Jurisprudence : CE Contentieux, 10-01-1986, n° 41778

CE Contentieux, 10-01-1986, n° 41778

A7584AMT

Référence

CE Contentieux, 10-01-1986, n° 41778. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/942154-ce-contentieux-10011986-n-41778
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CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 41778

Société des travaux du midi

Lecture du 10 Janvier 1986

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Vu la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 21 avril 1982 et le mémoire complémentaire enregistré le 23 août 1982, présentés pour la société des travaux du midi, dont le siège est à Marseille, 27 boulevard Vernet, tendant à ce que le Conseil d'Etat:
1°/ annule le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 5 février 1982 en tant que par ledit jugement, le tribunal a rejeté les demandes de l'exposante tendant à ce que le centre hospitalier régional de Montpellier soit condamné à l'indemniser à raison des dépenses d'immobilisation de matériel et de personnel qui n'étaient pas strictement nécessaires pour se conformer aux injonctions du maître de l'ouvrage ainsi que la demande relative au préjudice résultant du manque à gagner;
2°/ condamne le centre hospitalier régional de Montpellier à l'indemniser des dits préjudices en sus de ceux retenus par les premiers juges, soit un montant total de 3 047 512 F avec intérêt de droit ;
3°/ capitalise les intérêts échus au 21 avril 1982 pour porter eux-mêmes intérêt à cette date;
4°/ étende la mission de l'expert commis par les premiers juges aux préjudices en cause en appel

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code des tribunaux administratifs;

Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;

Vu la loi du 30 décembre 1977;

Après avoir entendu le rapport de M. Fornacciari, Auditeur, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Liard, avocat de la société "Les travaux du midi" et de Me Vuitton, avocat du centre hospitalier régional de Montpellier et les conclusions de M. Dutheillet de Lamothe, Commissaire du Gouvernement.

Sur la faute résultant d'une irréglarité alléguée dans la procédure d'appel d'offres :
Considérant qu'aux termes de l'article 300 du code des marchés publics, "dès que la commission a fait son choix, l'autorité habilitée à passer le marché avise tous les autres soumissionnaires du rejet de leurs offres et peut leur communiquer les motifs du rejet. Cette dernière peut, en accord avec l'entreprise retenue, procéder à une mise au point du marché sans que les modifications entraînées puissent remettre en cause les conditions de l'appel à la concurrence ayant pu avoir un effet sur les offres. Cette autorité se réserve la faculté de ne pas donner suite à un appel d'offres si elle n'a pas obtenu de propositions qui lui paraissent acceptables. Dans ce cas, l'appel d'offres est déclaré infructueux et ladite société en avise tous les candidats. Il est alors procédé, soit par nouvel appel d'offres, soit par marche négocié, en application du 2° de l'article 312.";
Considérant que si ces dispositions permettent à l'autorité habilitée à passer le marché, dans le cas où l'offre retenue par la commission ne lui paraît pas acceptable, de déclarer l'appel d'offres infructueux, elles font obstacle à ce que la commission d'appel d'offres, une fois qu'elle a fait son choix, procède à un nouvel examen des offres et retienne finalement l'offre d'une autre entreprise que celle qu'elle avait initialement retenue ;
Considérant qu'il résulte des pièces versées au dossier que la société des travaux du midi, qui avait soumissionné dans le cadre de l'appel d'offres lancé en 1977 par le centre hospitalier régional de Montpellier en vue de la construction du nouvel hôpital Lapeyronnie, a été informée par le directeur du centre hospitalier, dans une lettre du 14 avril 1978, que la commission d'appel d'offres avait décidé, dans sa séance du 27 février 1978, de lui confier l'exécution des travaux du lot n°7 ; que cependant, par lettre du 21 septembre 1978, l'administration informait l'entreprise que la commission d'appel d'offres, réunie à nouveau le 12 septembre 1978, afin de procéder à un nouvel examen des offres, avait considéré que l'offre de la société requérante ne pouvait pas être retenue et lui indiquait en conséquence que la décision de la commission du 27 février 1978 devait être "considérée comme nulle et non avenue" ; que, par la suite, une autre entreprise a finalement été déclarée attributrice du marché ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les dispositions de l'article 300 du code des marchés faisaient obstacle à ce que la commission d'appel d'offres revienne sur son choix et à ce que le directeur du centre hospitalier régional attribue le marché, sans déclarer l'appel d'offres infructueux, à une autre entreprise qu'à la société des travaux du midi; que par suite, le centre hospitalier régional n'est pas fondé à se plaindre de ce que les premiers juges ont estimé que la société des travaux du midi avait été illégalement évincée;
Considérant que, la societé a droit, du fait de son éviction illégale du marché, à une indemnité calculée, non comme l'ont estimé à tort les premiers juges d'après le montant des frais exposés pour l'établissement de la soumission et la mise au point du marché, mais d'après celui du manque à gagner constaté en fait, que la société des travaux du midi ayant été privée d'une chance très sérieuse de remporter le marché, elle a droit au remboursement de l'intégralité du manque à gagner qu'elle a subi du fait de l'inexécution de ce marché ;
Considérant que toutefois les éléments du dossier ne permettent pas de déterminer le bénéfice que l'entreprise aurait retiré d'un tel marché; qu'il y a lieu par suite de modifier la mission de l'expert telle que l'ont fixée les premiers juges, pour la faire porter sur ce point;

