Jurisprudence : CE 4 ch., 30-12-2022, n° 465304

CE 4 ch., 30-12-2022, n° 465304

A152487L

Référence

CE 4 ch., 30-12-2022, n° 465304. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/92114822-ce-4-ch-30122022-n-465304
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Abstract

► Est insuffisante une interdiction d'exercer ses fonctions pendant quatre ans, avec privation de son traitement, infligée à un professeur des universités impliqué dans l'évacuation violente d'étudiants occupant un amphithéâtre d'une Université.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 465304

Séance du 15 décembre 2022

Lecture du 30 décembre 2022

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 4ème chambre jugeant seule)


Vu la procédure suivante :

Le président de l'université de Montpellier a, d'une part, engagé contre M. B A de Boissezon, professeur des universités, des poursuites disciplinaires devant la section disciplinaire du conseil académique de cette université et, d'autre part, demandé le dessaisissement de cette instance. Par une décision du 10 juillet 2018, le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) a renvoyé les poursuites disciplinaires engagées contre M. A de Boissezon devant la section disciplinaire du conseil académique de Sorbonne Université, laquelle a, par une décision du 11 janvier 2019, infligé à M. A de Boissezon la sanction de la révocation et, à titre accessoire, celle de l'interdiction définitive d'exercer toute fonction dans un établissement public.

Par une décision du 23 mars 2022, le CNESER, statuant en matière disciplinaire, a, sur appel de M. A de Boissezon, annulé cette décision et lui a infligé la sanction de l'interdiction d'exercer toutes fonctions d'enseignement ou de recherche dans tout établissement public d'enseignement supérieur pour une durée de quatre ans avec privation de la totalité de son traitement.

Par un pourvoi et un nouveau mémoire, enregistrés les 27 juin et 23 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche demande au Conseil d'Etat, d'annuler cette décision.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983🏛 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Thalia Breton, auditrice,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Le Griel, avocat de M. A de Boissezon et de la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de l'université de Montpellier ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le président de l'université de Montpellier a, d'une part, engagé le 28 mai 2018 des poursuites disciplinaires à l'encontre de M. A de Boissezon, professeur des universités, affecté dans cette université et, d'autre part, demandé le 29 mai 2018 le dessaisissement de cette instance. Par une décision du 10 juillet 2018, le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) a renvoyé les poursuites disciplinaires engagées contre M. A de Boissezon devant la section disciplinaire du conseil académique de Sorbonne Université. Par une décision du 11 janvier 2019, la section disciplinaire du conseil académique de Sorbonne Université a infligé à M. A de Boissezon la sanction de la révocation et, à titre accessoire, celle de l'interdiction définitive d'exercer toute fonction dans un établissement public d'enseignement supérieur. Par une décision du 23 mars 2022, contre laquelle la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche se pourvoit en cassation, le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), statuant en matière disciplinaire a, sur appel de M. A de Boissezon, annulé la décision de la section disciplinaire et lui a infligé la sanction de l'interdiction d'exercer toutes fonctions d'enseignement ou de recherche dans tout établissement public d'enseignement supérieur pour une durée de quatre ans avec privation de la totalité de son traitement.

2. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983🏛 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa version applicable à la date de la décision en litige : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article L. 952-8 du code de l'éducation🏛 : " () les sanctions disciplinaires qui peuvent être appliquées aux enseignants-chercheurs et aux membres des corps des personnels enseignants de l'enseignement supérieur sont : / 1° Le blâme ; / 2° Le retard à l'avancement d'échelon pour une durée de deux ans au maximum ; / 3° L'abaissement d'échelon ; / 4° L'interdiction d'accéder à une classe, grade ou corps supérieurs pendant une période de deux ans au maximum ; / 5° L'interdiction d'exercer toutes fonctions d'enseignement ou de recherche ou certaines d'entre elles dans l'établissement ou dans tout établissement public d'enseignement supérieur pendant cinq ans au maximum, avec privation de la moitié ou de la totalité du traitement ; / 6° La mise à la retraite d'office ; / 7° La révocation. / Les personnes à l'encontre desquelles a été prononcée la sixième ou la septième sanction peuvent être frappées à titre accessoire de l'interdiction d'exercer toute fonction dans un établissement public ou privé, soit pour une durée déterminée, soit définitivement ".

3. Si le choix de la sanction relève de l'appréciation des juges du fond au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, il appartient au juge de cassation de vérifier que la sanction retenue n'est pas hors de proportion avec la faute commise et qu'elle a pu dès lors être légalement prise.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A de Boissezon, professeur des universités affecté à l'université de Montpellier, agrégé de droit, a participé, dans la nuit du 22 au 23 mars 2018, aux événements ayant conduit à l'expulsion violente, avec l'aide notamment de personnes extérieures à l'université, cagoulées et munies de planches de bois et d'un pistolet à impulsion électrique, d'étudiants occupant, dans le cadre d'un mouvement national, un amphithéâtre de cette université, M. A de Boissezon ayant lui-même porté des coups. Il ressort en outre des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour ces mêmes agissements, le tribunal correctionnel de Montpellier, par un jugement du 2 juillet 2021 contre lequel a été formé appel -sur lequel il n'a pas été statué à la date de la présente décision-, a relevé le caractère prémédité des violences en réunion et la participation directe de M. A de Boissezon à celles-ci, dans l'université où il exerce comme enseignant-chercheur, l'a jugé coupable de faits de violence commise en réunion suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, en récidive, et de faits de violence commise en réunion sans incapacité, en récidive, et l'a condamné à une peine d'emprisonnement de quatorze mois, dont huit mois avec sursis, assortie d'une peine complémentaire d'interdiction de toute fonction ou emploi public pour une durée d'un an. Dans ces conditions, en n'infligeant à raison de ces faits à M. A de Boissezon que la sanction, prévue au 5° de l'article L. 952-8 du code de l'éducation🏛 cité au point 2, d'interdiction d'exercer toutes fonctions d'enseignement ou de recherche dans tout établissement public d'enseignement supérieur pendant quatre ans, avec privation de la totalité de son traitement, et non une sanction prévue par les alinéas suivants de cet article, le CNESER, statuant en matière disciplinaire, a retenu une sanction hors de proportion avec les fautes commises.

5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche est fondée à demander l'annulation de la décision du CNESER, statuant en matière disciplinaire, qu'elle attaque.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 23 mars 2022 du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, statuant en matière disciplinaire, est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, statuant en matière disciplinaire.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. A de Boissezon au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et à M. B A de Boissezon.

Copie en sera adressée à l'université de Montpellier.

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