Jurisprudence : Cass. com., 07-12-2022, n° 21-14.980, F-D, Cassation

Cass. com., 07-12-2022, n° 21-14.980, F-D, Cassation

A42068YG

Référence

Cass. com., 07-12-2022, n° 21-14.980, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/90594488-cass-com-07122022-n-2114980-fd-cassation
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Abstract

► N'établit pas qu'une relation commerciale portant sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, le fait que le fournisseur concevait, fabriquait et commercialisait des meubles de cuisine et de ce que la lettre de rupture mentionne que le distributeur de mobiliers de cuisine n'est plus autorisé à faire usage des marques fournies.


COMM.

FB


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 décembre 2022


Cassation partielle


M. VIGNEAU, président


Arrêt n° 750 F-D

Pourvoi n° S 21-14.980


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 DÉCEMBRE 2022


La société Cuisines design industries, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Cuisines et bains industries, a formé le pourvoi n° S 21-14.980 contre l'arrêt rendu le 24 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l'opposant à la société Sofiseb SA, société de droit suisse, dont le siège est [Adresse 1] (Suisse), défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Blanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Aa et Rebeyrol, avocat de la société Cuisines design industries, venant aux droits de la société Cuisines et bains industries, de la SARL Boré, Ab de Bruneton et Mégret, avocat de la société Sofiseb SA, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Blanc, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 février 2021), rendu sur renvoi après cassation (deuxième chambre civile, 17 octobre 2019, pourvoi n° 18-15.960⚖️), soutenant qu'en 2003, la société Cuisines et bains industries, aux droits de laquelle est venue la société Cuisines design industries (la société CDI), avait rompu de manière brutale la relation commerciale qu'elle entretenait avec elle, la société de droit suisse Sofiseb SA, qui exerce l'activité de distribution de mobiliers de cuisine, l'a assignée en réparation de son préjudice.


Examen des moyens

Sur les premier et quatrième moyens, ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. La société CDI fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Sofiseb SA la contre-valeur en euros de la somme de 965 824 francs suisses en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale intervenue, alors « qu'en cas de rupture d'une relation commerciale établie, la durée minimale de préavis n'est doublée que lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur ; qu'en l'espèce, les produits concernés par la rupture de la relation commerciale étaient vendus sous les marques "Ac Ad Cuisines et Bains, Ae et Nautine" ; qu'en affirmant péremptoirement qu'il s'agissait là de produits commercialisés sous marque de distributeur, ce qui était contesté, et sans préciser quel élément de preuve lui permettait de retenir cette qualification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce🏛, dans sa version issue de la loi n° 2003-7 du 3 janvier 2003🏛. »


Réponse de la Cour

Vu l'article 442-6, I, 5°, du code de commerce🏛, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-7 du 3 janvier 2003🏛 :

4. Selon ce texte, lorsqu'une relation commerciale établie porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale du préavis devant être accordé préalablement à la rupture de la relation est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur.

5. Pour condamner la société CDI à payer à la société Sofiseb SA la contrevaleur en euros de la somme de 965 824 francs suisses correspondant à la marge sur coûts variables sur une durée de 24 mois, l'arrêt retient, d'abord, qu'au regard de la durée de la relation commerciale entre les parties et de la dépendance économique totale de la filiale à l'égard de la société-mère, un préavis de 12 mois aurait dû être accordé et, ensuite, que ce préavis devait être doublé en application de l'article L. 442-6 du code de commerce🏛, dès lors que la relation commerciale portait sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, ce qui résultait de ce que la société Cuisines et bains industries concevait, fabriquait et commercialisait des meubles de cuisine et de ce que la lettre de rupture du 15 janvier 2003 mentionne que la société Sofiseb SA n'était plus autorisée à faire usage des marques « Arthur Bonnet Cuisines et bains, Comera et Nautine ».

6. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que la relation commerciale en cause portait sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Cuisines design industries à payer à la société Sofiseb SA la contrevaleur en euros de la somme de 965 824 francs suisses en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale intervenue et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, l'arrêt rendu le 24 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Sofiseb SA aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société Sofiseb SA et la condamne à payer à la société Cuisines design industries la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau, Aa et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Cuisines design industries, venant aux droits de la société Cuisines et bains industries.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société Cuisines Design Industries fait grief à l'arrêt attaqué, confirmatif du jugement du tribunal de commerce de Rennes du 12 mai 2015, D'AVOIR constaté que M. [Af] avait été relaxé du chef de tous les faits qui lui étaient reprochés au pénal devant les juridictions suisses, D'AVOIR débouté la société Cuisines Design Industries de sa fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée au motif qu'un événement est venu modifier la situation antérieurement reconnue en justice, et D'AVOIR déclaré recevable l'action engagée par la société Sofiseb,

ALORS QUE la reconnaissance automatique des décisions rendues par un État partie à la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 au sein d'un autre État partie ne concerne que les décisions rendues en matière civile et commerciale, à l'exclusion des décisions relevant de la matière pénale ; qu'en l'espèce, pour conclure à la recevabilité de son action, la société Sofiseb sollicitait la reconnaissance de la décision du tribunal de police du canton de Genève du 17 mai 2013 ayant acquitté M. [Af] des faits de gestion déloyale aggravée, constitutifs d'une infraction pénale, ainsi que de la décision de la chambre pénale de recours de la Cour de justice du canton de Genève du 28 août 2013, l'une et l'autre s'étant prononcées en matière pénale ; qu'en retenant toutefois, pour admettre la recevabilité de l'action de la société Sofiseb, que « les décisions pénales helvétiques bénéficient d'une reconnaissance immédiate sur le territoire français en vertu de l'article 33 de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 », la cour d'appel a violé par fausse application les articles 1er et 33 de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

