Jurisprudence : Cass. civ. 1, 14-06-2023, n° 22-18.400, F-B, Cassation

Cass. civ. 1, 14-06-2023, n° 22-18.400, F-B, Cassation

A79909ZX

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Cass. civ. 1, 14-06-2023, n° 22-18.400, F-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/96861214-cass-civ-1-14062023-n-2218400-fb-cassation
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Abstract

Il résulte de la combinaison des articles L. 1142-1, I, alinéa 2, L. 1142-1-1, 1 et L. 1142-3-1 du code de la santé publique qu'il appartient aux juges du fond de se prononcer sur la finalité thérapeutique, reconstructrice ou esthétique d'une intervention, à l'origine d'une infection nosocomiale, lorsqu'ils déterminent le régime d'indemnisation ou de responsabilité applicable


CIV. 1

MY1


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 juin 2023


Cassation


Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen
faisant fonction de président


Arrêt n° 420 F-B

Pourvoi n° E 22-18.400


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 JUIN 2023


1°/ M. [C] [E],

2°/ Mme [MAa [E],

3°/ M. [A] [E],

tous trois domiciliés [Adresse 5],

ont formé le pourvoi n° E 22-18.400 contre l'arrêt rendu le 16 décembre 2021 par la cour d'appel de Nîmes (1re chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Polyclinique [7], société anonyme, dont le siège est [Adresse 6],

2°/ à Mme [T] [J], … [… …],

3°/ à M. [D] [W], domicilié [… …], pris tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de sa fille [F] [W],

4°/ à Mme [G] [W], épouse [P], domiciliée [Adresse 2],

5°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de Me Bertrand, avocat de MM. [C] et [A] [E] et de Mme [E], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, M. Jessel, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 16 décembre 2021), les 24 février et 24 octobre 2012, [H] [E] a subi successivement une lipoaspiration et une abdominoplastie, réalisées par M. [V], au sein de la société Polyclinique [7] (la clinique). A la suite de la survenue d'une infection, deux reprises chirurgicales ont été pratiquées, le 2 novembre 2012 par M. [Ab] et le 15 novembre 2012 par M. [Ac]. Le 16 novembre, [H] [E] est décédée d'une embolie pulmonaire.

2. M. [Aa], son époux, agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de [M] et [A] [E], ayant ensuite repris l'instance, ainsi que Mme [Ad], Mme [W] et M. [W], agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de [F] [W], ont assigné en responsabilité et indemnisation la société Polyclinique [7], M. [Abc] et M.[U].

3. M. [Ab] et M. [Ac] ont été condamnés in solidum à réparer les préjudices subis à la suite du décès de [H] [E] à hauteur de 80% au titre de négligences dans sa prise en charge.


Examen des moyens

Sur le moyen relevé d'office

4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile🏛, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 1142-1, I alinéa 2, L. 1142-1-1, 1°, et L. 1142-3-1 du code de la santé publique🏛🏛🏛 :

5.Selon le premier de ces textes, les établissements, services et organismes dans lesquels sont réalisés des actes de prévention de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.

6. Selon le deuxième, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales.

7. Selon le dernier, le dispositif de réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale mentionné au II de l'article L. 1142-1 et aux articles L. 1142-1-1 et L.1142-15 du code de la santé publique🏛 n'est pas applicable aux demandes d'indemnisation de dommages imputables à des actes dépourvus de finalité contraceptive, abortive, préventive, diagnostique, thérapeutique ou reconstructrice, y compris dans leur phase préparatoire ou de suivi.

8. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'il appartient aux juges du fond de se prononcer sur la finalité thérapeutique, reconstructrice ou esthétique d'une intervention, à l'origine d'une infection nosocomiale, lorsqu'ils déterminent le régime d'indemnisation ou de responsabilité applicable.

9. Pour déclarer irrecevables les demandes formées contre la polyclinique [7], l'arrêt énonce que le législateur a instauré un régime d'indemnisation spécifique des dommages les plus graves découlant des infections nosocomiales dont la réparation incombe exclusivement à l'Oniam en application de l'article L.1142-1-1, 1° du code de la santé publique et dont les dispositions s'imposent aux victimes.

10. En se déterminant ainsi, sans se prononcer sur la finalité de l'intervention en cause et sans permettre, en conséquence, à la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur le régime d'indemnisation ou de responsabilité applicable, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

11. Les consorts [Aa] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à ordonner à la clinique de mettre l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) en cause, alors « qu'aux termes de l'article L. 1142-21, I, al. 1er du code de la santé publique🏛, lorsque la juridiction compétente, saisie d'une demande d'indemnisation des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins dans un établissement de santé, estime que les dommages subis sont indemnisables au titre du II de l'article L. 1142-1 ou au titre de l'article L. 1142-1-1, l'ONIAM est appelé en la cause s'il ne l'avait pas été initialement ; qu'en déboutant les consorts [Aa] de leur demande tendant à la mise en cause de l'ONIAM, après avoir constaté que les dommages subis étaient indemnisables au titre de l'article L. 1142- 1-1 du code de la santé publique et que « seul l'ONIAM est tenu d'en assurer la réparation », de sorte qu'il lui appartenait d'ordonner la mise en cause de cet organisme avant toute décision sur le fond, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-21, I, al. 1er du code de la santé publique et l'article 332 du code de procédure civile🏛 »


Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1142-21, alinéa 1, du code de la santé publique

12. Aux termes de ce texte, lorsque la juridiction compétente, saisie d'une demande d'indemnisation des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins dans un établissement de santé, estime que les dommages subis sont indemnisables au titre du II de l'article L. 1142-1 ou au titre de l'article L. 1142-1-1, l'office est appelé en la cause s'il ne l'avait pas été initialement. Il devient défendeur en la procédure.

13. Pour écarter la demande des consorts [E] d'ordonner à la clinique de mettre en cause l'ONIAM, l'arrêt énonce que les dispositions de l'article L. 1142-1-1, 1° s'imposent aux victimes qui doivent former leurs demandes d'indemnisation contre celui-ci.

14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.



PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne la société Polyclique [7] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille vingt-trois.

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