Jurisprudence : TA Toulouse, du 24-05-2023, n° 2302868

TA Toulouse, du 24-05-2023, n° 2302868

A64019WY

Référence

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Abstract

► L'utilisation de drones pour surveiller les rodéos urbains ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée, à la liberté personnelle, au droit de la protection des données personnelles et à la liberté d'aller et venir.



TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE Toulouse
N° 2302868
___________
ASSOCIATION DE DÉFENSE
DES LIBERTÉS CONSTITUTIONNELLES
ET AUTRES
___________
Mme Héry
Juge des référés
___________
Ordonnance du 24 mai 2023
___________
54-035-03
C
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
La juge des référés,

Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 19 mai 2023, l'association de défense des
libertés
constitutionnelles (ADELICO), le syndicat des avocats de France, le syndicat
de la magistrature,
Mme Aa et Mme Y, représentés par Me Soufron, doivent être regardés comme
demandant à la juge
des référés, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code
de justice
administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 16 mai 2023 du préfet
de la Haute-Garonne
autorisant la captation, l'enregistrement et la transmission d'images au moyen
de caméras
installées sur des aéronefs.
Ils soutiennent que :
- ils ont intérêt à agir ;
- ils justifient d'une situation d'urgence dès lors que l'arrêté en cause est
d'application
immédiate pour une durée d'application limitée dans le temps ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit au
respect de la vie
privée, à la liberté personnelle, au droit à la protection des données
personnelles et à la liberté
d'aller et venir ;
- l'arrêté du 16 mai 2023 méconnait les articles L. 242-5 et L. 242-8 du code
de la sécurité
intérieure, en l'absence d'une doctrine d'emploi telle que préconisée par la
commission nationale
de l'informatique et des libertés dans son avis du 16 mars 2023 ;
- il méconnait les dispositions du I de l'article L. 242-5 du code de la
sécurité intérieure,
dès lors que les rodéos urbains, qui constituent des infractions au code de la
route, n'entrent pas
dans le champ d'application du 1° de cet article, ni dans les dispositions du
4° et du 6° du même
article ;
- il méconnait les dispositions des articles L. 242-2 et L. 245-5 I du même
code, en
l'absence d'indication des critères commandant la transmission en temps réel
ou différé des images
et de ceux permettant de distinguer les situations où une simple captation
avec visualisation des
images est suffisante et ceux où la captation s'accompagne d'un enregistrement
vidéo ;
- il existe ainsi un doute sérieux sur la légalité de cet arrêté ;
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- il est porté atteinte au principe de subsidiarité du recours aux drones, au
regard de la
décision du Conseil constitutionnel n° 2021-DC du 20 janvier 2022, dès lors
qu'il n'est pas établi
que ce recours constitue le seul moyen d'atteindre la finalité poursuivie ;
- l'arrêté du 16 mai 2023 n'est pas strictement proportionné à la gravité des
atteintes à
l'ordre public, en l'absence de justification d'une nécessité absolue et au
regard de l'étendue du
périmètre géographique concerné et de la durée d'application de cette mesure.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 mai 2023, le préfet de la Haute-
Garonne
conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable en l'absence d'intérêt à agir de chacun des
requérants ;
- la condition d'urgence n'est pas satisfaite ;
- il n'est pas porté d'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté
fondamentale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée🏛 ;
- le décret n° 2023-283 du 19 avril 2023🏛 ;
- le code de justice administrative.
La présidente du tribunal a désigné Mme Héry, vice-présidente, pour statuer
sur les
demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique du 22 mai 2023 à 14 heures en présence de Mme
Tur,
greffière d'audience, Mme Ab a lu son rapport et entendu :
- les observations de Me Broca et de Me Dujardin, substituant Me Soufron,
représentant
les requérants, qui concluent aux mêmes fins que la requête et demandent en
outre qu'une somme
globale de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice
administrative. Me Broca et Me Dujardin ont repris, en les précisant, les
moyens développés dans
leurs écritures et soutiennent en outre que : l'intérêt à agir de
l'association Adelico, du syndicat de
la magistrature et du syndicat des avocats de France a déjà été admis ; Mmes Aa
