Par acte du 9 mars 2020, le [17] a également régulièrement interjeté appel de cette décision notifiée le 14 février 2020. L'affaire a été enrôlée sous le n° RG 20 00868.
Par conclusions déposées et développées oralement à l'audience, les consorts [S] demandent à la cour de :
- infirmer le jugement déféré,
- dire et juger recevable et bien fondée la présente action,
- dire et juger que la maladie professionnelle dont était atteint et décédé [H] [S] est la conséquence de la faute inexcusable de son employeur, la société [19] et [14] dont la société [15] vient aux droits,
En conséquence, fixer au maximum la majoration de la rente perçue par Madame Ag [S] au titre de conjoint survivant,
Au titre de l'action successorale,
- accorder l'indemnité forfaitaire au titre de l'
article. 452-3 du code de la sécurité sociale🏛,
- dire que la caisse primaire d'assurance maladie du Var sera tenue de faire l'avance de ces sommes,
- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,
- ordonner en outre à la défenderesse de verser aux ayant droits de [H] [S] la somme de 2 000 euros chacun sur le fondement de l'
article 700 code de procédure civile🏛.
Ils soutiennent que :
- l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur n'est pas prescrite dans la mesure où cette action porte sur les conséquences de la maladie professionnelle diagnostiquée à [H] [S] le 15 février 2017,
- ils disposaient d'un droit d'agir jusqu'au 31 août 2019,
- [H] [S] utilisait des vêtements ignifugés comprenant de l'amiante et qu'en ne prenant pas les mesures adéquates pour préserver ses salariés de cette exposition nocive, l'employeur de [H] [S] a commis une faute inexcusable.
Par conclusions déposées et développées oralement à l'audience, la société [15] demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Nîmes le 5 février 2020 en ce qu'il a déclaré prescrite l'action en reconnaissance de faute inexcusable introduite par les consorts [S], ainsi que l'intervention du [17] ;
A titre subsidiaire,
- constater que les consorts [S] et le [17] ne rapportent pas la preuve de la conscience du danger de la société [15] d'un risque d'exposition à l'amiante de Monsieur [Aa] [S] ;
- constater que les consorts [S] et le [17] ne démontrent pas l'existence de la faute inexcusable qu'ils invoquent ;
- constater que la société [15], en sa qualité d'employeur, n'a commis aucune faute inexcusable ;
En conséquence,
- débouter les consorts [S] de leurs recours en reconnaissance de faute inexcusable à l'encontre de la société [15].
- débouter le [17] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société [15].
A titre plus subsidiaire,
- débouter le [17] de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice d'agrément ;
- ramener les sommes réclamées par le [17] à de plus justes proportions ;
En tout état de cause,
- débouter les consorts [S] et le [17] de leur demande d'article 700 ;
- condamner les consorts [S] à verser à la société [15] la somme de 2.000€ au titre de l'
article 700 du Code de procédure civile🏛.
