attestation de conformité des installations aux spécifications techniques, établie conformément aux dispositions prises en application du 9° du I de l'article 7, est jointe à la demande. ()/ Le refus opposé à une demande d'autorisation de télétravail ainsi que l'interruption du télétravail à l'initiative de l'administration doivent être motivés et précédés d'un entretien. ".
3. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement de la procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
4. Il ressort des pièces du dossier, ainsi que le soutient la requérante, sans être contesté en défense, que sa demande de télétravail n'a pas été précédée d'un entretien. Dès lors, la décision de refus est intervenue en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 5 du décret du 11 février 2016. Cette omission l'ayant privée d'une garantie, Mme C est fondée à soutenir que la décision du 14 septembre 2021 est entachée d'un vice de procédure entachant cette décision d'une illégalité.
5. Il résulte de ce qui précède que Mme C est fondée, pour ce motif, à demander l'annulation de la décision attaquée du 14 septembre 2021.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative🏛 : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution./ La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".
7. Eu égard au motif d'annulation retenu, et dès lors que les autres moyens de la requête ne sont pas de nature à entraîner une telle annulation, l'exécution du présent jugement ne saurait en tout état de cause impliquer que la présidente de l'université de Toulouse II- Jean Jaurès abroge la charte relative au télétravail, mais seulement que celle-ci procède au réexamen de la situation de Mme C. Par suite, il est enjoint à la présidente de l'université de Toulouse II- Jean Jaurès de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Sur les frais liés au litige :
8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par Mme C.
Article 1er : La décision du 14 septembre 2021 de la présidente de l'université de Toulouse Jean Jaurès est annulée.
Article 2 : Il enjoint à la présidente de l'université de Toulouse II- Jean Jaurès de procéder au réexamen de la situation de Mme C, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme A C et à l'université de Toulouse Jean Jaurès.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Molina-Andréo, présidente,
Mme Soddu, première conseillère,
Mme Biscarel, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2023.
La rapporteure,
B. BISCAREL
La présidente,
B. MOLINA-ANDRÉO La greffière,
M. B
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme :
La greffière en chef,