EXPOSÉ DU LITIGE :
Dans la nuit du 26 et 27 mai 2010, le local de production d'eau glacée d'une superficie d'environ 1 500 m² où se trouvent toutes les installations de production et de distribution d'eau glacée pour la climatisation de l'ensemble du parc des expositions, dont Viparis Nord [Localité 12] (ci-après dénommée Viparis) exploite les installations, a été totalement inondé sur une hauteur de 1,95 mètre.
Le sinistre a été découvert le 27 mai 2010 lorsque les équipes chargées de travaux en cours sont arrivées sur les lieux.
Des installations neuves étaient alors en phase d'essai en vue d'une réception prévue pour le 14 juin 2010.
Selon le rapport d'intervention des pompiers, l'évacuation de l'eau a été terminée à
17 heures 30 le 27 mai 2010.
Le 28 mai 2010, la société BELFOR est intervenue pour décontamination et assèchement. Les opérations d'assèchement ont commencé le 29 mai 2010 et ont duré une semaine.
Début juin 2010, avant le début d'un salon, il a été mis en place une production d'eau glacée en location auprès d'AGGREKO.
Selon contrat de maintenance installation CV,CD,BP, acte d'engagement AE n°1021-MUT-09-855 à effet du 1er février 2009 et selon avenant n°01 audit contrat régularisé le 17 décembre 2009, Viparis avait confié à la société Spie Ile de France Nord Ouest, aux droit de laquelle vient la société Spie Industrie & Tertiaire (ci-après dénommée Spie), la prestation d'entretien technique et d'exploitation des équipements de climatisation, ventilation, chauffage, désenfumage et plomberie intérieure et extérieure des locaux et ouvrages rattachés à l'ensemble immobilier dit Viparis Nord [Localité 12].
La compagnie Gan Eurocourtage Iard (ci-après dénommée Gan), au droit de laquelle vient Allianz Iard (ci-après dénommée Allianz), est l'assureur des «sociétés du groupe Unibail-Rodamco» au titre d'un contrat dénommé «Assurance tous dommages ou biens, perte financière et pertes d'exploitation contrat première ligne», portant sur le numéro 17504464 à effet du 1er janvier 2010.
Par acte d'huissier du 7 juin 2010, les sociétés Propexpo et Viparis, et le Gan ont sollicité la désignation d'un expert judiciaire au contradictoire de la société Spie ainsi que des différents intervenants aux travaux en cours avec pour, d'une part, une mission de constat, et d'autre part, une mission d'expertise classique.
Par ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny du 18 juin 2010, M. [R] [I] a été désigné en qualité d'expert.
En cours d'expertise, il a été noté deux autres ruptures de canalisation produites après le démarrage des opérations d'expertise, soit les 23 juin et 16 juillet 2010, ces ruptures ont également été examinées dans le cadre de l'expertise, les parties s'étant accordées pour étendre la mission de l'expert à l'examen de leur cause.
La compagnie Allianz a indemnisé la SCI Propexpo et la société Viparis des conséquences de ce sinistre en versant la somme totale de 1.678.310 euros soit respectivement de 816.946 euros et 861.364 euros
Le 17 février 2012, l'expert a déposé son rapport imputant la responsabilité du sinistre à la société Spie.
Par acte du 05 mars 2014, les sociétés Gan, devenue Allianz, et les sociétés Propexpo et Viparis, ont assigné devant le tribunal de commerce de Paris, la SAS Spie et son assureur, la compagnie Generali, afin qu'elles soient condamnées in solidum à payer l'indemnisation des préjudices résultant du sinistre survenu dans la nuit du 26 au 27 mai 2010.
Par jugement du 23 mars 2017 le tribunal, a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, dit la SCI Propexo irrecevable, débouté les sociétés Allianz et Viparis de leurs demandes, dit la société Spie fautive et l'a condamnée in solidum avec la SA Generali à verser la somme de 20.095 euros à la SAS Viparis sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 et a condamné la société Spie aux dépens.
