CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 13315
MM. DELAHAYE et GROULT
Lecture du 10 Juin 1983
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Sur le rapport de la 6ème Sous-Section
Vu, 1°) la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 10 juillet 1978 sous le n° 13 315 et le mémoire complémentaire, enregistré le 26 mars 1979, présentés pour M. Delahaye (Louis), demeurant 32 rue du Général Leclerc à Tourlaville (Manche) et pour M. Groult (Léon), demeurant 2 rue Montebello à Cherbourg (Manche) et tendant à ce que le Conseil d'Etat:
1° - annule le jugement n° 329 74/75 du 16 mai 1978 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande dirigée contre la décision du 30 octobre 1974 par laquelle la commission départementale d'urbanisme commercial de la Manche a autorisé la société civile immobilière du centre commercial du quai de l'entrepôt à créer un centre commercial à Cherbourg et contre la décision du 10 mars 1975 par laquelle le ministre du commerce et de l'artisanat a rejeté le recours dirigé contre cette décision,
2° - annule pour excès de pouvoir ces décisions;
Vu, 2°) la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, le 10 juillet 1978 sous le n° 13 316 et le mémoire complémentaire, enregistré le 26 mars 1979, présentés pour MM. Delahaye et Groult, et tendant à ce que le Conseil d'Etat: 1° - annule le jugement n° 9-75/76 du 16 mai 1978 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande dirigée contre l'arrêté du 30 juillet 1975 par lequel le préfet de la Manche a accordé un permis de construire à la société civile immobilière du centre commercial du quai de l'entrepôt, 2° - annule pour excès de pouvoir cet arrêté;
Vu le code de l'urbanisme;
Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973;
Vu le décret n° 74-63 du 28 janvier 1974;
Vu le code des tribunaux administratifs;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;
Vu la loi du 30 décembre 1977.
Considérant que les requêtes de MM. Delahaye et Groult sont relatives à la construction d'un même centre commercial; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision;
Sur les conclusions dirigées contre la décision de la commission départementale d'urbanisme commercial de la Manche en date du 30 octobre 1974:
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 32 de la loi du 27 décembre 1973: "A l'initiative du préfet, du tiers des membres de la commission ou à celle du demandeur, la décision de la commission départementale peut, dans le délai de deux mois de sa notification ou de son intervention implicite, faire l'objet d'un recours auprès du ministre du commerce et de l'artisanat qui, après avis de la commission nationale d'urbanisme commercial prévue à l'article 33, se prononce dans un délai de trois mois";
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du 30 octobre 1974 par laquelle la commission départementale d'urbanisme commercial de la Manche a autorisé la société civile immobilière du centre commercial du quai de l'entrepôt à édifier un centre commercial à Cherbourg a fait l'objet d'un recours devant le ministre du commerce et de l'artisanat; que le ministre a rejeté ce recours par une décision en date du 10 mars 1975 qui s'est substituée à la décision de la commission départementale et qui était seule susceptible de faire l'objet d'un recours contentieux; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Caen, saisi le 12 mai 1975 soit postérieurement à la décision du ministre a, par le jugement n° 329-74/75 en date du 16 mai 1978, rejeté comme irrecevables les conclusions tendant à l'annulation de la décision de la commission départementale du 30 octobre 1974;
Sur les conclusions dirigées contre la décision du ministre du commerce et de l'artisanat en date du 10 mars 1975:
Considérant qu'aucune disposition de la loi du 27 décembre 1973, ni aucune autre disposition en vigueur le 10 mars 1975 n'imposait au ministre du commerce et de l'artisanat de motiver la décision par laquelle il a rejeté le recours formé contre l'autorisation délivrée par la commission départementale;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commission départementale d'urbanisme commercial de la Manche avait déjà, le 19 juin 1974, accordé à une autre société l'autorisation de créer un centre commercial sur le même terrain; que cette décision avait fait l'objet d'un recours devant le ministre du commerce et de l'artisanat; que, toutefois la société bénéficiaire de cette autorisation ayant été dissoute, son gérant, par une lettre en date du 20 novembre 1974, fit savoir au ministre "qu'il retirait sa demande"; que, dans sa réponse en date du 13 décembre 1974, le ministre consiste qu'en conséquence l'autorisation délivrée le 19 juin 1974 était caduque; que si cette décision n'a pas été notifiée aux auteurs du recours, cette circonstance est sans influence sur la légalité de la décision en date du 10 mars 1975;
Considérant qu'en vertu de l'article 28 de la loi du 27 décembre 1973 la commission départementale et, en cas de recours le ministre du commerce et de l'artisanat doivent statuer suivant les principes d'orientation définis aux articles 1er, 3 et 4 de cette loi, compte tenu de l'état des structures du commerce et de l'artisanat, de l'évolution de l'appareil commercial dans le département et les zones limitrophes, des orientations à moyen et à long terme des activités urbaines et rurales et de l'équilibre souhaitable entre les différentes formes de commerce; que, par suite, et en tout état de cause, les requérants ne peuvent utilement invoquer, à l'appui de leurs conclusions dirigées contre la décision du ministre en date du 10 mars 1975, ni la méconnaissance des dispositions du plan d'urbanisme directeur du groupement de Cherbourg, approuvé le 30 juin 1971, ni celle du schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de l'agglomération de Cherbourg;
Considérant enfin que la création dans la ville de Cherbourg d'un centre commercial d'une surface de vente de 12 955 mètres carrés, comportant notamment 6 900 mètres carrés affectés à des commerces indépendants, n'était de nature ni à provoquer, au mépris des prescriptions de l'article 1er, alinéa 3, de la loi du 27 décembre 1973, "l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux", ni à compromettre la rénovation de la cité et le développement de l'agglomération, en méconnaissance des dispositions de l'article 3, alinéa 1er, de la même loi; qu'ainsi le ministre du commerce et de l'artisanat, en prenant la décision attaquée, n'a pas méconnu les principes d'orientation définis par la loi précitée;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a, par le jugement n° 329-74/75 en date du 16 mai 1978, rejeté les conclusions dirigées contre la décision du ministre du commerce et de l'artisanat en date du 10 mars 1975;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision du ministre du commerce et de l'artisanat autorisant la création du centre commercial n'est pas entachée d'illégalité; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'annulation de cette autorisation devrait entraîner, par voie de conséquence, celle du permis de construire, doit être écarté;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article R.421-1 du code de l'urbanisme: "la demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain, soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation dudit terrain pour cause d'utilité publique"; que si le centre commercial dont la construction a été autorisée empiétait à l'angle sud-est du bâtiment sur une parcelle servant d'assiette à l'avenue Reibell et appartenant au domaine public communal, il ressort des pièces du dossier que cet empiètement a été autorisé par le maire; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R.421-1 précité doit être écarté;
Considérant, en troisième lieu, que si le terrain sur lequel portait la demande de permis de construire était situé dans une zone qui, d'après le plan d'urbanisme directeur du groupement de Cherbourg approuvé le 30 juin 1971, devait faire l'objet d'un plan masse, celui-ci n'est jamais intervenu; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté préfectoral attaqué méconnaissait la réglementation locale d'urbanisme;
Considérant, enfin, que le schéma directeur d'aménagement et duurbanisme n'a été approuvé que postérieurement à la délivrance du permis de construire; que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions de ce schéma aurait été méconnues est, en tout état de cause, inopérant;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a, par le jugement n° 9-75/76 en date du 16 mai 1978, rejeté leur demande dirigée contre l'arrêté préfectoral en date du 30 juillet 1975.
DECIDE
Article 1er - Les requêtes de MM. Delahaye et Groult sont rejetées.