CONSEIL D'ÉTAT
Statuant au contentieux
Cette décision sera mentionnée dans les tables du Recueil LEBON
N ° 232208, 232209, 232210
M. BELROSE et autres
Ordonnance du 9 avril 2001
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE JUGE DES RÉFÉRÉS
Vu 1°), sous le n° 232208, la requête enregistrée le 5 avril 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État présentée pour M. Eugène Pierre BELROSE demeurant 9, boulevard du Beauséjour Sainte-Thérèse à Fort-de-France (97200) ; M. BELROSE demande au président de la section du contentieux du Conseil d'État, sur le fondement des articles L. 521-2 et L. 523-1 (alinéa 2) du code de justice administrative :
- d'annuler l'ordonnance n° 01-84 du 17 février 2001 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Martinique de restituer les trois autobus lui appartenant et qu'il utilisait pour le transport public de personnes sur le réseau de Fort-de-France ;
- de prononcer en tant que juge d'appel l'injonction demandée en premier ressort ;
- de condamner l'État à lui verser la somme de 10 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. Belrose soutient que l'ordonnance attaquée est entachée d'une insuffisance de motivation faute pour le juge du premier degré d'avoir recherché et précisé si la notification de la décision ordonnant l'immobilisation des autobus lui appartenant était intervenue avant l'exécution de cette décision ; qu'une notification postérieure à son exécution contrevient aux dispositions de l'article 8 de la loi du 17 juillet 1978 ; qu'ainsi le préfet de la Martinique a illégalement porté atteinte au droit de propriété et au droit du travail de l'exposant ; qu'il y a urgence puisque l'immobilisation des trois autobus l'empêche d'exercer sa profession ;
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu, enregistré comme ci-dessus le 9 avril 2001 le mémoire complémentaire présenté pour M. Eugène-Pierre Belrose qui tend aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et qui fait valoir en outre que la décision d'immobilisation est dépourvue de fondement légal faute d'entrer dans le champ des prévisions de l'article 37 de la loi du 30 décembre 1982 ou de l'article 40 du décret d'application modifié du 16 août 1985 ;
Vu 2°), sous le n° 232209, la requête enregistrée le 5 avril 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat présentée pour M. Jean-Charles JOSEPH-ANGELIQUE, demeurant Duchesne au Robert (97231) ; M. Joseph Angélique demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, sur le fondement des articles L. 521-2 et L. 523-1 (alinéa 2) du code de justice administrative
- d'annuler l'ordonnance n° 01-83 du 17 février 2001 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Martinique de restituer l'autobus lui appartenant et qu'il utilisait pour le transport public de personnes sur le réseau de Fort-de-France ;
- de prononcer en tant que juge d'appel l'injonction demandée en premier ressort ;
- de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. Joseph-Angélique développe une argumentation identique à celle présentée par la requête n° 232208 ;
Vu, enregistré comme ci-dessus le 9 avril 2001, le mémoire complémentaire présenté pour M. Joseph-Angélique qui tend aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et qui fait valoir en outre que la décision d'immobilisation est dépourvue de fondement légal faute d'entrer dans le champ des prévisions de l'article 37 de la loi du 30 décembre 1982 ou de l'article 40 du décret d'application modifié du 16 août 1985 ;
Vu 3°), sous le n° 232210, la requête enregistrée le 5 avril 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat présentée pour M. Joseph Valentin BELROSE, demeurant Acajou Nord B, G 25, Appartement 211 au Lamentin (97232) ; M. Belrose demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, sur le fondement des articles L. 521-2 et L. 523-1 (alinéa 2) du code de justice administrative
- d'annuler l'ordonnance n° 01-85 du 17 février 2001 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Martinique de restituer l'autobus lui appartenant et qu'il utilisait pour le transport public de personnes sur le réseau de Fort-de-France ;
- de prononcer en tant que juge d'appel l'injonction demandée en premier ressort ;
- de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. Belrose développe une argumentation identique à celle présentée par la requête n° 232208 ;