Les sociétés Viparis, Propexpo et Allianz ont interjeté appel du jugement.
Par arrêt du 29 janvier 2019, la cour d'appel de Paris a :
- confirmé le jugement déféré et, y ajoutant,
- débouté les parties de leurs demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
- condamné les sociétés Allianz, Propexpo et Viparis aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'
article 699 du code de procédure civile🏛.
Les sociétés Propexpo, Viparis et Allianz ont formé un pourvoi en cassation à l'encontre de l'arrêt.
Par conclusions (n°3) notifiées par voie électronique le 3 novembre 2022, les appelantes, demandent à la cour, au visa du principe de réparation intégrale, et de l'article 1250 du code civile dans sa version applicable à la cause, de
- INFIRMER le jugement en ce qu'il a :
o débouté la SA Allianz de ses demandes,
o débouté la SAS Viparis de ses demandes d'indemnisation,
Statuant à nouveau,
- dire et juger recevables les demandes de la compagnie Allianz ;
- condamner in solidum les sociétés Spie et Generali à payer à la compagnie Allianz la somme de 1.678.310 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation;
- condamner in solidum les sociétés Spie et Generali à payer à la société Viparis la somme de 313.399 avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
- condamner in solidum les sociétés Spie et Générali à payer à la compagnie Allianz et à la société Viparis la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner in solidum les sociétés Spie et Generali aux entiers dépens qui seront recouvrés par Me Bruno Regnier conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions (n° 2) notifiées par voie électronique le 21 septembre 2022, les sociétés Spie et Generali, intimées, demandent à la cour, au visa de l'
article 1250 du code civil🏛, de l'
article L121-12 du code des assurances🏛, du rapport de M.[Ab], de :
A titre principal,
- juger qu'Allianz ne justifie pas d'une subrogation conventionnelle dans les droits de Viparis et Propexpo ;
- juger qu'Allianz ne justifie pas d'une subrogation légale dans les droits des sociétés Viparis et Propexo ;
- juger que Viparis ne rapporte pas la preuve d'un préjudice resté à sa charge ;
- CONFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté la SA Allianz et la SAS Viparis de l'ensemble de leurs demandes ;
- condamner Allianz et Viparis à verser à Generali et Spie la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Grapotte Benetreau en application de l'article 699 du code de procédure civile ;
A titre subsidiaire,
- juger qu'Allianz ne peut agir en qualité de subrogée dans les droits de Propexpo, société définitivement jugée irrecevable faute de justifier de la propriété des installations ;
- débouter Allianz de sa demande faite en qualité de subrogée dans les droits de Propexpo;
A titre infiniment subsidiaire,
- débouter Allianz de toute demande excédant la somme de 1.116.707 euros ;
- débouter Allianz et Viparis de toutes autres demandes.
Pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il convient de se reporter aux conclusions ci-dessus visées conformément à l'
article 455 du code de procédure civile🏛 L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Les sociétés Allianz et Viparis ont saisi la cour de renvoi aux fins d'infirmation du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris du 23 mars 2017 en ce qu'il les a déboutées de leurs demandes.
