Jurisprudence : CE 3/8 ch.-r., 01-03-2023, n° 443678, publié au recueil Lebon

CE 3/8 ch.-r., 01-03-2023, n° 443678, publié au recueil Lebon

A23249G8

Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2023:443678.20230301

Identifiant Legifrance : CETATEXT000047254137

Référence

CE 3/8 ch.-r., 01-03-2023, n° 443678, publié au recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/93648248-ce-38-chr-01032023-n-443678-publie-au-recueil-lebon
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Abstract

Mots-clés : régime mère-fille • dividendes • précompte immobilier • sociétés Dans la lignée de la jurisprudence européenne, le Conseil d'État a dans plusieurs arrêts du 1er mars 2023 statué sur la différence de traitement entre sociétés distribuant des dividendes de source européenne et non européenne au regard des dispositions issues de la Convention européenne des droits de l'Homme. ► Dans la lignée de la jurisprudence européenne, le Conseil d'État a dans un arrêt du 1er mars 2023 statué sur la différence de traitement entre sociétés distribuant des dividendes de source européenne et non européenne au regard des dispositions issues de la Convention européenne des droits de l'Homme.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 443678⚖️


Séance du 15 février 2023

Lecture du 01 mars 2023

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 8ème et 3ème chambres réunies)


Vu les procédures suivantes :

La société anonyme (SA) L'Air Liquide pour l'étude et l'exploitation des procédés George Claude (société L'Air Liquide) a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de lui accorder la restitution du précompte dont elle s'était acquittée au titre des distributions de dividendes qu'elle avait opérées entre 2000 et 2004, assortie des intérêts moratoires. Par une ordonnance n° 0902606 du 15 septembre 2009, le président de ce tribunal a, sur le fondement de l'article R. 351-3 du code de justice administrative🏛, transmis cette demande au tribunal administratif de Montreuil. Par un jugement n° 0902606 du 11 juillet 2014, ce tribunal a prononcé la restitution d'une fraction du précompte dont la société s'était acquittée au titre des distributions intervenues en 2002 et 2003 à hauteur, respectivement, des sommes de 18 315 969 euros et de 11 994 059 euros et rejeté le surplus de sa demande.

Par un arrêt n° 14VE02786 du 7 juillet 2020, la cour administrative d'appel de Versailles⚖️ a, sur appel de la société L'Air Liquide, porté le montant des restitutions versées au titre du précompte appliqué aux distributions intervenues au titre des années 2002 et 2003 à respectivement 42 443 780 euros et 19 725 565 euros et rejeté le surplus des conclusions de sa requête.

1° Sous le n° 443678, par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés le 3 septembre 2020 et le 10 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de cet arrêt.

2° Sous le n° 443800, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 septembre 2020, 7 décembre 2020 et 3 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société L'Air Liquide demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 4 du même arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000⚖️ euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le traité sur l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales🏛 ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 12 mai 2022 (C-556/20⚖️)

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François-René Burnod, auditeur,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société L'Air Liquide ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 février 2023, présentée par la société L'Air Liquide ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société L'Air Liquide, société mère d'un groupe fiscalement intégré, a demandé à l'administration fiscale de lui accorder la restitution de l'intégralité du précompte dont elle s'est acquittée entre 2000 et 2004 à raison de la redistribution à ses actionnaires, notamment, de produits des participations qu'elle détient dans ses filiales établies dans des Etats membres de l'Union européenne autres que la France. Après rejet de sa réclamation, la société L'Air Liquide a porté le litige devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qui a transmis l'affaire au tribunal administratif de Montreuil. Par un jugement du 11 juillet 2014, ce dernier tribunal a prononcé la restitution du précompte dont s'était acquittée la société au titre des distributions de dividendes intervenues en 2002 et 2003 à hauteur de respectivement 18 315 969 euros et de 11 994 059 euros et rejeté le surplus de sa demande. Par deux pourvois qu'il y a lieu de joindre, le ministre de l'économie, des finances et de la relance et la société L'Air Liquide se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 7 juillet 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, statuant sur appel de la société L'Air Liquide, a porté le montant de cette restitution à 42 443 780 euros et 19 725 565 euros au titre des distributions intervenues en 2002 et en 2003 et rejeté le surplus des conclusions de l'appel de la société.

2. Dans sa rédaction applicable aux distributions de dividendes en litige, l'article 158 bis du code général des impôts🏛 prévoit que les personnes qui reçoivent des dividendes distribués par des sociétés françaises disposent à ce titre d'un revenu constitué par les sommes qu'elles reçoivent de la société distributrice et par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor. Ce crédit d'impôt, égal à la moitié des sommes effectivement versées par la société, ne peut être utilisé que dans la mesure où le revenu est compris dans la base de l'impôt sur le revenu dû par le bénéficiaire. L'article 216 du même code prévoit par ailleurs que : " Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci () ". Aux termes, en outre, du premier alinéa du 1 de l'article 223 sexies de ce code🏛, dans sa version issue de la loi de finances pour 2000 du 30 décembre 1999 : " () lorsque les produits distribués par une société sont prélevés sur des sommes à raison desquelles elle n'a pas été soumise à l'impôt sur les sociétés au taux normal (), cette société est tenue d'acquitter un précompte égal au crédit d'impôt calculé dans les conditions prévues au I de l'article 158 bis. Le précompte est dû au titre des distributions ouvrant droit au crédit d'impôt prévu à l'article 158 bis quels qu'en soient les bénéficiaires ". Enfin, aux termes du 2 de l'article 146 du même code, avant son abrogation par l'article 93 de la loi du 30 décembre 2003🏛 de finances pour 2004 : " Lorsque les distributions auxquelles procède une société mère donnent lieu à l'application du précompte prévu à l'article 223 sexies, ce précompte est diminué, le cas échéant, du montant des crédits d'impôts qui sont attachés aux produits des participations (), encaissés au cours des exercices clos depuis cinq ans au plus ".

3. Aux termes de l'article 4 de la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents : " 1. Lorsqu'une société mère reçoit, à titre d'associée de sa société filiale, des bénéfices distribués autrement qu'à l'occasion de la liquidation de celle-ci, l'État de la société mère : / - soit s'abstient d'imposer ces bénéfices, /- soit les impose, tout en autorisant cette société à déduire du montant de son impôt la fraction de l'impôt de la filiale afférente à ces bénéfices et, le cas échéant, le montant de la retenue à la source perçue par l'État membre de résidence de la filiale en application des dispositions dérogatoires de l'article 5, dans la limite du montant de l'impôt national correspondant. / 2. Toutefois, tout État membre garde la faculté de prévoir que des charges se rapportant à la participation et des moins-values résultant de la distribution des bénéfices de la société filiale ne sont pas déductibles du bénéfice imposable de la société mère. Si, dans ce cas, les frais de gestion se rapportant à la participation sont fixés forfaitairement, le montant forfaitaire ne peut excéder 5 % des bénéfices distribués par la société filiale () ". Le paragraphe 2 de l'article 7 de cette même directive précisait qu'elle n'affectait pas l'application de dispositions nationales ou conventionnelles visant à supprimer ou à atténuer la double imposition économique des dividendes, en particulier les dispositions relatives au paiement de crédits d'impôt aux bénéficiaires de dividendes.

4. Par un arrêt du 12 mai 2022 Schneider Electric et autres (C-556/20), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que le paragraphe 1 de l'article 4 de la directive du Conseil du 23 juillet 1990 devait être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale qui prévoit qu'une société mère est redevable d'un précompte en cas de redistribution à ses actionnaires de bénéfices versés par ses filiales lorsque ces bénéfices n'ont pas supporté l'impôt sur les sociétés au taux de droit commun, dès lors que les sommes dues au titre de ce précompte dépassent le plafond de 5 % prévu au paragraphe 2 de ce même article 4. La Cour de justice de l'Union européenne a également jugé qu'une telle réglementation, alors même qu'elle ne s'appliquerait que lorsque la redistribution ouvre droit à un avoir fiscal, ne relevait pas des stipulations du paragraphe 2 de l'article 7 de cette même directive.

5. Par suite, une société mère est fondée à obtenir la restitution du précompte qu'elle a acquitté à raison de la redistribution de dividendes reçus de ses filiales établies dans un Etat membre de l'Union européenne autre que la France, dès lors que l'article 4 de la directive du Conseil du 23 juillet 1990 fait obstacle à ce qu'elle soit soumise à une imposition sur de tels dividendes. Il ne résulte en revanche pas de cet arrêt que lorsqu'une société choisit de prélever les sommes qu'elle distribue sur des bénéfices autres que ceux constitués de dividendes reçus de telles filiales, l'obligation dans laquelle elle se trouve, le cas échéant, d'acquitter à ce titre le précompte serait incompatible avec la directive du Conseil du 23 juillet 1990.

Sur le pourvoi de la société l'Air Liquide :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompatibilité des dispositions relatives au précompte avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

6. L'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ". Aux termes de l'article 14 de cette convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ". Une distinction entre des personnes placées dans une situation comparable est discriminatoire, au sens de ces stipulations, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un but légitime ou s'il n'y a pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi.

7. La société L'Air Liquide soutient que les dispositions de l'article 223 sexies du code général des impôts, telles qu'interprétées en conséquence de l'arrêt du 12 mai 2022 de la Cour de justice de l'Union européenne, en ce qu'elles ont pour effet de soumettre au précompte mobilier une société mère établie en France à raison de la redistribution de dividendes en provenance de filiales établies dans un Etat tiers à l'Union européenne tandis que n'en est pas redevable une société mère qui redistribue des dividendes en provenance de filiales établies dans un Etat membre de l'Union européenne autre que la France, instituent entre les sociétés mères un traitement discriminatoire au regard du droit au respect de leurs biens, selon le lieu d'établissement de leurs filiales.

