Jurisprudence : Cass. civ. 2, 13-04-2023, n° 21-21.242, F-B, Cassation

Cass. civ. 2, 13-04-2023, n° 21-21.242, F-B, Cassation

A02519PY

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Cass. civ. 2, 13-04-2023, n° 21-21.242, F-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/95115091-cass-civ-2-13042023-n-2121242-fb-cassation
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Abstract

Il résulte de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui consacre le droit d'accès au juge, qu'un justiciable, fût-il représenté ou assisté par un avocat, ne saurait être tenu pour responsable du non-respect des formalités de procédure imputable à la juridiction. Dès lors, le délai d'appel ne peut pas courir contre la partie qui a reçu une notification du jugement effectuée par le greffe comprenant des mentions erronées sur l'identité des parties. Par conséquent, méconnaît l'article 6, § 1, de la Convention précitée, une cour d'appel qui, pour déclarer irrecevable une déclaration d'appel, retient qu'une erreur dans l'identité des parties n'a pas pour effet de rendre irrégulière la notification du jugement de première instance opérée par le greffe d'un conseil de prud'hommes, ces mentions ne figurant pas au nombre de celles prévues par les articles 680 du code de procédure civile et R. 1454 du code du travail


CIV. 2

FD


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 avril 2023


Cassation


Mme MARTINEL, conseiller doyen faisant
fonction de président


Arrêt n° 409 F-B

Pourvoi n° Y 21-21.242

Aide juridictionnelle totale en demande
pour M. [U].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 17 juin 2021.


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2023


M. [V] [U], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 21-21.242 contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2020 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à la société Les Coopérateurs de Normandie Picardie, société coopérative à capital variable, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.


Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bonnet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de M. [U], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Les Coopérateurs de Normandie Picardie, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 mars 2023 où étaient présentes Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bonnet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 18 novembre 2020), la société Les Coopérateurs de Normandie Picardie (la société) après avoir sanctionné disciplinairement M [Aa], l'a licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

2. Ce dernier a contesté ce licenciement devant un conseil de prud'hommes.

3. M. [U] a interjeté appel du jugement rendu par ce conseil de prud`hommes le 15 mai 2019.


Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. M. [U] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme tardif l'appel qu'il a interjeté le 29 août 2019 à l'encontre du jugement du conseil de prud'hommes d'Amiens en date du 15 mai 2019 et de constater le dessaisissement de la cour d'appel d'Amiens de l'instance, alors « que de seconde part et à titre subsidiaire, le droit d'accès à un tribunal, tel qu'il est garanti par les stipulations de l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, impose que les limitations qui y sont apportées ne restreignent pas l'accès ouvert au justiciable à un tribunal d'une manière ou à un point tel que son droit d'accès à un tribunal s'en trouve atteint dans sa substance même et poursuivent un but légitime et qu'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ; que la limitation au droit d'accès à un tribunal, résultant de ce que la notification d'un jugement d'un conseil de prud'hommes fait courir le délai d'appel à l'encontre de son destinataire, même si elle comporte une erreur sur l'identité des parties au litige, et de ce que l'appel interjeté par le destinataire d'une telle notification, après avoir interjeté un premier appel qui a été jugé irrecevable pour avoir été dirigé contre une personne qui n'était pas partie au jugement du conseil de prud'hommes et après l'expiration du délai d'appel courant à compter de cette même notification, est irrecevable en raison de sa tardiveté, restreint l'accès du destinataire de la notification à un tribunal d'une manière ou à un point tel que son droit d'accès à un tribunal s'en trouve atteint dans sa substance même, ne poursuit pas un but légitime et impose, en tout état de cause, au destinataire de la notification une sanction disproportionnée ; qu'en retenant, par conséquent, pour déclarer irrecevable comme tardif l'appel interjeté le 29 août 2019 par M. [V] [U] à l'encontre du jugement du conseil de prud'hommes d'Amiens en date du 15 mai 2019, qu'une erreur dans l'identité des parties n'a pas pour effet de rendre irrégulière la notification du jugement de première instance opérée par le greffe du conseil de prud'hommes et fait courir le délai d'appel à l'égard de la partie à laquelle cette notification a été faite et qu'en conséquence, l'appel interjeté par cette partie, après avoir interjeté un premier appel qui a été jugé irrecevable pour avoir été dirigé contre une personne qui n'était pas partie au jugement du conseil de prud'hommes et après l'expiration du délai d'appel courant à compter d'une telle notification, était irrecevable en raison de sa tardiveté, la cour d'appel a violé les stipulations de l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ».


Réponse de la Cour

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

5. D'une part, il ressort de la jurisprudence de la Cour que le « droit à un tribunal », dont le droit d'accès constitue un aspect particulier, n'est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, notamment quant aux conditions de recevabilité d'un recours, car il appelle de par sa nature même une réglementation par l'Etat, lequel jouit à cet égard d'une certaine marge d'appréciation. Toutefois, ces limitations ne sauraient restreindre l'accès ouvert à un justiciable de manière ou à un point tels que son droit à un tribunal s'en trouve atteint dans sa substance même ; enfin, elles ne se concilient avec l'article 6, § 1, que si elles tendent à un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (voir, parmi d'autres, les arrêts Ab Ac Ad A et Pérez de Rada Cavanilles, p§ 34 et § 44, respectivement).

6. D'autre part, la réglementation relative aux délais à respecter pour former un recours vise certes à assurer une bonne administration de la justice et le respect, en particulier, du principe de la sécurité juridique. Les intéressés doivent s'attendre à ce que ces règles soient appliquées. Toutefois, la réglementation en question, ou l'application qui en est faite, ne devrait pas empêcher le justiciable de se prévaloir d'une voie de recours disponible (Leoni c.Italie, 26 octobre 2000, n° 43269/98, § 22 et 23).

7. Il s'ensuit qu'un justiciable, fût-il représenté ou assisté par un avocat, ne saurait être tenu pour responsable du non-respect des formalités de procédure imputable à la juridiction, l'irrecevabilité de son recours s'analysant en une entrave à son droit d'accès à un tribunal.

8. Pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt retient que l'erreur dans l'identité des parties n'a pas pour effet de rendre irrégulière la notification opérée par le greffe du conseil de prud'hommes, ces mentions ne figurant pas au nombre de celles prévues par les articles 680 du code de procédure civile🏛 et R. 1454 du code du travail.

9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'acte de notification comportait une mention erronée dans l'identification de la société, imputable à la juridiction, qui avait été reprise par l'appelant dans sa déclaration d'appel, la cour d'appel, qui devait nécessairement en déduire que le délai d'appel n'avait pas couru, a violé le texte susvisé.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Condamne la société Les Coopérateurs de Normandie Picardie aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, condamne la société Les Coopérateurs de Normandie Picardie à payer à la SCP Yves et Blaise Capron la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-trois.

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