Elles font essentiellement valoir que :
à titre principal
- la compagnie Allianz peut présenter devant la cour d'appel de renvoi l'ensemble des moyens susceptibles de conduire à l'admission de ses demandes sans être limitée par la seule branche du pourvoi ayant conduit à la cassation de l'arrêt du 25 janvier 2019 ;
- les appelantes peuvent invoquer les deux subrogations tant conventionnelles que légales;
- la SCI Propexpo a signé une quittance dans laquelle elle déclarait « subroger Gan dans [ses] droits et actions à l'encontre du ou des éventuels tiers responsables à concurrence de la somme » versée d'un montant de 816.946 euros ; de même, la société Viparis a signé une quittance dans laquelle elle déclarait « subroger Gan dans [ses] droits et actions à l'encontre du ou des éventuels tiers responsables à concurrence de la somme » versée d'un montant de 861.364 euros ; il résulte de ces deux quittances une manifestation expresse de volonté de la SCI Propexpo et de la société Viparis de subroger Allianz dans leurs droits et actions au titre du sinistre ;
- la preuve du paiement peut parfaitement résulter de la seule production de la quittance dès lors que dans celle-ci, l'assuré reconnaît avoir reçu le paiement de l'indemnité conformément à l'
article 1342-8 du code civil🏛 ; en outre, la communication par Allianz des extraits de son logiciel interne permet de rapporter la preuve des paiements effectués ;
- les paiements ont été effectués conformément aux dispositions de la police ; la clause vise à exclure de la garantie uniquement l'appareil à l'origine du dégât des eaux ainsi que les frais de réparation ou de remplacement de ce même appareil; admettre le contraire conduirait à exclure l'ensemble des dommages matériels que pourrait provoquer un dégât des eaux, ce qui reviendrait à vider la police de sa substance en méconnaissance de l'
article L.113-1 du code des assurances🏛 ; les dommages que la compagnie Allianz a indemnisés sont distincts de l'installation à l'origine du dégât des eaux ;
- subsidiairement, même en l'absence de subrogation, le versement par Allianz de l'indemnité d'assurance à Propexpo et à Viparis a en tout état de cause alors provoqué un enrichissement sans cause au bénéfice de Generali et de Spie ce qui ouvre droit au bénéfice de la compagnie Allianz de l'exercice de l'action de 'in rem verso' à leur encontre ;
- si le chef du dispositif de l'arrêt ayant débouté la SCI Propexpo de son recours personnel est devenu définitif, il n'en va pas de même pour le recours subrogatoire de la compagnie Allianz qui est autonome ;
- la responsabilité de la société Spie dans la survenance du sinistre est acquise et ne peut plus être critiquée ;
- en l'espèce, quelle que soit la décision prise sur la recevabilité du recours subrogatoire de la compagnie Allianz, la cour doit infirmer le jugement qui avait refusé d'évaluer le préjudice en raison de l'insuffisance des preuves produites et se prononcer sur le préjudice subi par la société Viparis en déterminant son montant ; en conséquence, elle condamnera les sociétés Spie et Generali à lui payer la somme de 313.399 euros.
Les intimées, Spie et Generali, sollicitent la confirmation du jugement faisant essentiellement valoir que :
à titre principal,
- la subrogation conventionnelle suppose l'existence d'un acte de subrogation établi antérieurement ou dans le même temps que le paiement conformément à l'article 1250 du code civil ; or, la quittance a été émise postérieurement au prétendu paiement et ne saurait entraîner une subrogation conventionnelle au bénéfice d'Allianz qui ne produit aucun élément comptable permettant de rapporter la preuve de la réalité du paiement et de la date à laquelle il aurait été effectué ;
- la cour d'appel a également confirmé le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a jugé qu'Allianz ne rapportait pas la preuve d'une subrogation légale dans les droits de Viparis et Propexpo ; ce chef du jugement n'a pas été contesté devant la Cour de cassation, le pourvoi portant uniquement sur la subrogation conventionnelle ; dès lors, la cour d'appel ne pourra que confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Allianz de sa demande faite au titre de la subrogation légale ; en tout état de cause, faute de produire l'intégralité de la police, la demande formée par Allianz au titre de la subrogation légale ne saurait prospérer ;
- subsidiairement, Allianz n'a pas effectué d'erreur d'appréciation et a volontairement réglé à son assurée les sommes dont le paiement est aujourd'hui sollicité ; elle a librement négocié avec son assurée le règlement d'une indemnité, de sorte que l'assureur ne peut désormais soutenir avoir réglé son assuré par erreur et invoquer l'enrichisssement sans cause ;
- enfin, Allianz ne saurait se prévaloir d'une subrogation dans les droits de Propexpo alors même que cette dernière a définitivement été jugée irrecevable dans ses demandes faute de rapporter la preuve de sa qualité de propriétaire des installations ;
- en tout état de cause, aucun élément produit aux débats ne permet d'établir les préjudices directs et certains subis par chacune des sociétés Viparis et Propexpo, sociétés chacunes distinctes et bénéficiant d'une personnalité juridique propre.
