Jurisprudence : CA Paris, 5, 6, 07-12-2022, n° 21/05295, Confirmation


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 5 - Chambre 6


ARRÊT DU 07 DÉCEMBRE 2022


(n° , 6 pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05295 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDKOB


Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Février 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2020006699



APPELANTE


S.A.R.L. ZOHARA INTERNATIONAL

Ayant son siège [Adresse 1]

[Localité 3]


Représentée par Me Yannick GONTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C2345


INTIMEE


S.A. SOCIETE GENERALE

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 4]


Représentée par Me Magali TARDIEU-CONFAVREUX de l'AARPI TARDIEU GALTIER LAURENT DARMON associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R010



COMPOSITION DE LA COUR :


L'affaire a été débattue le 17 octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :


M. Marc BAILLY, Président,

M. Vincent BRAUD, Président,

Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère


qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile🏛.


Greffier, lors des débats : Madame Yulia TREFILOVA


ARRET :


- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛.

- signé par Marc BAILLY, Président de chambre et par Yulia TREFILOVA, Greffière, présente lors de la mise à disposition.


*

* *



FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES



Par déclaration reçue au greffe de la cour le 17 mars 2021, la société ZOHARA INTERNATIONAL a interjeté appel du jugement du tribunal de commerce de Paris rendu le 18 février 2020 dans l'instance l'opposant à la société SOCIETE GENERALE, qui l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes.


***


À l'issue de la procédure d'appel clôturée le 20 septembre 2022 les moyens et prétentions des parties s'exposent de la manière suivante.


Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 13 septembre 2021 l'appelant, la société ZOHARA INTERNATIONAL


demande à la cour,


'Vu, notamment, la relation contractuelle entre la SOCIETE GENERALE et la société ZOHARA,

Vu la lettre recommandée avec accusé de réception de la SOCIETE GENERALE en date du 5 décembre 2019 adressée à la société ZOHARA,

Vu les articles 1103 et suivant du code civil🏛,'


de bien vouloir :


'-Recevoir la société ZOHARA en son appel ;


-La déclarer bien fondée ;


-Infirmer la décision déférée en ce qu'elle a jugé que la SOCIETE GENERALE n'a commis aucune faute et débouté la société ZOHARA de l'ensemble de ses demandes ;


En conséquence :


-Juger que la dénonciation unilatérale de la SOCIETE GENERALE du 5 décembre 2019 du découvert en compte courant avec avis de clôture de compte de la société ZOHARA est abusive ;


-Juger que cette dénonciation est contraire à l'obligation générale de bonne foi dans l'exécution des contrats ;


-Juger que cette dénonciation a causé un grave préjudice à la société ZOHARA ;


-Ordonner à la SOCIETE GENERALE de rétablir la facilité de caisse de 400 000 euros accordée à la société ZOHARA ;


-Ordonner à la SOCIETE GENERALE de rétablir le crédit de trésorerie à court terme par avis de tirages de 400 000 euros non renouvelé à la société ZOHARA ;


À titre subsidiaire :


-Condamner la SOCIETE GENERALE à payer à la société ZOHARA la somme de 400 000 euros à titre de dommages intérêts pour le préjudice résultant de la faute contractuelle ;


En tout état de cause :


-Condamner la SOCIETE GENERALE à payer à la société ZOHARA la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;


-Condamner la SOCIETE GENERALE aux entiers dépens de la procédure, avec distraction au profit de Maître Yannick GONTIER.'


Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 3 juin 2022 l'intimé


demande à la cour,


'Vu l'article L. 313-12 du code monétaire et financier🏛,

Vu les articles 1211 et 1212 du code civil🏛🏛,

Vu l'article 700 du code de procédure civile🏛,'


de bien vouloir :


'Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris 18 février 2021, en ce qu'il a :

- débouté la société ZOHARA INTERNATIONAL de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société ZOHARA INTERNATIONAL aux dépens,

- condamné la société ZOHARA INTERNATIONAL à payer à SOCIETE GENERALE la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.


En tout état de cause :


-Débouter la société ZOHARA INTERNATIONAL de ses demandes fins et conclusions ;


-Condamner la société ZOHARA INTERNATIONAL au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛, ainsi qu'aux entiers dépens.'


Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile🏛, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions précitées.



