Jurisprudence : CA Lyon, 25-04-2023, n° 21/01550, Infirmation partielle


N° RG 21/01550 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NN3T


Décision du

TJ hors JAF, JEX, JLD, Aa A, JCP de BOURG EN BRESSE

Au fond

du 07 janvier 2021


RG : 19/01798

ch civile


[V]

[V]

[V]

[V]


C/


[X]


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE LYON


1ère chambre civile B


ARRET DU 25 Avril 2023



APPELANTS :


M. [R] [V]

né le … … … à [Localité 7] (90)

[Adresse 11]

[Localité 12]


Représenté par Me Hervé RIEUSSEC de la SCP RIEUSSEC & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 548


M. [G] [V]

né le … … … à [… …] (…)

[… …]

[Localité 5]


Représenté par Me Hervé RIEUSSEC de la SCP RIEUSSEC & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 548


M. [P] [V]

né le … … … à [Localité 12] (01)

[Adresse 3]

[Localité 12]


Représenté par Me Hervé RIEUSSEC de la SCP RIEUSSEC & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 548


M. [Y] [V]

né le … … … à [Localité 12] (01)

[Adresse 3]

[Localité 12]


Représenté par Me Alban BARLET, avocat au barreau de LYON, toque : 1099


(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 69123/2/2021/017650 du 17/06/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)


INTIMEE :


Mme [M] [X] veuAbe [V]

née le … … … à [Localité 9] (69)

[Adresse 4]

[Localité 12]


Représentée par Me Sylvain THOURET de la SCP D'AVOCATS CHAVRIER-MOUISSET- THOURET-TOURNE, avocat au barreau de LYON, toque : 732


* * * * * *


Date de clôture de l'instruction : 03 Mars 2022


Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 Janvier 2023


Date de mise à disposition : 28 mars 2023 prorogée au 25 Avril 2023, les avocats dûment avisés conformément au code de procédure civile



Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller


assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier


A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile🏛.


Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile🏛,


Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.


* * * *



FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES


[U] [V], décédé le 31 janvier 2012, avait contracté mariage en 1995, avec adoption du régime de la séparation de biens avec [C] [E], décédée le 29 mars 1998. De cette union sont nés quatre enfants : [R], [G], [P] et [Y] [V].


Le 6 juillet 2001, [U] [V] a épousé en secondes noces Mme [X], avec adoption du régime de la séparation de bien. Aucun enfant n'est né de cette union.


Selon acte reçu le 24 juin 2005, [U] [V] a consenti à Mme [X] une donation de biens à venir, portant sur l'usufruit de l'intégralité de sa succession, avec clause d'exhérédation de ses droits légaux, que celle-ci a acceptée en qualité de donataire.


Cette donation a été annulée par jugement du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse du 8 décembre 2016, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Lyon du 13 mars 2018.


Par exploit d'huissier de justice du 13 juin 2019, M. [R] [V], M. [G] [V], M. [P] [V] et M. [Y] [V], ont fait assigner Mme [X], conjointe survivante de leur père, en partage judiciaire de la succession.



Par jugement du 7 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a :

- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [U] [V] et des intérêts patrimoniaux ayant existé entre lui et Mme [X],

- désigné Maître [F] [K], notaire à [Localité 8] (Ain), pour procéder aux opérations de partage,

- commis le juge du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse chargé du suivi des partages successoraux pour surveiller ces opérations,

- dit que le notaire rendra compte au juge commis des difficultés rencontrées et pourra solliciter de lui toute mesure de nature à en faciliter le déroulement,

- dit que dans le délai d'un an suivant sa désignation, sauf prorogation, le notaire dressera un état liquidatif qui établira les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir,

- dit que si un acte de partage amiable est établi, en application des dispositions de l'article 842 du code civil🏛, le notaire en informera le juge qui constatera la clôture de la procédure,

- dit qu'en cas de désaccord des copartageants sur le projet d'état liquidatif dressé par le notaire, ce dernier transmettra au juge commis un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d'état liquidatif,

- dit que Mme [X] bénéficie d'un droit viager d'habitation sur l'immeuble situé [Adresse 4] à [Localité 12] (Ain) ainsi qu'un droit d'usage sur le mobilier le garnissant s'exerçant dans les conditions fixées par l'article 764 du code civil🏛,

