Jurisprudence : Cass. crim., 06-06-2023, n° 22-83.544, F-D, Cassation

Cass. crim., 06-06-2023, n° 22-83.544, F-D, Cassation

A07309Z3

Référence

Cass. crim., 06-06-2023, n° 22-83.544, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/96758274-cass-crim-06062023-n-2283544-fd-cassation
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Abstract

► Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité, l'exercice à but lucratif d'une activité par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations, soit n'a pas demandé son immatriculation aux registres professionnels, soit n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale, soit s'est prévalue des dispositions applicables au détachement de salariés pour une activité qui ne le permet pas.


N° P 22-83.544 F-D

N° 00693


SL2
6 JUIN 2023


CASSATION PARTIELLE


Mme LABROUSSE conseiller le plus ancien faisant fonction de président,


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 6 JUIN 2023



M. [W] [N] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, en date du 5 mai 2022, qui, pour travail dissimulé aggravé, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, 30 000 euros d'amende dont 10 000 euros avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils.


Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Aa et Rebeyrol, avocat de M. [W] [N], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents Mme Labrousse, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Seys, conseiller rapporteur, M. Maziau, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [W] [N], dirigeant de sociétés exploitant des restaurants, a été cité devant le tribunal correctionnel du chef de travail dissimulé aggravé par la pluralité de victimes, soit neuf salariés, au nombre desquels MM. [B] [Z], [Y] [P] et Mme [L] [T], qui se sont constitués partie civile.

3. Par jugement du 19 janvier 2021, le tribunal correctionnel a relaxéAbM. [N].

4. Le procureur de la République, puis les parties civiles susvisées, ont relevé appel de cette décision.


Examen des moyens

Sur le second moyen

5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit M. [Ab] coupable d'avoir à [Localité 1], [Localité 4], [Localité 3] et [Localité 2], entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2018, étant employeur, soustrait intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales, par dissimulation d'activité et par dissimulation d'emploi salarié, en l'espèce en ne faisant pas apparaître sur les bulletins de paie de ses salariés une partie des salaires, versée en espèces, et une partie des heures effectivement travaillées, en embauchant en outre une personne sans la déclarer, ce avec cette circonstance que l'emploi dissimulé a concerné plusieurs personnes, en l'espèce neuf personnes, l'a condamné à la peine de six d'emprisonnement, et dit que cette peine serait intégralement assortie du sursis, l'a condamné à la peine de 30 000 euros d'amende et dit que cette peine serait assortie du sursis à hauteur de 10 000 euros, a ordonné l'affichage de l'intégralité du dispositif pénal et civil de l'arrêt le concernant, précédée de la date de l'arrêt et de la mention de la cour d'appel de Chambéry l'ayant rendu, en format A3, ce à sa charge, dans les établissements La Ferme des Alpes, L'Escale, Les Rives du Léman, Le Denieu et Le Morgane, ce sur la période de la saison d'hiver, soit entre le 1er décembre et le 30 mars, et pour une durée de deux mois, et l'a condamné à payer à Mme [Ac], partie civile, la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, alors « qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité, l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations : 1° soit n'a pas demandé son immatriculation au répertoire des métiers ou, dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, au registre des entreprises ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d'immatriculation, ou postérieurement à une radiation ; 2° soit n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur, cette situation pouvant notamment résulter de la non-déclaration d'une partie de son chiffre d'affaires ou de ses revenus ou de la continuation d'activité après avoir été radié par les organismes de protection sociale en application de l'article L. 133-6-7-1 devenu L. 613-4 du code de la sécurité sociale🏛 ; 3° soit, à compter de l'entrée en vigueur de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018🏛, s'est prévalue des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque l'employeur de ces derniers exerce dans l'Etat sur le territoire duquel il est établi des activités relevant uniquement de la gestion interne ou administrative, ou lorsque son activité est réalisée sur le territoire national de façon habituelle, stable et continue ; que cette infraction, définie par l'article L. 8221-3 du code du travail🏛, est distincte de l'infraction de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié définie par l'article L. 8221-5 du même code ; qu'en déclarant M. [Ab] coupable de travail dissimulé par dissimulation d'activité et par dissimulation d'emploi salarié, sans aucune motivation propre à l'infraction de travail dissimulé par dissimulation d'activité, laquelle n'a pas été caractérisée, la cour d'appel a violé l'article L. 8221-3 du code du travail, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale🏛. »


