ENTRE :
Direction Générale des Finances Publiques
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentants :Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (avocat postulant) et la SCP TEILLOT & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (avocat plaidant)
APPELANTE
ET :
ADIAMIX
S.A.S immatriculée au RCS de Alençon sous le N°440 841 781 00022
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentants : la SELARL BONNET - EYMARD-NAVARRO - TEYSSIER, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE (avocat postulant) et la SELARL QUADRATUR, avocat au bareau de LYON (avocat plaidant)
S.E.L.A.R.L. MANDATUM
immatriculée au RCS de CLERMONT-FERRAND sous le numéro 804 860 344
représentée par Me [N] [U], ès-qualités de mandataire judiciaire de la SAS ADIAMIX
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentants : la SELARL BONNET - EYMARD-NAVARRO - TEYSSIER, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE (avocat postulant) et la SELARL QUADRATUR, avocat au bareau de LYON (avocat plaidant)
S.E.L.A.R.L. AJ UP
immatriculée au RCS de CLERMONT-FERRAND sous le numéro 820 120 657
représentée par Me [O] [P], ès-qualités d'administrateur judiciaire de la SAS ADIAMIX
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représentants : la SELARL BONNET - EYMARD-NAVARRO - TEYSSIER, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE (avocat postulant) et la SELARL QUADRATUR, avocat au bareau de LYON (avocat plaidant)
INTIMÉS
DEBATS : A l'audience publique du 24 Mai 2023 Madame A a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'
article 785 du CPC🏛. La Cour a mis l'affaire en délibéré au 13 Septembre 2023.
ARRET :
Prononcé publiquement le 13 Septembre 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'
article 450 du code de procédure civile🏛 ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Stéphanie LASNIER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Au cours de l'année 2002 et sur une période de deux ans, la société par actions simplifiée(SAS) Adiamix a bénéficié du régime d'exonération temporaire de l'impôt sur les sociétés institué par la loi de finances pour 1989 et codifié à l'
article 44 septies du code général des impôts🏛.
Par décision du 16 décembre 2003, la Commission européenne a jugé cette exonération incompatible avec le droit communautaire et exigé de la France son remboursement immédiat, obtenant par arrêt de la CJCE du 13 novembre 2008 la condamnation de cette dernière pour manquement à cette injonction.
Le 27 novembre 2009, un titre de perception a été émis à l'encontre de la société Adiamix pour un montant de 1 425 905 euros ramené le 4 août 2010 à la somme de 832 210 euros. La société Adiamix a été mise en demeure de régler cette somme par courriers des 23 mars 2018 et 25 mars 2019.
Suivant jugement du 24 avril 2008, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de sauvegarde judiciaire à l'égard de la SAS Adiamix. Un plan de sauvegarde a été arrêté par jugement du 9 septembre 2009.
L'Etat a poursuivi le recouvrement de sa créance et adressé, par courrier du trésorier-payeur général de l'Orne du 11 décembre 2009, un titre de perception exigeant le remboursement de la somme de 1 425 905 euros correspondant aux aides perçues en application de l'ancien article 44 du code général des impôts et la somme de 338 131 euros au titre des intérêts de retard.
La SAS Adiamix a formé un recours hiérarchique auprès de Monsieur le ministre du budget. Elle a également saisi les juridictions administratives pour contester le bien-fondé du titre de perception. Par arrêt du 28 mai 2015, la cour administrative de Nantes a toutefois rejeté sa requête.
Dans le cadre de la procédure de sauvegarde ouverte au bénéfice de la société Adiamix, la Direction départementale des Finances Publiques (ci-après DDFIP) a, par requête auprès du greffe du tribunal de commerce de Lyon le 13 janvier 2010, sollicité un relevé de forclusion afin de pouvoir déclarer sa créance. Par ordonnance du 2 mars 2010, cette demande a été rejetée, le juge-commissaire considérant qu'elle était postérieure à l'expiration du délai préfix permettant de solliciter un relevé de forclusion.
La DDFIP a formé un recours à l'encontre de cette ordonnance dont elle a été déboutée par jugement du 23 juillet 2010.
La DDFIP a interjeté appel dudit jugement le 11 janvier 2012 et par ordonnance du 30 octobre 2012, le conseiller de la mise en état de la 3ème chambre de la cour d'appel de Lyon a déclaré l'appel irrecevable car tardif.
Cette ordonnance a été confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Lyon le 18 avril 2013.