- dit que Mme [X] doit à l'indivision, pour l'usage privatif du véhicule Peugeot, une indemnité annuelle de 1 000€ depuis le 13 juin 2014 jusqu'au jour de la jouissance divise,

- dit que Mme [X] est débitrice de l'indivision d'une somme de 47 935€ correspondant au montant des loyers perçus pour la location du bien indivis situé [Adresse 2] à [Localité 12],

- dit qu'il sera tenu compte à Mme [X] des dépenses nécessaires qu'elle a faites de ses deniers personnels pour l'amélioration ou la conservation du bien indivis situé [Adresse 2] à [Localité 12] à hauteur de la somme de 31 679€,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes, y compris celles au titre des frais de procédure,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- dit que chaque partie conserve la charge des dépens qu'elle a engagés.



Par déclaration du 1er mars 2021, M. [R] [V], M. [G] [V], M. [P] [V] et M. [Y] [V] ont relevé appel du jugement.


Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 2 mars 2022, M. [Y] [V] demande à la cour de :

- dire et juger qu'il est recevable et bien fondé en son appel interjeté à l'encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bourg en Bresse le 7 janvier 2021,

- réformer ledit jugement en ce qu'il a à tort accordé à Mme [X] un droit d'habitation et d'usage à titre viager sur le logement situé [Adresse 4] à [Localité 12],

- dire et juger que Mme [X] n'a pas manifesté dans le délai d'un an imparti pour le faire sa décision de bénéficier du droit d'habitation et d'usage à titre viager du logement comme imparti par l'article 765-1 du code civil🏛,

- dire et juger que Mme [X] n'a pas manifesté dans le délai requis sa volonté de bénéficier des droits d'habitation et d'usage à titre viager sur le logement qu'elle occupe et que ses droits dans la succession se limiteront à la propriété du quart tels que prévu par l'article 757 du code civil🏛,

- fixer à 1.275 € par mois l'indemnité d'occupation due par Mme [X] pour la maison qu'elle occupe [Adresse 4] à [Localité 12] et qui dépend entièrement de la succession et condamner Mme [X] au règlement de ladite indemnité au bénéfice de l'indivision successorale de [U] [V],

- condamner Mme [X] à payer à la succession la somme 117.958 € arrêtée au 28 février 2022, somme à parfaire au titre de cette occupation, pour la période allant du 14 juin 2014 au 28 février 2022, outre mémoire pour la période ultérieure; et à tout le moins dire et juger qu'elle est débitrice de cette somme à l'égard de l'indivision successorale,

- fixer à 2.250 € par an l'indemnité de jouissance due par Mme [X] pour la jouissance privative des meubles garnissant le logement qu'elle occupe au [Adresse 4] à [Localité 12],

- condamner Mme [X] à payer à la succession la somme 14.725 € à parfaire au titre de cette jouissance privative des meubles garnissant le logement, pour la période allant du 14 juin 2014 au 31 décembre 2020, outre mémoire pour la période ultérieure ; et à tout le moins dire et juger qu'elle est débitrice de cette somme à l'égard de l'indivision successorale,

- réformer le jugement rendu en première instance concernant le quantum des sommes dues par Mme [X] au titre des indemnités de jouissance dont elle est redevable envers l'indivision successorale,

- fixer à 2.000 € par an l'indemnité de jouissance due par Mme [X] pour la jouissance privative des deux véhicules de marque Fiat et Citroën dépendant en tout ou partie de la succession,

- condamner Mme [X] à payer à la succession la somme 13.000 € à parfaire au titre de cette jouissance, pour la période allant du 14 juin 2014 au 31 décembre 2019, outre mémoire pour la période ultérieure ; et à tout le moins dire et juger qu'elle est débitrice de cette somme à l'égard de l'indivision successorale,

- fixer à 3.000 € par an l'indemnité de jouissance due par Mme [X] pour la jouissance privative d'un bateau de type vedette sun seeker n° de série 173625 et de son anneau au port de plaisance de [Localité 6],