Sur les autres fautes alléguées au centre hospitalier régional de Montpellier.:
Considérant que, par lettre du 31 mars 1978, le directeur du centre hospitalier régional demandait à la société des travaux du midi de prendre immédiatement contact avec les hommes de l'art et le bureau de coordination en vue d'étudier un raccourcissement du délai de construction; que par une nouvelle lettre du 14 avril 1978, le directeur de l'établissement faisait officiellement connaître à l'entreprise qu'elle avait été choisie par la commission d'appel d'offres, l'invitait à se mettre en rapport avec le maître d'oeuvre afin de procéder à la mise au point du marché et lui précisait qu'il ne manquerait pas "dès que le marché aurait été approuvé, de lui en adresser un exemplaire" que par une lettre du 7 août 1978, le directeur informait l'entreprise que l'approbation du marché était "reportée à une date ultérieure" et formulait le souhait que le délai de validité des offres soit prolongé à 400 jours; que ce n'est que par lettre du 21 septembre 1978 que le directeur du centre hospitalier régional a informé la société des travaux du midi de la nouvelle décision prise par la commission d'appel d'offres dans sa séance du 12 septembre 1978;
Considérant que ce comportement du maître de l'ouvrage, qui, en demandant à la société, le 31 mars 1978, d'abréger les délais de construction, l'a incitée à procéder plus rapidement que prévu à la mise au point du marché ainsi qu'à accélérer la mise en place des moyens en matériels et en personnels nécessaires à son exécution, et qui s'est abstenu le 7 août 1978, alors qu'à cette date il ne pouvait ignorer que la commission d'appel d'offres était susceptible de revenir sur son choix, d'informer la société de la survenance de ces circonstances, a constitué une faute, distincte de celle résultant de l'illégalité de l'éviction, et de nature à engager la responsabilité de l'établissement public; que, dans la mesure où ce comportement a entralné pour l'entreprise des charges ou des dépenses qui ne trouvent pas leur contrepartie dans le versement de l'indemnité ci-dessus mentionnée venant compenser le bénéfice qui pouvait être attendu de l'exécution du marché, ladite entreprise a droit, dès lors qu'elle n'a commis aucune imprudence en répondant aux incitations dont elle a été l'objet, à la réparation intégrale des préjudices résultant pour elle des agissements ci-dessus décrits;
Considérant que, le dossier ne permettant pas de déterminer la réalité et le montant des divers préjudices ainsi décrits, il y a lieu de faire porter également sur ce point la mission de l'expertise mentionnée ci-dessus
D E C I D E

Article 1er: Le centre hospitalier régional de Montpellier est déclaré responsable des préjudices subis par la société des travaux du midi du fait de son éviction illégale du marché et du fait des agissements du centre hospitalier entre le 31 mars 1978 et le 21 septembre 1978;

Article 2 : La mission de l'expert désigné par les premiers juges est modifiée comme suit: l'expert déterminera:
1°/ le manque à gagner subi par la société des travaux du midi du fait de l'inexécution du marché
2°/ la nature et le montant des divers préjudices résultant éventuellement pour la société des travaux du midi des agissements du centre hospitalier régional de Montpellier entre le 31 mars 1978 et le 21 septembre 1978, dans la mesure où ces préjudices ne trouvent pas leur contrepartie dans l'indemnité correspondant au 1° ci-dessus

Article 3: Les articles 1 et 2 du jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 5 février 1982 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire à la présente décision.

Article 4: Le surplus des conclusions de la requête et le surplus des conclusions incidentes du centre hospitalier régional de Montpellier sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société du Midi, au centre hospitalier régional de Montpellier, au président du tribunal administratif de Marseille et au ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale.

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