MOTIFS DE LA DECISION


La société ZOHARA INTERNATIONAL, active dans le commerce de gros de produits de parfumerie et de beauté, était titulaire d'un compte ouvert dans les livres de la SOCIETE GENERALE.


Par e-mail en date du 3 août 2017, la SOCIETE GENERALE a accordé à la société ZOHARA INTERNATIONAL le renouvellement d'une facilité de caisse de 400 000 euros ainsi qu'un crédit de trésorerie d'un montant de 200 000 euros pour une durée de 8 mois.


Par e-mail en date du 11 avril 2018, la société ZOHARA INTERNATIONAL a demandé à la SOCIETE GENERALE de renouveler la facilité de caisse, pour un montant similaire de 400 000 euros, et d'augmenter de 200 000 euros le crédit de trésorerie qu'elle avait déjà souscrit, pour désormais bénéficier d'un crédit à hauteur de 400 000 euros.


Ces demandes ont été acceptées par la banque en leur principe. Le crédit de trésorerie d'un montant de 400 000 euros a été formalisé par la signature, le 9 juillet 2018, d'une convention 'Crédit de Trésorerie ouverture de crédit court terme par avis de tirage' prévoyant un terme au 30 juin 2019. La facilité de caisse n'a en revanche pas été contractualisée.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 5 décembre 2019, la SOCIETE GENERALE informait la société ZOHARA INTERNATIONAL de la dénonciation de la facilité de caisse et annonçait la clôture du compte bancaire, moyennant un préavis de 60 jours, avec effet à compter du 3 février 2020.


C'est dans ces conditions que par exploit d'huissier du 24 janvier 2020, la société ZOHARA INTERNATIONAL a saisi le tribunal de commerce de Paris afin que la dénonciation du découvert et la clôture du compte courant à l'initiative de SOCIETE GENERALE soient déclarées abusives, que les concours soient rétablis, et que la banque soit condamnée au paiement de la somme de 400 000 euros de dommages et intérêts.


****


Sur la clôture du compte et la facilité de caisse


L'article L. 313-12 du code monétaire et financier🏛 dispose : 'Tout concours à durée indéterminée, autre qu'occasionnel, qu'un établissement de crédit ou une société de financement consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l'expiration d'un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours. Ce délai ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à soixante jours. Dans le respect des dispositions légales applicables, l'établissement de crédit ou la société de financement fournit, sur demande de l'entreprise concernée, les raisons de cette réduction ou interruption, qui ne peuvent être demandées par un tiers, ni lui être communiquées [...] ;


C'est à bon droit que le tribunal a relevé que la banque a toujours la faculté de décider de la fermeture d'un compte, la seule obligation pesant sur elle étant de respecter les règles de procédure qui y président, ce qui en l'espèce a été le cas.


Si la société ZOHARA INTERNATIONAL pour caractériser une rupture abusive des concours, se fonde sur les articles 1103 et suivants du code civil🏛, la banque à raison, fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute dans la mesure où le préavis imparti par la SOCIETE GENERALE est parfaitement conforme aux prévisions de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier🏛. Tenir compte des circonstances dans lesquelles il a été mis fin aux relations pour juger ce délai de 60 jours abusif ou trop court, serait ajouter à la loi une condition d'adaptation à la situation particulière du client, qui ne se trouve pas dans le texte. Ainsi, et par conséquent, et contrairement à ce que soutient la société ZOHARA INTERNATIONAL, la règle posée par l'article L. 313-12 du code monétaire et financier🏛 ne peut être écartée au seul motif d'un prétendu manquement au principe général de bonne foi contractuelle.


Aussi, la société ZOHARA INTERNATIONAL ne démontre pas en quoi l'usage de ce droit aurait dégénéré en abus.


La société ZOHARA INTERNATIONAL énonce ne s'être jamais comportée de manière gravement répréhensible et n'avoir jamais été dans une situation irrémédiablement compromise, de sorte que SOCIETE GENERALE n'avait aucune raison valable de rompre les concours litigieux. Or cet état de fait est indifférent dans la mesure où la banque a fait application du délai de préavis de 60 jours en vertu de l'alinéa 1er de l'article L. 133-12 du code monétaire et financier🏛, et que l'alinéa 2 du même article qui fait mention d'un comportement gravement répréhensible ou d'une situation irrémédiablement compromise ne concerne que la dispense de préavis ' 'L'établissement de crédit ou la société de financement n'est pas tenu de respecter un délai de préavis, que l'ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s'avérerait irrémédiablement compromise'.


