Jurisprudence : Cass. civ. 2, 08-12-2022, n° 20-22.468, F-B, Rejet

Cass. civ. 2, 08-12-2022, n° 20-22.468, F-B, Rejet

A91808XB

Référence

Cass. civ. 2, 08-12-2022, n° 20-22.468, F-B, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/90467582-cass-civ-2-08122022-n-2022468-fb-rejet
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Abstract

En application des articles 463 et 464 du code de procédure civile, la demande tendant à faire rectifier la décision par laquelle le juge s'est prononcé sur des choses non demandées ou a accordé plus qu'il n'a été demandé, doit être présentée un an au plus tard après que la décision est passée en force de chose jugée ou, en cas de pourvoi en cassation de ce chef, à compter de l'arrêt d'irrecevabilité. Cependant, la force de chose jugée attachée à une décision judiciaire dès son prononcé ne peut avoir pour effet de priver une partie d'un droit tant que cette décision ne lui a pas été notifiée. Se trouve, dès lors, légalement justifié l'arrêt qui constate que, compte tenu de la date à laquelle la décision dont il est demandé rectification a été signifiée à une partie, celle-ci disposait d'un délai de neuf mois pour agir en rectification de la décision et disposait donc d'un recours effectif


CIV. 2

LM


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 décembre 2022


Rejet


M. PIREYRE, président


Arrêt n° 1270 F-B

Pourvoi n° K 20-22.468


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2022



La société Demander justice, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° K 20-22.468 contre l'arrêt rendu le 20 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige l'opposant :

1°/ au Conseil national des barreaux, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à l'ordre des avocats du barreau de Paris, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de la société Demander justice, de la SARL Boré, Aa de Bruneton et Mégret, avocat du Conseil national des barreaux, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 octobre 2020), la société Demander justice (la société) exploite deux sites Internet qui mettent à la disposition des internautes, moyennant rémunération, des déclarations de saisine d'un tribunal d'instance, d'une juridiction de proximité ou d'un conseil de prud'hommes, pouvant être complétées en ligne avec les informations utiles et étant ensuite adressées par la société en format papier au greffe de la juridiction.

2. Le Conseil national des barreaux (le CNB), auquel s'est ultérieurement joint le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Paris, a assigné la société aux fins d'obtenir sa condamnation sous astreinte à cesser toute activité d'assistance et de représentation en justice, de consultation juridique et de rédaction d'actes sous seing privé, et à cesser l'exploitation des sites Internet litigieux.

3. Par arrêt du 6 novembre 2018, la cour d'appel de Paris a pour partie confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 11 janvier 2017 les ayant déboutés de ces demandes et, infirmant partiellement ce jugement, elle a enjoint à la société de faire disparaître de son site, dans le mois de la signification de l'arrêt, les mentions relatives aux taux de réussite, sauf à en mentionner précisément les modalités de calcul et lui a fait interdiction d'utiliser ensemble sur son site les trois couleurs du drapeau français, ces deux injonctions étant assorties d'une astreinte de 5 000 euros par jour de retard, passé un délai d'un mois après la signification de la décision.

4. Par décision du 29 janvier 2020, le juge de l'exécution a liquidé l'astreinte pour la période du 14 mars au 6 novembre 2019.

5. La société a fait appel de cette décision et, par requête du 4 février 2020, elle a saisi la cour d'appel d'une demande tendant à voir retrancher de l'arrêt du 6 novembre 2018 les deux dispositions d'injonction et interdiction assorties des astreintes liquidées par le juge de l'exécution, pour lesquelles elle estimait que la cour d'appel avait statué au-delà de ce qui lui était demandé.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. La société fait grief à l'arrêt de dire irrecevable comme tardive sa requête en retranchement et en annulation du 4 février 2020, alors :

