Jurisprudence : CAA Lyon, 7e, 15-12-2022, n° 21LY00407

CAA Lyon, 7e, 15-12-2022, n° 21LY00407

A575784Y

Référence

CAA Lyon, 7e, 15-12-2022, n° 21LY00407. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/91630667-caa-lyon-7e-15122022-n-21ly00407
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Abstract

44-05 Des prescriptions complémentaires en vue de limiter les impacts sur la faune protégée ne pouvant en principe suppléer l'absence de dérogation lorsqu'elle est nécessaire, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 411-2 du code de l'environnement est opérant (solution implicite).


Références

COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON

N° 21LY00407

7ème chambre
lecture du 15 décembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour

I - Par une requête et des mémoires enregistrés les 8 février, 29 septembre et 24 novembre 2021 sous le n° 21LY00407, le dernier d'entre eux n'ayant pas été communiqué, l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne, représentée par Me Monamy demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 7 décembre 2020 par laquelle le préfet de la Côte-d'Or a implicitement refusé de mettre la société Parc éolien des Sources du Mistral en demeure de déposer une demande de dérogation à la protection des espèces protégées au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement🏛 ;

2°) d'enjoindre à la société Parc éolien des Sources du Mistral de déposer, dans un délai à définir, une demande de dérogation ;

3 ) à titre conservatoire, dans l'attente de la délivrance de la dérogation de prescrire l'arrêt complet des éoliennes entre une heure après le lever du soleil et jusqu'à une heure avant son coucher, du 1er février au 31 mai et du 1er septembre au 30 novembre pour assurer la préservation du Milan royal et des autres espèces d'oiseaux protégées, tel que prescrit à titre subsidiaire par l'arrêté du 18 août 2020, ainsi que l'arrêt complet des éoliennes chaque nuit de mai à octobre inclus ou, à défaut, de renvoyer au préfet le soin de fixer ces prescriptions ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Elle soutient que la décision contestée méconnaît les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement🏛🏛 en ce qui concerne le Milan royal et les chiroptères.

Par des mémoires enregistrés les 21 juillet, 29 septembre et 13 décembre 2021, le dernier d'entre eux n'ayant pas été communiqué, la société Parc éolien des Sources du Mistral conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par un mémoire enregistré le 30 septembre 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 24 novembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 15 décembre 2021.

II - Par une requête et des mémoires enregistrés les 7 janvier, 13 avril et 28 juin 2022, sous le n° 22LY00073, le dernier d'entre eux n'ayant pas été communiqué, l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et la fédération environnement durable, représentées par Me Monamy, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2021 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a fixé des prescriptions complémentaires pour l'exploitation du parc éolien exploité par la société Parc éolien des Sources du Mistral ;

2°) d'enjoindre à la société Parc éolien des Sources du Mistral de déposer, dans un délai à définir, une demande de dérogation à la protection des espèces protégées au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement🏛 ;

3°) de prescrire l'arrêt complet des éoliennes entre une demi-heure avant le coucher du soleil et jusqu'à une demi-heure après son lever, lorsque la vitesse de vent est inférieure ou égale à 10 m/s, du 15 mars au 15 novembre, pour assurer la préservation des chiroptères ainsi que la compensation des destructions de chauves-souris passées et à venir occasionnées par le parc éolien des sources du mistral ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Elles soutiennent que :

- l'arrêté de prescriptions complémentaires méconnaît les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement🏛🏛, l'arrêté contesté n'ayant pas été précédé de la délivrance d'une dérogation à la protection des espèces protégées de chauve-souris ;

- il ne respecte pas les articles L. 110-1, L. 122-1-1 et L. 511-1 du code de l'environnement🏛🏛🏛, aucune mesure de compensation n'étant prévue alors que les prescriptions mises en œuvre par l'arrêté contesté ne permettent pas d'éviter de nouvelles destructions de chiroptères ;

- il y a violation de l'article L. 511-1 du code de l'environnement🏛 en ce que cet arrêté ne permet pas d'empêcher la destruction de trop nombreux chiroptères.

