Jurisprudence : CA Dijon, 01-12-2022, n° 22/00226, Infirmation


LC/IC


S.A.R.L. A


C/


[L] [N] [R] [S]


[U] [N] [C] [S]


[I] [P] [S]


expédition et copie exécutoire

délivrées aux avocats le


COUR D'APPEL DE DIJON


2ème chambre civile


ARRÊT DU 01 DECEMBRE 2022


N° RG 22/00226 - N° Portalis DBVF-V-B7G-F4MY


MINUTE N°


Décisions rendues le 25 novembre 2014 (RG : 14/00010) et le 12 décembre 2017 (RG : 14/00010) rendue par le tribunal de grande instance de Besançon - arrêt de la cour d'appel de Besançon du 11 septembre 2019 (RG 18/00219) cassé par arrêt de la cour de cassation en date du 13 octobre 2021 sur pourvoi n° M 20-12.901



APPELANTE :


S.A.R.L. LAUMAN agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés au siège social sis :

[Adresse 2]

[Localité 6]


représentée par Me Florent SOULARD, membre de la SCP SOULARD-RAIMBAULT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 127

assisté de Me Patricia VERNIER-DUFOUR, avocat au barreau de BESANCON


INTIMÉS :


Monsieur [Aa] [N] [R] [S]

né le … … … à [… …]

… :

[… …]

[Localité 1]


Monsieur [Ab] [N] [C] [S]

né le … … … à [… …]

… :

[… …]

[Localité 5]


Madame [I] [P] [S], intervenant en qualité de nue-propriétaire

née le … … … à [Localité 9]

domiciliée :

[Adresse 4]

[Localité 1]


représentés par Me Jean-Hugues CHAUMARD, membre de la SCP CHAUMARD TOURAILLE, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 96

assisté de la SELARL MAURIN PILATI Associés



COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile🏛🏛, l'affaire a été débattue le 29 septembre 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, et Leslie CHARBONNIER, Conseiller, chargée du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :

Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, Président,

Sophie BAILLY, Conseiller,

Leslie CHARBONNIER, Conseiller,


qui en ont délibéré.


GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier


DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 01 Décembre 2022,


ARRÊT : rendu contradictoirement,


PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛,


SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES


Madame [Ac] [A] veuve [S] a consenti le 1er Septembre 1995 un bail commercial à la Société J et G Viala pour l'exploitation d'une brasserie, café, bar avec appartement annexe [Adresse 3].


Mme [G] [A] veuve [S] et son fils [R] [S] ont, par acte sous seing privé du 30 janvier 2004, renouvelé le bail commercial consenti à la Sarl [H] ayant acquis le fonds de commerce de la Société J et G Viala pour une durée de 9 ans du 1er novembre 2002 s'achevant le 31 Octobre 2011, pour un loyer annuel de 20 000 euros.


Ce droit au bail a été acquis par la Sarl Lauman par acte de Maître [T] des 1er et 3 septembre 2004 afin d'exploiter sous l'enseigne l'Iguane Café.


Par exploit d'huissier de Maître [M], huissier de justice, du 19 juillet 2011, la Sarl Lauman a demandé à M. [Ad] [S] le renouvellement de ce bail à compter du 1er novembre 2011 pour neuf nouvelles années aux charges et conditions initiales.


Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 25 juillet 2011, le conseil de Mrs [U] et [L] [S] indiquait à la Sarl Lauman que ses clients étaient désormais les seuls propriétaires du bien loué suite au décès de leur père [R] et qu'ils acceptaient le principe du renouvellement du bail mais à condition que le loyer du bail renouvelé soit fixé à 52 000 euros par an.


A défaut d'accord entre les parties, les consorts [S] ont saisi la commission départementale de conciliation en matière de baux commerciaux qui a rendu son avis le 17 juin 2003.


A compter du mois de juillet 2013, le loyer a été amiablement fixé à la somme de 6 987,85 euros par trimestre, soit 27 951,40 euros par an, et ce pour tenir compte de l'évolution de l'indice INSEE.


