Jurisprudence : CE Contentieux, 05-04-1978, n° 8416

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 8416

Ministre de l'Economie et des finances
contre
Sieur xxxxx

Lecture du 05 Avril 1978

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)



Sur le rapport de la 7ème Sous-Section


Vu 1°) sous le n° 2381 le recours présenté par le ministre de l'Economie et des Finances, ledit recours enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 19 mars 1976 et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler un jugement, en date du 6 novembre 1975, par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a ordonné une expertise aux fins de détermination d'une part des éléments de preuve fournis par l'administration pour démontrer l'exactitude de l'évaluation des bases d'imposition du sieur xxxxx à l'impôt sur le revenu des personnes physiques pour l'année 1969, à l'impôt sur le revenu pour 1970 et 1971, d'autre part, les éléments permettant au sieur xxxxx de démontrer l'exagération de l'évaluation administrative de ses bases d'imposition à l'impôt sur le revenu pour l'année 1972, en tant que, par ledit jugement, le Tribunal administratif a assigné à l'administration, dans le cadre de l'expertise ordonnée, la charge de la preuve pour les années 1969 à 1971;


Vu 2°) sous le n° 8416, le recours présenté par le ministre délégué à l'Economie et aux Finances, ledit recours enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 1er juillet 1977 et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler un jugement en date du 31 mars 1977 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a accordé au sieur xxxxx une réduction de l'impôt sur le revenu des personnes physiques et de l'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti respectivement dans les rôles de la ville de xxxxx au titre des années 1969, 1970 et 1971;


Vu le Code général des impôts;


Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;


Vu la loi du 30 décembre 1977.

Considérant que le sieur xxxxx, qui exerce une activité de "guérisseur-magnétiseur", a été assujetti à des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu des personnes physiques au titre de l'année 1969 et à l'impôt sur le revenu au titre des années 1970 et 1971 ainsi qu'à une imposition primitive à l'impôt sur le revenu au titre de 1972 dont il a demandé la décharge devant-le Tribunal administratif de Toulouse; que, par un jugement en date du 6 novembre 1975, ce Tribunal s'est prononcé sur ceux des moyens invoqués par le requérant qui touchaient à la, régularité de la procédure d'imposition et à la charge de la preuve et, avant-dire-droit sur le bien-fondé des impositions, a ordonné une expertise en précisant que la charge de la preuve incombait à l'administration en ce qui concerne les impositions établies au titre des années 1969, 1970 et 1971 et au contribuable en ce qui concerne l'imposition établie au titre de l'année 1972; que, par recours n° 2381, le ministre de l'Economie et des Finances a fait appel de ce jugement dans celles de ses dispositions qui concernent les trois premières impositions et demandé que le fardeau de la preuve soit mis à la charge du contribuable; que le sieur xxxxx, par la voie d'un recours incident formé après l'expiration du délai d'appel, a critiqué à son tour le même jugement dans celles de ses dispositions qui concernent l'imposition établie au titre du l'année 1972 et demandé que le fardeau de la preuve soit mis à la charge de l'administration; qu'avant l'intervention de la décision du Conseil d'Etat sur ces recours, le Tribunal administratif de Toulouse a, par un second jugement en date du 31 mars 1977, statué au fond, après expertise, sur la demande du sieur xxxxx ainsi que sur les demandes reconventionnelles présentées par l'administration en première instance; que le ministre délégué à l'Economie et aux Finances, par le recours n° 8416, ainsi que le sieur xxxxx par la voie d'un recours incident formé après l'expiration du délai d'appel, font appal de ce second jugement;

Considérant que ces recours, concernant la situation du même contribuable en matière d'impôt sur le revenu an titre de quatre années successives, doivent être joints pour faire l'objet d'une seule décision;

Considérant, en premier lieu, que le ministre n'a fait appel ni du jugement avant-dire droit du 6 novembre 1975 en tant que celui-ci ordonnait une expertise relative à l'imposition établie au titre de l'année 1972, ni de l'article 3 du jugement du 31 mars 1977 rejetant les prétentions du contribuable touchant à cette imposition; que les recours incidents du sieur xxxxx concernant uniquement ladite imposition, n'ont donc pas le même objet que celui des appels du ministre et ne sont dès lors pas recevables;

Considérant, en second lieu, que le ministre n'énonce aucun fait ou moyen à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'article 4 du jugement du 31 mars 1977 rejetant certaines conclusions reconventionnelles de l'administration; que, par suite, et en vertu des dispositions de l'article 40 de l'ordonnance susvisée du 31 juillet 1945, ces conclusions ne sont pas recevables;

AU FOND

EN CE QUI CONCERNE LES IMPOSITIONS ETABLIES AU TITRE DES ANNEES 1969, 1970 ET 1971:

SUR LA REGULARTTE DE LA PROCEDURE D'IMPOSITION ET LA CHARGE DE LA PREUVE:

Considérant qu'aux termes de l'article 176 du code général des impôts: "en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration vérifie les déclarations du revenu global prévues à l'article 170. Elle peut demander au contribuable des éclaircissements.... Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qui font l'objet de sa déclaration. Les demandes d'éclaircissements et de justifications doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et assigner au contribuable, pour fournir sa réponse, un délai qui ne peut être inférieur à trente jours"; qu'en vertu de l'article 179 dudit Code, est taxé d'office le contribuable qui s'est abstenu de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications de l'administration; qu'en vertu de l'article 181 la charge de la preuve incombe au contribuable qui, taxé d'office, demande la réduction ou la décharge de son imposition;