Par ailleurs et là aussi par application des dispositions de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier🏛, le prêteur n'a pas l'obligation de fournir des explications sur les raisons de sa dénonciation, sauf à ce que cela lui soit demandé, ce qui n'a nullement été le cas en l'espèce.


Il ressort de ce qui précède que la dénonciation par la SOCIETE GENERALE de la facilité de caisse et de la convention de compte, toutes deux consenties à la société ZOHARA INTERNATIONAL à durée indéterminée, à l'issue d'un préavis de 60 jours, n'est ni brutale ni abusive et ne saurait en conséquence engager sa responsabilité.


Le jugement déféré sera donc confirmé en ce que le tribunal de commerce de Paris a jugé que la SOCIETE GENERALE a respecté les délais impartis et n'a donc pas commis de faute au regard des dispositions légales, et que la rupture de concours ne saurait être qualifiée d'abusive.


Sur le crédit de trésorerie


Contrairement à la facilité de caisse, le crédit de trésorerie de 400 000 euros a été formalisée par un contrat du 9 juillet 2018 lequel mentionne une durée déterminée, à l'article 1, selon lequel : 'La Banque ouvre au Client un crédit (ci-après dénommé le 'crédit') d'un montant maximal de 400 000 EUR (quatre cent mille euros) à compter de la signature des présentes et jusqu'au 30/09/2019, date à laquelle il devra être intégralement remboursé en capital, intérêts et tous accessoires'.


Il est constant que ce concours n'a pas été renouvelé à son terme, et la société ZOHARA INTERNATIONAL considère que cette absence de renouvellement est abusive.


De manière générale, il est de principe que hors le cas où il est tenu par un engagement antérieur, le banquier est toujours libre, sans avoir à justifier sa décision, de proposer ou de consentir un crédit quelle qu'en soit la forme, de s'abstenir, ou de refuser de le faire. Dès lors, il ne peut être reproché à la banque de ne pas avoir octroyé un concours ni de s'en être expliquée, son refus étant discrétionnaire et non constitutif d'une faute.


En outre, l'article 1212 du code civil🏛 dispose :'Lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l'exécuter jusqu'à son terme. Nul ne peut exiger le renouvellement du contrat.'


Ainsi, un crédit consenti pour une durée déterminée prend fin sans préavis au terme convenu, sauf à démontrer que les relations ayant existé entre la banque et son client étaient de nature à entraîner la croyance de celui-ci dans la reconduction du crédit.


Or, en l'espèce, comme jugé par le tribunal la société ZOHARA INTERNATIONAL ne rapporte pas cette preuve, et en cause d'appel ne fournit aucun nouvel élément de nature à établir que la banque lui ait laissé entendre que le concours allait être renouvelé.


En conséquence, SOCIETE GENERALE était parfaitement libre de ne pas renouveler ledit concours et n'a, là encore, commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité.


Le jugement sera donc confirmé en ce que le tribunal de commerce de Paris a jugé que SOCIETE GENERALE n'avait commis aucune faute, quant à la dénonciation de la ligne de découvert, la clôture du compte, et le non renouvellement du crédit de trésorerie et a débouté ZOHARA INTERNATIONAL de l'ensemble de ses demandes.


Sur les dépens et les frais irrépétibles


La société ZOHARA INTERNATIONAL qui échoue dans ses demandes, supportera la charge des entiers dépens et ne peut prétendre à aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛. En revanche pour des raisons tenant à l'équité il y a lieu de faire droit à la demande de l'intimé formulée sur ce même fondement pour la somme réclamée, de 2 500 euros.



PAR CES MOTIFS


La cour, statuant dans les limites de l'appel,


Statuant publiquement et contradictoirement,


CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;


Et y ajoutant :


CONDAMNE la société ZOHARA INTERNATIONAL à payer à la société SOCIETE GENERALE la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile🏛 à raison des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;


DÉBOUTE la société ZOHARA INTERNATIONAL de sa propre demande formulée sur ce même fondement ;


CONDAMNE la société ZOHARA INTERNATIONAL aux entiers dépens d'appel.


LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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