Jurisprudence : CE 1/4 ch.-r., 20-07-2023, n° 463094, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 1/4 ch.-r., 20-07-2023, n° 463094, mentionné aux tables du recueil Lebon

A93361BE

Référence

CE 1/4 ch.-r., 20-07-2023, n° 463094, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/98156289-ce-14-chr-20072023-n-463094-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

04-01-01 1) a) Il résulte des articles L. 226-6, L. 221-1 et L. 226-3 et du I de l’article L. 226-4 du code de l’action sociale et des familles (CASF) et de l’article 375 du code civil que le président du conseil départemental (PCD) a compétence pour organiser la procédure de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs et qu’à cette fin, le service d’accueil téléphonique mentionné à l’article L. 226-6 du CASF doit lui transmettre immédiatement les informations qu’il recueille dans l’exercice de sa mission de prévention des mauvais traitements et de protection des mineurs en danger. ...b) Il en résulte également que le PCD doit aviser sans délai l’autorité judiciaire lorsqu’un mineur est en danger au sens de l’article 375 du code civil, soit lorsque ce danger est grave et immédiat, soit lorsque les actions qu’il peut mettre en place à l’issue de cette évaluation ne permettent pas de remédier à la situation du mineur ou se heurtent à l’opposition de sa famille ou à l’impossibilité de celle-ci de collaborer avec le service de l’aide sociale à l’enfance (ASE), soit enfin lorsque l’évaluation de la situation est impossible. Dans ces hypothèses, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par l’autorité judiciaire, qui apprécie si la santé, la sécurité ou la moralité du mineur sont en danger ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises. ...2) a) Si l’avis donné en application de ces dispositions par le PCD à l’autorité judiciaire relatif à la situation de danger dans laquelle se trouve, selon lui, le mineur, n’est pas détachable de la décision prise par l’autorité judiciaire, b) il n’en va pas ainsi des actes pris en amont par l’autorité administrative pour l’exercice des missions de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes qui lui sont confiées. ...Le litige opposant des parents au service d’accueil téléphonique prévu par l’article L. 226-6 du CASF relève de la compétence du juge administratif, dès lors que ce service, en transmettant une information recueillie sur la situation de leur enfant mineur, participe à la mission nationale de prévention des mauvais traitements en permettant au PCD concerné de recueillir, traiter et évaluer cette information.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 463094⚖️


Séance du 10 juillet 2023

Lecture du 20 juillet 2023

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 4ème chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

M. A C et Mme D C ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la transmission opérée en 2021 par le Service national d'accueil téléphonique de l'enfance en danger (SNATED) au président du conseil départemental de l'Hérault de l'information recueillie sur la situation de leur fils mineur B C. Par une ordonnance n° 2119419 du 1er décembre 2021, le président du tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Par une ordonnance n° 22PA00273 du 10 février 2022, le président de la 8ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris⚖️ a rejeté l'appel formé par M. et Mme C contre cette ordonnance.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés le 11 avril 2022 et le 18 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme C demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 10 février 2022 du président de la 8ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris ;

