Jurisprudence : CE 1/2 SSR, 26-02-2001, n° 196759

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

Cette décision sera mentionnée dans les tables du Recueil LEBON

N°196759

COMPAGNIE D'ASSURANCES WINTERTHUR

M. Donnat, Rapporteur

Mlle Fombeur, Commissaire du Gouvernement

Séance du 29 janvier 2001

Lecture du 26 février 2001

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 2e sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 mai et 24 septembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMPAGNIE D'ASSURANCES WINTERTHUR, dont le siège est Tour Winterthur 18 à Paris la Défense (92085) ; la COMPAGNIE D'ASSURANCES WINTERTHUR demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt en date du 5 mars 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 5 janvier 1995 en tant que, par ledit jugement, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de l'Etat, de MM. Vardi et Durandeau et des sociétés Sogea et Socotec à lui verser la somme de 2 149 000,97 F, avec intérêts, correspondant aux indemnités versées aux tiers, victimes de l'explosion du collège de Peyrolles-en-Provence survenue le 22 septembre 1981 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Donnat, Auditeur,

- les observations de Me Thouin-Palat, avocat de la COMPAGNIE D'ASSURANCES WINTERTHUR, de Me Choucroy, avocat de la société Sogea, de Me Bouthors,

- avocat de la société Socotec et de la SCP Boulloche, Boulloche, avocat de MM. Réoven Vardi et René Durandeau,

- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la COMPAGNIE D'ASSURANCES WINTERTHUR demande l'annulation de l'arrêt en date du 5 mars 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 5 janvier 1995 en tant que, par ledit jugement, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de l'Etat, de MM. Vardi et Durandeau et des sociétés Sogea et Socotec à lui verser la somme de 2 149 000,97 F, avec intérêts, correspondant aux indemnités versées aux tiers victimes de l'explosion du collège de Peyrolles-en-Provence survenue le 22 septembre 1981 ;

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la COMPAGNIE D'ASSURANCES WINTERTHUR a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat à lui rembourser les indemnités qu'elle a versées aux victimes de l'explosion qui a détruit le collège de Peyrolles-en-Provence le 22 septembre 1981 en se fondant sur les principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil et, à titre subsidiaire, en raison de sa responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle ; qu'elle n'a pas soumis au tribunal administratif de Marseille de demande tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement de la faute contractuelle qu'il aurait commise dans sa mission de maître d'ouvrage délégué ; que c'est, dès lors, à bon droit que la cour administrative d'appel de Lyon a, par l'arrêt attaqué, considéré que la demande de la COMPAGNIE DASSURANCES WINTERTHUR avait sur ce point le caractère d'une demande nouvelle en appel et était, par suite, irrecevable ;

Considérant, en deuxième lieu, que la compagnie requérante n'est pas fondée à soutenir que la cour administrative d'appel de Lyon aurait entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation en ne se prononçant pas d'office sur l'existence d'une responsabilité pour faute de l'Etat laquelle n'a pas le caractère d'un moyen d'ordre public ;

Considérant, en troisième lieu, que si en cas de dommage accidentel causé à des tiers par un ouvrage public, la victime peut en demander réparation, même en l'absence de faute, aussi bien au maître de l'ouvrage, au maître de l'ouvrage délégué, à l'entrepreneur ou au maître d’œuvre, il ne s'ensuit pas qu'en cas de condamnation de l'une ou l'autre de ces personnes intervenue à la demande d'un tiers, la ou les personnes condamnées qui entendraient mettre en cause la responsabilité de l'une ou l'autre de celles ayant concouru à la réalisation de l'ouvrage public puissent utilement se prévaloir, dans leurs rapports réciproques, d'un régime de responsabilité sans faute ; qu'il suit de là que la cour administrative d'appel de Lyon n'a pas entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation en ne se prononçant pas explicitement sur l'existence de ce type de responsabilité dès lors que la requérante, agissant par voie de subrogation dans les droits de la commune maître de l'ouvrage, n'était pas en droit de demander la condamnation de l'Etat, maître d'ouvrage délégué, sur ce terrain ;

En ce qui concerne la responsabilité de la société Socotec :

Considérant que si la COMPAGNIE D'ASSURANCES WINTERTHUR est subrogée dans les droits de la commune de Peyrolles-en-Provence, son assurée, en vertu des dispositions de l'article L. 121-12 du code des assurances, et dans les droits des tiers, victimes, après avoir acquitté la dette de son assurée à leur égard, elle ne dispose à l'égard des constructeurs du collège de Peyrolles-en-Provence et de la société Socotec, sauf cas de fraude ou de dol, d'autre action que celle qui résulte soit du contrat qui les unissait à la commune, soit des obligations qui pèsent sur eux en application du principe dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les travaux de construction du collège de Peyrolles-en-Provence ont fait l'objet d'une réception définitive et sans réserve le 8 juillet 1981 mettant fin aux obligations contractuelles des constructeurs et de la société Socotec ; que cette réception des travaux a eu pour effet de mettre fin à l'ensemble des rapports contractuels nés du marché passé entre la commune de Peyrolles-en-Provence, l'Etat, les constructeurs et la société Socotec, alors même que les désordres en cause n'étaient, à la date de cette réception, ni apparents, ni connus de la commune de Peyrolles-en-Provence ; que la cour administrative d'appel de Lyon n'a pas commis d'erreur de droit en estimant que la requête de la COMPAGNIE D'ASSURANCES WINTERTHUR tendant à ce que les constructeurs et la société Socotec soient condamnés à lui rembourser les indemnités qu'elle avait versées aux victimes ne pouvait, l'explosion s'étant produite après la réception définitive et sans réserve des travaux, être accueillie sur le fondement juridique de la faute qu'auraient commise les constructeurs dans l'accomplissement de leurs obligations contractuelles ; qu'elle n'a pas non plus commis d'erreur de droit en écartant implicitement la responsabilité sans faute des constructeurs comme d'ailleurs de l'Etat à l'égard des victimes ; qu'il résulte également des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, ainsi que l'a jugé à bon droit la cour administrative d'appel de Lyon, la COMPAGNIE D'ASSURANCES WINTERTHUR n'a pas repris en appel ses conclusions tendant à la condamnation des constructeurs et de la société Socotec sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;

Considérant enfin que si la COMPAGNIE D'ASSURANCES WINTERTHUR soutient que la responsabilité de l'entrepreneur doit être engagée dès lors que le vice ou le défaut de conception de l'ouvrage public révèle que les travaux de construction du collège de Peyrolles-en-Provence n'ont pas été exécutés selon les règles de l'art, ce moyen qui n'a pas été invoqué devant les juges du fond n'est pas recevable ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMPAGNIE D'ASSURANCES WINTERTHUR n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt du 5 mars 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 5 janvier 1995 du tribunal administratif de Marseille ;

Sur les conclusions à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 reprises par celles de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner la COMPAGNIE D'ASSURANCES WINTERTHUR à payer à MM. Vardi et Durandeau la somme globale de 15 000 F qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens et la somme de 15 000 F demandée par la société Socotec au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la COMPAGNIE D'ASSURANCES WINTERTHUR est rejetée.

Article 2 : La COMPAGNIE D'ASSURANCES WINTERTHUR versera la somme de 15 000 F, d'une part, à MM. Vardi et Durandeau et, d'autre part, à la société Socotec.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMPAGNIE D'ASSURANCES WINTERTHUR, à M. Réoven Vardi, à M. René Durandeau, à la société Socotec, à la société Sogea et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.

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