et Y, qui ont leur
domicile à Toulouse et sont amenées à se déplacer dans différentes communes du
département,
justifient également de leur intérêt à agir ; l'urgence est établie eu égard à
la durée d'application
de l'arrêté attaqué ; le préfet de la Haute-Garonne, qui ne donne pas la
définition des rodéos
urbains, ne justifie pas de la fréquence de ces phénomènes ni de leur ampleur
; le préfet dispose
d'autres moyens juridiques et matériels pour lutter contre les rodéos urbains
; il n'établit pas
l'existence d'une doctrine d'emploi,
- et les observations de Mme Ac pour le préfet de la Haute-Garonne, qui a
maintenu
l'ensemble de ses conclusions et moyens et a en outre précisé que les rodéos
urbains, qui se
déroulent chaque printemps, comprennent divers types de rassemblements de deux
roues ou de
voitures, parmi lesquels des courses dites sauvages réunissant une
cinquantaine de personnes et
occasionnant de réels troubles à l'ordre public du fait de l'organisation sur
le domaine public de
courses poursuites à des vitesses excessives ou des courses de deux roues
circulant à très grande
vitesse, très mobiles et dont les conducteurs ressentent un fort sentiment
d'impunité ; les lieux de
rendez-vous sont souvent tenus secrets et les rodéos se déroulent sur des
distances importantes ;
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l'arrêté attaqué fixe de manière détaillée les périmètres concernés, qui ne
portent pas sur
l'intégralité du territoire des communes ; l'administration centrale a diffusé
un document
provisoire définissant le cadre d'utilisation des drones, ce document ne
pouvant être communiqué
du fait de son caractère provisoire ; le préfet n'est pas tenu de préciser
dans son arrêté les critères
liés à la transmission des images ; les moyens de surveillance actuels sont
insuffisants ; un seul
drone sera utilisé pour chaque opération ; une information sera diffusée sur
les réseaux sociaux
lorsqu'une opération sera prévue ; l'utilisation d'un drone fera l'objet d'une
demande
d'autorisation d'un officier de police judiciaire auprès du commandement,
cette utilisation visant
à permettre de caractériser d'éventuelles infractions.
Lors de cette audience, le préfet de la Haute-Garonne a produit une pièce
complémentaire,
qui a été communiquée le 22 mai 2023.
Par ordonnance du 22 mai 2023, la clôture d'instruction a été différée au 23
mai 2023 à
12 heures.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative🏛 : «
Saisi d'une
demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner
toutes mesures
nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne
morale de droit
public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public
aurait porté, dans
l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale.
Le juge des référés
se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ».
2. Aux termes de l'article L. 242-1 du code de la sécurité intérieure🏛 : « Le
présent chapitre
détermine les conditions dans lesquelles les services mentionnés aux articles
L. 242-5, L. 242-6
peuvent mettre en œuvre des traitements d'images au moyen de dispositifs de
captation installés
sur des aéronefs. ». L'article L. 242-2 de ce code dispose : « Les images
captées peuvent être
transmises au poste de commandement du service concerné et aux personnels
impliqués dans la
conduite et l'exécution de l'intervention, qui peuvent les visionner en temps
réel ou différé pendant
la durée strictement nécessaire à l'intervention./ Les caméras sont équipées
de dispositifs
techniques permettant de garantir l'intégrité des enregistrements jusqu'à leur
effacement et la
traçabilité des consultations lorsqu'il y est procédé dans le cadre de
l'intervention. ». Aux termes
de l'article L. 242-3 du même code🏛 : « Le public est informé par tout moyen
approprié de l'emploi
de dispositifs aéroportés de captation d'images et de l'autorité responsable
de leur mise en œuvre,
sauf lorsque les circonstances l'interdisent ou que cette information
entrerait en contradiction
avec les objectifs poursuivis. Une information générale du public sur l'emploi
de dispositifs
aéroportés de captation d'images est organisée par le ministre de l'intérieur.
». Aux termes de
l'article L. 242-4 dudit code : « La mise en œuvre des traitements prévus aux
articles L. 242-5, L.
242-6 doit être strictement nécessaire à l'exercice des missions concernées et
adaptée au regard
des circonstances de chaque intervention. Elle ne peut être permanente. Elle
ne peut donner lieu
à la collecte et au traitement que des seules données à caractère personnel
