Jurisprudence : CE 5/6 ch.-r., 26-06-2023, n° 460157, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 5/6 ch.-r., 26-06-2023, n° 460157, mentionné aux tables du recueil Lebon

A493597W

Référence

CE 5/6 ch.-r., 26-06-2023, n° 460157, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/97226526-ce-56-chr-26062023-n-460157-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

54-01-05-005 1) Les recours subrogatoires intentés par les caisses de sécurité sociale contre les tiers responsables des accidents corporels dont sont victimes leurs assurés, qui tendent au remboursement des prestations servies à ces derniers à l'occasion de tels accidents et touchent ainsi aux matières concernant les rapports des caisses avec les bénéficiaires des prestations, sont au nombre de ceux en vue de l'exercice desquels l'article L. 122-1 du code de la sécurité sociale (CSS) donne qualité au seul directeur pour décider d'agir en justice. ...a) Lorsqu’un recours subrogatoire a régulièrement été introduit par le directeur général ou le directeur d’une caisse, la circonstance qu’un mémoire ultérieur actualisant le montant des débours dont la caisse demande le remboursement soit signé par une personne ne justifiant pas avoir reçu mandat du directeur de la caisse n’est pas de nature à rendre irrecevable le recours de la caisse, b) mais a seulement pour effet de faire obstacle à la prise en compte de l’actualisation du montant des conclusions contenue dans ce second mémoire, qui, lorsqu’une irrecevabilité a été soulevée sur ce point, doit être écarté des débats. ...2) Compte tenu, d’une part, du lien qu’établit l’article L. 376-1 du CSS entre la détermination des droits de la victime et celle des droits de la caisse d’assurance maladie à laquelle elle est affiliée et, d’autre part, de l'obligation qu’il institue d'appeler cette caisse dans la cause, en tout état de la procédure, afin de la mettre en mesure de rechercher le remboursement de ses débours par l'auteur de l'accident, une caisse qui, après avoir introduit un recours subrogatoire par un agent dûment habilité à cette fin, a omis de justifier de la qualité d’un agent ayant, en cours d’instance, produit un mémoire pour actualiser le montant de ses débours, peut, lorsque ses conclusions actualisées ont été rejetées comme irrecevables, produire cette justification pour la première fois en appel, y compris en relevant elle-même appel.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 460157

Séance du 07 juin 2023

Lecture du 26 juin 2023

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 5ème et 6ème chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

Mme B C a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Tours à lui verser la somme de 473 509,90 euros en réparation des préjudices subis lors de sa prise en charge par cet établissement. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Vienne a demandé le remboursement de ses débours. Par un jugement n° 1802398,1802399 du 27 février 2020, le tribunal administratif a condamné le CHRU de Tours à verser à Mme C la somme de 237 854,85 euros et rejeté les conclusions de la CPAM de la Vienne.

Par un arrêt n° 20NT00903, 20NT00905 et 20NT01394 du 5 novembre 2021, la cour administrative d'appel de Nantes⚖️ a rejeté l'appel formé par la CPAM de Charente-Maritime agissant pour le compte de la CPAM de la Vienne contre ce jugement et, sur les appels incidents de Mme C et du CHRU de Tours, a porté à 266 985 euros la somme mise à la charge du CHRU de Tours.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 janvier et 1er avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la CPAM de la Charente-Maritime demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du CHRU de Tours la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-maritime et à la SARL Le Prado-Gilbert, avocat du centre hospitalier universitaire de Tours.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme C a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Tours à l'indemniser des préjudices subis à l'occasion de sa prise en charge par cet établissement. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Vienne, appelée en la cause par le tribunal administratif, a présenté des conclusions tendant au remboursement de ses débours à hauteur de 57 485,27 euros. En cours d'instance, le montant de ces débours a été actualisé à la somme de 284 743,65 euros par un mémoire signé par un agent de la CPAM de la Charente-Maritime, agissant pour le compte de la CPAM de la Vienne en vertu d'une convention conclue en application des dispositions de l'article L. 221-3-1 et du II de l'article L. 216-2-1 du code de la sécurité sociale🏛. Par un jugement du 27 février 2020, le tribunal administratif d'Orléans a condamné le CHRU de Tours à verser la somme de 237854,85 euros à Mme C et rejeté comme irrecevables les conclusions tendant au remboursement des débours de la CPAM de la Vienne. Par un arrêt du 5 novembre 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la CPAM de la Charente-Maritime, agissant pour le compte de la CPAM de la Vienne et, sur les appels incidents de Mme C et du CHRU de Tours, porté à 266 985 euros l'indemnisation accordée à la victime. La caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 122-1 du code de la sécurité sociale🏛 : " Tout organisme de sécurité sociale est tenu d'avoir un directeur général ou un directeur et un directeur comptable et financier./ () Le directeur général ou le directeur décide des actions en justice à intenter au nom de l'organisme dans les matières concernant les rapports dudit organisme avec les bénéficiaires des prestations, les cotisants, les producteurs de biens et services médicaux et les établissements de santé, ainsi qu'avec son personnel, à l'exception du directeur général ou du directeur lui-même. Dans les autres matières, il peut recevoir délégation permanente du conseil ou du conseil d'administration pour agir en justice. Il informe périodiquement le conseil ou le conseil d'administration des actions qu'il a engagées, de leur déroulement et de leurs suites. / Le directeur général ou le directeur représente l'organisme en justice et dans tous les actes de la vie civile. Il peut donner mandat à cet effet à certains agents de son organisme ou à un agent d'un autre organisme de sécurité sociale () ". Les recours subrogatoires intentés par les caisses de sécurité sociale contre les tiers responsables des accidents corporels dont sont victimes leurs assurés, qui tendent au remboursement des prestations servies à ces derniers à l'occasion de tels accidents et touchent ainsi aux matières concernant les rapports des caisses avec les bénéficiaires des prestations, sont au nombre de ceux en vue de l'exercice desquels les dispositions précitées de l'article L. 122-1 du code de la sécurité sociale donnent qualité au seul directeur pour décider d'agir en justice. Lorsqu'un recours subrogatoire a régulièrement été introduit par le directeur général ou le directeur d'une caisse, la circonstance qu'un mémoire ultérieur actualisant le montant des débours dont la caisse demande le remboursement soit signé par une personne ne justifiant pas avoir reçu mandat du directeur de la caisse n'est pas de nature à rendre irrecevable le recours de la caisse, mais a seulement pour effet de faire obstacle à la prise en compte de l'actualisation du montant des conclusions contenue dans ce second mémoire, qui, lorsqu'une irrecevabilité a été soulevée sur ce point, doit être écarté des débats.

