PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Cuisines design industries à payer à la société Sofiseb SA la contrevaleur en euros de la somme de 965 824 francs suisses en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale intervenue et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, l'arrêt rendu le 24 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Sofiseb SA aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société Sofiseb SA et la condamne à payer à la société Cuisines design industries la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau, Aa et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Cuisines design industries, venant aux droits de la société Cuisines et bains industries.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La société Cuisines Design Industries fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif du jugement du tribunal de commerce de Rennes du 12 mai 2015, D'AVOIR constaté que M. [Af] avait été relaxé du chef de tous les faits qui lui étaient reprochés au pénal devant les juridictions suisses, D'AVOIR débouté la société Cuisines Design Industries de sa fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée au motif qu'un événement est venu modifier la situation antérieurement reconnue en justice, et D'AVOIR déclaré recevable l'action engagée par la société Sofiseb,
ALORS QUE la reconnaissance automatique des décisions rendues par un État partie à la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 au sein d'un autre État partie ne concerne que les décisions rendues en matière civile et commerciale, à l'exclusion des décisions relevant de la matière pénale ; qu'en l'espèce, pour conclure à la recevabilité de son action, la société Sofiseb sollicitait la reconnaissance de la décision du tribunal de police du canton de Genève du 17 mai 2013 ayant acquitté M. [Af] des faits de gestion déloyale aggravée, constitutifs d'une infraction pénale, ainsi que de la décision de la chambre pénale de recours de la Cour de justice du canton de Genève du 28 août 2013, l'une et l'autre s'étant prononcées en matière pénale ; qu'en retenant toutefois, pour admettre la recevabilité de l'action de la société Sofiseb, que « les décisions pénales helvétiques bénéficient d'une reconnaissance immédiate sur le territoire français en vertu de l'article 33 de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 », la cour d'appel a violé par fausse application les articles 1er et 33 de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
La société Cuisines Design Industries fait grief à l'arrêt attaqué, partiellement confirmatif du jugement du tribunal de commerce de Rennes du 15 décembre 2015, de L'AVOIR condamnée à payer à la société Sofiseb la contrevaleur en euros de la somme de 965 824 francs suisses en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale intervenue,
1°/ ALORS QUE la rupture d'une relation commerciale établie avec un préavis réduit peut être justifiée en cas de faute grave ; qu'en l'espèce, la société Cuisines Design Industries soulignait, pour justifier la rupture des relations, que M. [Af], en sa qualité d'administrateur unique, avait invoqué tardivement, six ans après le changement d'actionnariat, et de mauvaise foi, l'absence de mise en oeuvre de la clause d'agrément, provoquant ainsi la perte de contrôle par la société mère de sa filiale étrangère ; qu'en refusant d'imputer un tel comportement à une faute de la société Sofiseb, sans rechercher si l'acte de la société n'était pas assimilable à celui de son seul organe, et si la déloyauté dénoncée n'était pas caractérisée, indépendamment même de l'omission de la société mère de mettre en jeu la clause d'agrément prévue aux statuts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'
article L. 442-6, I, 5° du code de commerce🏛, dans sa version issue de la
loi n° 2003-7 du 3 janvier 2003🏛.
2°/ ALORS QUE la rupture d'une relation commerciale établie avec un préavis réduit peut être justifiée en cas de faute grave ; qu'en l'espèce, la société Cuisines Design Industries soulignait, pour justifier la rupture des relations, que M. [Af], en sa qualité d'administrateur unique, s'était fautivement placé en situation de conflit d'intérêt, au bénéfice d'une société cliente débitrice de la société Sofiseb ; qu'en refusant d'imputer un tel comportement à une faute de la société Sofiseb, sans rechercher si l'acte de la société n'était pas assimilable à celui de son seul organe, en quel cas le conflit d'intérêt dénoncé pouvait justifier la rupture, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'
article L. 442-6, I, 5° du code de commerce🏛, dans sa version issue de la
loi n° 2003-7 du 3 janvier 2003🏛.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
La société Cuisines Design Industries fait grief à l'arrêt attaqué, partiellement confirmatif du jugement du tribunal de commerce de Rennes du 15 décembre 2015, de L'AVOIR condamnée à payer à la société Sofiseb la contrevaleur en euros de la somme de 965 824 francs suisses en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale intervenue,
1°/ ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, la société Cuisines Design Industries demandait l'infirmation du jugement sur le quantum, en contestant que la relation commerciale ait porté sur la fourniture de produits sous marque de distributeur ; que la société Sofiseb, qui demandait également l'infirmation du jugement sur le quantum, ne soutenait pas davantage que la relation commerciale ait porté sur la fourniture de produits sous marque de distributeur ; qu'en jugeant pourtant, pour doubler la durée du préavis accordé, que la relation commerciale avait porté sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, en violation des
articles 4 et 5 du code de procédure civile🏛🏛.
2°/ ALORS QUE, en tout état de cause, en cas de rupture d'une relation commerciale établie, la durée minimale de préavis n'est doublée que lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur ; qu'en l'espèce, les produits concernés par la rupture de la relation commerciale étaient vendus sous les marques « Arthur Bonnet Cuisines et Bains, Comera et Nautine » ; qu'en affirmant péremptoirement qu'il s'agissait là de produits commercialisés sous marque de distributeur, ce qui était contesté, et sans préciser quel élément de preuve lui permettait de retenir cette qualification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'
article L. 442-6, I, 5° du code de commerce🏛, dans sa version issue de la
loi n° 2003-7 du 3 janvier 2003🏛.
3°/ ALORS QUE l'auteur d'une rupture brutale de relations commerciales établies n'est tenu de réparer que le préjudice résultant de l'insuffisance de préavis, sans qu'il puisse en résulter pour la partie lésée aucun profit ; que la cour d'appel a relevé, d'une part, qu'un préavis d'une durée de vingt-quatre mois aurait dû être observé, d'autre part, qu'un préavis de quinze jours avait été accordé à la société Sofiseb ; qu'en omettant d'imputer la durée de ce préavis de quinze jours sur celle du préavis jugé nécessaire, pour statuer sur le montant de la condamnation, la cour d'appel a violé l'article L.442-6 I 5° du code de commerce, dans sa version issue de la
loi n° 2003-7 du 3 janvier 2003🏛, ensemble le principe de la réparation intégrale, sans perte ni profit pour la victime.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
La société Cuisines Design Industries fait grief à l'arrêt attaqué, partiellement confirmatif du jugement du tribunal de commerce de Rennes du 15 décembre 2015, de L'AVOIR déboutée de sa demande de condamnation de la société Sofiseb à lui payer la somme de 427 480,62 euros,
ALORS QUE les livres des marchands font preuve contre eux ; qu'en retenant, par motifs propres et adoptés, que le bilan de la société Sofiseb ne permettait pas de prouver la créance détenue sur cette société par la société Cuisines Design Industries, la cour d'appel a violé l'
article 1330 du code civil🏛, dans sa rédaction antérieure à l'
ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016🏛.