CE 5éme et 3éme sous-sections réunies., 1994-11-25, n° 148962
A0193AIY
Référence
CONSEIL D'ETAT
Statuant du Contentieux
N° 148962
Ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire
contre
Grégoire
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux 5éme et 3éme sous-sections réunies.)
Vu 1°), sous le n° 148962, le recours du MINISTRE D'ETAT,
MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE enregistré
le 14 juin 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le
MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU
TERRITOIRE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 13 avril 1993 par lequel le
tribunal administratif de Nancy a, à la demande de M André Grégoire,
annulé l'arrêté du 8 octobre 1992 du préfet des Vosges ordonnant la
fermeture de l'établissement boucherie-charcuterie-traiteur qu'il
exploite à Vittel ;
2°) de rejeter la requête présentée par M Grégoire devant le
tribunal administratif de Nancy ;
Vu 2°), sous le n° 149018, le recours du MINISTRE DELEGUE A LA
SANTE enregistré le 16 juin 1993 au secrétariat du Contentieux du
Conseil d'Etat ; le MINISTRE DELEGUE A LA SANTE demande au Conseil
d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 13 avril 1993 par lequel le
tribunal administratif de Nancy a, à la demande de M André Grégoire,
annulé l'arrêté du 8 octobre 1992 du préfet des Vosges ordonnant la
fermeture de l'établissement boucherie-charcuterie-traiteur qu'il
exploite à Vittel ;
2°) de rejeter la requête présentée par M Grégoire devant le
tribunal administratif de Nancy ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code des communes ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours
administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n°
53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre
1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M Salat-Baroux, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M Daël, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les recours du MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE
L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE et du MINISTRE DELEGUE
A LA SANTE présentent à juger la même question ; qu'il y a lieu de
les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article L 17 du code de la santé
publique : "en cas d'urgence, c'est-à-dire en cas d'épidémie ou d'un
autre danger imminent pour la santé publique, le préfet peut ordonner
l'exécution immédiate, tous droits réservés, des mesures prescrites
par les règlements sanitaires prévus au chapitre 1er du présent
titre " ;
Considérant que, par un arrêté en date du 8 octobre 1992 pris sur
le fondement des dispositions précitées et de celles des articles
125, 130 et 167 du règlement sanitaire départemental, le préfet des
Vosges a prononcé la fermeture temporaire de la boucherie charcuterie
exploitée à Vittel par M Grégoire ; que les dispositions auxquelles
se réfèrent celles de l'article L 17 précité du code de la santé
publique ne prévoient pas la possibilité pour l'autorité
administrative d'ordonner la fermeture d'un établissement ;
Considérant, toutefois, qu'en vertu des dispositions de l'article
L. 131-13 du code des communes, le préfet peut prendre toutes mesures
relatives au maintien de la salubrité publique, dans tous les cas où
il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, après une
mise en demeure au maire restée sans résultat ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les denrées
alimentaires vendues par l'établissement de M Grégoire comportaient
des souches épidémiques de listériose, épidémie largement répandue à
l'époque de l'arrêté en cause ; qu'il y avait urgence à prendre, dans
l'intérêt de la santé publique, une mesure destinée à éviter la
contamination des consommateurs et que les dispositions précitées du
code des communes ne font pas obstacle à ce que cette mesure consiste
en la fermeture provisoire de l'établissement lorsqu'aucune mesure
moins contraignante serait efficace ; que l'urgence justifiait
également qu'il y soit procédé sans mise en demeure d'agir adressée
au maire préalablement à la mesure de fermeture de l'établissement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que
le tribunal administratif de Nancy a annulé, pour défaut de base
légale, l'arrêté du préfet des Vosges de fermeture de l'établissement
en cause ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat saisi de
l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les
autres moyens soulevés par M Grégoire devant le tribunal
administratif de Nancy ;
Considérant qu'en vertu de l'article 8 du décret du 28 novembre
1983, les décisions individuelles défavorables aux administrés
émanant, notamment, des services administratifs de l'Etat, ne peuvent
intervenir légalement qu'après que l'intéressé ait été mis à même de
présenter des observations écrites ; que cette obligation à la charge
de l'administration n'est ainsi instituée qu'à l'exception des cas
d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; que, comme il a été
dit ci-dessus, l'urgence commandée par la préservation de la santé
publique est, dans les circonstances de l'affaire, établie ;
Considérant que la mesure attaquée, qui n'a été mise en
application que pendant une durée d'une semaine, nécessaire à la
réalisation de travaux de désinfection et à l'installation de
matériels conformes à la réglementation imposées par
l'administration, ne pouvait atteindre son but par une mesure moins
contraignante ; que, dès lors, la mesure n'est ni abusive ni
injustifiée ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas
établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE
D'ETAT, MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE et
le MINISTRE DELEGUE A LA SANTE sont fondés à soutenir que c'est à
tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy
a annulé l'arrêté du préfet des Vosges en date du 8 octobre 1992 ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement en date du 13 avril 1993 du tribunal
administratif de Nancy est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M Grégoire devant le tribunal
administratif de Nancy est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M Grégoire, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et au ministre d'Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville.
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