2°) de mettre à la charge du Service national d'accueil téléphonique de l'enfance en danger la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Zribi, Texier, avocat de M. et Mme C et à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat du groupement d'intérêt public Enfance en danger ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le Service national d'accueil téléphonique pour l'enfance en danger (SNATED), dont le groupement d'intérêt public Enfance en danger était alors gestionnaire, a recueilli une information concernant l'enfant B C, né le 22 février 2017, qu'il a transmise, le 25 mai 2021, au président du conseil départemental de l'Hérault. A la suite de cette transmission, le service départemental de l'information préoccupante du département de l'Hérault a fait procéder à une évaluation de la situation B et de son frère Antoine, né le 17 juin 2019. Le président du conseil départemental a, le 10 septembre 2021, décidé de saisir l'autorité judiciaire. Le 15 novembre 2021, le juge des enfants du tribunal judiciaire de Montpellier a jugé qu'il n'y avait pas lieu d'instituer une mesure de protection à l'égard B et Antoine C. M. et Mme C, parents de ces deux enfants, ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la transmission opérée par le Service national d'accueil téléphonique pour l'enfance en danger. Par une ordonnance du 1er décembre 2021, le président de ce tribunal a rejeté leur demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître. M. et Mme C se pourvoient en cassation contre l'ordonnance du 10 février 2022 par laquelle le président de la 8ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris a rejeté leur appel.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 226-6 du code de l'action sociale et des familles🏛, dans sa rédaction applicable au litige : " L'Etat, les départements et des personnes morales de droit public ou privé constituent un groupement d'intérêt public pour gérer un service d'accueil téléphonique gratuit ainsi qu'un Observatoire national de la protection de l'enfance afin d'exercer, à l'échelon national, les missions d'observation, d'analyse et de prévention des mauvais traitements et de protection des mineurs en danger prévues au présent chapitre. / Le service d'accueil téléphonique répond, à tout moment, aux demandes d'information ou de conseil concernant les situations de mineurs en danger ou présumés l'être. Il transmet immédiatement au président du conseil départemental, selon le dispositif mis en place en application de l'article L. 226-3, les informations qu'il recueille et les appréciations qu'il formule à propos de ces mineurs. A cette fin, le président du conseil départemental informe le groupement des modalités de fonctionnement permanent du dispositif départemental () ".

3. D'autre part, l'article L. 221-1 du code de l'action sociale et des familles🏛 prévoit, dans sa rédaction applicable au litige, que l'organisation du recueil et de la transmission, dans les conditions prévues à l'article L. 226-3 de ce code🏛, des informations préoccupantes relatives aux mineurs dont la santé, la sécurité, la moralité sont en danger ou risquent de l'être ou dont l'éducation ou le développement sont compromis ou risquent de l'être, ainsi que la participation à la protection de ces mineurs, sont au nombre des missions dont est chargé le service de l'aide sociale à l'enfance, service non personnalisé du département placé, en vertu de l'article L. 221-2 du même code🏛, sous l'autorité du président du conseil départemental. Aux termes de l'article L. 226-3 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le président du conseil départemental est chargé du recueil, du traitement et de l'évaluation, à tout moment et quelle qu'en soit l'origine, des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l'être. Le représentant de l'État et l'autorité judiciaire lui apportent leur concours. () L'évaluation de la situation d'un mineur à partir d'une information préoccupante est réalisée par une équipe pluridisciplinaire de professionnels identifiés et formés à cet effet. A cette occasion, la situation des autres mineurs présents au domicile est également évaluée. () Après évaluation, les informations individuelles font, si nécessaire, l'objet d'un signalement à l'autorité judiciaire () ".

4. Enfin, aux termes du I de l'article L. 226-4 du code de l'action sociale et des familles🏛 : " Le président du conseil départemental avise sans délai le procureur de la République aux fins de saisine du juge des enfants lorsqu'un mineur est en danger au sens de l'article 375 du code civil🏛 et : / 1° Qu'il a déjà fait l'objet d'une ou plusieurs actions mentionnées aux articles L. 222-3 et L. 222-4-2 et au 1° de l'article L. 222-5, et que celles-ci n'ont pas permis de remédier à la situation ; / 2° Que, bien que n'ayant fait l'objet d'aucune des actions mentionnées au 1°, celles-ci ne peuvent être mises en place en raison du refus de la famille d'accepter l'intervention du service de l'aide sociale à l'enfance ou de l'impossibilité dans laquelle elle se trouve de collaborer avec ce service ; / 3° Que ce danger est grave et immédiat, notamment dans les situations de maltraitance./ Il avise également sans délai le procureur de la République lorsqu'un mineur est présumé être en situation de danger au sens de l'article 375 du code civil mais qu'il est impossible d'évaluer cette situation () ". Aux termes de l'article 375 du code civil : " Si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête () du ministère public. Dans les cas où le ministère public a été avisé par le président du conseil départemental, il s'assure que la situation du mineur entre dans le champ d'application de l'article L. 226-4 du code de l'action sociale et des familles. () ".

5. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le président du conseil départemental a compétence pour organiser la procédure de recueil, de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs et qu'à cette fin, le service d'accueil téléphonique mentionné à l'article L. 226-6 du code de l'action sociale et des familles doit lui transmettre immédiatement les informations qu'il recueille dans l'exercice de sa mission de prévention des mauvais traitements et de protection des mineurs en danger. Il en résulte également que le président du conseil départemental doit aviser sans délai l'autorité judiciaire lorsqu'un mineur est en danger au sens de l'article 375 du code civil, soit lorsque ce danger est grave et immédiat, soit lorsque les actions qu'il peut mettre en place à l'issue de cette évaluation ne permettent pas de remédier à la situation du mineur ou se heurtent à l'opposition de sa famille ou à l'impossibilité de celle-ci de collaborer avec le service de l'aide sociale à l'enfance, soit enfin lorsque l'évaluation de la situation est impossible. Dans ces hypothèses, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par l'autorité judiciaire, qui apprécie si la santé, la sécurité ou la moralité du mineur sont en danger ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises. Si l'avis donné en application de ces dispositions par le président du conseil départemental à l'autorité judiciaire relatif à la situation de danger dans laquelle se trouve, selon lui, le mineur, n'est pas détachable de la décision prise par l'autorité judiciaire, il n'en va pas ainsi des actes pris en amont par l'autorité administrative pour l'exercice des missions de recueil, de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes qui lui sont confiées.

6. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en jugeant que le litige opposant M. et Mme C au service d'accueil téléphonique prévu par l'article L. 226-6 du code de l'action sociale et des familles relevait de la compétence du juge judiciaire, alors que ce service, en transmettant une information recueillie sur la situation du jeune mineur B C, participait à la mission nationale de prévention des mauvais traitements en permettant au président du conseil départemental de l'Hérault de recueillir, traiter et évaluer cette information, le président de la 8ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit. Par suite, M. et Mme C sont fondés à demander pour ce motif l'annulation de l'ordonnance qu'ils attaquent, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de leur pourvoi.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative🏛.

8. Il résulte des dispositions de l'article L. 226-6 du code de l'action sociale et des familles citées au point 2 que le service d'accueil téléphonique participe à l'exercice, à l'échelon national, des missions d'observation, d'analyse et de prévention des mauvais traitements et de protection des mineurs en danger et qu'il doit, à ce titre, transmettre immédiatement au président du conseil départemental les informations qu'il recueille et les appréciations qu'il formule à propos de mineurs en danger ou présumés l'être. Eu égard à l'objet et à la nature de cette mission, cette transmission, si elle pourrait le cas échéant faire l'objet d'une contestation dans le cadre d'une action en responsabilité, ne peut en revanche être regardée comme une décision faisant grief susceptible de recours pour excès de pouvoir. Par suite, la demande présentée par M. et Mme C devant le tribunal administratif de Paris est irrecevable et les requérants ne sont pas fondés à se plaindre du rejet de leur demande par le président de ce tribunal.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du groupement d'intérêt public Enfance en danger, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le groupement d'intérêt public Enfance en danger au titre de ces dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du président de la 8ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris est annulée.

Article 2 : La requête de M. et Mme C est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A C et Mme D C et au groupement d'intérêt public pour la protection de l'enfance, l'adoption et l'accès aux origines personnelles, dénommé France enfance protégée, venu aux droits du groupement d'intérêt public Enfance en Danger.

Copie en sera adressée au garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées.

Délibéré à l'issue de la séance du 10 juillet 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Pierre Boussaroque, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, M. Jérôme Marchand-Arvier, conseillers d'Etat et Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 20 juillet 2023.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :

Signé : Mme Agnès Pic

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber

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