Par des mémoires enregistrés les 11 mars, 14 avril et 17 juin 2022, le dernier d'entre eux n'ayant pas été communiqué, la société Parc éolien des Sources du Mistral, représentée par Me Gandet, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autre une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable ;

- aucun moyen de la requête n'est fondé ;

- le cas échéant la cour devra surseoir à statuer en application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement🏛, dans l'attente d'une régularisation de l'arrêté.

Par un mémoire enregistré le 14 avril 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 13 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017🏛 ;

- l'arrêté ministériel du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Monamy pour l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et la fédération environnement durable ainsi que celles de Me Becue, pour la société Parc éolien des Sources du Mistral ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées les 16, 21 novembre et 12 décembre 2022, présentées pour la société Parc éolien des Sources du Mistral dans chacune des instances ci-dessus.

Vu les notes en délibéré, enregistrées le 24 novembre 2022, présentées pour l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et la fédération environnement durable, dans chacune des instances ci-dessus.

Considérant ce qui suit :

1.Par un arrêté en date du 7 juin 2013, pris sur le fondement de l'arrêté ministériel du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, le préfet de la Côte-d'Or a autorisé la société Parc éolien des Sources du Mistral (groupe CNR) à exploiter, sur le territoire des communes de Sacquenay et Chazeuil, neuf éoliennes. Le 18 août 2020, il a pris un arrêté de prescriptions complémentaires en vue d'assurer la protection des Milans royaux, dont trois cadavres avaient été trouvés au pied des éoliennes E2, E7 et E9. Le 7 décembre 2020, le préfet de la Côte-d'Or a implicitement rejeté la demande que lui avait adressée l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne (VDV) tendant à ce qu'il mette la société Parc éolien des Sources du Mistral en demeure de présenter une demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement🏛, notamment en ce qui concerne les Milans royaux et les chiroptères. Et par un arrêté du 6 septembre 2021, le préfet de la Côte-d'Or a imposé à cette société des prescriptions complémentaires destinées à limiter les impacts sur les espèces de chiroptères protégées au titre de l'article L. 411-1 du code de l'environnement🏛 et de l'arrêté ministériel du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection. Par deux requêtes qui présentent à juger des questions semblables et qu'il convient de joindre pour statuer par un même arrêt, l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne demande l'annulation de la décision du 7 septembre 2020 et, avec l'association fédération environnement durable, celle de l'arrêté du 6 septembre 2021.

2.En premier lieu, et d'une part, aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : () 1° Les autorisations délivrées au titre () du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance () sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code🏛 que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; () ". Aux termes de l'article L. 181-16 du code de l'environnement🏛, qui figure au chapitre unique du titre VIII du livre 1er de ce code : " I. - Pour l'application du présent chapitre, les contrôles administratifs sont exercés et les mesures de police administratives sont prises dans les conditions fixées au chapitre Ier du titre VII du présent livre et par les législations auxquelles ces contrôles et ces mesures se rapportent. () ".

3.D'autre part, aux termes de l'article L. 171-7 du code de l'environnement🏛, qui figure au chapitre Ier du titre VII du livre Ier de ce code: " I.- Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation, de l'enregistrement, de l'agrément, de l'homologation, de la certification ou de la déclaration requis en application du présent code, ou sans avoir tenu compte d'une opposition à déclaration, l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d'un an. Elle peut, par le même acte ou par un acte distinct, suspendre le fonctionnement des installations ou ouvrages, l'utilisation des objets et dispositifs ou la poursuite des travaux, opérations, activités ou aménagements jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la déclaration ou sur la demande d'autorisation, d'enregistrement, d'agrément, d'homologation ou de certification, à moins que des motifs d'intérêt général et en particulier la préservation des intérêts protégés par le présent code ne s'y opposent. L'autorité administrative peut, en toute hypothèse, édicter des mesures conservatoires aux frais de la personne mise en demeure. () ".