Par assignation du 18 décembre 2013, les consorts [S] ont saisi le juge des loyers commerciaux afin que soit fixé à la somme de 42 000 euros par an le montant annuel du loyer à la charge de la Sarl Lauman, et ce à compter du 1er novembre 2011, sollicitant, à titre subsidiaire, l'instauration d'une mesure d'expertise judiciaire afin de déterminer la valeur locative du bien donné à bail.

Par jugement du 25 novembre 2014, le juge des loyers commerciaux a constaté le renouvellement du bail commercial et, avant dire droit, a ordonné une mesure d'expertise judiciaire confiée à M. [F] [W] qui a déposé son rapport définitif le 14 décembre 2015.


Par nouveau jugement rendu le 12 décembre 2017, retenant que le montant du loyer devait correspondre à la valeur locative déterminée au regard des cinq critères de commercialité prévus à l'article L154-34 du code de commerce, et qu'au vu des conclusions de l'expert, sauf à écarter des motifs de déplafonnement l'extension de la terrasse, le loyer devait être augmenté à 51 881,79 euros hors taxe, le tribunal a :

-fixé le montant du loyer annuel à ce montant avec effet au 1er novembre 2011,

-laissé à chacune des parties ses frais de procédure,

-dit n'y avoir lieu à appliquer l'article 700 du code de procédure civile🏛,

-condamné Mrs [U] et [L] [S] et la société Lauman à payer les frais d'expertise par moitié.


La Sarl Lauman a interjeté appel de cette décision par déclaration parvenue au greffe le 29 janvier 2018.


Mme [Ae] [S] est intervenue volontairement à la procédure, en qualité de nue-propriétaire indivise de la moitié du bien loué, par conclusions communes avec les intimés enregistrées le 20 juin 2018.



Par arrêt rendu le 11 septembre 2019, la cour d'appel de Besançon a :

-Déclaré la Sarl Lauman recevable à contester la recevabilité de l'intervention volontaire de Mme [Ae] [S],

-Déclaré cette intervention volontaire recevable,

-Déclaré la Sarl Lauman irrecevable en ses demandes tendant à voir prononcer la nullité de la procédure de renouvellement du bail et faire juger que le bail s'est poursuivi par tacite reconduction depuis le 1er novembre 2011,

-Débouté la Sarl Lauman de sa demande en nullité de la procédure en fixation du loyer,

-Infirmé le jugement rendu entre les parties le 12 décembre 2017, sauf en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance et à préciser, pour ceux-ci, que le premier juge a entendu condamner d'une parts Mrs [U] et [L] [S] à payer la moitié des frais d'expertise et d'autre part la société Lauman à en payer l'autre moitié,


Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,


-Débouté Mme [Ae] [S] et Mrs [U] et [L] [S] de leur demande de déplafonnement de l'augmentation du loyer et en fixation d'un nouveau loyer,

-Condamné in solidum Mme [Ae] [S] et Mrs [U] et [L] [S] à payer à la Sarl Lauman la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles,

-Condamné les mêmes in solidum aux dépens d'appel.


Les consorts [S] ont formé un pourvoi à l'encontre de cet arrêt et, estimant que l'autorisation municipale accordée, en permettant d'étendre l'exploitation d'une terrasse sur le domaine public, contribuait au développement de l'activité commerciale et que la cour d'appel n'avait pas recherché, comme elle y était invitée, si cette situation modifiait les facteurs locaux de commercialité et constituait par la même un motif de déplafonnement, n'avait pas donné de base légale à sa décision, la cour de cassation par arrêt du 13 octobre 2021 a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu par la cour, remettant ainsi les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt les renvoyant devant la cour d'appel de Dijon.


La Sarl Lauman a saisi cette cour par déclaration au greffe en date du 18 février 2022.



Au terme de ses dernières conclusions d'appelant notifiées le 2 septembre 2022, la Sarl Lauman demande à la cour de :


Sur l'intervention volontaire de Madame [Ae] [S], nu-propriétaire indivise,

-En l'absence de tout motif justifiant de ladite intervention en cause d'appel alors qu'il apparaît d'évidence que sa qualité de nue-propriétaire ne pouvait être ignorée avant le prononcé du jugement déféré, juger l'intervention volontaire irrecevable et dans tous les cas mal fondée.

