CONSEIL D'ÉTAT
Statuant au contentieux
Cette décision sera mentionnée dans les tables du Recueil LEBON
N° 218264
M. FAHET
M. Fanachi, Rapporteur
M.Lamy, Commissaire du Gouvernement
Séance du 14 mars 2001
Lecture du 6 avril 2001
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'État statuant au contentieux
(Section du contentieux, 6e et 4e sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 6e sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 mars et 6 juillet 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour M. Jacques FAHET demeurant, 9 avenue du Général de Gaulle à Cayenne (97307) ; M. FAHET demande au Conseil d'État
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'avertissement du 15 novembre 1999 que lui a donné le premier président de la cour d'appel de Fort-de-France ;
2°) de condamner l'État à lui verser une somme de 15 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier,
Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée ;
Vu le code de l'organisation judiciaire, notamment son article R. 213-29 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fanachi, Conseiller d'État,
- les observations de Me Hemery, avocat de M. FAHET,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 44 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : "En dehors de toute action disciplinaire, l'inspecteur général des services judiciaires, les premiers présidents, les procureurs généraux et les directeurs ou chefs de service à l'administration centrale ont le pouvoir de donner un avertissement aux magistrats placés sous leur autorité."
Sur la légalité externe :
Considérant que l'avertissement est une mesure prise en considération de la personne et doit, dès lors, respecter les droits de la défense, qui imposent à l'autorité compétente d'aviser, dans un délai raisonnable, l'agent concerné de la mesure qu'elle s'apprête à prendre et de lui communiquer, s'il le demande, son dossier ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, venant de prendre connaissance d'un rapport, adressé directement en mai 1999 à l'administration centrale, dans lequel M. FAHET, président du tribunal de grande instance de Cayenne, mettait en cause sa hiérarchie, le premier président de la cour d'appel de Fort de France a invité celui-ci, le 8 octobre 1999, à venir lui donner des explications sur ce rapport ainsi que sur certains manquements dans la gestion de son tribunal ; qu'au cours de l'entretien, qui a eu lieu le 4 novembre, M. FAHET a refusé de s'expliquer sur les faits que le premier président lui reprochait, dont la teneur ne pouvait lui laisser de doute sur l'imminence d'un avertissement et, sans permettre le débat auquel le premier président l'invitait, a, de lui-même, mis fin à l'entretien ; que M. FAHET a été ainsi mis à même de demander la communication de son dossier et a disposé du temps nécessaire pour présenter ses observations ; que, dans ces conditions, M. FAHET n'est pas fondé à soutenir que l'avertissement attaqué aurait été pris, le 15 novembre 1999, au terme d'une procédure irrégulière,
Sur la légalité interne :
Considérant qu'aux termes de l'article 43 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 : "Tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l'honneur ou à la dignité, constitue une faute disciplinaire" ; que l'avertissement attaqué fait notamment grief à M. FAHET, d'une part, d'avoir transmis directement à l'administration centrale du ministère de la justice un rapport mettant en cause, tant en termes personnels que professionnels, le premier président de la cour d'appel de Fort-de-France sans en avoir prévenu celui-ci, d'autre part, d'avoir délibérément omis de communiquer les statistiques relatives à l'activité de la juridiction qu'il préside et de s'être abstenu d'établir la liste des actes d'appel ; que ces faits sont établis ; que le comportement d'ensemble qu'ils révèlent était de nature à justifier légalement l'avertissement pris à l'encontre du requérant ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. FAHET tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'avertissement du 15 novembre 1999 que lui a donné le premier président de la cour d'appel de Fort-de-France doivent être rejetées ;
Sur les conclusions de M. FAHET tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. FAHET la somme de 15 000 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. FAHET est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jacques FAHET et au garde des sceaux, ministre de la justice.