4.En outre, aux termes de l'article L. 181-1 du code de l'environnement🏛 : " L'autorisation environnementale, dont le régime est organisé par les dispositions du présent livre ainsi que par les autres dispositions législatives dans les conditions fixées par le présent titre, est applicable aux activités, installations, ouvrages et travaux suivants, lorsqu'ils ne présentent pas un caractère temporaire : () 2° Installations classées pour la protection de l'environnement mentionnées à l'article L. 512-1. ". Aux termes de l'article L. 181-2 du même code🏛 : " I. - L'autorisation environnementale tient lieu, y compris pour l'application des autres législations, des autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments suivants, lorsque le projet d'activités, installations, ouvrages et travaux relevant de l'article L. 181-1 y est soumis ou les nécessite : () 5° Dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats en application du 4° de l'article L. 411-2 ; () ". L'article L. 181-3 de ce code🏛 prévoit que " l'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent également : () 4° Le respect des conditions, fixées au 4° du I de l'article L. 411-2, de délivrance de la dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, des espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, lorsque l'autorisation environnementale tient lieu de cette dérogation ; () ". Aux termes de l'article L. 181-14 de ce code🏛 : " () / En dehors des modifications substantielles, toute modification notable intervenant dans les mêmes circonstances est portée à la connaissance de l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation environnementale () / L'autorité administrative compétente peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 à l'occasion de ces modifications, mais aussi à tout moment s'il apparaît que le respect de ces dispositions n'est pas assuré par l'exécution des prescriptions préalablement édictées ". L'article R. 411-10-2 du même code🏛 prévoit que : " Toute modification de même nature que celles mentionnées à l'article R. 411-10-1 ne présentant pas un caractère substantiel est portée par le bénéficiaire de la dérogation à la connaissance de l'autorité administrative compétente, avant sa réalisation, avec tous les éléments d'appréciation. Celle-ci peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire au respect des dispositions de l'article L 411-2 à l'occasion de ces modifications, mais aussi à tout moment s'il apparaît que le respect de ces dispositions n'est pas assuré par l'exécution des prescriptions préalablement édictées. Le bénéficiaire de la dérogation peut demander une adaptation des prescriptions imposées par la décision. () ".

5.Enfin, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement🏛 : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : 1° La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; () 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ; () ". Le I de l'article L. 411-2 du même code🏛 renvoie à un décret en Conseil d'État la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment, la " délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ; c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ".

6.Il en résulte que la destruction ou la perturbation d'animaux appartenant à des espèces protégées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Une activité fonctionnant sous couvert d'un acte aujourd'hui définitif, qu'il s'agisse de l'autorisation environnementale créée par l'ordonnance du 26 janvier 2017 ou d'une autorisation considérée comme telle en application de cette même ordonnance, qui est à l'origine de telles atteintes et pour lesquelles aucune dérogation n'a jamais été accordée en application du 4° du I de l'article L. 411-2 précité, ne peut normalement se poursuivre sans la délivrance de cette dérogation. Celle-ci est subordonnée à la réunion de trois conditions distinctes et cumulatives tenant, d'abord, à l'absence de solution alternative satisfaisante, ensuite, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur. Dans une telle situation, l'autorité administrative doit, si besoin, exercer les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 171-1 du code de l'environnement🏛 en mettant l'exploitant en demeure de présenter, à titre de régularisation, une demande de dérogation dans un délai qu'elle détermine et, le cas échéant, en édictant des mesures conservatoires pouvant aller jusqu'à la suspension de l'activité en cause dans l'attente de statuer sur une demande de régularisation. Lorsqu'une dérogation à l'interdiction posée par l'article L. 411-1 ci-dessus est nécessaire, des prescriptions complémentaires imposées en vue d'assurer la préservation d'animaux d'espèces protégées ne sauraient en principe suppléer l'absence d'une telle dérogation.

7.Toutefois, l'exploitant ne doit obtenir une dérogation " espèces protégées " que si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".