3. Il ressort des termes de l'arrêt attaqué que pour confirmer l'irrecevabilité opposée par le tribunal administratif d'Orléans à son recours subrogatoire, la cour administrative d'appel s'est fondée sur le motif que le signataire du second mémoire produit devant le tribunal administratif n'avait pas justifié d'une délégation du directeur de la CPAM de Charente-Maritime l'habilitant à agir en justice au nom de la caisse conformément à l'article L. 122-1 du code de la sécurité sociale. Il ressort toutefois des pièces de la procédure que le mémoire par lequel la CPAM de la Vienne, pour le compte de laquelle a ensuite agi la CPAM de Charente-Maritime, avait introduit son recours subrogatoire était signé par la directrice de cette caisse. Il résulte de ce qui est dit au point précédent que si ce second mémoire devait être écarté des débats, et si par suite les conclusions actualisées qu'il contenait ne pouvaient qu'être rejetées, le tribunal administratif avait été valablement saisi des conclusions contenues dans le mémoire introductif signé par la directrice de la CPAM de la Vienne. La CPAM de la Charente-Maritime est par suite fondée à soutenir, par un moyen qui ne peut être regardé comme nouveau en cassation dès lors qu'elle a contesté en appel l'irrecevabilité opposée par le tribunal administratif, que la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en rejetant son recours comme irrecevable.

4. En deuxième lieu, compte tenu, d'une part, du lien qu'établissent les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale🏛 entre la détermination des droits de la victime et celle des droits de la caisse d'assurance maladie à laquelle elle est affiliée et, d'autre part, de l'obligation qu'elles instituent d'appeler cette caisse dans la cause, en tout état de la procédure, afin de la mettre en mesure de rechercher le remboursement de ses débours par l'auteur de l'accident, une caisse qui, après avoir introduit un recours subrogatoire par un agent dûment habilité à cette fin, a omis de justifier de la qualité d'un agent ayant, en cours d'instance, produit un mémoire pour actualiser le montant de ses débours, peut, lorsque ses conclusions actualisées ont été rejetées comme irrecevables, produire cette justification pour la première fois en appel, y compris en relevant elle-même appel.

5. Il résulte de ce qui est dit au point précédent qu'en jugeant que le défaut de justification de la qualité du signataire du mémoire produit le 12 mars 2019 par un agent de la CPAM de Charente-Maritime agissant pour le compte de la CPAM de la Vienne ne pouvait être régularisé devant elle, en l'absence d'appel principal de la victime, dans le cadre de l'appel principal formé par la CPAM, la cour administrative a entaché son arrêt d'erreur de droit.

6. Il résulte de tout ce qui précède que l'arrêt attaqué doit être annulé en tant qu'il statue sur la recevabilité du recours subrogatoire de la CPAM de la Vienne et, par voie de conséquence, en tant qu'il fixe le montant des sommes mises à la charge du centre hospitalier universitaire régional de Tours au titre des dépenses de santé et du préjudice d'incidence professionnelle de Mme C, qui sont les postes de préjudice sur lesquels les sommes demandées par la caisse primaire d'assurance maladie au titre des dépenses de santé et des pertes de revenus sont susceptibles de s'imputer.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHRU de Tours la somme de 3 000 euros à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 5 novembre 2021 est annulé en tant qu'il statue sur le recours subrogatoire de la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne et en tant qu'il fixe les sommes mises à la charge du centre hospitalier universitaire régional de Tours au titre des dépenses de santé et du préjudice d'incidence professionnelle de Mme C.

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : Le centre hospitalier universitaire régional de Tours versera à la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime, au Centre Hospitalier Universitaire de Tours et à Mme B C.

Copie en sera adressée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 juin 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 26 juin 2023.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :

Signé : Mme Flavie Le Tallec

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras

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