8. En instituant le précompte par l'article 3 de la loi du 12 juillet 1965 modifiant l'imposition des entreprises et des revenus de capitaux mobiliers, ultérieurement codifié au I de l'article 223 sexies du code général des impôts, le législateur a entendu assurer la cohérence du dispositif d'élimination de la double imposition économique des dividendes qu'il créait, en faisant en sorte que l'avoir fiscal dont, en vertu de l'article 1er de cette même loi, ultérieurement codifié à l'article 158 bis du code général des impôts, les sommes distribuées étaient assorties, constitue la contrepartie de la soumission à l'impôt, en amont, des bénéfices sur lesquels ces sommes étaient prélevées.

9. Ainsi qu'il a été dit au point 5, il découle de l'arrêt du 12 mai 2022 de la Cour de justice de l'Union européenne que l'article 4 de la directive du Conseil du 23 juillet 1990 impose d'écarter l'application des dispositions de l'article 223 sexies du code général des impôts lorsqu'une société mère établie en France procède à la distribution, assortie du bénéfice de l'avoir fiscal, de sommes prélevées sur des bénéfices constitués de dividendes en provenance de filiales établies dans un Etat membre de l'Union européenne autre que la France. En revanche, dès lors que le champ de la directive est limité, en vertu de son article 1er, aux distributions en provenance ou à destination d'un autre Etat membre, lorsqu'elle procède à la redistribution, également assortie de l'avoir fiscal, de dividendes en provenance de filiales établies dans des Etats tiers à l'Union européenne, une telle société mère demeure redevable du précompte. Il découle ainsi des dispositions contestées, telles qu'elles doivent être mises en œuvre pour se conformer aux exigences du droit de l'Union européenne, une différence de traitement entre sociétés mères, au regard de la soumission au précompte, selon que celles-ci redistribuent des dividendes en provenance d'une filiale établie dans un Etat membre de l'Union européenne autre que la France ou des dividendes en provenance d'une filiale établie dans un Etat tiers à l'Union européenne.

10. Toutefois, d'une part, le respect des exigences découlant du droit de l'Union européenne constitue un objectif d'intérêt public légitime de nature à justifier une différence de traitement entre des situations comparables, selon qu'elles sont ou non régies par ces règles. D'autre part, si la loi, telle que mise en œuvre conformément à la directive du 23 juillet 1990, conduit à ce que la redistribution par une société mère française de dividendes en provenance d'une filiale établie dans un Etat membre de l'Union européenne autre que la France ouvre droit au bénéfice de l'avoir fiscal alors même que ces dividendes n'ont que très partiellement été soumis à l'impôt dans le chef de la société mère, il n'en résulte pas une absence de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi. Dans ces conditions, la différence de traitement en cause peut être regardée comme répondant à une justification objective et raisonnable.

11. Par suite, la cour administrative d'appel de Versailles a pu, sans erreur de droit, juger que la société L'Air Liquide n'était pas fondée à soutenir que la différence de traitement que subissent les sociétés mères selon qu'elles redistribuent à leurs actionnaires des dividendes de source européenne, d'une part, et des revenus tirés de filiales établies hors de l'Union européenne, d'autre part, constituerait une discrimination contraire aux stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son premier protocole additionnel.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'absence d'opposabilité de la déclaration de précompte :

12. Aux termes de l'article 46 quater-0 D de l'annexe III du code général des impôts🏛, dans sa rédaction alors applicable : " I. Les distributions qui n'ouvrent pas droit à l'avoir fiscal prévu à l'article 158 bis du code général des impôts sont prélevées, par priorité, sur les bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés ou exonérés de cet impôt au titre du dernier exercice clos et, en cas d'insuffisance de ces bénéfices, sur ceux des exercices antérieurs les plus récents. II. Les distributions qui ouvrent droit à l'avoir fiscal sont prélevées ensuite dans l'ordre suivant : D'abord, sur les bénéfices disponibles qui ont été soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal prévu au deuxième alinéa du I de l'article 219 du code déjà cité au titre du dernier exercice clos; Puis, sur les bénéfices disponibles qui ont été imposés à ce même taux au titre d'exercices antérieurs clos depuis cinq ans au plus ; Enfin, sur tous autres bénéfices ou réserves disponibles. Toutefois, si la personne morale a encaissé, au cours d'exercices clos depuis cinq ans au plus, des produits de participations ouvrant droit au régime des sociétés mères, les distributions peuvent être librement imputées sur ces produits. II bis. Les distributions mises en paiement à compter du 1er janvier 2000, ouvrant droit ou non à l'avoir fiscal, sont prélevées d'abord sur les bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés ou exonérés au titre d'exercices clos depuis cinq ans au plus, puis sur tous les autres bénéfices ou réserves disponibles ". Aux termes du II de l'article 46 quater-0 E de la même annexe : " Les sommes dont l'imputation est réglée par le II et par le II bis [de l'article 46 quater-0 D] s'entendent du total des revenus distribués et du précompte afférent à la distribution ". Aux termes de l'article 46 quater 0 F de la même annexe : " La personne morale est tenue d'adresser au bureau désigné à l'article 381 T de la présente annexe une déclaration faisant connaître les imputations opérées conformément aux dispositions de l'article 46 quater-0 D. / Cette déclaration doit être souscrite dans le mois qui suit la répartition des produits, sur des imprimés fournis par l'administration ".