strictement nécessaires
à l'exercice des missions concernées et s'effectue dans le respect de la loi
n° 78-17 du 6 janvier
1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés./ Les dispositifs
aéroportés ne peuvent
ni procéder à la captation du son, ni comporter de traitements automatisés de
reconnaissance
faciale. Ces dispositifs ne peuvent procéder à aucun rapprochement,
interconnexion ou mise en
relation automatisé avec d'autres traitements de données à caractère
personnel./ L'autorité
responsable tient un registre des traitements mis en œuvre précisant la
finalité poursuivie, la durée
des enregistrements réalisés ainsi que les personnes ayant accès aux images, y
compris, le cas
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échéant, au moyen d'un dispositif de renvoi en temps réel./ ( ) Hors le cas où
ils sont utilisés
dans le cadre d'une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, les
enregistrements
comportant des données à caractère personnel sont conservés sous la
responsabilité du chef du
service ayant mis en œuvre le dispositif aéroporté, pendant une durée maximale
de sept jours à
compter de la fin du déploiement du dispositif, sans que nul ne puisse y avoir
accès, sauf pour les
besoins d'un signalement dans ce délai à l'autorité judiciaire, sur le
fondement de l'article 40 du
code de procédure pénale. ». L'article L. 242-5 du même code🏛 dispose : «
I.-Dans l'exercice de
leurs missions de prévention des atteintes à l'ordre public et de protection
de la sécurité des
personnes et des biens, les services de la police nationale et de la
gendarmerie nationale ainsi que
les militaires des armées déployés sur le territoire national dans le cadre
des réquisitions prévues
à l'article L. 1321-1 du code de la défense🏛 peuvent être autorisés à procéder
à la captation, à
l'enregistrement et à la transmission d'images au moyen de caméras installées
sur des aéronefs
aux fins d'assurer :/ 1° La prévention des atteintes à la sécurité des
personnes et des biens dans
des lieux particulièrement exposés, en raison de leurs caractéristiques ou des
faits qui s'y sont
déjà déroulés, à des risques d'agression, de vol ou de trafic d'armes, d'êtres
humains ou de
stupéfiants, ainsi que la protection des bâtiments et installations publics et
de leurs abords
immédiats, lorsqu'ils sont particulièrement exposés à des risques d'intrusion
ou de dégradation ;/
2° La sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans
des lieux ouverts au
public ainsi que l'appui des personnels au sol, en vue de leur permettre de
maintenir ou de rétablir
l'ordre public, lorsque ces rassemblements sont susceptibles d'entraîner des
troubles graves à
l'ordre public ;/ 3° La prévention d'actes de terrorisme ;/ 4° La régulation
des flux de transport,
aux seules fins du maintien de l'ordre et de la sécurité publics ;/ 5° La
surveillance des frontières,
en vue de lutter contre leur franchissement irrégulier ;/ 6° Le secours aux
personnes./ Le recours
aux dispositifs prévus au présent I peut uniquement être autorisé lorsqu'il
est proportionné au
regard de la finalité poursuivie./ ( ) ». En application de l'article L. 242-8
de ce code🏛
: « Les
modalités d'application du présent chapitre et d'utilisation des données
collectées sont précisées
par décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de
l'informatique et des
libertés. Ce décret précise les exceptions au principe d'information du public
prévu à l'article L.
242-3. ».
3. Par arrêté du 16 mai 2023 publié au recueil des actes administratifs le 17
mai 2023 et
pris sur le fondement des dispositions précitées du code de la sécurité
intérieure, le préfet de la
Haute-Garonne a autorisé la captation, l'enregistrement et la transmission
d'images au moyen de
caméras installées sur des aéronefs par la direction départementale de la
sécurité publique de la
Haute-Garonne et la gendarmerie nationale de la Haute-Garonne, au titre de la
lutte contre les
conduites, avec véhicule terrestre à moteur, répétant de façon intentionnelle
des manœuvres
constituant des violations d'obligations particulières de sécurité ou de
prudence dans des
conditions de nature à compromettre la sécurité publique ou à troubler la
tranquillité publique, dits
« rodéos urbains », ainsi que pour l'appui des personnels au sol, en vue de
leur permettre de
maintenir ou de rétablir l'ordre public et de prévenir les atteintes aux
personnes et aux biens. Cet
arrêté, dont l'application est prévue du 18 mai 2023 à 0 h 00 au mardi 18
juillet 2023 à 0 h 00,
prévoit un nombre maximal de caméras pouvant procéder de manière simultanée à