- condamner Mme [X] à payer la somme de 5.000 € à titre de réparation de préjudice subi au bénéfice de l'indivision successorale au titre de la perte du bateau de type vedette sun seeker n° de série 173625 dont elle reconnaît n'avoir pris aucune mesure pour en assurer la conservation et l'entretien alors qu'elle en avait l'usage exclusif,

- condamner Mme [X] à payer à la succession la somme 16.500 € à parfaire au titre de cette jouissance, pour la période allant du 14 juin 2014 au 31 décembre 2019, outre mémoire pour la période ultérieure ; et à tout le moins dire et juger qu'elle est débitrice de cette somme à l'égard de l'indivision successorale ;

- condamner Mme [X] à restituer à la succession l'intégralité des loyers perçus au titre de la location d'une maison sise [Adresse 2] à [Localité 12] dépendant de la succession, pour la période allant du 14 juin 2014 au 31 octobre 2018, soit la somme de 47.935€; et, à tout le moins, dire et juger qu'elle est débitrice de cette somme à l'égard de l'indivision successorale,

- dire et juger que Mme [X] est défaillante dans l'administration de la charge de la preuve au titre des dépenses prétendument exposées de ses deniers personnels pour l'amélioration ou la conservation du bien indivis situé [Adresse 2] pour 31.679 € au visa de l'article 15 du code de procédure civile🏛,

- dire et juger que Mme [X] se trouve prescrite au titre de ses demandes concernant les sommes qu'elle prétend avoir exposées de ses deniers personnels pour l'entretien ou l'amélioration du bien indivis situé [Adresse 2] en application de la prescription quinquennale de l'article 815-13 du code civil🏛 et 2224 du code civil qui trouvent application,

- dire et juger que Mme [X] est défaillante dans la ventilation des dépenses dont elle sollicite rembourser envers l'indivision entre dépense de conservation et d'entretien et dépenses d'amélioration dont le mode,

- réformer le jugement rendu en première instance en ce qu'il a validé la demande de Mme [X] de prise en compte de la somme de 31.679 € au titre des dépenses faites par elle de ses deniers personnels pour l'amélioration ou la conservation du bien indivis et la débouter de cette demande comme non fondée,

- dire et juger qu'aucune somme ne sera retenue au bénéfice de Mme [X] à l'encontre de l'indivision successorale concernant des prétendues dépenses d'entretien ou d'amélioration du bien indivis situé [Adresse 2] à [Localité 12],

- confirmer pour le surplus le jugement rendu en première instance,

- dire et juger mal fondée l'appel incident de Mme [X] et rejeter l'ensemble des fins, et conclusions d'appel de cette dernière,

- condamner Mme [X] à lui payer à la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛 au titre de la procédure en première instance,

- condamner Mme [X] à payer à Maître Barlet, avocat de M. [Y] [V], la somme de 3.000€ en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991🏛,

- condamner la même aux entiers dépens, tant ceux d'appel que ceux de première instance, dont distraction au profit de Maître Barlet, avocat sur son affirmation de droit en application de l'article 699 du code de procédure civile🏛,

subsidiairement,

- dire que lesdits dépens seront tirés en frais privilégiés de partage.


Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 19 janvier 2022, Mme [X] demande à la cour de :

- constater que MM [R] [V], [G] [V] et [P] [V] n'ont pas soutenu leur appel,

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de M. [Y] [V],


- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- dit que Mme [X] bénéficie d'un droit viager d'habitation sur l'immeuble situé [Adresse 4] à [Localité 12] (Ain) ainsi qu'un droit d'usage sur le mobilier le garnissant s'exerçant dans les conditions fixées par l'article 764 du code civil,

- débouté les consorts [V] tendant à voir mettre à la charge de Mme [X] une indemnité d'occupation de la maison sise [Adresse 4] et une indemnité de jouissance des meubles garnissant cette maison,

- débouté les consorts [Ab] de leur demande d'indemnité de jouissance privative du véhicule Fiat,

- débouter les consorts [V] de la demande d'indemnité de jouissance privative du bateau de type vedette sun seeker et de l'anneau de port de plaisance de [Localité 6],

- dit qu'il sera tenu compte à Mme [X] des dépenses nécessaires qu'elle a faites de ses deniers personnels pour l'amélioration ou la conservation du bien indivis situé [Adresse 2] à [Localité 12] à hauteur de la somme de 31.679 €,