« 1°/ que le droit au recours effectif implique qu'aucun délai ne saurait courir contre un justiciable pour former un recours contre une décision avant que cette décision ait été portée à sa connaissance ; que la société Demander Justice faisait valoir que l'arrêt du 6 novembre 2018 ne lui avait été signifié que le 5 février 2019, de sorte que sa requête en retranchement formée le 4 février 2020 l'avait été dans le délai d'un an à compter de la signification ; qu'en retenant néanmoins, pour juger sa requête irrecevable comme tardive, qu'elle avait été formée plus d'un an après le prononcé de la décision, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que le délai pour exercer le recours prévu par l'article 464 du code de procédure civile🏛 contre une décision ayant prononcé une astreinte ne peut courir qu'à compter de la date de signification qui rend cette décision exécutoire ; qu'en jugeant irrecevable comme tardive la requête en retranchement formée par la société Demander Justice au motif qu'elle avait été formée plus d'un an après le prononcé de la décision concernée, bien que les condamnations que celle-ci prononçait aient été assorties d'astreintes ne commençant par conséquent à courir que postérieurement à la signification, la cour d'appel a violé l'article 464 du code de procédure civile🏛, ensemble l'article R. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution🏛. »


Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

7. Le CNB conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que celui-ci est nouveau et mélangé de fait et de droit.

8. Toutefois, le moyen est de pur droit dès lors qu'il invoque une atteinte à la substance même du droit d'accès au juge et ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond.

9. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

10. En application des articles 463 et 464 du code de procédure civile🏛🏛, la demande tendant à faire rectifier la décision par laquelle le juge s'est prononcé sur des choses non demandées ou a accordé plus qu'il n'a été demandé, doit être présentée un an au plus tard après que la décision est passée en force de chose jugée ou en cas de pourvoi en cassation de ce chef, à compter de l'arrêt d'irrecevabilité.

11. Cependant la force de chose jugée attachée à une décision judiciaire dès son prononcé ne peut avoir pour effet de priver une partie d'un droit tant que cette décision ne lui a pas été notifiée.

12. L'arrêt relève que l'arrêt du 6 novembre 2018 a été porté à la connaissance de la société par la signification du 5 février 2019. Il en résulte que celle-ci disposait d'un délai de 9 mois, courant jusqu'au 6 novembre 2019 pour agir en rectification de la décision.

13. Par ce motif de pur droit, substitué d'office à ceux critiqués par le moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile🏛, l'arrêt se trouve, dès lors que la société a disposé d'un recours effectif, légalement justifié.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Demander justice aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société Demander justice et la condamne à payer au Conseil national des barreaux la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt-deux et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la société Demander justice

La société Demander Justice fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit irrecevable comme tardive sa requête en retranchement et en annulation du 4 février 2020 ;

1°- ALORS QUE le droit au recours effectif implique qu'aucun ne saurait courir contre un justiciable pour former un recours contre une décision avant que cette décision ait été portée à sa connaissance ; que la société Demander Justice faisait valoir que l'arrêt du 6 novembre 2018 ne lui avait été signifié que le 5 février 2019, de sorte que sa requête en retranchement formée le 4 février 2020 l'avait été dans le délai d'un an à compter de la signification ; qu'en retenant néanmoins, pour juger sa requête irrecevable comme tardive, qu'elle avait été formée plus d'un an après le prononcé de la décision, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°- ALORS QUE le délai pour exercer le recours prévu par l'article 464 du code de procédure civile🏛 contre une décision ayant prononcé une astreinte ne peut courir qu'à compter de la date de signification qui rend cette décision exécutoire ; qu'en jugeant irrecevable comme tardive la requête en retranchement formée par la société Demander Justice au motif qu'elle avait été formée plus d'un an après le prononcé de la décision concernée, bien que les condamnations que celle-ci prononçait aient été assorties d'astreintes ne commençant par conséquent à courir que postérieurement à la signification, la cour d'appel a violé l'article 464 du code de procédure civile🏛, ensemble l'article R. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution🏛.

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