8.Il apparaît, en l'espèce, que l'autorisation initiale du 7 juin 2013, accordée au titre de l'article L. 512-1 du code de l'environnement🏛 et dont le caractère définitif n'est pas remis en cause, qui s'analyse aujourd'hui comme une autorisation environnementale, n'a jamais donné lieu à la délivrance d'une dérogation au titre de l'article L. 411-2 du même code🏛. Dans le dossier initial de demande d'autorisation, des sensibilités fortes à modérées avaient été relevées pour certaines espèces d'oiseaux et de chauve-souris protégées présentes dans le secteur d'implantation du parc ou le fréquentant plus particulièrement à certaines périodes de l'année, pouvant varier selon les éoliennes concernées, avec mise en évidence de risques élevés de collision pour quelques-unes d'entre elles, notamment en périodes de migration. Après l'entrée en service du parc éolien en 2019, des prospections effectuées au pied des aérogénérateurs ont montré des cas de mortalité affectant spécialement les Milans royaux ainsi que des chiroptères tels que la Pipistrelle commune ou la Pipistrelle de Kuhl, pour lesquels les risques de collision ont été jugés forts ou importants. L'arrêté de prescriptions complémentaires du 18 août 2020, mentionné plus haut, a cependant donné lieu à la mise en place d'un dispositif de bridage dynamique ProBird pour assurer l'effarouchement sonore des oiseaux et dévier leur trajectoire de vol en dehors de la zone de survol des pales et, le cas échéant, d'une régulation des machines, avec arrêt en cas d'approche d'un rapace. S'agissant des chiroptères, l'arrêté ici en litige prévoit des mesures destinées à prévenir leur mortalité, telles que l'arrêt des aérogénérateurs aux périodes d'activité de ces animaux, avec un dispositif d'asservissement couvrant plus de 80 % de leurs populations, destiné à restreindre les impacts, et poursuite du suivi comportemental, notamment par des écoutes en hauteur afin d'adapter au plus juste les conditions de bridage. Il apparaît que les mesures finalement adoptées ou mises en œuvre par l'exploitant, dont l'effectivité n'est pas sérieusement contestée, doivent permettre de réduire notablement, bien que pas complètement, le danger de collision et de destruction d'oiseaux ou de mammifères protégés présents dans le secteur d'implantation du site, surtout aux périodes de l'année les plus sensibles pour eux (migration/reproduction). Le risque que le projet comporte pour ces animaux protégés ne pouvant désormais plus être regardé comme suffisamment caractérisé, aucune violation du régime de protection imposé par les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement🏛🏛, appréciée à la date du présent arrêt, ne saurait ainsi être retenue.

9.En second lieu, aux termes de l'article L. 122-1-1 du code de l'environnement🏛 : " I. -L'autorité compétente pour autoriser un projet soumis à évaluation environnementale prend en considération l'étude d'impact, l'avis des autorités mentionnées au V de l'article L. 122-1 ainsi que le résultat de la consultation du public et, le cas échéant, des consultations transfrontières. La décision de l'autorité compétente est motivée au regard des incidences notables du projet sur l'environnement. Elle précise les prescriptions que devra respecter le maître d'ouvrage ainsi que les mesures et caractéristiques du projet destinées à éviter les incidences négatives notables, réduire celles qui ne peuvent être évitées et compenser celles qui ne peuvent être évitées ni réduites. Elle précise également les modalités du suivi des incidences du projet sur l'environnement ou la santé humaine. () ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code🏛 : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. " Et aux termes de l'article R. 122-13 de ce code🏛 : " les mesures compensatoires mentionnées au I de l'article L. 122-1-1 ont pour objet d'apporter une contrepartie aux incidences négatives notables, directes ou indirectes, du projet sur l'environnement qui n'ont pu être évitées ou suffisamment réduites. "

10.Il n'apparaît pas, ainsi qu'il a déjà été dit, que compte tenu des mesures de bridage mises en place par l'arrêté contesté du 6 septembre 2021 qui, eu égard à un risque de collision désormais négligeable, doivent permettre de ramener les cas de mortalité de chiroptères à un niveau non significatif, y compris dans l'avenir, le parc éolien aurait des incidences telles sur l'environnement qu'une atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement🏛, tenant spécialement à la protection de la nature, serait caractérisée et que des mesures de compensation particulières auraient dû être mises en place. Cet arrêté n'a pas, dans ces conditions, méconnu les dispositions ci-dessus.

11.Il en résulte, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que les conclusions de l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autre doivent, dans leur ensemble, être rejetées.

12.Il n'y a pas lieu, en l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Parc éolien des Sources du Mistral au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

DECIDE :

Article 1er :Les requêtes de l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne et autre sont rejetées.

Article 2 :Les conclusions de la société Parc éolien des Sources du Mistral au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 sont rejetées.

Article 3 :Le présent arrêt sera notifié à l'association pour la défense du patrimoine et du paysage de la vallée de la Vingeanne, à la fédération environnement durable, à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Parc éolien des Sources du Mistral.

Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or et à la ministre de la transition énergétique.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

V.-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,, 22LY00073al

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