- débouté les consorts [Ab] de leur demande d'indemnité pour frais de procédure,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit que Mme [X] doit à l'indivision pour l'usage privatif du véhicule Citroën (et non Peugeot) une indemnité annuelle de 1.000€ depuis le 13 juin 2014 jusqu'au jour de la jouissance divise,

- dit que Mme [X] est débitrice de l'indivision de la somme de 47.935€ correspondant au montant des loyers perçus pour la location du bien indivis situé [Adresse 2] à [Localité 12],

- débouté Mme [X] de ses demandes d'indemnité de frais de procédure et au titre des dépens,

- juger n'y avoir lieu à indemnité à sa charge, au profit de l'indivision, pour l'usage du véhicule Citroën (et non Peugeot),

- juger qu'elle est débitrice de l'indivision de la somme de 44.815€ correspondant au montant des loyers perçus pour la location du bien indivis situé [Adresse 2] à [Localité 12] pour la période courant du 14 juin 2014 au 31 juillet 2018,

- débouter M. [Y] [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires,

- condamner M. [Y] [V] à lui payer une indemnité de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [Y] [V] aux entiers dépens de première instance et d'appel et autoriser la SCP Thouret avocats à les recouvrer sur son affirmation de droit dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.


L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 mars 2022.


Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile🏛, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.



MOTIFS DE LA DECISION


A titre liminaire, il y a lieu de relever que MM [R], [G] et [P] [V], qui ont relevé appel du jugement, avec leur frère [Y], n'ont pas conclu.


1. Sur le droit d'usage et d'habitation de MXe [X]


M. [Y] [V] soutient que Mme [X] ne bénéficie d'aucun droit d'usage et d'habitation sur le logement car :

- Mme [X] n'a pas manifesté expressément sa volonté de bénéficier du droit viager au logement prévu par l'article 764 alinéa 1er du code civil,

- le conjoint survivant est réputé y avoir renoncé s'il n'en fait pas la demande dans le délai d'un an à compter du décès,

- le maintien du conjoint survivant dans les lieux ne vaut pas manifestation de volonté tacite de bénéficier du droit d'usage et d'habitation viager,

- elle avait été avertie par le notaire, dès l'ouverture des opérations de succession, que la validité de la donation de l'usufruit de l'universalité de la succession qui lui avait été consentie par son époux était contestable,

- le notaire avait attiré son attention sur la nécessité d'opter, dans un délai d'un an, pour le droit viager au logement,

- la nullité de la donation a acquis force de chose jugée dès l'arrêt de la cour d'appel du 13 mars 2018,

- il n'a pas expressément consenti, avec ses frères, aux termes de l'acte de notoriété successorale du 16 mars 2012, à ce que Mme [X] se trouve usufruitière de l'universalité des biens mais a pris acte du fait que Mme [X] revendique et sollicite le bénéfice de l'usufruit de l'universalité des biens et droits composant la succession sur la base de la donation du 24 juin 2005,

- l'acte de notoriété successorale du 16 mars 2012 ne fait que reprendre les conséquences juridiques et successorales qui résultent de la donation,

- le fait que Mme [X] ait accepté l'usufruit de l'universalité des biens et droits composant la succession ne permet pas de caractériser son souhait de bénéficier du droit d'usage et d'habitation viager.


Mme [X] fait valoir :

- qu'en se maintenant dans les lieux, elle a témoigné de sa volonté de bénéficier d'un droit viager d'usage et d'habitation sur le logement,

- que la mention dans l'acte de notoriété du 16 mars 2012 de l'existence d'un option offerte au conjoint survivant ne précisait pas qu'elle devait manifester expressément ce choix,

- qu'à l'époque de l'acte de notoriété, elle n'avait aucune raison d'opter pour le bénéfice du droit d'usage et d'habitation viager puisqu'elle venait d'accepter l'usufruit de l'universalité des biens de la succession et de renoncer à ses droits légaux en propriété,

- qu'en optant pour l'usufruit de l'universalité des biens de la succession, elle a nécessairement et implicitement opté pour le droit d'usage et d'habitation viager du logement dans lequel elle s'est maintenue,

- que dès lors qu'elle contestait la nullité de la donation entre époux, elle n'avait pas davantage de raison d'opter pour le droit viager au logement,

- qu'elle n'avait pas de raison d'opter pour le droit viager au logement tant que la décision n'avait pas donné lieu à décision passée en force de chose jugée, ce qui est advenu par arrêt de la Cour de cassation du 3 avril 2019,

- que par acte reçu par Maître [O] le 15 octobre 2019, elle a expressément accepté le bénéfice du droit viager au logement,

- que les consorts [Ab], qui ont accepté l'acte de notoriété du 16 mars 2012, ont également accepté qu'elle bénéficie d'un droit viager d'usage et d'habitation sur le logement.