-Condamner Mme [Ae] [S] au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ainsi qu'à supporter les entiers dépens relatifs à cette intervention volontaire.


Pour le surplus, infirmer le jugement du juge aux loyers du 12 décembre 2017,

Et statuant à nouveau, au visa des articles L 145-34, R 145-3, R 145-6, L 145-9 et L 145-10 du code de commerce🏛🏛🏛🏛🏛, (version 6 août 2008 au 24 mars 2012 applicable),


A titre principal,

-Juger la demande de renouvellement du 19 juillet 2011 de la Sarl Lauman nulle et de nul effet pour avoir été signifiée à Monsieur [Ad] [S] qui n'était plus propriétaire des locaux depuis le 7 juillet 2011 et n'était en conséquence plus bailleur ;

-Juger concomitamment que la procédure en fixation de loyer devant le juge des loyers commerciaux du TGI de Besançon engagée par Mrs [U] et [L] [S] est irrégulière, procédure engagée sur la demande de renouvellement avec acceptation du renouvellement mais contestation du loyer ;

-Débouter Mrs [L] et [U] [S] et Madame [Ae] [S] de leur demande de fixation d'un nouveau loyer à compter du 1er novembre 2011 ;

-Juger à raison de la nullité de la demande de renouvellement de la Sarl Lauman du 19 juillet 2011 que le bail commercial renouvelé le 30 janvier 2004 pour une durée de 9 ans à effet au 1er novembre 2002 s'achevant le 31 octobre 2011 s'est renouvelé le 1er novembre 2011 et poursuivi par tacite reconduction en l'ensemble de ses dispositions.

-Condamner solidairement Mrs [U] et [L] [S] au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du CPC🏛, ainsi qu'à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais d'expertise.


A titre subsidiaire,

-Débouter les consorts [S] de leurs demandes, fins et prétentions à son égard comme portant sur leur demande de fixation de loyer du bail renouvelé,

-Débouter les mêmes de leurs demandes, fins et prétentions à son égard comme portant déplafonnement et fixation de loyer du bail commercial renouvelé pour modifications notables de la valeur locative et des facteurs de commercialité,

-Condamner solidairement Mrs [U] et [L] [S] au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du CPC🏛, ainsi qu'à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais d'expertise.


Au terme de leurs conclusions d'intimés notifiées le 13 juin 2022, les consorts [S] demandent à la cour, au visa des articles L145-34, L145-23 et suivants du code de commerce🏛🏛 de :


-Donner acte à Mme [Ae] [S] de son intervention volontaire,

-Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Besançon le 12 décembre 2017 en ce qu'il a déclaré fondés les consorts [S] en leur demande de fixation du loyer du bail renouvelé,

-Dire que le montant annuel du loyer à la charge de la Sarl Lauman à compter du 1er novembre 2011 sera fixé à la somme de 58 079,96 euros hors taxe par an,

-Condamner la Sarl Lauman à leur régler une somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile🏛,

-Débouter la Sarl Lauman de la totalité de ses demandes,

-Condamner la Sarl Lauman aux entiers dépens comprenant notamment la totalité des frais d'expertise judiciaire.


En application de l'article 455 du code de procédure civile🏛, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs dernières conclusions.


L'affaire a été fixée à l'audience du 29 septembre 2022 et la décision a été mise en délibéré pour être rendue le 1er décembre 2022.



SUR CE LA COUR,


Sur le moyen de la recevabilité de l'intervention volontaire de Mme [Ae] [S]


En application de l'article 325 du code de procédure civile🏛, l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.


Selon l'article 329 du même code🏛, l'intervention principale n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention.


En l'espèce, il est constant que Mme [Ae] [S] est devenue nue-propriétaire à compter du 23 décembre 2016 de la part détenue sur les locaux par son père [L] en suite d'une donation, soit un an avant le jugement rendu par le juge des loyers le 12 décembre 2017.


