Jurisprudence : CE Contentieux, 10-06-1981, n° 19079

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 19079

Ministre du budget
contre
xxxxx

Lecture du 10 Juin 1981

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)



Sur le rapport de la 9ème Sous-Section


Vu le recours du ministre du budget enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 19 juillet 1979 et tendant à ce que le Conseil; à titre principal: 1°) annule le jugement en date du 22 mars 1979 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a accordé décharge à M. xxxxx de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de 1970, 1971, 1972 et 1973; dans les rôles de la commune de 2°) rétablisse M. xxxxx au code de l'impôt sur le revenu en raison de bases imposables s'élevant à 594.700 F pour 1970, 234.500 F pour 1971, 600.000 F pour 1972 et 1.322.500 F pour 1973, ainsi que des pénalités correspondantes; à titre subsidiaire: 1°) réforme le jugement précité; 2°) rétablisse M. xxxxx au code de l'impôt sur le revenu au titre de 1972 à raison d'une base s'élevant à 375.500 F;


Vu le code général des impôts;


Vu la loi du 30 décembre 1977;


Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953.

Considérant que les époux qui exploitaient en xxxxx un domaine viticole dont ils étaient propriétaires, ont constitué le 29 novembre 1967, avec leurs huit enfants majeurs, une société civile particulière dont l'objet social était la prise à bail et l'exploitation de ce domaine; que M. xxxxx, désigné par les statuts comme gérant de la société, a transféré sa résidence principale, en octobre 1969, dans la maison de maître sise sur le domaine; qu'il avait, au préalable, fait réaliser, en tant que propriétaire, d'importants travaux de réfection de cette maison; qu'il a déduit ces dépenses de son revenu foncier imposable au titre des années 1970 et 1971, par le motif que la maison de maître était donnée en location à la société et qu'il ne l'occupait, en sa qualité de gérant, que comme logement de fonction; que les bénéfices agricoles procurés par l'exploitation du domaine au cours des années 1970, 1971, 1972 et 1973 ont été répartis entre les associés selon la participation de chacun au capital social;

Considérant que l'administration, estimant que la constitution de la société civile ainsi que le bail consenti à celle-ci sur la maison de maître ne lui étaient pas opposables, a rattaché aux revenus de M. xxxxx l'intégralité des bénéfices agricoles réalisés par la société civile et, regardant M. xxxxx comme s'étant réservé la jouissance de la maison, a reintégré dans ses revenus les dépenses de travaux qu'il avait déclarées comme charges déductibles de ses revenus fonciers; que, M. xxxxx ayant contesté les impositions à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti, à raison de ces redressements, au titre des années 1970, 1971, 1972 et 1973, le tribunal administratif de Bordeaux en a prononcé la décharge par le jugement dont le ministre du budget fait appel;

Considérant qu'aux termes de l'article 1649 quinquies B du code général des impôts: "Les actes... déguisant soit une réalisation soit un transfert de bénéfices... ne sont pas opposables à l'administration, laquelle supporte la charge de la preuve du caractère réel de ces actes devant le juge de l'impôt lorsque, pour restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse, elle s'est abstenue de prendre l'avis du comité consultatif dont la composition est indiquée à l'article 1653-C"; que, lorsque l'administration use des pouvoirs qu'elle tient de ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle doit, pour pouvoir écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, établir que ces actes ont un caractère fictif ou, à défaut, qu'ils n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou atténuer les charges fisoales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que la société civile a été régulièrement constituée et que son fonctionnement a été, au cours des années d'imposition, effectif et régulier; que, d'autre part, la prise à bail tant du domaine que de la maison de maître à laquelle ce domaine est rattaché entre dans l'objet social et n'apparait pas anormale eu égard aux besoins de l'exploitation; qu'ainsi ces actes ne peuvent pas être tenus pour fictifs;

Considérant, en second lieu, que les époux xxxxx allèguent que, s'ils ont préféré créer la structure juridique ci-dessus analysée, notamment les droits et obligations que celle-ci comporte pour leurs enfants, plutôt que de s'en tenir à une exploitation du domaine en faire valoir direct, c'est dans le souci de mieux assurer le maintien, après leur décès, de l'unité de l'exploitation familiale; que ce motif est plausible; que l'administration n'établit pas qu'il soit inexact;

Considérant, qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions principales du recours du ministre, fondées uniquement sur les dispositions précités de l'article 1649 quinquies B, doivent être rejetées;

Considérant, en revanche, que le ministre du budget est fondé à demander, comme il le fait à titre subsidiaire, que M. xxxxx qui au titre de l'année 1972 avait déclaré un revenu de 375.000 F et qui a été assujetti à une imposition unique assise sur ce revenu majoré des rehaussements dont il a été question plus haut, doit être rétabli au rôle à concurrence des droits correspondant au revenu déclaré et que le jugement attaqué, accordant à M. xxxxx une décharge totale de cette imposition, doit être reformé sur ce point.

DECIDE

Article 1er: M. xxxxx est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1972 à raison des droits correspondant à un revenu de 375.000 F.

Article 2: Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 22 mars 1979 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article précédent.

Article 3: Le surplus des conclusions du recours du ministre du budget est rejeté.

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