Réponse de la cour


Selon l'article 764, alinéa 1, du code civil, sauf volonté contraire du défunt exprimée dans les conditions de l'article 971, le conjoint successible qui occupait effectivement, à l'époque du décès, à titre d'habitation principale, un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, a sur ce logement, jusqu'à son décès, un droit d'habitation et un droit d'usage sur le mobilier, compris dans la succession, le garnissant.


L'article 765-1 du même code précise que le conjoint dispose d'un an à partir du décès pour manifester sa volonté de bénéficier de ces droits d'habitation et d'usage.


Il résulte de ces dispositions que le conjoint survivant dispose d'un an à partir du décès pour manifester sa volonté de bénéficier de son droit viager au logement, cette manifestation pouvant être tacite.


[U] [V] est décédé le 31 janvier 2012.


Outre le fait qu'il est constant qu'à la date du décès, Mme [X] habitait dans le logement constituant le domicile conjugal, et qu'elle s'y est depuis lors maintenue, elle a manifesté sa volonté de bénéficier d'un droit viager au logement, tacitement, en optant dans un acte de notoriété en date du 16 mars 2012 'pour l'exécution de la donation entre époux portant usufruit de l'universalité des biens meubles et immeubles composant la succession sans réserve et renoncer à ses droits légaux en propriété prévus par l'article 757 du code civil.'


Cette option pour l'exécution de la donation entre époux du 24 juin 2005 démontre que le souhait non équivoque de Mme [X] était de se maintenir dans le logement à titre viager, puisque le bénéfice de l'usufruit lui permettait d'y vivre jusqu'à son décès. Et cette circonstance prévalait, pour Mme [X], sur le fait qu'elle renonce à ses droits légaux en pleine propriété, malgré l'information qui lui a été donnée, par le notaire, qu'un doute existait sur la validité d'une telle exhérédation.


Contrairement à ce qui est soutenu par l'appelant, l'acte de notoriété du 16 mars 2012 ne se borne pas à reprendre les conséquences juridiques et successorales qui résultaient de la donation puisque Mme [X] a été informée par cet acte qu'il existait un doute sur la validité de la donation du 24 juin 2005 et qu'elle disposait, en conséquence, de la possibilité de prétendre aux droits légaux dont bénéficie tout conjoint survivant. Or, malgré cette information, elle a souhaité bénéficier de l'usufruit de l'universalité des biens, ce qui permettait de sécuriser ses droits sur le logement, d'autant que MM [R], [G], [P] et [Y] [V] ont, dans le même acte, d'une part, consenti à l'exécution pure et simple de la libéralité et renoncé à se prévaloir de l'action en réduction prévue à l'article 921 du code civil🏛.


Enfin, la mention dans l'acte de notoriété du 16 mars 2012, de l'existence d'un option offerte au conjoint survivant, de bénéficier d'un droit viager d'habitation, ne précisait pas qu'elle pouvait manifester expressément ce choix par une déclaration, de sorte qu'il ne peut être déduit de cette omission que Mme [X] n'a pas entendu bénéficier d'un tel droit.


Il en résulte que Mme [X], qui a toujours habité le logement et a accepté, malgré son caractère contestable, de faire exécuter une donation portant sur l'usufruit de l'universalité des biens et droits mobiliers et immobiliers de la succession a manifesté, dans le délai d'un an à compter du décès, sa volonté de bénéficier d'un droit d'usage et d'habitation sur le logement situé [Adresse 4] à [Localité 12], ainsi que sur le mobilier le garnissant.


Le jugement est donc confirmé.