Réponse de la Cour

Vu les articles L. 8221-3 du code du travail et 593 du code de procédure pénale :

7. Selon le premier de ces textes, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité, l'exercice à but lucratif d'une activité par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations, soit n'a pas demandé son immatriculation aux registres professionnels, soit n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale, soit s'est prévalue des dispositions applicables au détachement de salariés pour une activité qui ne le permet pas.

8. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

9. Pour infirmer le jugement de relaxe, l'arrêt attaqué reprend de manière détaillée les auditions des témoins entendus en cours d'enquête et devant le tribunal correctionnel.

10. Les juges observent qu'il résulte de ces témoignages convergents des plaignants, comme de ceux de certains autres employés ou responsables de service, que les sommes versées au personnel en espèces en fin de mois ne sont pas des acomptes, que les salaires étaient payés par chèque, que les salariés devaient établir des fiches horaires non renseignées sur lesquelles ils apposaient uniquement leur signature, et que l'absence d'une enquête de l'URSSAF comme l'impossibilité de déterminer précisément les sommes concernées, sont indifférents.

11. Ils ajoutent que l'intéressé, le jour où les enquêteurs sont venus sur les lieux, s'est déclaré dans l'incapacité d'ouvrir le bureau contenant les documents pertinents, pour produire ultérieurement un décompte établi par lui, qui n'a de ce fait pas de valeur probante, et précisent qu'il n'est pas nécessaire de procéder à des investigations plus poussées.

12. Ils observent, à l'issue d'un examen détaillé de la situation de Mme [T], dont l'embauche a été contestée en totalité par l'intéressé, que celle-ci, qui est au nombre des plaignants, a, selon plusieurs témoins, travaillé dans différents établissements gérés par l'intéressé pendant une partie de la période de prévention et n'a jamais fait l'objet de la moindre déclaration.

13. Après avoir relevé que le prévenu, en raison de la mise en place de son propre chef d'une organisation visant de manière habituelle à éluder les droits sociaux, était de mauvaise foi, ils en déduisent qu'en ne faisant pas apparaître sur les bulletins de paye de ses salariés une partie des salaires, versée en espèces, et une partie des heures effectivement travaillées, en embauchant en outre une personne sans la déclarer, M. [N] s'est rendu coupable de travail dissimulé au sens de l'article L. 8221-5 du code du travail🏛.

14. La cour d'appel en conclut que M. [Ab] est coupable « de s'être, à [Localité 1], [Localité 4], [Localité 3] et [Localité 2], entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2018, étant employeur, soustrait intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales, par dissimulation d'activité et par dissimulation d'emploi salarié, en l'espèce en ne faisant pas apparaître sur les bulletins de paye de ses salariés une partie des salaires, versée en espèces, et une partie des heures effectivement travaillées, en embauchant en outre une personne sans la déclarer, ce avec cette circonstance que l'emploi dissimulé a concerné plusieurs personnes, en l'espèce neuf personnes. »

15. En déclarant ainsi M. [N] coupable de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié et dissimulation d'activité, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

16. En effet, si elle a exactement caractérisé le premier délit ci-dessus, elle n'a néanmoins pas retenu le moindre élément constitutif du second.

17. La cassation est ainsi encourue.

Portée et conséquences de la cassation

17. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à la déclaration de culpabilité du chef de travail dissimulé par dissimulation d'activité et aux peines. Les autres dispositions seront donc maintenues.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Chambéry, en date du 5 mai 2022, en ses seules dispositions relatives à la déclaration de culpabilité du chef de travail dissimulé par dissimulation d'activité et aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Chambéry et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille vingt-trois.

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