Jurisprudence : CAA Paris, 9e, 13-12-2022, n° 20PA00587


Références

Cour administrative d'appel de Paris

N° 20PA00587

9ème Chambre
lecture du 13 décembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Cella Informatique, aux droits de laquelle est venue la SAS Umanis, a demandé au tribunal administratif de Paris :

1°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des contributions sociales auxquelles la SAS Cella Informatique a été assujettie au titre de l'année 2014 à la suite d'une proposition de rectification du 11 mars 2016 ;

2°) d'ordonner la restitution de la somme de 311 262 euros versée par la SAS Umanis, venant aux droits de la SAS Cella Informatique, assortie des intérêts moratoires, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir.

Par un jugement n° 1801555, 1801570 en date du 22 octobre 2019, le tribunal administratif de Paris a déchargé la SAS Cella Informatique de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales, en droits et pénalités, mise à sa charge au titre de l'année 2014 à la suite de la proposition de rectification du 11 mars 2016, et condamné l'Etat à verser à la société Umanis la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 17 février et 2 juillet 2020 et 25 février 2022, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801555, 1801570 du tribunal administratif de Paris en date du 22 octobre 2019 ;

2°) de dire qu'il n'y pas lieu en tout état de cause à restituer la somme de 311 262 euros ;

3°) remettre à la charge de la SAS Umanis, venant aux droits de la SAS Cella Informatique, la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale à laquelle l'intimée a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014 à la suite de la proposition de rectification du 11 mars 2016.

Il soutient que :

- un dégrèvement de la somme de 311 262 euros a été prononcé le 22 novembre 2019 en exécution du jugement entrepris ;

- le service n'a pas fait une inexacte application du 3° de l'article L. 247 et du 1° de l'article L. 251 du livre des procédures fiscales, la transaction conclue le 21 mars 2016, qui portait sur des pénalités d'assiette notifiées par proposition de rectification du 15 décembre 2015, n'ayant d'effet que sur les droits maintenus à l'issue de ce contrôle, et étant sans incidence sur le droit d'assujettir la contribuable au titre du même impôt et du même exercice, à la suite d'un autre contrôle, à des impositions établies sur un fondement et pour des montants différents ;

- il n'a pas davantage commis un détournement de procédure au regard de l'article L. 51 du même livre, en engageant un contrôle sur pièces du même exercice, postérieurement à la vérification de comptabilité annoncée par avis du 28 juillet 2015 ;

- l'absence de mise en cause de la déduction au taux de droit commun du mali de fusion de 890 941 euros à l'issue de la vérification de comptabilité ne révèle aucune prise de position formelle de l'administration ;

- en raison de la nature des titres des sociétés Azur Conseil Etudes et Eociane et de la durée de leur détention, le mali de fusion résultant de l'absorption de ces sociétés par la SAS Cella Informatique devait suivre le régime fiscal des moins-values à long terme prévu aux article 39 duodecies et 145, 216 et 219-I-a du code général des impôts🏛.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 11 juin 2020 et le 10 février 2022, la SAS Umanis, venant aux droits de la SAS Cella Informatique, représentée par Me Leblic, avocat, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête, à ce que la Cour ordonne à l'Etat de lui restituer la somme de 311 262 euros, assortie des intérêts moratoires et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 et condamne l'Etat aux entiers dépens.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le ministre de l'action et des comptes publics ne sont pas fondés.

Par mesure d'instruction, prise le 19 octobre 2022, la Cour a demandé au ministre de l'action et des comptes publics de produire le procès-verbal de la réunion de synthèse de la vérification comptabilité.

Par un mémoire, enregistré le 25 octobre 2022, le ministre a indiqué ne pas être en mesure de produire le document objet de la mesure d'instruction mentionnée ci-dessus.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 15 novembre 2022 et non communiqué, la SAS Umanis, venant aux droits de la SAS Cella Informatique, a produit des observations en réponse au mémoire de l'administration enregistré le 25 octobre 2022, mentionné ci-dessus.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A ;

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ;