En conséquence, par confirmation du jugement, il convient également de débouter M. [Y] [V] de ses demandes tendant à voir condamner Mme [X] à payer des indemnités au titre de l'occupation du logement et de la jouissance des meubles le garnissant.


2. Sur les demandes d'indemnités


M. [Y] [V] demande la réformation du jugement qui a l'a débouté de sa demande d'indemnité pour la jouissance privative, par Mme [X], du véhicule Fiat et lui a alloué une somme insuffisante au titre du véhicule Citroën. Il soutient que Mme [X] ne lui a jamais proposé de récupérer le véhicule Fiat, que le véhicule Citroën était en excellent état au moment du décès de [U] [V], de sorte que l'indemnité de jouissance, qui est due à compter du 14 juin 2014 et jusqu'au 31 décembre 2019, ne peut être inférieure à 3 000 € par an, soit 1 500 € pour la moitié indivise dont Mme [X] est redevable envers la succession.


M. [V] sollicite également la réformation du jugement qui l'a débouté de sa demande de fixation d'une indemnité annuelle de jouissance au titre du bateau de type vedette sun seeker et de son anneau au port de plaisance de [Localité 6]. Il fait valoir que Mme [X] a entretenu le bateau parce qu'elle seule en profitait, qu'elle ne conteste pas être en possession des clés et que l'indemnité de jouissance ne saurait être inférieure à 3 000 € par an, pour la période allant du 14 juin 2014 au 31 décembre 2019. Il ajoute que la négligence fautive de Mme [X], qui reconnaît ne pas savoir ce qui est advenu du bateau cause un préjudice certain pour la succession qu'elle doit être condamnée à réparer.


Mme [X] fait valoir que le véhicule Fiat a toujours été à la disposition des consorts [V] et que son état d'usage moyen ne peut justifier le paiement d'une quelconque indemnité de jouissance. Elle ajoute qu'elle a réglé la moitié du prix d'achat du véhicule Citroën, qui est indivis pour moitié et que M. [V] ne communique aucune pièce justificative de nature à justifier les chiffrages qu'il allègue.


S'agissant du bateau, Mme [X] fait valoir que peu après le décès, elle a émis une proposition de vente du bateau et de la place de port, qui a été refusée par les consorts [V], qu'elle a remis les clés du bateau à M. [R] [V] en 2018 et qu'elle s'est acquittée du coût d'entretien du bateau.


Réponse de la cour


C'est par de justes motifs que la cour adopte expressément, que les premiers juges ont retenu que Mme [X] était redevable à l'indivision d'une indemnité de 1 000 euros par an pour la jouissance privative du véhicule Citroën (et non pas Peugeot mentionné par erreur), due à compter du 13 juin 2014 et jusqu'au 31 décembre 2019.


De même, la cour adopte expressément les motifs des premiers juges, tenant à l'absence de preuve d'une jouissance privative, afin de débouter M. [Y] [V] de ses demandes d'indemnités au titre de la jouissance du véhicule automobile de marque Fiat, du bateau et de l'anneau situés dans le port de plaisance de [Localité 6].


La cour ajoute que M. [Y] [V] ne démontrant pas que Mme [X] bénéficie d'une jouissance privative sur le bateau, il n'y a pas lieu de condamner cette dernière à lui payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de sa perte, qui est simplement affirmée, sans offre de preuve, étant précisé que le fait que Mme [X] indique qu'elle ne sait pas 'ce qu'il est devenu' ne signifie pas nécessairement qu'il est perdu.


3. Sur les loyers et les dépenses d'entretien de la maison sise [Adresse 2] à [Localité 12]


M. [Y] [V] sollicite la confirmation du jugement qui a retenu que Mme [X] devait être condamnée à restituer à l'indivision les loyers perçus au titre de la location de la maison et la réformation du jugement qui a validé la demande de Mme [X] au titre des dépenses d'amélioration ou de conservation du bien indivis. Il soutient :

- que Mme [X] est redevable de la somme de 47 935 € qu'elle a elle-même encaissée sur la période allant du 14 juin 2014 au mois d'octobre 2018 et non de la somme de 44 815 € comme elle le prétend en déduisant les dépenses qu'elle aurait exposées,

- que Mme [X] ne justifie pas que les dépenses qu'elle aurait prétendument engagées répondent aux critères permettant d'en solliciter le remboursement et les factures antérieures et que la plupart d'entre elles sont prescrites comme étant antérieures de plus de 5 ans à la date où elles ont été demandées en justice, dont Mme [X] ne justifie pas;

- que Mme [X] ne peut obtenir le remboursement des factures du 5 octobre 2013, du 17 février 2012, du 14 novembre 2012 et du 16 décembre 2012 dès lors que le délai de prescription quinquennal est acquis.