Vu, enregistré comme ci-dessus le 9 avril 2001, le mémoire complémentaire présenté pour M. Joseph-Valentin Belrose qui tend aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et qui fait valoir en outre que la décision d'immobilisation est dépourvue de fondement légal faute d'entrer dans le champ des prévisions de l'article 37 de la loi du 30 décembre 1982 ou de l'article 40 du décret d'application modifié du 16 août 1985 ;
Vu, enregistré comme ci-dessus le 9 avril 2001, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'équipement, des transports et du logement en réponse à la communication des trois requêtes ; il conclut à leur rejet en s'appropriant les termes du mémoire en défense du préfet de la Martinique en date du 17 février 2001 produit en première instance ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son Préambule ;
Vu l'article 25 de la loi n° 52-401 du 14 avril 1952 modifié par l'article 1er de la loi n° 76-633 du 13 juillet 1976, l'article 19 de la loi n° 91-1385 du 31 décembre 1991 et l'article 21 de la loi n° 95-96 du 1er février 1995 ;
Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, modifiée notamment par la loi n° 90-396 du 11 mai 1990, l'article 3 de la loi n° 98-69 du 6 février 1998, l'article 11 de la loi n° 99-505 du 18 juin 1999 et l'article 104 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, notamment ses articles 7, 8, 17, 36 et 37 ;
Vu l'article 8 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif , social et fiscal ;
Vu le décret n° 63-528 du 25 mai 1963 modifié, relatif à certaines infractions à la coordination des transports ferroviaires et routiers ;
Vu le décret n° 85-891 du 16 août 1985 relatif aux transports urbains de personnes et aux transports routiers non urbains de personnes modifiés notamment par le décret n° 92-608 du 3 juillet 1992 et par le décret n° 2000-1127 du 24 novembre 2000, notamment ses articles 6 et 44-1 ;
Vu le code de justice administrative, notamment ses articles L. 511-2 (alinéa 2), L. 521-2, L. 522-1, L. 523-1 (alinéa 2), L. 761-1, R. 421-7 et R. 522-1 et suivants ;
Après avoir convoqué à une audience publique, M. Eugène-Pierre Belrose, M. Jean-Charles Joseph-Angélique, M. Joseph-Valentin Belrose et le ministre de l'équipement, des transports et du logement (Direction des transports terrestres) ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 9 avril 2001 à 15 heures ;
Considérant que les requêtes susvisées présentent à juger des questions semblables, qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (...) aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale » ; que le respect de ces conditions revêt un caractère cumulatif ;
Considérant que l'article 37 modifié de la loi du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs prévoit dans son paragraphe I que les autorisations de licence de transport intérieur peuvent faire l'objet d'un retrait en cas d'infraction aux dispositions relatives aux transports constituant au moins une contravention de cinquième classe ou d'infractions répétées constituant au moins des contraventions de la troisième classe ; que, selon le premier alinéa du paragraphe Il du même article, l'autorité administrative, saisie d'un procès-verbal constatant une infraction de nature délictuelle aux dispositions relatives aux transports commise après au moins une première infraction de même nature peut, indépendamment des sanctions pénales, « prononcer l'immobilisation d'un ou plusieurs véhicules ou ensembles routiers à la disposition d'une entreprise de transport routier pour une durée de trois mois au plus aux frais et risques de celle-ci » ; que le second alinéa du paragraphe II précise que l'immobilisation, qui a le caractère d'une sanction administrative, est exécutée « dans un lieu désigné par le préfet » ; que le paragraphe III de l'article 37 de la loi a laissé à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer ses modalités d'application ;