Sur ce,
Sur la qualité à agir de la SCI Propexpo (preneur emphytéotique)
La cour d'appel de renvoi n'est pas saisie de la qualité à agir de la SCI Propexpo (preneur emphytéotique) qui n'a pas saisi la cour d'appel de renvoi et n'a pas constitué avocat.
Il doit donc être considéré comme définitivement tranché par le jugement confirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Paris que la société Propexpo était irrecevable en ses demandes. Il a notamment été relevé qu'il ne ressort pas du rapport de l'expert qu'il a vérifié et individualisé les paiements que chacune des sociétés aurait pu faire au titre des travaux nécessités par la remise en état des installations, que le fait que Propexpo soit le preneur emphytéotique concernant les locaux litigieux ne saurait en soi lui conférer la qualité à agir dès lors qu'il est déclaré par les appelantes que la société Viparis est en vertu d'un bail commercial consenti en 2002 par la société SIPAC, filiale de la chambre de commerce de Paris l'exploitante du Parc des expositions de Paris Nord [Localité 12] de sorte qu'il est ainsi établi que c'est Viparis qui a la garde des locaux.
Sur la qualité à agir d'Allianz
La compagnie Generali et la société Spie sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la compagnie Allianz de ses demandes tandis que la compagnie Allianz considère être subrogée dans les droits des sociétés Spie et Propexpo, soit au titre de la subrogation conventionnelle, soit au titre de la subrogation légale.
La subrogation conventionnelle d'Allianz
La Cour de cassation a cassé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris au motif que « en se déterminant ainsi, sans rechercher si les quittances subrogatives consenties par les sociétés Propexpo et Viparis, dont se prévalaient la société Allianz, n'emportaient pas subrogation conventionnelle dans les droits de celles-ci, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».
Il est donc fait grief à l'arrêt de ne pas avoir vérifié si la société Allianz justifiaient de sa subrogation conventionnelle dans les droits de Propexpo et Viparis.
L'article 1250 du code civil, dans sa version antérieure à la réforme du 10 février 2016 applicable au litige, dispose :
« Cette subrogation est conventionnelle :
1° Lorsque le créancier recevant son paiement d'une tierce personne la subroge dans ses droits, actions, privilèges ou hypothèques contre le débiteur : cette subrogation doit être expresse et faite en même temps que le paiement (') »
La subrogation conventionnelle suppose l'existence d'un acte de subrogation établi antérieurement ou dans le même temps que le paiement.
La société Allianz soutient être conventionnellement subrogée dans les droits de Viparis et Ac.
Générali et Spie considèrent qu'Allianz n'établit pas la réalité et la date des paiements invoqués et, en tout état de cause, ne rapporte pas la preuve d'une manifestation de volonté de subroger concommitante ou antérieure au paiement, les quittances ayant été établies postérieurement à la date de paiement invoquée.
La subrogation conventionnelle suppose d'établir la preuve de la réalité du paiement invoqué en exécution d'une obligation contractuelle, et non à titre commercial, et de la date à laquelle il a été effectué, la charge de cette preuve reposant sur la partie se revendiquant subrogée.
La subrogation conventionnelle de l'assureur dans les droits de l'assuré résulte de la volonté expresse de ce dernier, manifestée concomitamment ou antérieurement au paiement reçu de l'assureur.
Le paiement ayant pour effet d'éteindre la dette du créancier, ce dernier ne peut pas transmettre un droit éteint à un tiers et donc établir une subrogation postérieurement au paiement.L'acte de subrogation établi postérieurement au paiement, peu important l'éventuelle proximité entre la date du paiement et la date de l'acte de subrogation, ne peut être considéré valable.