- et les observations de Me Leblic, pour la SAS Umanis, venant aux droits de la SAS Cella Informatique.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, la SAS Cella Informatique, qui exerçait une activité de conseil en systèmes et logiciels informatiques, a fait l'objet d'une proposition de rectification datée du 15 décembre 2015, lui notifiant des rehaussements d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2014. A sa demande, l'administration a adressé à la contribuable une proposition de transaction datée du 3 mars 2016, avant mise en recouvrement. Cette transaction, signée par la société le 21 mars 2016, prévoyait, sous réserve de l'acquittement des droits et pénalités fixées lors de leur mise en recouvrement, une réduction des pénalités afférentes à ces deux impôts. Par une proposition de rectification du 11 mars 2016, l'administration a de nouveau notifié à la société un supplément d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales, résultant d'un contrôle sur pièces relatif au même exercice. Le ministre de l'action et des comptes publics relève régulièrement appel du jugement en date du 22 octobre 2019, par lequel le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de ce supplément.

Sur l'appel principal :

2. Dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé des impositions en litige. Par suite, le ministre de l'action et des comptes publics ne peut utilement soutenir que le jugement entrepris est entaché d'erreur de droit pour en demander l'annulation.

3. En vertu des dispositions de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, lorsqu'une vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période. Et aux termes de l'article L. 251 du même livre : " Lorsqu'une transaction est devenue définitive après accomplissement des obligations qu'elle prévoit et approbation de l'autorité compétente, aucune procédure contentieuse ne peut plus être engagée ou reprise pour remettre en cause les pénalités qui ont fait l'objet de la transaction ou les droits eux-mêmes. (). ".

4. Il résulte de l'instruction qu'à la suite d'un contrôle sur pièces portant sur l'exercice clos en 2014, l'administration a remis en cause la déduction de la base imposable de la SAS Cella Informatique à l'impôt sur les sociétés, du mali de fusion résultant de l'absorption par cette entreprise des sociétés Azur Conseil Etudes et Eociane. Dès lors, par une proposition de rectification en date du 11 mars 2016, elle a rehaussé l'impôt sur les sociétés dû par la contribuable, alors qu'elle lui avait adressé le 3 mars précédent la proposition déjà mentionnée de transaction tendant à réduire le montant des pénalités d'assiette de 29 570 euros à 13 106 euros, afférentes aux suppléments d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée issus d'une vérification de comptabilité portant sur le même exercice. Ainsi que le soutient le ministre, les dispositions analysées plus haut de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, ne font pas obstacle à ce que, dans le cadre d'un contrôle sur pièces, l'administration répare dans le délai de reprise les insuffisances ou erreurs dont la découverte résulte de l'examen du dossier du contribuable, et non d'une précédente vérification de comptabilité. Les dispositions précitées de l'article L. 51 du même livre n'interdisent pas davantage à l'administration d'exercer un contrôle sur pièces portant sur le même exercice et le même impôt que celui ayant fait l'objet, au terme d'une vérification de comptabilité, d'une rectification dont les effets ont été limités par une transaction devenue définitive, dès lors que le motif de rectification est distinct dans les deux modes de contrôle. Toutefois, en l'espèce, eu égard à la proximité de dates d'envoi de la proposition de transaction et de la proposition de rectification consécutive au contrôle sur pièces, l'administration a simultanément, pour le même impôt, procédé à une rectification et conclu une transaction, et a poursuivi le recouvrement des compléments d'imposition issus de la proposition de rectification du 11 mars 2016 simultanément à l'exécution de la transaction. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, elle a contrevenu au principe de loyauté qui s'impose à elle dans ses relations avec les contribuables. Par suite, le ministre n'étant pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement entrepris, le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales, en droits et pénalités, mise à la charge de la SAS Cella Informatique à la suite de la proposition de rectification du 11 mars 2016, ses conclusions tendant à l'annulation du jugement entrepris et à ce que la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale à laquelle l'intimée a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014 à la suite de la proposition de rectification du 11 mars 2016 soit remise à sa charge doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui est, dans la présente instance, la partie perdante, la somme de 2 500 euros que la SAS Umanis demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Toutefois, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la SAS Umanis ait exposé des dépens à l'occasion de la présente instance, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative🏛 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de souveraineté industrielle et numérique est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la SAS Umanis une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société de la SAS Umanis venant aux droits de la SAS Cella Informatique est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société par actions simplifiée (SAS) Umanis.

Délibéré après l'audience du 25 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président de chambre,

- M. Soyez, président assesseur,

- M. Simon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 décembre 2022.

Le rapporteur,

J.-E. A Le président,

S. CARRERE La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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