La Cour de cassation, par un arrêt du 14 octobre 2014, a déclaré non admis le pourvoi formé par le directeur des finances publiques de l'Orne agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques (DGFIP) relevant que le moyen de cassation invoqué n'était pas de nature à permettre l'admission du pourvoi.
Suivant jugement du 24 novembre 2016, le tribunal de commerce de Lyon a constaté l'exécution du plan de sauvegarde et la sortie de la procédure de sauvegarde.
Le 15 mai 2020, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS Adiamix.
La DGFIP a alors déclaré sa créance au passif de la procédure de redressement judiciaire de la SAS Adiamix et demandé à être admise pour la somme de 832.210 euros à titre chirographaire échu au titre d'un reversement d'aides d'Etat indues.
Cette créance a été contestée par la SAS Adiamix, le mandataire judiciaire ayant alors proposé son rejet intégral.
Par ordonnance du 23 novembre 2021, le juge-commissaire de Clermont-Ferrand a :
-rejeté la créance déclarée par la DGFIP au passif de la procédure de redressement judiciaire de la SAS Adiamix pour la somme de 832 210 euros à titre chirographaire échu,
-dit n'y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛.
Le juge commissaire a considéré que dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la SAS Adiamix, la déclaration de créance de la DGFIP, était irrecevable car elle contredisait l'autorité de la chose jugée attachée aux décisions antérieures ayant déclaré la créance inopposable à la procédure.
Par déclaration du 2 décembre 2021, enregistré le 16 décembre 2021, la DGFIP a interjeté appel de cette ordonnance.
Par conclusions déposées et notifiées le 20 juillet 2022, elle demande à la cour :
-d'infirmer l'ordonnance du juge-commissaire du 23 novembre 2021,
Statuant à nouveau,
-de déclarer qu'elle peut effectuer une déclaration de créance au passif de la procédure de redressement judiciaire de la SAS Adiamix pour la somme de 832 210 euros à titre échu,
-d'admettre cette créance pour le montant déclaré,
-de condamner la SAS Adiamix à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La DGFIP rappelle que, suivant la décision n°2004/343/CE de la Commission européenne du 16 décembre 2003, la France doit mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires à la bonne exécution de la décision, l'impossibilité absolue d'exécution étant la seule exception. Cette décision impose aux États-membres de récupérer les aides illégales versées y compris auprès d'entreprises faisant l'objet d'une procédure collective. Le droit de l'Union primant le droit national, les dispositions nationales empêchant l'exécution immédiate et effective de cette décision doivent rester inappliquées.
Ses services étaient donc tenus d'exécuter la décision de récupération des aides accordées de manière illégale en déclarant la créance dans le cadre de la procédure de redressement ouverte, la décision rendue par la Cour de cassation le 14 octobre 2014 étant sans incidence sur l'obligation pesant sur les autorités françaises de recouvrir l'aide indûment perçue par la SAS Adiamix .
Elle ajoute que le juge européen estime que le droit européen s'oppose à ce que l'application du principe d'autorité de la chose jugée fasse obstacle à la récupération d'une aide d'État octroyée en violation du droit de l'Union et dont l'incompatibilité a été constatée par une décision de la Commission devenue définitive; que la décision de rejet d'une créance rendue au cours d'une première procédure collective n'a pas autorité de la chose jugée dans la seconde procédure collective. Elle s'estime donc légitime à déclarer de nouveau sa créance et à espérer son admission dans le cadre de la seconde procédure.
Par conclusions déposées et notifiées le 23 mai 2022, la SAS Adiamix, la SELARL AJ UP et la SELARL Mandatum demandent à la cour :
-de confirmer l'ordonnance rendue le 23 novembre 2021,
-d'infirmer l'ordonnance rendue le 23 novembre 2021 en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau :
-de condamner la DGFIP à payer à la SAS Adiamix la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel, distraits au profit de Me Teyssier, sur son affirmation de droit, conformément aux dispositions de l'
article 699 du code de procédure civile🏛.