La société Cuisines Design Industries fait grief à l'arrêt attaqué, partiellement confirmatif du jugement du tribunal de commerce de Rennes du 15 décembre 2015, de L'AVOIR condamnée à payer à la société Sofiseb la contrevaleur en euros de la somme de 965 824 francs suisses en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale intervenue,

1°/ ALORS QUE la rupture d'une relation commerciale établie avec un préavis réduit peut être justifiée en cas de faute grave ; qu'en l'espèce, la société Cuisines Design Industries soulignait, pour justifier la rupture des relations, que M. [Af], en sa qualité d'administrateur unique, avait invoqué tardivement, six ans après le changement d'actionnariat, et de mauvaise foi, l'absence de mise en oeuvre de la clause d'agrément, provoquant ainsi la perte de contrôle par la société mère de sa filiale étrangère ; qu'en refusant d'imputer un tel comportement à une faute de la société Sofiseb, sans rechercher si l'acte de la société n'était pas assimilable à celui de son seul organe, et si la déloyauté dénoncée n'était pas caractérisée, indépendamment même de l'omission de la société mère de mettre en jeu la clause d'agrément prévue aux statuts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce🏛, dans sa version issue de la loi n° 2003-7 du 3 janvier 2003🏛.

2°/ ALORS QUE la rupture d'une relation commerciale établie avec un préavis réduit peut être justifiée en cas de faute grave ; qu'en l'espèce, la société Cuisines Design Industries soulignait, pour justifier la rupture des relations, que M. [Af], en sa qualité d'administrateur unique, s'était fautivement placé en situation de conflit d'intérêt, au bénéfice d'une société cliente débitrice de la société Sofiseb ; qu'en refusant d'imputer un tel comportement à une faute de la société Sofiseb, sans rechercher si l'acte de la société n'était pas assimilable à celui de son seul organe, en quel cas le conflit d'intérêt dénoncé pouvait justifier la rupture, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce🏛, dans sa version issue de la loi n° 2003-7 du 3 janvier 2003🏛.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

La société Cuisines Design Industries fait grief à l'arrêt attaqué, partiellement confirmatif du jugement du tribunal de commerce de Rennes du 15 décembre 2015, de L'AVOIR condamnée à payer à la société Sofiseb la contrevaleur en euros de la somme de 965 824 francs suisses en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale intervenue,

1°/ ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, la société Cuisines Design Industries demandait l'infirmation du jugement sur le quantum, en contestant que la relation commerciale ait porté sur la fourniture de produits sous marque de distributeur ; que la société Sofiseb, qui demandait également l'infirmation du jugement sur le quantum, ne soutenait pas davantage que la relation commerciale ait porté sur la fourniture de produits sous marque de distributeur ; qu'en jugeant pourtant, pour doubler la durée du préavis accordé, que la relation commerciale avait porté sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile🏛🏛.

2°/ ALORS QUE, en tout état de cause, en cas de rupture d'une relation commerciale établie, la durée minimale de préavis n'est doublée que lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur ; qu'en l'espèce, les produits concernés par la rupture de la relation commerciale étaient vendus sous les marques « Arthur Bonnet Cuisines et Bains, Comera et Nautine » ; qu'en affirmant péremptoirement qu'il s'agissait là de produits commercialisés sous marque de distributeur, ce qui était contesté, et sans préciser quel élément de preuve lui permettait de retenir cette qualification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce🏛, dans sa version issue de la loi n° 2003-7 du 3 janvier 2003🏛.

3°/ ALORS QUE l'auteur d'une rupture brutale de relations commerciales établies n'est tenu de réparer que le préjudice résultant de l'insuffisance de préavis, sans qu'il puisse en résulter pour la partie lésée aucun profit ; que la cour d'appel a relevé, d'une part, qu'un préavis d'une durée de vingt-quatre mois aurait dû être observé, d'autre part, qu'un préavis de quinze jours avait été accordé à la société Sofiseb ; qu'en omettant d'imputer la durée de ce préavis de quinze jours sur celle du préavis jugé nécessaire, pour statuer sur le montant de la condamnation, la cour d'appel a violé l'article L.442-6 I 5° du code de commerce, dans sa version issue de la loi n° 2003-7 du 3 janvier 2003🏛, ensemble le principe de la réparation intégrale, sans perte ni profit pour la victime.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

La société Cuisines Design Industries fait grief à l'arrêt attaqué, partiellement confirmatif du jugement du tribunal de commerce de Rennes du 15 décembre 2015, de L'AVOIR déboutée de sa demande de condamnation de la société Sofiseb à lui payer la somme de 427 480,62 euros,

ALORS QUE les livres des marchands font preuve contre eux ; qu'en retenant, par motifs propres et adoptés, que le bilan de la société Sofiseb ne permettait pas de prouver la créance détenue sur cette société par la société Cuisines Design Industries, la cour d'appel a violé l'article 1330 du code civil🏛, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016🏛.

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