Jurisprudence : CE 9/10 SSR , 19-03-2001 , n° 169880

CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 169880

MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES
c/M. Chabannier

Mme Guilhemsans, Rapporteur
M. Courtial, Commissaire du Gouvernement

Séance du 14 février 2001
Lecture du 19 mars 2001

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9e et 10e sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9e sous-section de la Section du contentieux

Vu le recours, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 2 juin 1995, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande que le Conseil d'Etat :

1°) annule l'arrêt en date du 6 avril 1995 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, annulant les jugements du 29 avril 1993 du tribunal administratif de Nice, a accordé à M. Jean Chabannier la décharge, en droits et en pénalités, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 1986 au 31 décembre 1987, ainsi que des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu assorties de la contribution sociale correspondante auxquelles il a été assujetti au titre des années 1986 et 1987 ;

2°) ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de cet arrêt ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de Mme Guilhemsans, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Capron, avocat de M. Chabannier,
- les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Lyon a, après avoir annulé deux jugements en date du 29 avril 1993 du tribunal administratif de Nice, d'une part, déchargé M. Jean Chabannier en droits et pénalités du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui avait été assigné au titre de la période du 1er janvier 1986 au 31 décembre 1987 en raison de l'irrégularité du recours à la procédure de taxation d'office suivie à son égard, et d'autre part, déchargé le même contribuable pour les années 1986 et 1987, des compléments d'impôt sur le revenu assortis de la contribution sociale correspondante auxquels il avait été assujetti, en raison de l'irrégularité de la procédure d'évaluation d'office de ses bénéfices non commerciaux et de la procédure contradictoire de redressement de ses revenus fonciers ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES se pourvoit régulièrement contre cet arrêt ;

Sur la régularité de la procédure d'évaluation d'office des bénéfices non commerciaux et de la procédure de taxation d'office à la taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales : « Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers » ;

Considérant que, pour juger que M. Chabannier, qui exerçait l'activité de conseiller juridique et expert-immobilier à Toulon, ne s'était pas placé dans une situation caractérisant l'opposition au contrôle fiscal visée par les dispositions précitées, la cour administrative d'appel a notamment relevé que, dans le procès-verbal dressé par le vérificateur et son supérieur hiérarchique, le 18 niai 1989, les agents de l'administration se sont bornés à constater l'absence de M. Chabannier, sans alléguer l'impossibilité d'accéder aux documents comptables dont le contribuable prétendait qu'ils étaient à leur disposition à son cabinet et que, dans ces conditions, il n'était pas impossible à l'administration de reprendre l'examen des livres et pièces comptables, en faisant, le cas échéant des réserves sur l'impossibilité de procéder à un débat oral et contradictoire avec lui ; que, cependant il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'après l'interruption, en raison de la maladie du premier vérificateur, de la vérification de comptabilité de l'activité de M. Chabannier, commencée le 21 février 1989 et interrompue, après trois interventions sur place, le 27 février, le vérificateur remplaçant a proposé au contribuable un nouveau rendez-vous pour le 27 avril ; que M. Chabannier, par courrier daté du 22 avril et reçu par l'administration postérieurement au 27 avril, a demandé que les opérations de vérification soient différées jusqu'à la fin mai en invoquant des impératifs professionnels ; que, par lettre du 3 mai, le vérificateur a appelé l'attention du contribuable sur les dispositions des articles L. 10 et L. 52 du livre des procédures fiscales, notamment sur la limitation à trois mois de la durée d'intervention sur place des opérations de vérification, de l'expiration au cas particulier de ce délai le 21 mai et proposé en conséquence un nouveau rendez-vous pour le 12 mai ; qu'en l'absence de réponse, le vérificateur, accompagné d'un inspecteur principal, s'est présenté dans les bureaux de M. Chabannier ; que ce dernier, alors qu'il se trouvait sur les lieux et avait été présenté au vérificateur par une employée d'une autre entreprise ; s'est dérobé à tout dialogue, en refusant de reconnaître son identité et en prenant la fuite ; qu'eu égard au fait que M. Chabannier avait, à cette date, cessé son activité professionnelle, et que lui seul, en l'absence de collaborateur ou de personne habilitée pour ce faire, aurait pu communiquer au vérificateur ses pièces comptables auxquelles il était le seul à avoir accès, la Cour en retenant l'argumentation du contribuable selon lequel il n'était pas impossible à l'administration de reprendre l'examen des pièces comptables, et en en déduisant que l'opposition à contrôle fiscal n'était pas caractérisée, a inexactement qualifié les faits dont elle était saisie ; que, par suite, le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est fondé à demander l'annulation, sur ce point, de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut « régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie » ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, l'attitude de M. Chabannier caractérise une opposition au contrôle fiscal, de nature à justifier le recours à la procédure d'évaluation d'office des bases d'imposition prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales ; que, dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a estimé régulière la procédure de redressement des bénéfices non commerciaux et de la taxe sur la valeur ajoutée suivie à son encontre ;