Toutefois, le fait que Mme [Ae] [S] ait tardé à intervenir à la procédure opposant les consorts [S] à leur locataire est sans emport sur son droit d'agir alors que la qualité de nue-propriétaire de l'intéressée lui donne un intérêt évident à agir dès lors que cette procédure en renouvellement du bail commercial a une incidence sur ses droits.


Il convient, en conséquence, de déclarer son intervention volontaire recevable.


Sur la demande visant à voir constater la nullité de la procédure de renouvellement du bail


La Sarl Lauman demande à la cour de juger que la demande de renouvellement du bail du 19 juillet 2011 est nulle et de nul effet pour avoir été présentée à M. [Ad] [S] qui n'était plus propriétaire du local commercial, et de dire que ledit bail s'est ainsi poursuivi tacitement faute de renouvellement régulier.


Elle précise que, dès le dépôt des conclusions 905-2 du code de procédure civile devant la cour d'appel de Besançon, il était demandé à titre principal de juger nulle l'action introduite par Mrs [L] et [U] [S] devant le juge des loyers faute de justifier de leur qualité à agir pas plus que de celle de propriétaires lors de la demande de renouvellement.


Aux termes de l'article 910-4 du code de procédure civile🏛, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles'905-2'et'908'à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.


En l'espèce, les premières conclusions déposées devant le cour d'appel de Besançon ne sont pas produites aux débats alors que cette dernière constatait qu'elles ne recherchaient que la nullité de l'action en fixation de loyer.


En tout état de cause, en application de l'article 564 du code de procédure civile🏛, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.


La Sarl Lauman ne peut saisir la cour d'une demande de nullité de la procédure de renouvellement du bail qui est distincte de la demande en fixation du loyer dont était saisie le premier juge et qui constitue une demande nouvelle à hauteur de cour dès lors que Mrs [L] et [U] [S] avaient informé le preneur de leur qualité de propriétaires du local commercial dès le courrier adressé par leur conseil en date du 25 juillet 2011, quand bien même n'auraient-ils pas donné de justificatif de ce chef, l'appelante ne pouvant


ainsi invoquer la survenance ou la révélation d'un fait intervenu ultérieurement à la procédure devant le juge du premier degré dès lors qu'elle disposait de l'information nécessaire pour formuler sa prétention devant ce dernier.


En conséquence, la demande visant à voir annuler la procédure de renouvellement de bail en date du 19 juillet 2011 doit être déclarée irrecevable comme étant nouvelle.


Sur la régularité de la procédure en fixation du loyer


La demande visant à voir prononcer la nullité de la procédure de renouvellement du bail ayant été déclarée irrecevable, cette nullité ne peut être invoquée pour conclure à l'irrégularité de la procédure en fixation du loyer.


Il ne peut ainsi être soutenu que le bail se serait poursuivi par tacite reconduction alors, au demeurant, que le renouvellement du bail a été constaté par jugement mixte définitif du 25 novembre 2014.


Sur la demande de déplafonnement du loyer


En application de l'article L145-34 du code de commerce🏛 dans sa rédaction ancienne applicable aux contrats conclus ou renouvelés avant le 1er septembre 2014, à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier🏛, publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques. A défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié.


L'article L145-33 du même code🏛 prévoit que le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.

A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :

1° Les caractéristiques du local considéré ;

2° La destination des lieux ;

3° Les obligations respectives des parties ;

4° Les facteurs locaux de commercialité ;

5° Les prix couramment pratiqués dans le voisinage.


Il en résulte que la règle du plafonnement édictée par l'article L145-34 du code de commerce🏛 (variation du loyer en fonction de l'indice officiel des loyers commerciaux ou de l'indice des loyers des activités tertiaires publiés par l'INSEE) ne s'applique plus s'il y a eu modification notable des éléments déterminant la valeur locative mentionnés aux 1° à 4° de l'article L145-33.