Au soutien de leurs demandes, elles allèguent :
-Que la DGFIP est tenue de respecter les règles de procédure et les dispositions d'ordre public du code de commerce et du code de procédure civile en toutes circonstances ;
-Que la CJUE impose aux États-membres de procéder au recouvrement des aides illégalement versées, en fonction des règles procédurales applicables dans chaque État membre ;
-Que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon est définitif et bénéficie de l'autorité de la chose jugée et de la force de chose jugée, l'autorité de la chose jugée caractérisant une fin de non-recevoir ;
-Que lorsque le débiteur respecte les engagements stipulés dans le cadre d'un plan de sauvegarde ou de redressement, la créance qui n'a pas été déclarée dans les délais légaux demeure inopposable au débiteur, et ce, même après l'exécution du plan ; que la société Adiamix a respecté les termes du plan de sauvegarde fixé par le tribunal de commerce de Lyon de telle sorte que la créance invoquée par la DGFIP est inopposable à la procédure de redressement judiciaire de la SAS Adiamix ouverte en 2020.
Il sera renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé complet de leurs demandes et moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 mars 2023.
Motivation:
La DGFIP est titulaire d'une créance dont l'existence n'est pas contestable au regard de la décision rendue le 28 mai 2015 par la cour administrative de Nantes.
Suivant décision de la Commission des communautés européennes du 16 décembre 2003 relative au régime d'aide mis à exécution par la France concernant la reprise d'entreprises en difficulté jugé incompatible avec le marché commun, l'État français a l'obligation de récupérer auprès des bénéficiaires les aides octroyées illégalement.
L'article 5 de cette décision dispose: «La récupération a lieu sans délai, conformément aux procédures du droit national, pour autant qu'elles permettent l'exécution immédiate et effective de la présente décision. "
Dans son arrêt du 13 novembre 2008 et plus spécifiquement dans le considérant N°56, la Cour de justice de l'Union européenne(CJUE) rappelle en cas de procédure collective que « si le délai de production des créances est expiré, les autorités nationales doivent, lorsqu'elle existe et se trouve encore ouverte, mettre en œuvre toute procédure de relevé de forclusion qui permettrait, dans les cas particuliers, la production hors délai d'une créance ».
En conséquence, en cas de procédure collective, la récupération des aides accordées illégalement s'opère conformément à la législation existante.
En l'espèce, nonobstant la décision de la Commission des communautés européennes du 16 décembre 2003, ce n'est que postérieurement à l'arrêt rendu le 13 novembre 2008 par la CJUE et après que la société Adiamix a été placée sous le régime de la sauvegarde que la direction départementale des finances publiques du département de l'Orne a émis un titre de perception.
La société Adiamix a été placée sous le régime de la sauvegarde suivant jugement du 24 avril 2008 publié au BODACC le 25 mai 2008.
L'État, qui disposait depuis la notification de la décision de la Commission des délais suffisants pour l'exécuter conformément aux règles de droit national, a dû, à l'instar de tous les créanciers, déclarer sa créance dans les conditions légales.
La direction départementale des finances publiques du département de l'Orne étant hors délais, s'est conformée aux dispositions du code de commerce en sollicitant un relevé de forclusion afin que sa créance soit admise à la procédure de sauvegarde de la société Adiamix.
Suivant jugement du tribunal de commerce de Lyon du 23 juillet 2010, confirmant l'ordonnance rendue par le juge commissaire le 2 mars 2010, cette demande a été déclarée irrecevable.
L'appel formé à l'encontre de cette décision étant lui-même été déclaré irrecevable, cette décision est définitive.
Suivant l'
article L622-26 alinéa 1 et 2 du code de commerce🏛 « À défaut de déclaration dans des délais prévus à l'article L.622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge commissaire ne les relève de leur forclusion(..). Les créances et les sûretés non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus. (..) »
En l'absence de relevé de forclusion, les dispositions de l'article L622-26 alinéa 2 du code de commerce, s'opposent à ce que la créance non déclarée puissent donner lieu à poursuite dès lors que le plan a été correctement exécuté ainsi qu'en atteste la SELARL AJ Partenaires (pièce 17).
La créance de la DGFIP étant inopposable à la société Adiamix, la DGFIP n'est pas recevable à solliciter dans le cadre d'une seconde procédure collective l'admission de sa créance.
Le jugement sera confirmé par motifs partiellement substitués, en ce qu'il a rejeté la créance de 832 210 euros déclarée par la Direction générale des finances publiques.
La DGFIP succombant en sa demande sera condamnée aux dépens.
Me Teyssier, avocat, pourra directement recouvrer les dépens dont elle aurait fait l'avance sans percevoir de provision en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SAS Adiamix ses frais de défense. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La DGFIP sera condamnée à verser à la SAS Adiamix la somme de 4500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de défense engagés en première instance et en cause d'appel.
Par ces motifs: