Jurisprudence : CE Contentieux, 03-11-1978, n° 2409

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 2409

Société touristique thermale et hôtelière de Divonne-les-Bains

Lecture du 03 Novembre 1978

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)



Sur le rapport de la 9ème Sous-Section

Vu la requête présentée par la Société anonyme "Société touristique thermale et hôtelière de Divonne les Bains", aux droits de la Société anonyme "Compagnie française des Grands Hôtels internationaux", dont le siège social est à Divonne les Bains (Ain), agissant poursuites et diligences de son président directeur général, ladite requête enregistrée le 22 mars 1976 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler un jugement en date du 20 janvier 1976 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en réduction des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels cette dernière société a été assujettie par avis de mise en recouvrement du 2 mai 1976 au titre de la période du 1er janvier 1968 au 31 juillet 1970;

Vu la loi du 15 juin 1907 réglementant le jeu dans les cercles et casinos des stations balnéaires thermales et climatiques;

Vu le décret 59-1489 du 22 décembre 1959 portant réglementation des jeux dans les casinos des stations balnéaires thermales et climatiques;

Vu le Code général des impôts, ensemble ses annexes II et III;

Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;

Vu la loi du 30 décembre 1977.
Considérant que la Société touristique thermale et hôtelière de Divonne, qui vient aux droits de la Société anonyme "Compagnie française des Grands Hôtels internationaux", conteste en appel les droits supplémentaires résultant de deux des chefs de redressements qui lui ont été notifiés en matière de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 1968 au 31 juillet 1970;
En ce qui concerne le taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux droits d'ontrée dans les salles de jeux du casino:
Considérant que les opérations limitativement énumérées à l'article 280 du Code général des impôts sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée suivant un taux intermédiaire; qu'au nombre de ces opérations figurent, selon le 2 b de cet article, dans la rédaction applicable aux années dont s'agit, les "prestations de service de caractère social ou culturel ou qui répendent, en raison de leur nature et de leurs prix, à des besoins courants et dont la liste est fixée par décret"; que la société soutient que les droits d'entrée dans les salles de jeux de son casino ne doivent supporter la taxe sur la valeur ajoutée qu'au taux intermédiaire et non au taux normal, au motif que ces opérations porteraient sur un des "services consistant dans la fourniture de spectacles" qui figure sur la liste, contenue à l'article 88 de l'annexe III dudit Code, des prestations de service mentionnées à l'article 280 2 b susrappelé;
Considérant qu'en acquittant le prix d'entrée dans le salle de jeux, le client acquiert non la faculté d'assister à un spectacle mais le droit de participer à des jeux de hasard; que, par suite, le requérant ne peut en tout état de cause se prévaloir utilement des dispositions susmentionnées de l'article 88 de l'annexe III; qu'ainsi c'est à bon droit que l'admmistration a mis à la charge de la société requérante des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la différence entre le taux intermédiaire et le taux normal appliqué aux ventes desdites entrées;

Sur les droits à déduction:
Considérant qu'aux termes de l'article 271 du Code général des impôts "la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération" et que, selon l'article 273 du même code: "des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions d'application de l'article 271. Ils fixent notamment... les modalités suivant lesquelles la déduction de la taxe ayant grevé les biens ou services qui ne sont pas utilisés exclusivement pour la réalisation d'opérations imposables doit être limitée ou réduite"; qu'il résulte des dispositions des articles 209 et 218 de l'annexe II, pris pour l'application des dispositions législatives précitées, que les entreprises qui sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'ensemble de leurs activités sont autorisées à déduire la totalité de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les biens et services utilisés, tandis qu'en vertu des articles 212 et 219 de l'annexe II, pris également sur le fondement de l'article 273, les entreprises qui ne sont pas assujetties à la taxe pour l'ensemble de leurs activités ne sont autorisées à déduire qu'une fraction, calculée selon les modalités édictées auxdits articles, de la taxe ayant grevé les biens et services utilisés; que la société se borne à soutenir que, pour motiver le chef de redressement litigieux, l'administration a, par une fausse application desdits articles 212 et 219, réduit la fraction de ses droits déductibles;
Considérant qu'aux termes de l'article 18 du décret en forme de règlement d'administration publique en date du 22 décembre 1959 portant réglementation des jeux dans les casinos, pris sur le fondement de la loi du 15 juin 1907, "le montant des prélèvements au profit de l'Etat d'une part, et de la commune d'autre part, est versé au percepteur le jour même de leur liquidation, ou le lendemain si le casino se trouve dans la même localité que le bureau de perception et, dans le cas contraire, dans le délai maximum de trois jours. Bien qu'elles ne soient pas immédiatement exigibles, les sommes représentant le montant du prélèvement progressif deviennent, dès leur entrée dans la cagnotte, la propriété de l'Etat. II en est de même pour le prélèvement qui est stipulé au profit de la commune par le cahier des charges"; qu'il résulte de ces dispositions réglementaires que les sommes représentant le montant des prélèvements, qu'ils s'appliquent aux jeux dits "de cercle" ou aux jeux dits "de contrepartie", deviennent propriété de l'Etat et de la commune dès leur entrée dans la cagnotte ou la caisse du casino; que, par suite, ces sommes sont des fonds publics que le casino doit reverser à l'Etat et à la commune non en tant que débiteur de droits ou taxes, mais en tant que dépositaire de fonds publics pour le compte de collectivités publiques; qu'ainsi les prélèvements dont s'agit ne constituent pas une taxe sur les activités de l'entreprise au sens des articles 209, 212, 218 et 219 de l'annexe II susmentionnés; que, dès lors, ces prélèvements ne peuvent être regardés comme entrant dans les recettes de la société;
Considérant que la société requérante perçoit, d'une part, des recettes dont il n'est pas contesté qu'elles sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée et, d'autre part, le produit, net des prélèvements, des jeux exploités dans le casino; que le produit ainsi défini est la contrepartie d'affaires au sens de l'article 256 du code, qui n'entrent dans aucune des catégories de celles qui sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu de l'article 261; que, par suite, et alors même qu'avec l'accord de l'administration, fondé sur la circonstance que la société était soumise aux prélèvements susmentionnés, celle-ci s'est abstenue d'acquitter la taxe sur le produit des jeux, ladite société n'en est pas moins légalement redevable de la taxe pour l'ensemble de ses activités; que, par voie de conséquence, elle était en droit de déduire la totalité de la taxe qui a grevé les biens et services utilisés par elle, et non pas seulement une fraction de ladite taxe, dès lors que, ainsi qu'il résulte de ce qui vient d'être dit, les articles 209 et 218 de l'annexe II lui sont seuls applicables, à l'exclusion des articles 212 et 219 de ladite annexe;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Société "Compagnie frençaise des Grands Hôtels internationaux" est fondée dans la limite de ses conclusions présentées devant les premiers juges, à demander la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis à sa charge au titre des droits à déduction dont pouvait se prévaloir la Société anonyme "Société nouvelle de Divonne", et dont le montant, non contesté, s'élève en principal à 101 207,76 F et, dès lors, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon ne lui a pas accordé ladite décharge.
DECIDE
Article 1er - Il est accordé à la "Société touristique thermale et hôteliére de Divonne", aux droits de la "Compagnie française des Grands Hôtels internationaux" décharge de droits en matière de taxe sur la valeur ajoutée s'élevant en principal à 101 207,76 F et des pénalités y afférentes.
Article 2 - Le jugement du Tribunal administratif de Lyon en date du 20 janvier 1976 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 - Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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