Jurisprudence : Cass. civ. 2, 06-07-2023, n° 21-21.768, F-B, Cassation

Cass. civ. 2, 06-07-2023, n° 21-21.768, F-B, Cassation

A367498L

Référence

Cass. civ. 2, 06-07-2023, n° 21-21.768, F-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/97579899-cass-civ-2-06072023-n-2121768-fb-cassation
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Abstract

En matière de mandat de transaction immobilière confié à un avocat, la convention d'honoraires qui prévoit un honoraire uniquement en cas de réussite de la vente immobilière est interdite


CIV. 2

CM


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 juillet 2023


Cassation


Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président


Arrêt n° 776 F-B


Pourvois n°
V 21-21.768
A 22-12.370 JONCTION


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2023


La société Caviar Volga, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 21-21.768 contre l'arrêt n° RG 18/00681 rendu le 2 juillet 2021 par la cour d'appel de Paris⚖️ (pôle 1, chambre 9) et le pourvoi n° A 22-12.370 contre l'ordonnance n° RG 18/00681 rendue le 10 janvier 2022 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 9), dans les litiges l'opposant :

1°/ à la société Rouch et associés, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société Christophe Basse, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], pris en qualité de mandataire judiciaire de la société Caviar Volga,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse au pourvoi n° V 21-21.768 invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.

La demanderesse au pourvoi n° A 22-12.370 invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation et un moyen unique d'annulation.

Les dossiers on été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Isola, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de la société Caviar Volga, de la société Caviar Volga, de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de la société Rouch et associés, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Isola, conseiller rapporteur, M. Martin, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° V 21-21.768 et A 22-12.370 sont joints.


Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué, rendu par la juridiction du premier président d'une cour d'appel (Paris, 2 juillet 2021) et l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 10 janvier 2022), la société Caviar Volga a demandé à la société Rouch et associés (l'avocat) de l'assister à l'occasion de la vente d'un bien immobilier lui appartenant.

3. Par une lettre du 4 juin 2014, qui a été approuvée et signée par la société Caviar Volga, l'avocat a précisé les modalités de sa rémunération.

4. Contestant les honoraires réclamés par l'avocat, la société Caviar Volga a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris.

5. L'avocat a formé un recours contre la décision du bâtonnier qui avait annulé la convention d'honoraires et fixé ses honoraires par application des critères énoncés à l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971🏛.

6. Statuant après le renvoi par le premier président de l'affaire en formation collégiale, la cour d'appel a déclaré la convention valable, a sursis à statuer sur la demande en fixation de l'honoraire et a ordonné la production d'une pièce.

7. Lors de l'audience à laquelle l'affaire a été renvoyée, le premier président de la cour d'appel a fixé l'honoraire dû à l'avocat.

Sur le pourvoi n° 21-21.768, dirigé contre l'arrêt du 2 juillet 2021


Examen du moyen

Enoncé du moyen

8. La société Caviar Volga fait grief à l'arrêt de déclarer la convention du 4 juin 2014 valable, alors « que toute fixation d'honoraires qui ne le serait qu'en fonction du résultat est interdite, sans qu'il y ait lieu de faire de distinction entre les activités judiciaires et juridiques de l'avocat ; qu'en considérant que, dans la mesure où l'avocat était intervenu en qualité de mandataire en transaction immobilière, son droit à percevoir des honoraires pouvait dépendre, « comme dans tout contrat d'agent immobilier », de la seule réussite de sa mission, la cour d'appel a violé l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, ensemble l'article 2 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970🏛 et l'article 95 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972🏛 ».


Réponse de la Cour

Vu l'article 10, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015🏛 applicable au litige, l'article 2 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et l'article 95 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 :

9. Aux termes du premier de ces textes, toute fixation d'honoraires qui ne le serait qu'en fonction du résultat judiciaire est interdite. Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu.

10. Les dispositions de ce texte s'appliquent à tous les honoraires de l'avocat sans qu'il y ait lieu de faire de distinction entre les activités judiciaires et juridiques.

11. Il résulte des deux derniers que lorsque les avocats exercent l'activité de mandataire en transactions immobilières, ils ne sont pas soumis aux dispositions de la loi du 2 janvier 1970🏛.

12. Pour déclarer valable la convention d'honoraires conclue entre les parties, l'arrêt relève, d'abord, que la lettre de l'avocat du 4 juin 2014 était rédigée ainsi qu'il suit : « Je vous rappelle que dans le cadre de mon intervention, de mon assistance, des conseils que je serai amené à vous donner, et uniquement en cas de succès, c'est-à-dire en cas de cession de votre bien immobilier [...], il me sera versé un honoraire global et forfaitaire de 100 000 euros HT, soit 120 000 euros TTC. Il est bien évident que si ce bien n'était en aucun cas vendu, ni à un tiers, ni à la ville conformément aux discussions que nous avons actuellement, aucun honoraire ne me sera dû quel que soit le travail effectué dans votre intérêt ».

13. Il énonce, ensuite, que la mission de l'avocat était de vendre un bien immobilier et que ses honoraires ne sont pas calculés en fonction du montant de la vente, ce qui constituerait un pacte de quota litis, mais qu'ils sont fixés forfaitairement, à la condition unique que la vente soit conclue.

14. Il ajoute que les avocats sont autorisés à exercer l'activité de mandataire en transactions immobilières par l'article 2 de la loi dite « Hoguet » de 1970 et le règlement intérieur du barreau de Paris.

15. L'arrêt en déduit que la convention est valable, dès lors que, comme pour tout contrat d'agent immobilier, elle ne fixe pas les honoraires en proportion du travail effectué ou du prix de vente, mais uniquement de la réussite de la vente.

16. En statuant ainsi, alors, d'une part, que les dispositions de la loi du 2 janvier 1970 ne sont pas applicables aux avocats dans leur activité de mandataire en transaction immobilière, d'autre part, qu'elle avait constaté que la convention prévoyait que l'honoraire n'était dû qu'en cas de succès de l'opération immobilière et n'avait ainsi été fixé qu'en fonction du résultat, la juridiction du premier président a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

17. Par application de l'article 625 du code de procédure civile🏛, la cassation de l'arrêt du 2 juillet 2021 entraîne de plein droit l'annulation par voie de conséquence de l'ordonnance du 10 janvier 2022, qui en est la suite.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi n° 22-12.370, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juillet 2021, entre les parties, par la juridiction du premier président de la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

CONSTATE l'annulation par voie de conséquence de l'ordonnance rendue le 10 janvier 2022 par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

Condamne la société Rouch et associés aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes formées par la société Rouch et associés et la condamne à payer à la société Caviar Volga la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé et de l'ordonnance annulée ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-trois.

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