Il s'en déduit également qu'il ne doit pas être tenu compte, pour déterminer s'il peut être dérogé à la règle du plafonnement, des prix pratiqués dans le voisinage de sorte que les comparaisons avec les établissements à proximité du bar l'Iguane café sont inopérantes pour justifier le déplafonnement réclamé.


Les bailleurs, à l'appui de leur demande de déplafonnement du loyer, invoquent l'extension notable de la terrasse extérieure et la modification des caractéristiques des locaux loués en ce que le preneur a supprimé un mur séparant la salle de restaurant de l'ancienne réserve, créant un nouvel espace qui prolonge la salle de restaurant accueillant du public, mais encore en ouvrant sans autorisation une fenêtre condamnée.


Selon l'article R145-6 du code de commerce🏛, les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.


S'agissant de la terrasse, il est acquis que si l'extension, au cours du bail expiré, de la terrasse de plein air devant l'établissement, installée sur le domaine public et exploitée en vertu d'une autorisation administrative, ne peut être retenue comme une modification des caractéristiques des locaux loués dès lors qu'elle ne fait pas partie de ceux-ci, l'autorisation municipale accordée, en permettant d'étendre l'exploitation d'une terrasse sur le domaine public, contribue au développement de l'activité commerciale, de sorte qu'il y a lieu de rechercher si cette situation a pu modifier les facteurs locaux de commercialité constituant un motif de déplafonnement.

Il est constant, en l'espèce, que durant le bail expiré, la Sarl Lauman a obtenu de la commune de Besançon une autorisation d'occupation du domaine public délivrée le 19 mai 2005 correspondant à une terrasse d'une superficie de 93 m² scindée en une partie au droit de l'établissement et une partie contre l'église Saint [N], précision étant donnée que la pose de claustras avec une partie supérieure vitrée sur la terrasse située au droit de l'établissement a été autorisée afin de délimiter précisément la terrasse et les voies d'accès réservées aux riverains, le tout selon courrier du conseiller municipal délégué à la police municipale en date du 28 décembre 2009.

Si l'expert judiciaire conclut que cette occupation du domaine public semble pouvoir être considérée comme de nature exceptionnelle tant pas sa surface que par le prix de la redevance réglée, il ne se prononce pas sur l'existence d'une autorisation antérieure d'exploiter ladite terrasse.

Or, si la Sarl Lauman ne justifie d'aucune autorisation écrite antérieure de la commune portant sur l'exploitation d'une telle terrasse et notamment d'une superficie de 71 m² entre 1989 et 1999 portée à 79 m² entre 1999 et 2005, il ressort néanmoins de l'attestation rédigée le 18 mai 2022 par Mme [X] [D], ancienne serveuse d'abord au sein de l'établissement « la brasserie du Palais » tenu par M. et Mme [H] de 2003 à 2004, puis par l'établissement « Iguane Café » sous la direction de M. [V], que ces établissements possédaient une terrasse se prolongeant jusqu'aux marches de l'église Saint [N].


Si cette attestation n'est pas conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile🏛 en ce qu'elle ne précise pas qu'une sanction pénale est encourue en cas de fausse attestation, elle n'en demeure pas moins probante comme étant parfaitement circonstanciée.


Ce témoignage permet de corroborer la version de la Sarl Lauman et, à l'inverse, de contredire celle des bailleurs soutenant que la terrasse n'était constituée entre 1989 à 2005 que de quelques tables et quelques chaises situées sous un store devant le local commercial.


Aussi, alors qu'il est suffisamment établi que le preneur bénéficiait, antérieurement au bail expiré, d'une large terrasse située, d'une part, devant l'établissement et, d'autre part, au droit de l'église Saint [N] et jusqu'aux marches de cet édifice, il ne peut être valablement soutenu que la Sarl Lauman aurait bénéficié d'une extension notable de la terrasse en 2005, au cours du bail expiré.

En effet, une extension de 15 m² de la surface d'exploitation de la terrasse ne saurait avoir eu pour effet de modifier les facteurs locaux de commercialité justifiant un déplafonnement du loyer alors qu'il est, par ailleurs, justifié de l'installation en 2002 d'un manège sur la place devant le Bar-brasserie rendant ce dernier moins visible.