Considérant qu'à la suite d'un examen approfondi de la situation fiscale du sieur xxxxx, des discordances importantes ont été relevées entre le montant des revenus déclarés au titre des années 1969, 1970 et 1971 et le total formé par le montant des sommes versées aux différents comptes bancaires de l'intéressé et par l'accroissement de son portefeuill de valeurs mobilières; qu'une demande de justifications a été en conséquence adressée le 24 juillet 1973 au sieur xxxxx, qui était invité à préciser l'origine d'une part de la différence de plus de trois millions de francs en trois ans constatée entre les versements à ses comptes bancaires et le montant de ses ressources connues, d'autre part de l'augmentation de son porterfeuille; que, sur ce second point, les justifications fournies ont été jugées suffisantes par le service; que, sur le premier point en revanche, il ressort de l'examen de la réponse donnée par lettre du 14 septembre 1973 que le sieur xxxxx s'est borné à se référer à ses relevés de comptes, lesquels étaient précisément à l'origine de la demande de justifications formulée par l'administration, à souligner que le solde créditeur en fin de période n'était pas notablement supérieur au solde créditeur en début de périod, ce qui n'était pas davantage une précision utile, enfin à faire état de la vente de trois immeubles pour un montant total de 550 000 F, alors qu'il était indiqué dans la demande de l'administration, que ces ventes étaient déjà retenues comme justifications à concurrence de 510 000 F; qu'au total, le sieur xxxxx n'a done fourni ou offert de fournir aucune justification pertinente sur la différence entre les versements faits à ses comptes bancaires et le montant de ses ressources connues; que, dans ces conditions, la demande de justifications étant restée pratiquement sans réponse sur ce point, l'administration était en droit, comme elle l'a fait, de regarder le sieur xxxxx comme s'étant abstenu de répondre et, eu égard à l'importance des sommes mentionnées dans ce chef de demande de justifications par rapport aux revenus qui ont fait l'objet d'une déclaration du contribuable, d'établir les impositions litigieuses par voie de taxation d'office;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement du 6 novembre 1975, le Tribunal administratif s'est fondé sur le caractère suffisant des explications fournies par le sieur xxxxx pour déclarer irrégulière la taxation d'office;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'appel, d'examiner xxxxx les autres moyens relatifs à la procédure d'imposition qu'avait soulevés le sieur xxxxx devant le tribunal administratif de Toulouse;

Considérant que les moyens tirés d'une prétendue méconnaissance des articles 1649 septies B et 1649 septies F du code général des impôts ne peuvent être accouillis dês lors que ces articles sont relatifs à la vérification sur place de la comptabilité des contribuables et que le sieur xxxxx, qui avait opté en ce qui concerne ses bénéfices non commerciaux des années 1969, 1970 et 1971 pour le régime de l'évaluation administrative, reconnaît qu'il ne tenait pas de comptabilité; que les contrôles opérés par l'administration n'ont, dès lors, comporté aucune vérification de cette nature;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est a tort que, par son jugement du 6 novembre 1975, le Tribunal administratif de Toulouse a assigné la charge de la preuve à l'administration et a défini en ce sens la mission des experts;

SUR LE BIEN-FONDE DES IMPOSITIONS:

Considérant que le sieur xxxxx, à qui incombe la charge de prouver l'exagération des bases d'imposition retenues par voie de taxation d'office, avait offert d'apporter cette preuve et demandé une expertise lui permettant de la fournir; que, les experts commis par les premiers juges ayant seulement recherché si l'administration apportait la preuve inverse et ayant résolu cette dernière question par la négative, leurs constatations ne permettent pas au Conseil d'Etat de se prononcer, en l'état, sur le mérite des prétentions du contribuable; qu'il y a lieu dès lors d'ordonner avant-dire droit une nouvelle expertise destinée à permettre au sieur xxxxx d'apporter la preuve qui lui incombe, notamment en établissant l'origine des sommes portées au crédit de ses comptes.

DECIDE

ARTICLE 1er. - Les recours incidents susvisés du sieur xxxxx sont rejetés.

ARTICLE 2. - Les conclusions du recours n° 8416 dirigées contre l'article 4 du jugement du Tribunal administratif de Toulouse en date du 31 mars 1977 sont rejetées.

ARTICLE 3. - Il sera, avant dire droit sur le bien-fondé des impositions établies au titre des années 1969, 1970 et 1971, procédé, par un expert comptable désigné par le Président de la Section du Contentieux du Conseil d'Etat, à une expertise en vue d'examiner les documents et justifications produits par le sieur xxxxx, notamment en ce qui concerne l'origine des sommes portées au crédit de ses comptes, d'en apprécier la valeur probante et de fournir au Conseil d'Etat tous les éléments de nature à permettre de déterminer si le contribuable apporte la preuve de l'exagération des impositions supplémentaires qui lui ont été assignées au titre des années 1969, 1970 et 1971.

ARTICLE 4. - L'exper est dispensé du serment.

ARTICLE 5. - L'expert déposera son rapport dans le délai de quatre mois suivant sa désignation.

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