Il appartient au juge du fond d'apprécier souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve à lui soumis.
Au cas particulier, la quittance, datée du 3 janvier 2012, signée par la société Propexpo fait état d'un règlement qui aurait eu lieu le 28 décembre 2011 dans laquelle elle déclarait « subroger Gan dans [ses] droits et actions à l'encontre du ou des éventuels tiers responsables à concurrence de la somme » versée d'un montant de 816.946 euros.
La quittance datée du 3 janvier 2012 signée par Ad fait état d'un règlement qui aurait eu lieu le 30 décembre 2011 dans laquelle elle déclarait « subroger Gan dans [ses] droits et actions à l'encontre du ou des éventuels tiers responsables à concurrence de la somme » versée d'un montant de 861.364 euros
Il en résulte que lesdites quittances ont donc été émises postérieurement au paiement intervenus sans que, de manière concomitante, ses assurées n'aient manifesté clairement leur volonté de la subroger dans leurs droits.
Les deux lettres produites aux débats intitulées « Lettre d'acceptation » transmises par un cabinet d'expertise à la société Unibail-Rodamco en octobre 2011 n'ont manifestement pas été régularisées. Elles émanent d'un tiers, ne sont ni datées ni signées, et ne sauraient justifier d'une subrogation conventionnelle d'Allianz dans les droits de Viparis et Ac.
Enfin, Allianz ne produit aucun élément comptable ou autre déterminant permettant de rapporter la preuve de la réalité du paiement et de la date exacte à laquelle il aurait été effectué.
Dans ces conditions, Allianz ne rapporte pas la preuve d'une subrogation conventionnelle dans les droits des sociétés Propexpo et Viparis.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
La subrogation légale d'Allianz
La cour d'appel de Paris a confirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a jugé qu'Allianz ne rapportait pas la preuve d'une subrogation légale dans les droits de Viparis et Propexpo,faute de démontrer que ces deux sociétés [Viparis et Propexpo] sont ses assurées, que la société Allianz ne saurait se réclamer du bénéfice de la subrogation et n'a donc pas qualité pour agir.
Les sociétés Générali et Spie considèrent que ce chef du jugement n'ayant pas été contesté devant la Cour de cassation, le pourvoi portant uniquement sur la subrogation conventionnelle, la cour d'appel de renvoi ne pourra que confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Allianz de sa demande faite au titre de la subrogation légale.
Cependant, la Cour de cassation a cassé et annulé notammment en ce que l'arrêt a débouté la société Allianz de ses demandes sans autre précision. Il n'y a pas lieu en conséquence de limiter la saisine à l'examen des seuls moyens invoqués à l'appui du pourvoi et accueillis par la Cour de cassation.
Il convient d'analyser si les conditions de la subrogation légale sont remplies.
La compagnie Allianz sollicite le bénéfice de la subrogation légale prévue à l'article L;121-12 du code des assurances qui dispose :
« L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur»
Il appartient à l'assureur qui entend se prévaloir de la subrogation légale de l'article L.121-12 du code des assurances de rapporter la preuve de l'effectivité du paiement et du fait que ce paiement a été réalisé en exécution de la police.
La subrogation légale ne peut être invoquée lorsque le versement n'a pas été effectué en exécution du contrat d'assurance, les conditions de la garantie n'étant pas réunies.
En l'espèce, Allianz verse aux débats les conditions particulières (CP) de la police d'assurance souscrite par la société Unibail Management qui précisent :
« Le présent contrat est régi par :
- Le Droit Français et notamment le Droit Français des Assurances ;
- Les Conditions Générales (CG) ci-annexées ;
- Les présentes CP qui prévalent partout où elles sont plus favorables à l'assuré »;
En l'espèce, les CG, qui constituent avec les CP la police d'assurance, ne sont pas versées aux débats.