Considérant que, sur ce fondement, le décret n° 2000-1127 du 24 novembre 2000 a ajouté au décret n° 85-891 du 16 août 1985 un article 44-1 qui précise, par un renvoi aux dispositions combinées de l'article 6 de ce dernier décret et de celles de l'article 25 de la loi n° 52-401 du 14 avril 1952, les infractions dont la constatation permet la mise en oeuvre de la procédure d'immobilisation ; qu'au nombre de celles-ci, figure le fait de refuser d'exécuter une sanction administrative prononcée en application de l'article 37 de la loi du 30 décembre 1982, ce qui vise le retrait, à titre temporaire ou définitif de la licence ; que l'article 44-1 rappelle en outre, conformément aux termes de l'article 17 de la loi du 30 décembre 1982, qu'une mesure d'immobilisation ne peut être prononcée qu'après avis de la Commission des sanctions administratives créée au sein du Comité régional des transports ; que cette instance, ainsi que le précise l'article 17 de la loi, émet son avis à la suite d'une procédure contradictoire ;
Considérant qu'au vu de procès-verbaux établissant que les requérants avaient enfreint la réglementation des transports publics routiers de personnes en transportant des passagers sur le réseau urbain de la ville de Fort-de-France sans titre les y autorisant, le préfet de la Martinique a, dans un premier temps, procédé au retrait temporaire de la licence de transport intérieur dont chacun d'eux était titulaire ; que faute pour les intéressés de se conformer à cette décision, le préfet, après avoir recueilli l'avis du Comité des sanctions administratives du Comité régional des transports, a décidé le 14 février 2001 de prononcer la mesure d'immobilisation des véhicules exploités irrégulièrement ;
Considérant que les immobilisations ainsi décidées, dès lors qu'elles font obstacle à la libre disposition par un propriétaire de ses biens affectent l'exercice d'une « liberté fondamentale » au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;
Considérant que contrairement à ce que les requérants allèguent dans le dernier état de leurs écritures, les mesures d'immobilisation prises par le préfet trouvent leur fondement dans les dispositions législatives et réglementaires dont ; l'économie â été rappelée ci-dessus ;
Considérant que l'autre moyen invoqué par les requérants à l'encontre des arrêtés préfectoraux du 14 février 2001, consiste à soutenir qu'ils auraient été mis à exécution avant que leur destinataire en ait reçu une notification susceptible de fonder leur opposabilité dans les conditions définies par l'article 8 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier et ainsi que l'a relevé le juge des référés du tribunal administratif de Fort-de-France dont les ordonnances sont suffisamment motivées, que les arrêtés préfectoraux prononçant l'immobilisation des véhicules de transport, ont été notifiés respectivement, le 15 février 2001 à M. Eugène-Pierre Belrose, lequel a refusé cette notification comme il l'avait déjà fait lors de la notification de la décision de retrait de sa licence, à la date du 15 février également, à M. Jean-Charles Joseph-Angélique, et le 16 février à M. Joseph-Valentin Belrose ; que la circonstance que les notifications ainsi opérées aient été immédiatement suivies de la mise à exécution des mesures d'immobilisation ne saurait être regardée comme étant constitutive d'une « atteinte grave » et « manifestement illégale » à une liberté fondamentale ;
Considérant qu'il suit de là que les requêtes susvisées ne peuvent qu'être rejetées sans même qu'il soit besoin de rechercher si elles ne sont pas tardives au motif que le délai de distance mentionné à l'article R. 421-7 du code de justice administrative ne serait pas susceptible de s'ajouter au délai de quinze jours prescrit par le second alinéa de l'article L. 523-1 de ce code pour relever appel des décisions rendues en application de l'article L. 521-2 ;
Sur les conclusions des requêtes tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser aux requérants la somme de 10 000 F que chacun d'eux réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
ORDONNE :
Article 1er : Les requêtes susvisées de MM. Eugène-Pierre Belrose, Jean-Charles Joseph-Angélique et Joseph-Valentin Belrose sont rejetées.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à MM. Eugène-Pierre BELROSE, Jean-Charles JOSEPH-ANGELIQUE et Joseph-Valentin BELROSE, au préfet de la Martinique et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Fait à Paris, le 9 avril 2001
signé : B. Genevois
La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports et du logement, en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis, en-ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
le Secrétaire,
Françoise Longuet
(Signature)