Jurisprudence : CAA Versailles, 1ère, 27-06-2023, n° 21VE00337

CAA Versailles, 1ère, 27-06-2023, n° 21VE00337

A427597H

Référence

CAA Versailles, 1ère, 27-06-2023, n° 21VE00337. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/97217304-caa-versailles-1ere-27062023-n-21ve00337
Copier

Abstract

Mots-clés : Contrôle fiscal • procédure de rectification • secret professionnel • accord du client Une procédure de rectification fondée sur une correspondance entre un contribuable et son avocat, utilisée sans l'accord préalable du contribuable, constitue une violation du secret professionnel et est irrégulière. ► La révélation du contenu d'une correspondance échangée entre un contribuable et son avocat vicie la procédure d'imposition menée à l'égard du contribuable et entraîne la décharge de l'imposition lorsque, à défaut de l'accord préalable de ce dernier, le contenu de cette correspondance fonde tout ou partie de la rectification.


Références

CAA de Versailles

N° 21VE00337

1ère Chambre
lecture du 27 juin 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Artmes a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1808506 du 1er décembre 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 février 2021 et 26 juillet 2021, la SA Artmes, représentée par Me Marshall, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'a pas répondu à son moyen selon lequel les pièces obtenues auprès du service des douanes ne lui ont pas été intégralement communiquées ;

- l'administration n'a engagé aucun débat oral et contradictoire sur les pièces comptables qui lui ont été présentées au cours du contrôle ; ses pièces justificatives n'ont été ni analysées ni exploitées ; les pièces obtenues dans le cadre de l'exercice de son droit de communication n'ont pas été soumises au débat oral et contradictoire ;

- l'administration n'a pas motivé, dans la proposition de rectification, le rejet des pièces comptables mises à sa disposition lors des opérations de contrôle ;

- l'administration ne lui a pas communiqué malgré sa demande l'intégralité de la réponse des autorités belges à sa demande d'assistance internationale, notamment les deux pièces jointes, ni cette demande ; l'administration ne l'a pas informée de la demande de renseignements auprès des autorités belges et ne lui a communiqué cette information que dans la proposition de rectification du 1er décembre 2014 ; la réponse des autorités belges à la demande d'assistance administrative internationale est inopposable, dès lors qu'elle comporte une confusion entre la société Smartech et la société Smartech International ;

- l'administration ne l'a pas informée de la date d'exercice du droit de communication auprès de la direction générale des douanes, l'empêchant ainsi de vérifier la régularité de l'exercice du droit de communication ; seules 4 des 15 pages du bulletin de transmission d'information des douanes lui ont été communiquées, sans les annexes ;

- les pièces irrégulièrement saisies par le service des douanes ne lui sont pas opposables ;

- la correspondance du 31 mai 2011 entre Me Bertrand et Mme A, obtenue à la suite de l'exercice du droit de communication auprès de la direction générale des douanes, qui a servi à fonder les rectifications, est couverte par le secret professionnel ;

- elle a été privée de la possibilité de saisir le comité consultatif pour la répression des abus de droit au titre de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales🏛 ;

- les prestations facturées par la société belge Smartech International, dûment comptabilisées, correspondent à des prestations réellement effectuées ;

- contrairement à ce qu'affirme l'administration, la société belge Smartech International, sa société mère, n'est pas une société fictive ou une boîte aux lettres car elle dispose, à l'adresse de son siège social, de moyens matériels et humains suffisants pour effectuer l'ensemble de ses activités ; ces activités sont distinctes de celles de sa filiale ; la rémunération de ces prestations n'est pas excessive ;

- la rectification est contraire aux principes de liberté de circulation et d'installation, définis par les traités européens et protégés par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle est également contraire à l'article 4 de la convention franco-belge tendant à éviter les doubles impositions ; en refusant la déduction des charges correspondant aux prestations facturées par la société belge Smartech International, l'administration française impose en France des opérations déjà imposées en Belgique ;

- la majoration de 80 % doit être déchargée par voie de conséquence de la décharge des droits ;

- elle est injustifiée car l'administration ne démontre pas que la société belge Smartech International, dont les bénéfices ont été intégralement déclarés dans les délais légaux et payés en Belgique, a été créée dans le but d'éluder l'impôt.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 juin 2021 et un mémoire enregistré le 9 août 2021,qui n'a pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête de la société Artmes.

Le ministre fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 29 septembre 2022, l'instruction a été close au 20 octobre 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative🏛.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales🏛 ;

- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée🏛 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dorion,

- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique,

- et les observations de Me Marshall pour la SA Artmes.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme (SA) Artmes, venant aux droits de la société par actions simplifiée (SAS) Smartech, exerce une activité de conditionnement. À la suite de la vérification de sa comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, l'administration fiscale lui a proposé, selon la procédure contradictoire, des rectifications en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au titre des exercices 2010, 2011 et 2012. L'administration a abandonné les rectifications concernant l'exercice 2010, l'ensemble des rappels de TVA au titre des périodes 2010 à 2012, ainsi que des rectifications relatives à un bien immobilier situé au Chesnay. La SA Artmes relève appel du jugement du 1er décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés laissées à sa charge au titre des exercices 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971🏛 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : " En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention "officielle", les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ".

3. Il ressort des dispositions précitées de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 que l'ensemble des correspondances échangées entre un avocat et son client, et notamment les consultations juridiques rédigées par l'avocat à son intention, sont couvertes par le secret professionnel. La circonstance que l'administration ait pris connaissance du contenu d'une correspondance échangée entre un contribuable et son avocat est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'égard de ce contribuable dès lors que celui-ci a préalablement donné son accord en ce sens. En revanche, la révélation du contenu d'une correspondance échangée entre un contribuable et son avocat vicie la procédure d'imposition menée à l'égard du contribuable et entraîne la décharge de l'imposition lorsque, à défaut de l'accord préalable de ce dernier, le contenu de cette correspondance fonde tout ou partie de la rectification.

4. Il résulte de l'instruction que, pour fonder les rectifications notifiées à la SAS Smartech, le service vérificateur s'est expressément appuyé sur une correspondance adressée par son avocate à Mme A, représentante légale de la société Smartech International, elle-même dirigeante de la société Smartech, dont il ressortait, aux termes de la proposition de rectification, que la société belge Smartech International avait été créée afin que Mme A et son époux, M. B, n'aient plus de lien direct avec la France. Ce courrier électronique du 31 mai 2011 est couvert par le secret professionnel. Il a été transmis à l'administration fiscale par le service des douanes sans l'accord de l'intéressée. La société requérante est dès lors fondée à soutenir que les impositions en litige ont été mises à sa charge à l'issue d'une procédure irrégulière et à en demander la décharge.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la SA Artmes est fondée soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La SA Artmes est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012.

Article 2 : Le jugement n° 1808506 du 1er décembre 2020 du tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 3 : L'Etat versera à la SA Artmes a somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Artmes et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Dorion, présidente,

M. Tar, premier conseiller,

Mme Pham, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 juin 2023.

L'assesseur le plus ancien,

G. TARLa présidente-rapporteure,

O. DORION

La greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.