Faute de produire l'intégralité de la police, Allianz ne justifie pas que son paiement est intervenu en vertu d'une garantie régulièrement souscrite, pouvant seule lui conférer la qualité "d'indemnité d'assurance" visée par l'article L. 121-12 du code des assurances.
Par ailleurs, il appartient à Allianz, qui se dit subrogée dans les droits de Propexpo et Viparis en application de la subrogation légale du code des assurances, de rapporter la preuve de la qualité d'assurées des deux sociétés, Propexpo et Viparis, à la date du sinistre et donc que ces sociétés avaient la qualité de filiale du groupe Unibail-Rodamco lors de la survenance du sinistre.(le 27 mai 2010)
Les CP précisent que sont assurées au titre de la police d'assurance « les sociétés du groupe Unibail Rodamco ». (Page 3 du contrat)
Au cas particulier, il ne résulte pas suffisamment des documents produits aux débats que les sociétés Propexpo et Viparis sont bien des filiales de la société Unibail-Rodamco.
Les statuts de la société Propexpo, datés du 21 mars 2013, soit près de 3 ans après la survenance du litige, ne sont pas probants compte tenu du fait qu'ils ont été rédigés et enregistrés postérieurement au litige. Ces statuts font état d'une répartition des parts sociales à concurrence de 50% entre la Chambre du commerce et la société UNI-COMMERCES (chacune de ces entités étant titulaire de 837 949 parts). Or, une filiale au sens du code du commerce doit être détenue à plus de50% par sa société mère, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Il résulte également des rapports annuels de la société Unibail-Rodamco pour les années 2011 et 2012 que « Viparis applique la même stratégie que le groupe », ce qui permet de constater qu'elle ne fait pas partie du groupe Unibail-Rodamco mais applique une stratégie identique à celle mise en œuvre par ce groupe.
Aucun extrait de registre du commerce permettant d'établir les liens entre les différentes sociétés n'est produit aux débats.
Les extraits de site internet établis par les parties elles-mêmes ne peuvent être considérés comme significatifs.
Les captures d'écran des sites internet Viparis et Unibail, non datées, qui évoquent une détention de la société Viparis conjointe et « paritaire » entre la Chambre de commerce et le Groupe Unibail-Rodamco ne sont pas plus probantes, ces éléments ne permettant de rapporter l'existence d'une détention de la société Viparis à hauteur de plus de 50% par le groupe Unibail-Rodamco en 2010.
En conséquence, si la police reconnait la qualité d'assurées aux sociétés du groupe Unibail-Rodamco, ni le bail emphytéotique, ni les autres pièces produites ne permettent d'établir l'appartenance des sociétés Propexpo et Viparis au groupe Unibail-Rodamco. La notion
« d'associés ultimes du preneur », qui désigne aussi bien la Chambre de commerce et d'industrie de Paris que la société Unibail-Rodamco ne peut pas s'analyser comme impliquant nécessairement que la société Propexpo serait leur filiale.
Au surplus, si le paiement peut se prouver par tout moyen » (Article 1342-8 du Code civil), cependant la preuve du paiement ne peut en l'espèce être déduite de la transmission des quittances subrogatoires et de copies d'extraits d'un logiciel interne d'Alllianz insuffisamment clairs, précis et compréhensibles produits par l'assureur et qui ne peuvent être pris en considération pour établir de manière certaine un paiement.
En conséquence, faute de démontrer que ces deux sociétés sont ses assurées, et qu'une indemnité leur a été réglée dans le cadre du contrat, Allianz ne saurait se réclamer du bénéfice de la subrogation légale et n'a donc pas qualité à agir ainsi que le premier juge l'a constaté. La demande formulée par Allianz au titre de la subrogation légale ne saurait pas plus prospérer.