des
enregistrements à 5 caméras installées sur des aéronefs télépilotés, dits
drones. En application de
l'article 3 dudit arrêté, cette autorisation est limitée à un périmètre
géographique inclus au sein de
14 communes du département.
4. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment des éléments
produits par le
préfet de la Haute-Garonne, qu'à partir du printemps chaque année, des
personnes se réunissent
sur le territoire de certaines communes du département, pour organiser sur le
domaine public,
notamment en fin de semaine, des rassemblements d'amateurs de voitures
transformées réunissant
de 500 à 600 personnes, des « courses sauvages » dont le lieu est communiqué
aux participants
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par les réseaux sociaux et regroupant une cinquantaine de personnes, ou encore
des
rassemblements de conducteurs de deux-roues. La préfecture indique sans être
sérieusement
contestée que lors de ces rassemblements, des courses poursuites sont
organisées entre les
participants, ceux-ci circulant à des vitesses très élevées sur des voies
publiques ou encore sur des
parkings de centres commerciaux et, s'agissant particulièrement des deux-
roues, les conducteurs
étant très mobiles et présentant un fort sentiment d'impunité. Il ressort
notamment du dossier de
presse produit par la préfecture, qu'outre l'appropriation des voies publiques
lors de ces
évènements et les nuisances sonores générées, ces comportements ont déjà été
la cause d'accidents
graves voire de décès.
5. Contrairement à ce qui est soutenu par les requérants, si l'arrêté du 16
mai 2023
concerne 14 communes du département, le périmètre d'intervention des drones
est cependant
limité, pour chacune de ces communes, à des secteurs clairement identifiés,
que ce soit en zone de
police ou en zone de gendarmerie, l'annexe à cet arrêté précisant au moyen de
cartes le périmètre
concerné. Il résulte en outre de l'instruction et des débats lors de
l'audience que le recours à
l'utilisation de drones ne vise pas à la recherche de lieux où pourraient se
tenir ces rassemblements,
mais ne s'effectuera que sur demande d'un officier de police judiciaire auprès
du commandement
de police ou de gendarmerie, à raison de l'utilisation d'un seul appareil,
ceci en vue de permettre,
lors d'un de ces rassemblements déjà identifié, de caractériser le délit de «
rodéo urbain » et de
constater la commission d'éventuelles infractions. Le recours à ce drone vise
également à éviter
aux forces de l'ordre de s'engager dans des courses poursuites potentiellement
dangereuses tant
pour elles que pour la population et de prévenir le risque d'incident.
6. Ainsi, par son arrêté du 16 mai 2023🏛
, le préfet de la Haute-Garonne n'a
pas entendu
autoriser une surveillance continue par des drones des périmètres définis au
sein de chaque
commune, le recours à cette technique étant seulement autorisé, comme il vient
d'être dit, lors de
la survenue d'un rodéo urbain, aux fins de prévenir les risques d'incident et
d'identifier les
éventuels contrevenants, sous la direction d'un officier de police judiciaire.
7. En deuxième lieu, alors que les requérants ne contestent pas sérieusement
la survenue
régulière de rodéos urbains dans les communes en cause, le préfet de la Haute-
Garonne a pu, sans
commettre d'erreur de droit, se fonder sur les dispositions précitées du 1° du
I de l'article
L. 242-5 du code de la sécurité intérieure, qui autorise le recours à la
captation, à l'enregistrement
et à la transmission d'images au moyen de drones aux fins d'assurer la
prévention des atteintes à
la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés
en raison de leurs
caractéristiques ou des faits qui s'y sont déjà déroulés. En outre, s'agissant
d'évènements se
déroulant notamment sur des voies de circulation, le préfet a pu également se
fonder sur les
dispositions du 4° du I du même article, portant sur la régulation des flux de
transport, ainsi que,
compte-tenu des risques inhérents au déroulement de ces rodéos urbains, sur
les dispositions du 6°
du I de cet article.
8. En troisième lieu, il ne ressort pas des dispositions précitées de
l'article L. 242-2 et du
I de l'article L. 245-5 que le préfet serait tenu de préciser, dans son arrêté
autorisant le recours à
des drones, les critères commandant la transmission en temps réel ou différé
des images ainsi que
ceux permettant de distinguer les situations où une simple captation avec
visualisation des images
est suffisante et ceux où la captation s'accompagne d'un enregistrement.