Mme [X] fait valoir :

- qu'elle a encaissé les loyers de la maison jusqu'en juillet 2018 et non jusqu'en octobre 2018, comme le prétend M. [V],

- qu'elle justifie que sur la période du 1er février 2013 au 31 juillet 2018, elle a assumé des dépenses d'entretien et d'amélioration pour un montant de 31 679 €.


Réponse de la cour


Ainsi que l'a relevé le premier juge, Mme [X] reconnaît avoir perçu les loyers de la location de la maison située [Adresse 2], à [Localité 12], jusqu'en juillet 2018. Néanmoins, il est établi que la maison a été louée jusqu'en octobre 2018 et à défaut pour Mme [X] de rapporter la preuve qu'elle n'a pas continué d'encaisser les loyers jusqu'à cette date, il y a lieu de retenir qu'elle doit restituer à l'indivision la somme totale de 47 935 euros au titre des loyers perçus de juin 2014 à octobre 2018.


S'agissant des dépenses d'entretien et de conservation exposées par Mme [X], M. [Y] [V] soulève le moyen tiré de la prescription de la demande.


Mme [X], qui ne conclut pas sur ce moyen, ne précise pas à quelle date elle en a demandé le remboursement pour la première fois. Néanmoins, il ressort du jugement déféré qu'elle a sollicité que les dépenses d'entretien qu'elle a exposées soient déduites des loyers dans ses conclusions récapitulatives du 7 septembre 2020.


Dès lors, en application de l'article 2224 du code civil🏛, les demandes en paiement des charges et factures antérieures au 7 septembre 2015 sont prescrites.


En conséquence, seules peuvent être retenues, au vu des justificatifs produits, à compter de cette date:

- les primes d'assurances, pour un montant de 4 500,51 euros,

- la taxe foncière, pour un montant de 4 390 euros,

- les charges, pour un montant de 3 973 euros.


Les factures sont toutes antérieures à cette date.


En conséquence, il doit être tenu compte des dépenses nécessaires qui ont été faites par Mme [X] de ses deniers personnels pour la conservation du bien indivis situé [Adresse 2], à [Localité 12], à hauteur de la somme de 12 863,51 euros.


4. Sur les autres demandes


Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.


L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [X], en appel. M. [Y] [V] est condamné à lui payer à ce titre la somme de 3.000 €.


Les dépens d'appel sont à la charge de M. [Y] [V] qui succombe en la plupart de ses demandes.



PAR CES MOTIFS


LA COUR,


Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il:

- dit que Mme [X] a fait un usage privatif d'un véhicule Peugeot,

- dit qu'il sera tenu compte à Mme [X] des dépenses nécessaires qu'elle a faites de ses deniers personnels pour l'amélioration ou la conservation du bien indivis situé [Adresse 2] à [Localité 12], à hauteur de la somme de 31 679 euros,


Statuant à nouveau et y ajoutant,


- dit que Mme [M] [X] doit à l'indivision pour l'usage privatif du véhicule Citroën, une indemnité annuelle de 1 000 euros, du 13 juin 2014 au 31 décembre 2019 ;


- dit qu'il sera tenu compte à Mme [M] [X] des dépenses nécessaires qu'elle a faites de ses deniers personnels pour l'amélioration ou la conservation du bien indivis situé [Adresse 2] à [Localité 12], à hauteur de la somme de 12 863,51 euros ;


Condamne M. [Y] [V] à payer à Mme [M] [X], la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,


Déboute les parties de toutes leurs autres demandes.


Condamne M. [Y] [V] aux dépens de la procédure d'appel, et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.


La greffière, Le Président,

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Décisions similaires

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par visa

Domaine juridique - SUCCESSION

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par thème
La Guadeloupe
La Martinique
La Guyane
La Réunion
Mayotte
Tahiti

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.