La cour confirme le jugement en ce qu'il a jugé que la société Allianz ne justifie pas de sa subrogation légale dans les droits des sociétés Propexpo et Viparis faute de justifier de la réalité et de la date des paiements invoquée, de produire l'intégralité de la police, de justifier de la qualité d'assuré des sociétés Viparis et Propexpo.
Sur l'action formée sur le fondement de l'enrichissement sans cause
Subsidiairement, la compagnie Allianz considère qu'en supposant que les conditions de la subrogation ne sont pas réunies, l'action de la compagnie Allianz ne serait pas pour autant irrecevable. Elle expose que si elle a versé par erreur une indemnité qu'elle ne devait pas et qui ne bénéficie d'aucune subrogation (y compris conventionnelle) dans les droits de son asssuré, elle peut exercer contre le responsable du sinistre l'action de in rem verso fondée sur l'enrichissement sans cause. Elle fait valoir qu'en indemnisant Ac et Viparis elle a éteint la dette de responsabilité des sociétés Spie et Genérali, que Spie étant responsable du sinistre le versement par Allianz de l'indemnité d'assurance à Propexpo et Viparis a provoqué un enrichissement sans cause au bénéfice de Generali et de Spie; qu'elle a bien commis une erreur puisque si elle a versé une indemnité c'est parce qu'elle pensait que sa garantie était mobilisable. Elle considère donc être recevable en ses demandes, ce à quoi les intimées s'opposent formellement.
L'action de in rem verso est une action subsidiaire. En outre, l'assureur ne peut bénéficier d'une telle action qu'à la condition que le paiement ait été réalisé par erreur.
Or, la compagnie Allianz ne justifie d'aucune erreur dans l'appréciation et a volontairement réglé à son assuré les sommes dont le paiement est aujourd'hui sollicité. De plus, le caractère de subsidiarité reconnu à l'action constitue une condition inhérente à cette action. Allianz ne peut s'affranchir des formalités propres à la subrogation et sera en conséquence déboutée de l'ensemble de ses demandes fondées sur l'enrichissement sans cause.
Sur les demande de la sociétés Viparis
La société Viparis sollicite la condamnation in solidum des sociétés Spie et Generali à lui payer la somme de 313.399 avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation au titre d'un découvert de garantie dont elle est victime.
Le tribunal, confirmé par la cour, a jugé que la société Spie était responsable du sisnistre mais que les sociétés Propexpo et Viparis ne produisaient pas de documents probants propres à soutenir leur demande et à permettre de répartir les sommes sollicitées entre Propexpo et Viparis.
La Cour de cassation a cassé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris sur le fondement de l'
article 4 du code civil🏛 au motif « qu'il appartenait à la cour d'appel, qui avait constaté l'existence en son principe du préjudice découlant du sinistre et consistant dans le coût de remise en état des installations, de l'évaluer pour en déduire le montant des sommes éventuellement restées à la charge de la société Viparis après perception de l'indemnité versée par la société Allianz ».
Générali et Spie sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société Viparis de ses demandes.
En l'espèce, la société Viparis sollicite l'allocation d'une somme correspondant au montant des travaux et interventions réalisés pour remédier aux conséquences dommageables du sinistre et restés à sa charge après versement de l'indemnité de 861 364 euros qui lui a été versée par la société Allianz. .
Même, si par principe, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention, le juge peut et doit, éventuellement faire usage de la faculté qui lui est offferte par l'
article 10 du code de procédure civile🏛 d'ordonner d'office toutes mesures d'instruction légalement admissibles.
Au cas d'espèce, la cour ne dispose pas des éléments suffisants pour lui permettre d'établir avec certitude les préjudices directs et certains subis distinctement par Viparis et par Propexpo, sociétés bénéficiant d'une personnalité juridique propre,et ce alors même que la société Propexpo n'est plus partie à la présente procédure.
Dans ces conditions une mesure d'expertise sera ordonnée sur ce point dans les conditions qui seront fixées au dispositif de la présente décision.
Il sera sursis à statuer sur les autres demandes dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.