9. En quatrième lieu, si les requérants soutiennent qu'il est porté atteinte
au principe de
subsidiarité dans la mesure où il n'est pas établi que le recours aux drones
serait le seul moyen
d'atteindre la finalité recherchée, il résulte de l'instruction et il n'est
pas sérieusement contesté que
les systèmes de vidéosurveillance installés dans certaines communes ne
permettent pas, à eux
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seuls, de prévenir les risques d'incident et d'identifier les éventuels
contrevenants. Il en est de
même s'agissant de l'utilisation de forces au sol, eu égard notamment au
risque présenté par les
vitesses excessives des véhicules en cause pour la sécurité des forces de
l'ordre.
10. En cinquième lieu, dès lors que, comme il a été dit précédemment, le
recours aux
drones s'effectuera pendant une période de deux mois sur des périmètres
définis précisément par
l'arrêté du 16 mai 2023 et à raison de l'utilisation d'un seul appareil par
opération, cet arrêté ne
saurait être regardé, eu égard à l'ampleur du phénomène de rodéos urbains en
Haute-Garonne et à
ses conséquences en termes de sécurité publique, comme présentant un caractère
manifestement
disproportionné.
11. En sixième lieu, il résulte de l'instruction, éclairée par les débats au
cours de
l'audience, que le recours à un drone sera annoncé par voie de communiqué de
presse et par une
information sur les réseaux sociaux, lorsqu'une opération de cette nature sera
programmée. Cette
information présente dès lors un caractère suffisant au regard des
dispositions précitées de l'article
L. 242-3 du code de la sécurité intérieure.
12. En septième et dernier lieu, la commission nationale de l'informatique et
des libertés
(CNIL), saisie pour avis sur le projet de décret portant application des
articles L. 242-1 et suivants
du code de la sécurité intérieure, a indiqué dans sa délibération du 16 mars
2023 que les ministères
concernés ont prévu de rédiger une doctrine d'emploi propre à chacune des
institutions concernées,
visant à rappeler le cadre juridique des caméras aéroportées, précisant
certains cas d'usage, les
conditions d'emploi et les conduites à tenir, en particulier s'agissant de
l'information des
personnes et des restrictions de captation et d'enregistrement des lieux
privés. La CNIL, tout en
prenant acte de ce que la diversité des situations opérationnelles auxquelles
les forces de l'ordre
sont confrontées ne permet pas de définir dans le projet de décret des
critères objectifs encadrant
la captation, l'enregistrement et la transmission d'images, a considéré que de
telles précisions
devraient figurer dans la doctrine d'emploi qui devra lui être transmise. Il
ne ressort pas de cette
délibération que le décret n° 2023-283 du 19 avril 2023 relatif à la mise en
œuvre de traitements
d'images au moyen de dispositifs de captation installés sur des aéronefs pour
des missions de
police administrative, transposé aux articles R. 242-1 à R. 242-7 du code de
la sécurité intérieure,
ne puisse en tout état de cause s'appliquer en l'absence d'adoption d'une
telle doctrine d'emploi.
13. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à
soutenir que
l'arrêté du 16 mai 2023 du préfet de la Haute-Garonne porterait une atteinte
grave et manifestement
illégale au droit au respect de la vie privée, à la liberté personnelle, au
droit à la protection des
données personnelles et à la liberté d'aller et venir. Dès lors, sans qu'il
soit besoin de se prononcer
sur la condition d'urgence posée par l'article L. 521-2 du code de justice
administrative ni
d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, la requête doit être
rejetée, en ce compris
les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de
justice administrative.

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O R D O N N E :
Article 1er : La requête de l'association de défense des libertés
constitutionnelles et autres
est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association de défense
des libertés
constitutionnelles, au syndicat des avocats de France, au syndicat de la
magistrature, à Mme Aa, à
Mme Y et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Fait à Toulouse, le 24 mai 2023.
La juge des référés,
F. HÉRY
La greffière,
P. TUR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en
ce qui le
concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les
voies de droit commun
contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente
ordonnance.
Pour expédition conforme,
la greffière en chef,
ou par délégation, la greffière,

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