Jurisprudence : CE 9/7 SSR, 14-12-1984, n° 41139

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 41139

Société mutuelle d'assurance sur la vie du bâtiment et des travaux publics (SMAVBTP)

Lecture du 14 Decembre 1984

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)




Sur le rapport de la 9ème Sous-Section

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 29 mars 1982 et 5 juillet 1982, présentés pour la société mutuelle d'assurance sur la vie du bâtiment et des travaux publics (S.M.A.V.B.T.P.) dont le siège social est 114 avenue Emile Zola à Paris (15ème), et tendant à ce que le Conseil d'Etat:
1°) annule un jugement du 28 janvier 1982, par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaire à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1974, 1975 et 1976, ainsi qu'au titre de la contribution exceptionnelle pour l'année 1975 dans les rôles de la ville de Paris;
2°) lui accorde la décharge des impositions contestées;

Vu le code des tribunaux administratifs;

Vu le code général des impôts;

Vu le code des assurances;

Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;

Vu la loi du 30 décembre 1977;

Vu l'article 93-II de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983, portant loi de finances pour 1984.
Considérant que la "société mutuelle d'assurance sur la vie du bâtiment et des travaux publics", société d'assurances à forme mutuelle régie par les dispositions du décret du 14 juin 1938, a acquis, d'une part, au titre des réserves techniques obligatoires prévues par le code des assurances, et, d'autre part au titre de placements libres, des parts de sociétés civiles immobilières de construction-vente; que l'administration a impose les revenus provenant de ces sociétés, au titre des années 1974, 1975 et 1976, à l'impôt sur les sociétés au taux normal; que la société requérante soutient que lesdits revenus ne sont pas imposables, eu égard au caractère non lucratif de ses activités et demande la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées, de ce chef, au titre des années susmentionnees;

Sur l'application de la loi fiscale:
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 239-ter-I, 8 et 206-2 du code général des impôts que, lorsque les associés d'une société ivile immobilière de construction-vente sont des personnes morales, les bénéfices tirés de l'activité desdites sociétés sont imposés entre les mains de chacun des associés, au titre de l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ou de l'impôt sur les sociétés, selon le régime propre à chacun d'eux, et à raison de la part de bénéfices correspondent à leurs droits dans ces sociétés; qu'aux termes de l'article 206 du même code: ". . . 5 . . . les associations et collectivités non soumises à l'impôt sur les sociétés en vertu d'une autre disposition sont assujetties audit impôt en raison: a) De la location des immeubles bâtis ou non bâtis dont ils sont propriétaires, b) De l'exploitation des propriétés agricoles ou forestières, c) Des revenus de capitaux mobiliers dont ils disposent -à l'exception des dividendes des sociétés françaises- lorsque ces revenus n'entrent pas dans le champ d'application de la pretenue à la source visée à l'article 119 bis . . ."; qu'enfin, aux termes de l'article 219-bis de ce code: "I. Par dérogation aux dispositions de l'article 219, le taux de l'impôt sur les sociétés est fixé à 24 % en ce qui concerne les revenus visés à l'article 206-5, perçus par les établissements publics, associations et collectivités sans but lucratif. Toutefois, cette disposition ne s'applique pas aux revenus de l'espèce qui se rattachent à une exploitation commerciale, industrielle ou non commerciale"; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une personne morale sans but lucratif exerce une activité lucrative dans des conditions telles qu'elle ne lui fait pas perdre son caractère désintéressé, les profits provenant de ladite activité, à l'exception de ceux visés par les dispositions précitées de l'article 206-5 du code, sont imposables au taux normal de l'impôt sur les sociétés;
Considérant que l'administration ne conteste pas qu'eu égard à ses dispositions statutaires et à ses modalités d'organisation et de fonctionnement, la "société mutuelle d'assurance sur la vie du bâtiment et des travaux publics" doit être regardée comme une collectivité sans but lucratif, au sens des dispositions précitées de l'article 219-bis du code;
Considérant que les profits provenant des sociétés civiles immobilières de construction-vente ne constituent pas, ainsiqu'il a été dit ci-dessus, des revenus de capitaux mobiliers, au sens des dispositions combinées des articles 206-5-c et 219-bis-1 précités du code général des impôts; que, par suite, l'administration était, en droit, d'imposer lesdits profits au taux normal de l'impôt sur les sociétés en application desdites dispositions;

