CONSEIL D'ÉTAT
Statuant au contentieux
N° 229565
M. Cetin GUNES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE JUGE DES REFERES
Vu la requête, enregistrée le 25 janvier 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée par M. Cetin GUNES, domicilié 1, rue Théodore Géricault à Canteleu (76380) ; M. GUNES demande que le président de la section du contentieux du Conseil d'État, statuant en référé, ordonne, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté en date du 20 novembre 2000 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a décidé sa reconduite à la frontière ;
il soutient que, par un jugement rendu le 7 décembre 2000, dont il a interjeté appel, le tribunal administratif de Rouen a rejeté le pourvoi qu'il avait formé à l'encontre de l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière ; qu'il y a urgence à ordonner la mesure de suspension sollicitée car son placement en rétention administrative est imminent ; qu'il y a un doute sérieux sur la légalité de la décision de reconduite au regard, d'une part, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison en particulier de son mariage avec une personne de nationalité française remontant au 6 mai 2000 et, d'autre part, de l'article 3 de la même convention, car son retour en Turquie l'exposerait à des risques pour sa sécurité du fait de son appartenance à la minorité kurde ;
Vu les pièces jointes à la requête, ensemble le dossier de la requête n° 228247, enregistrée le 18 décembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, tendant à l'annulation du jugement en date du 7 décembre 2000 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 20 novembre 2000 ;
Vu l'article 30 de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives ;
Vu l'article 6 de l'ordonnance n° 2000-387 du 4 mai 2000 relative à la partie législative du code de justice administrative ;
Vu le code de justice administrative, notamment ses articles L. 511-2 (alinéa 2), L. 521-1, L. 522-1, L. 522-3, L. 523-1, L. 776-1, R. 522-1,É. 522-10, R. 776-1 à R. 776-20, R. 811-14 et R.811-17 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment les paragraphes II et N de son article 22 bis et l'article 27 bis ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8 ;
Vu l'article 5 du décret n° 2000-1115 du 22 novembre 2000 pris pour l'application de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 522-3 du code de justice administrative : « Lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, (...), qu'elle est irrecevable (...) le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1 » ;
Considérant que selon le premier alinéa de l'article L. 521-1 du code précité : « Quand une décision administrative... fait l'objet d'une requête en annulation... le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ; qu'en vertu du premier alinéa de l'article L. 523-1 du même code, les décisions intervenues en application de l'article L. 521-1 « sont rendues en dernier ressort » ; qu'elles ne peuvent, par suite, être déférées au Conseil d'Etat que par la voie d'un pourvoi en cassation ;
Considérant que l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative à l'entrée et au séjour en France des étrangers a organisé dans son article 22 bis une procédure particulière de contestation de la légalité d'un arrêté décidant la reconduite à la frontière d'un étranger ; qu'elle se traduit notamment par le caractère non exécutoire d'un tel arrêté pendant le délai de recours ouvert à son encontre, par l'effet suspensif attaché au pourvoi formé devant le tribunal administratif jusqu'à ce que le président du tribunal ou son délégué ait statué ainsi que par l'existence d'une procédure d'appel ; que cet appel est dépourvu de caractère suspensif hors le cas où, sur le fondement des dispositions combinées des articles R. 811-14 et R. 811-17 du code de justice administrative, il en est autrement ordonné par le Conseil d'Etat à la demande du requérant ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'un arrêté décidant la reconduite à la frontière d'un étranger n'est justiciable de la procédure instituée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative, ni devant le juge des référés du tribunal administratif dans la mesure où il ne saurait lui être demandé de suspendre l'exécution d'une décision dont le recours en annulation formé contre elle a déjà entraîné cet effet suspensif, ni devant le Conseil d'Etat en raison de la différence de nature entre les voies de recours ouvertes respectivement par le premier alinéa de l'article L. 523-1 du code de justice administrative et par l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Cetin GUNES, de nationalité turque, a fait l'objet d'un arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 20 novembre 2000 décidant sa reconduite à la frontière ; que le pourvoi formé, par l'intéressé le 5 décembre 2000 devant le tribunal administratif de Rouen a été rejeté par un jugement rendu le 7 décembre 2000 par le conseiller délégué par le président de ce tribunal ; que l'appel interjeté contre ce jugement a été enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 18 décembre 2000 ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus la procédure ainsi engagée n'est pas régie par les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ; qu'il suit de là que la demande de suspension qu'il a ultérieurement adressée sur le fondement de ce dernier texte au juge des référés du Conseil d'Etat est entachée d'une irrecevabilité manifeste au sens des dispositions précitées de l'article L. 522-3 du code précité ; qu'elle doit par suite être rejetée ;
ORDONNE :
Article 1er : La requête n° 229565 de M. Cetin GUNES est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Cetin GUNES, au préfet de la Seine-Maritime et au ministre de l'intérieur.
Fait à Paris, le 26 janvier 2001
signé : B. Genevois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme,
Le responsable du bureau des référés