Jurisprudence : CE 9/10 ch.-r., 10-02-2023, n° 456829, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 9/10 ch.-r., 10-02-2023, n° 456829, mentionné aux tables du recueil Lebon

A48069CY

Référence

CE 9/10 ch.-r., 10-02-2023, n° 456829, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/93130335-ce-910-chr-10022023-n-456829-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

19-02-02 1) Les règles posées par le code de commerce organisant le dessaisissement du débiteur placé en liquidation au profit d’un liquidateur ne sont édictées que dans l’intérêt des créanciers. ...Dès lors, seul le liquidateur peut s’en prévaloir pour exciper de l’irrecevabilité du dirigeant d’une société placée en liquidation à présenter une réclamation à l’administration fiscale, à se pourvoir en justice ou à poursuivre une instance en cours. ...2) Dans le cas où une réclamation est présentée ou un litige engagé devant la juridiction administrative par une société ultérieurement dissoute, l’instruction de la réclamation ou la procédure contentieuse se poursuit dans les mêmes conditions que si la société n’avait pas été dissoute si le liquidateur n’est pas intervenu pour contester la poursuite de l’action par les dirigeants de la société et demander à leur être substitué.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 456829

Séance du 30 janvier 2023

Lecture du 10 février 2023

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

M. B C, agissant en qualité de mandataire liquidateur amiable de la Société générale de textile Balsan, a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution à l'impôt sur les sociétés, de contribution supplémentaire à cet impôt et de retenue à la source auxquelles cette société a été assujettie au titre des exercices clos en 1997, 1999 et 2000, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 1997 au 30 septembre 2000. Par un jugement n° 1700142 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19BX03512 du 20 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. C contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 septembre et 17 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C, agissant en qualité de mandataire liquidateur amiable de la Société générale de textile Balsan, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales🏛 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. A de Sainte Lorette, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lesourd, avocat de la Société générale de textile Balsan ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 février 2023, présentée par la Société générale de textile Balsan ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, la Société générale de textile Balsan (SGTB) s'est vu notifier des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution à l'impôt sur les sociétés, de contribution supplémentaire à cet impôt et de retenue à la source au titre des exercices clos en 1997, 1999 et 2000, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 1997 au 30 septembre 2000. M. C, agissant en qualité de mandataire liquidateur amiable de la Société générale de textile Balsan, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 juillet 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son appel contre le jugement du 4 juillet 2019 du tribunal administratif de Limoges qui avait rejeté sa demande tendant à la décharge de ces suppléments d'impôts.

2. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative🏛 : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Selon les dispositions de l'article R*. 190-1 du livre des procédures fiscales🏛, le contribuable qui désire contester tout ou partie d'une imposition doit d'abord adresser une réclamation au service territorial de l'administration fiscale dont dépend le lieu d'imposition. En vertu de l'article R*. 196-1 du même livre, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année qui suit la mise en recouvrement du rôle ou la notification d'un avis de mise en recouvrement.

3. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que l'avis d'imposition ou l'avis de mise en recouvrement par lequel l'administration porte les impositions à la connaissance du contribuable doit mentionner l'existence et le caractère obligatoire, à peine d'irrecevabilité d'un éventuel recours juridictionnel, de la réclamation prévue à l'article R*. 190-1 du livre des procédures fiscales, ainsi que les délais de forclusion dans lesquels le contribuable doit présenter cette réclamation et, d'autre part, que le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours ou l'absence de preuve qu'une telle information a été fournie est de nature à faire obstacle à ce que les délais prévus par les articles R*. 196-1 et R*. 196-2 du livre des procédures fiscales🏛🏛 lui soient opposables.

4. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. Dans le cas où le recours juridictionnel doit obligatoirement être précédé d'un recours administratif, celui-ci doit être exercé, comme doit l'être le recours juridictionnel, dans un délai raisonnable. Le recours administratif préalable doit être présenté dans le délai prévu par les articles R*. 196-1 ou R*. 196-2 du livre des procédures fiscales, prolongé, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le contribuable, d'un an. Dans cette hypothèse, le délai de réclamation court à compter de l'année au cours de laquelle il est établi que le contribuable a eu connaissance de l'existence de l'imposition.

5. En premier lieu, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la cour administrative d'appel aurait commis une erreur de droit en ne relevant pas d'office le moyen tiré de ce que des circonstances particulières justifiaient que le délai raisonnable de réclamation fût allongé, lequel n'est pas d'ordre public.

6. En second lieu, les règles posées par le code de commerce organisant le dessaisissement du débiteur placé en liquidation au profit d'un liquidateur ne sont édictées que dans l'intérêt des créanciers. Dès lors, seul le liquidateur peut s'en prévaloir pour exciper de l'irrecevabilité du dirigeant d'une société placée en liquidation à présenter une réclamation à l'administration fiscale, à se pourvoir en justice ou à poursuivre une instance en cours. Dans le cas où une réclamation est présentée ou un litige engagé devant la juridiction administrative par une société ultérieurement dissoute, l'instruction de la réclamation ou la procédure contentieuse se poursuit dans les mêmes conditions que si la société n'avait pas été dissoute si le liquidateur n'est pas intervenu pour contester la poursuite de l'action par les dirigeants de la société et demander à leur être substitué.

7. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le 25 novembre 2002, M. C, alors président directeur général de la Société générale de textile Balsan, a, en cette qualité, en vue d'introduire des réclamations tendant à la décharge des mêmes impositions que celles contestées dans le cadre du présent litige, mandaté à cette fin le commissaire à l'exécution du plan de redressement, désigné par le jugement du 10 janvier 2001 du tribunal de commerce de Châteauroux qui avait arrêté le plan de redressement organisant la cession de l'entreprise, lequel a ensuite saisi les 8 avril et 22 mai 2003, en vain, le tribunal administratif de Limoges, qui a rejeté les demandes de la société par des jugements du 22 décembre 2005, puis la cour administrative d'appel de Bordeaux et le Conseil d'Etat.

8. Si la société requérante soutient que l'introduction des réclamations mentionnées au point 7, présentées par le commissaire à l'exécution du plan pour obtenir la décharge des impositions en litige, n'auraient pu être valablement faites que par le liquidateur de la société, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que ces réclamations, valablement introduites, en tout état de cause, en vertu du mandat donné par le dirigeant de la société, étaient de nature à faire courir les délais mentionnés aux points 2 à 4. Il en résulte que la nouvelle réclamation présentée le 23 juin 2016 était tardive, ainsi que l'a jugé la cour administrative d'appel.

9. Ces motifs, qui reposent sur des faits constants n'appelant aucune appréciation et répondent aux moyens invoqués devant les juges du fond, doivent être substitués à ceux retenus sur ce point par l'arrêt attaqué, dont ils justifient le dispositif. Par suite, les moyens du pourvoi dirigés contre ces derniers motifs sont inopérants.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C, agissant en qualité de mandataire liquidateur amiable de la Société générale de textile Balsan, n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat lequel n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. C, agissant en qualité de mandataire liquidateur amiable de la Société générale de textile Balsan, est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B C, agissant en qualité de mandataire liquidateur amiable de la Société générale de textile Balsan, et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 30 janvier 2023 où siégeaient :

M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat et M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 10 février 2023.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Matias de Sainte Lorette

La secrétaire :

Signé : Mme Wafak Salem

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :

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