Sur le moyen tiré, sur le fondement des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, d'une interprétation administrative:
Considérant que la "société mutuelle d'assurance sur la vie du bâtiment et des travaux publics" invoque, sur le fondement des dispositions de l'article 1649 quinquies-E du code, applicable en l'espèce, une instruction du 1er avril 1972 ($ 23) aux termes de laquelle: ". . . il y a lieu de considérer que les collectivités constituées pour réaliser une oeuvre désintéressée échappent à l'impôt sur les sociétés au titre de l'article 206-1 du code général des impôts et ne sont passibles de cet impôt qu'au titre de l'article 206-5 à raison de leurs revenus fonciers, agricoles ou mobiliers, énumérés audit article, lorsque leurs activités lucratives s'inscrivent dans le cadre d'une activité principale non lucrative avec laquelle elles présentent un lien organique, que l'exercice de ses activités ne traduit pas la recherche systématique de profits par des méthodes commerciales et que les excédents de gestion, s'il en existe, reçoivent une destination conforme à la mission désintéressée que ces collectivités se sont fixées."; qu'il résulte des termes mêmes de cette instruction, laquelle constitue une interprétation formelle de la loi fiscale au sens des dispositions de l'article 1649 quinquies-E du code, que celles des activités lucratives d'une collectivité à caractère désintéressé, lorsqu'elles se rattachent par un lien organique évident à l'activité principale de cette collectivité, ne sont pas passibles de l'impôt sur les sociétés;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les parts de sociétés civiles immobilières de construction-vente étaient souscrites par la société requérante, d'une part, au titre de l'article R. 332-2-7° du code des assurances, selon lequel les provisions techniques obligatoires peuvent être représentées par des parts de sociétés immobilières, dans les conditions déterminées par le ministre de l'économie et des finances, et, d'autre part, au titre des dispositions de l'article R. 332-13 du même code, selon lesquelles les fonds disponibles après la constitution des provisions obligatoires peuvent être placés dans les conditions du droit commun; que la société requérante est fondée à soutenir que la souscription de parts de sociétés civiles immobilières de construction-vente, au titre de l'article R. 332-2-7° du code des assurances, dans les conditions autorisées par les lettres du ministre des finances produites par la requérante, présente, en l'espèce, un lien organique direct avec son activité principale à caractère désintéressé; qu'en revanche, les placements libres effectués par elle dans le cadre des dispositions de l'article R. 332-13 du code des assurances ne présentent pas un lien organique de même nature et ne peuvent donc bénéficier de l'interprétation administrative susrappelée;
Considérant que l'état du dossier ne permet pas au Conseil d'Etat de déterminer avec précision ceux des profits de la "société mutuelle d'assurance sur la vie du bâtiment et des travaux publics" qui proviennent de placements obligatoires, et ceux qui proviennent de placements libres, dans des sociétés civile immobilières de construction; qu'il y a lieu d'ordonner, sur ce point, un supplément d'instruction.
DECIDE
Article 1er: Il sera procédé par les soins du ministre de l'économie, des finances et du budget, contradictoirement avec la "société mutuelle d'assurance sur la vie du bâtiment et des travaux publics", à un supplément d'instruction aux fins de déterminer ceux des profits qu'a tirés cette société, au cours de chacune des années 1974, 1975 et 1976, respectivement, des placements qu'elle était tenue d'effectuer en vertu des dispositions de l'article R. 332-2-7° du code des assurances et des placements qu'elle a effectués librement, au cours de ces années, en vertu des dispositions de l'article R. 332-13 du même code.
Article 2: Il est accordé au ministre de l'économie, des finances et du budget un délai de deux mois pour faire parvenir au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat les résultats du supplément d'instruction défini à l'article 1er ci-dessus.

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