Sur la régularité de la procédure contradictoire de redressement des revenus fonciers :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : « L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée » ;

Considérant que la Cour, après avoir constaté que l'administration apportait la preuve, par un accusé de réception postal, de l'envoi à M. Chabannier de la réponse qu'elle avait faite à ses observations, ne pouvait déduire, sans erreur de droit, de la seule circonstance que le service n'avait pas conservé une copie de ce document, alors que le contribuable détenait nécessairement l'original, que la réponse n'était pas suffisamment motivée ; que, dans ces conditions, le ministre de l'économie et des finances est fondé, sur ce point également, à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut « régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie » ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond,

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration, qui était en droit de procéder, sans en avertir préalablement M. Chabannier à un contrôle sur pièces de sa déclaration de revenus fonciers, a assujetti celui-ci à des redressements établis selon la procédure contradictoire ; que M. Chabannier, qui a accusé réception le 21 novembre 1989, d'un envoi de la direction des services fiscaux du Var et qui n'a jamais soutenu, ni que la signature figurant sur l'avis de réception postal n'était pas la sienne, ni que l'enveloppe serait arrivée vide, n'est pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas reçu la réponse de l'administration à ses observations ; que le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de cette réponse ne peut être regardé comme fondé dans les circonstances de l'espèce, même si le service n'en a pas gardé copie, mais alors que le contribuable ne produit pas l'original dont il a été nécessairement destinataire ;

Considérant que l'administration est en droit de contrôler la réalité des déficits nés au cours d'années prescrites, dès lors que le contribuable entend les imputer sur les revenus d'années non prescrites ;

Considérant qu'aux termes de l'article 29 du code général des impôts : « Sous réserve des dispositions des articles 33 1er et 33 quater, le revenu brut des immeubles ou parties.. d'immeubles donnés en location, est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire... diminué du montant des dépenses supportées par le propriétaire pour le compte des locataires » ; qu'il résulte de ces dispositions que M. Chabannier ne pouvait pas déduire de ses revenus fonciers des années 1986 et 1987 au titre des dépenses supportées par le propriétaire pour le compte de locataires, des dépenses relatives à des appartements qui n'étaient pas loués au cours de cette période ;

Considérant, en revanche, qu'il résulte de l'instruction que M. Chabannier justifie pour partie de la réalité et du financement des travaux d'amélioration, de réparation et d'entretien qu'il avait déclarés et dont la déduction n'a pas été admise par l'administration ; qu'il doit être déchargé des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti à raison de la réintégration dans ses revenus fonciers de travaux s'élevant à 12 624,74 F en 1986 et 35 778,99 F en 1987 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Chabannier n'est fondé que dans cette mesure à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur 1e revenu auxquelles il a été assujetti au titre de ses revenus fonciers ;

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 de l'arrêt en date du 6 avril 1995 de la cour administrative d'appel de Lyon sont annulés.

Article 2 : M. Chabannier est déchargé des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti à raison de la réintégration dans ses revenus fonciers d'un montant de travaux d'amélioration, réparation et entretien s'élevant à 12 624,74 F au titre de l'année 1986 et à 35 778,99 F au titre de l'année 1987.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. Chabannier devant la cour administrative d'appel de Lyon est rejeté.

Article 4 : Le jugement n° 90-2414 du 29 avril 1993 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à M. Jean Chabannier.


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