CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 60872
Ministre des transports c/ M. Daney, Mme Giret, Syndicat des pilotes de la Gironde et M. Nebout
Lecture du 11 Avril 1986
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
1°
Vu enregistré le 17 juillet 1981 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 60872 le recours présenté par le ministre des transports tendant à ce que le Conseil d'Etat
1°) annule le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 29 mai 1984 relaxant M. Daney des fins de la poursuite engagée contre lui pour contravention de grande voirie ;
2°) condamne M. Daney à payer une amende de 3 000 F, à démolir la clôture édifiée par lui sur le domaine public, sauf à rembourser les frais de démolition si celle-ci est effectuée d'office par les services du port autonome de Bordeaux ; 2° enregistré le 17 juillet 1984 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 60873 le recours présenté par le ministre des transports tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 29 mai 1984 relaxant Mme Giret des fins de la poursuite engagée contre elle pour contravention de grande voirie ;
2°) condamne Mme Giret à payer une amende de 3 000 F, à démolir la clôture édifiée par elle sur le domaine public, sauf à rembourser les frais de démolition si celle-ci est effectuée d'office par les services du port autonome de Bordeaux ;
3° enregistré le 17 juillet 1984 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 60874 le recours présenté par le ministre des transports tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 29 mai 1984 relaxant le syndicat des pilotes de la Gironde des fins de la poursuite engagée contre lui pour contravention de grande voirie ;
2°) condamne le syndicat des pilotes de la Gironde à payer une amende de 3 000 F, à démolir la clôture édifiée par lui sur le domaine public, sauf à rembourser les frais de démolition si celle-ci est effectuée d'office par les service du port autonome de Bordeaux ; 4° enregistré le 17 juillet 1984 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 60875 le recours présenté par le ministre des transports tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 29 mai 1984 relaxant M. Nebout des fins de la poursuite engagée contre lui pour contravention de grande voirie ;
2°) condamne M. Nebout à payer une amende de 3 000 F, à démolir la clôture édifiée par lui sur le domaine public, sauf à rembourser les frais de démolition si celle-ci est effectuée d'office par les services du port autonome de Bordeaux ;
Vu le code civil ;
Vu le code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure;
Vu le code des ports maritimes ;
Vu le code du domaine public de l'Etat ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Considérant que les recours n° 60872, 60873, 60874 et 60875 du ministre des transports concernent les mêmes faits et présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article 10 du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure, "la propriété des alluvions, relais, atterrissements, îles et îlots qui se forment naturellement dans les fleuves et rivières domaniaux est régie par les dispositions des articles 556, 557, 560 et 562 du code civil" ; qu'aux termes de l'article 13 du même code, "lorsque, à la suite de travaux légalement exécutés, des portions de l'ancien lit cesseront de faire partie du domaine public, les propriétaires riverains pourront exercer le droit de préemption conformément aux dispositions de l'article 563 du code civil" ; que si, aux termes de l'article 556 du code civil, "les atterrissements et accroissements qui se forment successivement et imperceptiblement aux fonds riverains d'un fleuve ou d'une rivière, s'appellent alluvions. L'alluvion profite au propriétaire riverain, soit qu'il s'agisse d'un fleuve ou d'une rivière navigable, flottable ou non..", il résulte de la combinaison des articles 10 et 13 du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure que cet article n'est applicable qu'aux alluvions et atterrissements formés naturellement, ceux qui se sont formés à la suite de travaux légalement exécutés n'étant soumis qu'à l'article 563 du code civil et demeurant donc, jusqu'à leur aliénation, dans le domaine privé de l'Etat ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les atterrissements qui se sont progressivement formés dans l'estuaire de la Gironde sur le territoire de la commune du Verdon-sur-Mer, dans l'anse de la Chambrette, ont été provoqués par la présence de digues de protection des rives édifiées au moins depuis 1945 par les soins de l'administration qu'il ne s'agit donc pas d'alluvions formés naturellement que dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a reconnu aux terrains sur lesquels M. Daney, Mme Giret, le syndicat des pilotes de la Gironde et M. Nebout, propriétaires riverains de l'anse de la Chambrette ont édifié des clôtures, le caractère de propriétés privées par application de l'article 556 du code civil ;
Considérant toutefois, que s'agissant en réalité d'atterrissements, provoqués par des travaux légalement entrepris, lesdits terrains, bien qu'ils aient été inclus dans les limites du domaine public fluvial par une décision du 22 novembre 1929, qui n'avait qu'un caractère déclaratif, ne font pas partie de ce domaine en application des dispositions de l'article 13 du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure ; que lesdits terrains, s'ils sont compris dans les emprises du port du Verdon, ne sont pas pour autant inclus dans le domaine public portuaire ; qu'ainsi, ils font partie du domaine privé de l'Etat ; que par suite, les procès-verbaux dressés contre M. Daney, Mme Giret, le syndicat des pilotes de la Gironde et M. Nebout pour contravention de grande voirie étaient dépourvus de base légale, les terrains en cause n'étant pas susceptibles d'être protégés par la procédure répressive ainsi engagée ; que, dès lors, le ministre des transports n'est pas fondé à se plaindre de ce que M. Daney, Mme Giret, le syndicat des pilotes de la Gironde et M. Nebout aient été relaxés par le tribunal administratif de Bordeaux des fins des poursuites procédant de ces procès-verbaux ;
D E C I D E :
Article 1er : Les recours susvisés du ministre des transports sont rejetés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Daney, Mme Giret, au syndicat des pilotes de la Gironde, à M. Nebout, et au ministre de l'urbanisme, du logement et des transports.