13. La déclaration de précompte a pour objet de permettre d'identifier les bénéfices sur lesquels les sommes distribuées par une société ont été prélevées et si ces bénéfices ont été imposés au taux normal de l'impôt sur les sociétés, afin de déterminer l'assiette du précompte dans les cas où celui-ci serait exigible. La circonstance que le droit de l'Union européenne fasse obstacle au prélèvement d'un précompte à raison de la redistribution de produits de filiales établies dans un Etat membre de l'Union autre que la France ne remet pas, par elle-même, en cause la possibilité de recourir aux éléments portés dans cette déclaration pour déterminer le montant du précompte dont une société demeure redevable à raison de la distribution d'autres bénéfices ainsi que celui dont elle est fondée à obtenir la restitution.

14. Il résulte de ce qui précède que la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir relevé que la restitution du précompte sollicitée ne pouvait être accordée qu'à la condition que son versement soit intervenu de manière effective, au titre de l'année en cause, à raison de la redistribution de dividendes issus de filiales établies dans un Etat membre de l'Union européenne autre que la France, a pu, sans méconnaître la directive du Conseil du 23 juillet 1990, juger que la preuve pouvait en être apportée par tout moyen et notamment par des éléments issus de la déclaration de précompte.

15. La société L'Air Liquide n'est, par suite, pas fondée à demander l'annulation de l'article 4 de l'arrêt qu'elle attaque. Son pourvoi doit être rejeté, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur le pourvoi du ministre de l'économie, des finances et de la relance :

16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 que le ministre n'est pas fondé à soutenir que la cour administrative d'appel aurait entaché son arrêt d'insuffisance de motivation et d'erreur de droit en écartant son argumentation tirée de ce que les dispositions de l'article 223 sexies du code général des impôts instituant le précompte seraient compatibles avec la directive du Conseil du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents.

17. Toutefois, s'agissant des montants de restitution retenus par la cour administrative d'appel, il résulte des dispositions combinées des articles 158 bis et 223 sexies du code général des impôts que le précompte est égal à la moitié des sommes effectivement versées par la société distributrice aux bénéficiaires des distributions.

18. Or pour déterminer le montant du précompte acquitté en 2002 et 2003 dont la société L'Air Liquide pouvait demander la restitution conformément à ce qui est dit au point 5 de la présente décision, la cour administrative d'appel a retenu comme assiette de l'impôt le montant, tel qu'il ressortait selon elle des déclarations de précompte souscrites par la société, des distributions prélevées sur les dividendes que celle-ci avait reçus au cours, respectivement, des années 1997 à 2001 et de l'année 2002, de ses filiales établies dans des Etats membres de l'Union européenne autres que la France.

19. Alors qu'il résulte des dispositions précitées du II de l'article 46 quater-0 E de l'annexe III au code général des impôts que les montants mentionnés dans la déclaration de précompte comme imputés sur les différents postes de résultats disponibles s'entendent du total des revenus effectivement distribués et du précompte y afférent, le ministre est fondé à soutenir que l'arrêt attaqué, faute de préciser le montant effectivement versé aux bénéficiaires des distributions, est entaché d'erreur de droit.

20. Par suite, et pour ce motif, le ministre est fondé à demander l'annulation des articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt qu'il attaque.

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font alors obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société L'Air Liquide est rejeté.

Article 2 : Les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt du 7 juillet 2020 de la cour administrative d'appel de Versailles sont annulés.

Article 3 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 4 : Les conclusions de la société l'Air Liquide tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme L'Air Liquide pour l'exploitation des procédés Georges Claude et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 15 février 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Pierre Collin, M. Stéphane Verclytte, présidents de chambre ; Mme Françoise Tomé, M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat et M. François-René Burnod, auditeur-rapporteur.

Rendu le 1er mars 2023.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. François-René Burnod

La secrétaire :

Signé : Mme Magali Méaulle

Nos 443678, 443800

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