S'agissant de la modification intérieure des locaux, les consorts [S] soutiennent que la Sarl Lauman a procédé à la transformation de deux pièces de l'établissement pour les affecter exclusivement à l'accueil de sa clientèle, transformant une salle borgne servant de réserve dans laquelle était installée une chambre froide en espace commercial destiné à la clientèle, et créant dans une autre salle borgne une ouverture de fenêtre donnant sur l'extérieur, créant ainsi un espace de plusieurs dizaine de m² affecté exclusivement à son exploitation commerciale, alors qu'auparavant il s'agissait de pièces exclusivement destinées au stockage.


La Sarl Lauman reconnaît avoir avoir récupéré la surface de la salle borgne qui contenait la chambre froide en abattant la cloison et avoir ouvert une fenêtre condamnée pour apporter de la lumière dans le local commercial tout en contestant un changement de destination des lieux et une augmentation de surface louée.

Le bail renouvelé signé le 30 janvier 2004 à effet au 1er novembre 2002 décrit les locaux loués au rez de chaussée comme étant : Grande salle de café ' bar ' grill, sur rue avec installation de chauffage central, en prolongement, grande salle et sanitaires.


Le procès verbal de constat du 30 juillet 2004 produit par les bailleurs permet de vérifier que les locaux comprenaient au rez de chaussée une salle de bar prolongée d'une première salle borgne avec tables et chaises et, dans le fond, présence d'une deuxième salle borgne plus petite contenant la chambre froide.


Il n'est pas contesté que le preneur a abattu le mur de la réserve contenant la chambre froide et ouvert une fenêtre condamnée au droit d'une première salle borgne et ce sans autorisation.


Toutefois, à hauteur de cour, les consorts [S] n'apportent pas plus d'éléments qui viendraient démontrer que les caractéristiques intérieures du local auraient été modifiées de manière notable alors qu'il résulte de la comparaison des photographies produites aux débats que l'extension obtenue sur la réserve a permis d'installer seulement une ou deux tables supplémentaires avec leur chaises.


Par suite, il n'est pas établi en quoi l'ouverture de la fenêtre condamnée aurait pu avoir un effet notable sur les facteurs locaux de commercialité alors que des tables étaient déjà installées au droit de cette fenêtre.


Une modification notable des locaux pouvant agir sur les facteurs de commercialité n'est donc pas établie alors que l'absence d'autorisation concernant l'abattement du mur et l'ouverture de la fenêtre est sans emport sur la caractérisation de l'évolution notable des facteurs locaux de commercialité.


Les autres arguments soutenus, notamment l'évolution du chiffre d'affaires, étant sans emport sur la solution du litige, et faute de démonstration d'une évolution notable des facteurs de commercialité, il convient d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.


Il convient de condamner in solidum les consorts [S], parties perdantes, aux dépens de la première instance, comprenant les frais d'expertise, et aux dépens d'appel.


Ils seront condamnés in solidum à verser à la Sarl Lauman une indemnité de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛.



PAR CES MOTIFS,


La cour,


Déclare recevable l'intervention volontaire de Mme [Ae] [S],


Déclare irrecevable la Sarl Lauman en demande tendant à faire prononcer la nullité de la procédure de renouvellement du bail et faire juger que le bail s'est poursuivi par tacite reconduction depuis le 1er novembre 2011,


Déboute la Sarl Lauman de sa demande en nullité de la procédure en fixation du loyer,


Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,


Statuant à nouveau,


Déboute Mme [Ae] [S] et Mrs [L] et [U] [S] de leurs demandes en déplafonnement de l'augmentation du loyer et en fixation d'un nouveau loyer,


Condamne in solidum Mme [Ae] [S] et Mrs [L] et [U] [S] aux dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise, et aux dépens d'appel,


Les condamne in solidum à verser à la Sarl Lauman une indemnité de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛.


Le Greffier, Le Président,

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