Jurisprudence : CE 3/8 ch.-r., 05-07-2023, n° 470936, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 3/8 ch.-r., 05-07-2023, n° 470936, mentionné aux tables du recueil Lebon

A375398I

Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2023:470936.20230705

Identifiant Legifrance : CETATEXT000047792070

Référence

CE 3/8 ch.-r., 05-07-2023, n° 470936, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/97579978-ce-38-chr-05072023-n-470936-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

19-01-04 Contribuable s’étant vu infliger la majoration pour découverte d'une activité occulte au motif qu’il ne s’était pas fait connaître d’un centre de formalité des entreprises ou d’un greffe de tribunal de commerce et qu’il n’avait pas déposé de déclaration de revenus au titre de l’activité de joueur de poker professionnel qu’il a exercée au cours des années 2013 à 2015. ...Cour administrative d’appel ayant jugé qu’un un tel manquement déclaratif devait être regardé comme procédant d’une erreur de nature à justifier que l’intéressé ne se soit pas acquitté de ses obligations au motif que ce n’est que postérieurement aux années en litige que la jurisprudence et l’administration fiscale avaient « expressément estimé » que les gains réalisés au poker étaient, dans certaines conditions, imposables à l’impôt sur le revenu. ...Quand bien même le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, ne s’est lui-même prononcé sur la question du caractère imposable de tels revenus qu’en 2018 par sa décision n° 412124, l’existence de l’obligation déclarative ressortait, depuis fin 2012, tant de plusieurs décisions définitives des juges du fond que des commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques – impôts sous la référence BOI-BNC-CHAMP-10-30-40. ...Cour ayant en conséquence commis une erreur de droit.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 470936

Séance du 21 juin 2023

Lecture du 05 juillet 2023

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 8ème et 3ème chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

M. B A a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 à 2016, d'autre part, des amendes qui lui ont été infligées pour non déclaration de comptes détenus à l'étranger, enfin, des majorations de 80 % pour découverte d'une activité occulte et du rehaussement d'assiette de 25 % pour non-adhésion à une association de gestion agréée qui lui avaient été appliquées. Par un jugement n° 1902364 du 2 décembre 2020, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 21NT00480 du 9 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Nantes⚖️ a, sur appel de M. A, prononcé la décharge, d'une part, des impositions contestées au titre de l'année 2016, ainsi que des pénalités correspondantes, d'autre part, de la majoration de 80 % au titre des années 2013 à 2015 (article 1er), réformé le jugement en ce qu'il avait de contraire (article 2) et rejeté le surplus des conclusions de la requête (article 3).

Par un pourvoi, enregistré le 30 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er et 2 de cet arrêt en tant qu'ils statuent sur la pénalité de 80 %.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts🏛🏛 et le livre des procédures fiscales🏛 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue de deux vérifications de comptabilité de son activité de joueur de poker professionnel portant sur les périodes du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2015 et du 1er janvier au 31 décembre 2016, M. A a été assujetti, à raison des bénéfices tirés de cette activité, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2013 à 2016 résultant de l'évaluation d'office de ses bénéfices non commerciaux. Il s'est vu en outre appliquer la majoration d'assiette de 25 % prévue au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts🏛, la majoration de 80 % prévue au c) du 1 de l'article 1728 du même code en cas de découverte d'une activité occulte et deux amendes sur le fondement du IV de l'article 1736 du même code🏛. Par un jugement du 2 décembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions, pénalités et amendes. Par un arrêt du 9 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Nantes, statuant sur appel de M. A, l'a déchargé de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, ainsi que de la majoration pour activité occulte correspondante, auquel il a été assujetti au titre de l'année 2016, ainsi que de la majoration pour activité occulte infligée au titre des années 2013 à 2015. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a déchargé M. A de cette dernière majoration.

2. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts🏛, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / () c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte ". Il résulte de ces dispositions que, dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalité des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalité des entreprises ou d'un greffe de tribunal de commerce et n'a pas déposé de déclaration de revenus au titre de l'activité de joueur de poker qu'il a exercée au cours des années 2013 à 2015.

4. Pour juger que, dans les circonstances de l'espèce, un tel manquement déclaratif devait être regardé comme procédant d'une erreur de nature à justifier que M. A ne se soit pas acquitté de ses obligations, la cour administrative d'appel s'est fondée notamment sur ce que ce n'est que postérieurement aux années 2013 à 2015 en litige que la jurisprudence et l'administration fiscale avaient " expressément estimé " que les gains réalisés au poker étaient, dans certaines conditions, imposables à l'impôt sur le revenu.

5. En statuant ainsi, alors que, quand bien même le Conseil d'Etat, statuant au contentieux ne s'est lui-même prononcé sur la question du caractère imposable de tels revenus qu'en 2018 par sa décision n° 412124, l'existence de l'obligation déclarative ressortait, depuis fin 2012, tant de plusieurs décisions définitives des juges du fond que des commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques - impôts sous la référence BOI-BNC-CHAMP-10-30-40, la cour a commis une erreur de droit.

6. Il suit de là que le ministre est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il a statué sur les conclusions de M. A tendant à la décharge de la majoration pour découverte d'une activité occulte prévue au c) du 1 de l'article 1728 du code général des impôts au titre des années 2013 à 2015.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 9 décembre 2022 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de M. A tendant à la décharge de la majoration pour découverte d'une activité occulte prévue au c) du 1 de l'article 1728 du code général des impôts au titre des années 2013 à 2015.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. B A.

Délibéré à l'issue de la séance du 21 juin 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Pierre Collin, M. Stéphane Verclytte, présidents de chambre ; Mme Françoise Tomé, M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat et M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur-rapporteur.

Rendu le 5 juillet 2023.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :

Signé : M. Benjamin Duca-Deneuve

La secrétaire :

Signé : Mme Magali Méaulle

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