Elle fait valoir que :
- selon la jurisprudence la rechute ou aggravation n'a pas pour effet de rouvrir un délai pour agir en reconnaissance de faute inexcusable, de même le décès consécutif à une maladie professionnelle n'a pas pour effet de rouvrir un délai pour agir en reconnaissance de faute inexcusable, en l'espèce, [H] [S] a déclaré sa maladie le 17 février 2004 sur la base d'un certificat médical du 30 décembre 2003, mentionnant une date de première constatation médicale au même jour, le 6 février 2008, il s'est vu allouer une indemnité en capital suivant un taux d'incapacité de 5%, à cette date, au plus tard, les indemnités journalières ne lui étaient donc plus versées en sorte que son action intentée le 12 octobre 2017 est prescrite,
- le Docteur [G] [Z], pneumologue au CHU de [Localité 11], a expressément indiqué sur le certificat médical faisant état du « mésothéliome » qu'il s'agissait d'une « rechute » et a même précisé : « Complication de sa maladie professionnelle tableau 30 du 31/12/03 », il ne peut s'agir d'une nouvelle maladie, le médecin-conseil de la CPAM a estimé qu'il s'agissait d'une demande d'aggravation, et le mésothéliome de [H] [S] a été instruit en tant que telle, au demeurant aucune demande de prise en charge n'a été sollicitée sur le fondement d'une nouvelle déclaration de maladie professionnelle, c'est donc aux termes d'une décision aujourd'hui définitive que le mésothéliome diagnostiqué en 2017 a été pris en charge comme une rechute des épaississements pleuraux de 2004, de sorte qu'aucun nouveau délai de prescription n'a commencé à courir,
- l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur n'est nullement rapportée en l'espèce, aucune pièce ne vient au soutien des allégations des consorts [S], l'attestation de M. [T] est insuffisante pour établir l'exposition de [H] [S] à l'amiante, le compte-rendu de la réunion extraordinaire du CHSCT du 9 juin 1997 ne fournit aucune précision sur les conditions d'exposition de [H] [S],
- en 1997, à la suite de l'interdiction de l'amiante, la société [19] a entrepris le désamiantage d'un four industriel de l'usine susceptible de contenir de l'amiante et de certaines parties des bâtiments, pour autant aucune exposition n'est établie,
- la circonstance que le Docteur [Ah] ait reçu trois anciens salariés du site de l'Ardoise en consultation pour des cancers du poumon ne permet absolument pas de démontrer l'existence d'une faute inexcusable de la société [15] dans la survenance de la maladie de [H] [S],
- n'étant pas un professionnel de l'amiante, elle ne pouvait avoir conscience du danger, le contact allégué à des matériaux contenant de l'amiante n'aurait été, en toute hypothèse, que ponctuel et limité et l'utilisation de l'amiante était autorisée jusqu'au 1 er janvier 1997,
- quand bien même la société [15] n'aurait pas pris les mesures pour assurer la sécurité de ses salariés, il n'est pas démontré que cette inobservation aurait permis
d'éviter les maladies contractées par [H] [S] (épaississement pleural puis mésothéliome), dans ces conditions, aucune faute inexcusable ne pourra être retenue à l'encontre de la société [15],
- elle invoque l'existence d'un fait justificatif à savoir la faute de l'État rappelant que par quatre arrêts du 3 mars 2004, le Conseil d'État a reconnu la responsabilité de l'État du fait de sa carence fautive dans la prévention des risques liés à l'exposition des travailleurs aux poussières d'amiante.
Par conclusions déposées et développées oralement à l'audience, le [17] demande à la cour de:
- réformer le jugement entrepris, et, statuant à nouveau,
- juger recevable sa demande subrogée dans les droits des ayants droits de [H] [S] ,
- juger que la maladie professionnelle de [H] [S] est la conséquence de la faute inexcusable de la société [15],
- fixer à son maximum l'indemnité forfaitaire visée à l'
article L.452-3 alinéa 1er du code de la sécurité sociale🏛, et juger que cette indemnité sera directement versée par la CPAM du Gard à la succession de [H] [S] ,
- fixer à son maximum la majoration de la rente servie au conjoint survivant de la victime, en application de l'
article L. 452-2 du code de la sécurité sociale🏛, et juger que cette majoration lui sera directement versée par l'organisme de la sécurité sociale,
- fixer l'indemnisation des préjudicies personnels de [H] [S] à la somme de totale de 91 500 euros, se décomposant de la façon suivante :
* souffrances morales : 45 000 euros,
* souffrances physiques : 22 500 euros,
* préjudice d'agrément : 22 500 euros,
* préjudice esthétique 1 500 euros,
- fixer l'indemnisation des préjudices moraux de ses ayants droits, à la somme totale de 71 900 euros, se décompensant comme suit :
* Mme [Ai] [S] (veuve) : 32 600 euros,
* M. [M] [S] (enfant) : 8 700 euros,
* Mme [Ab] [S] (entant) : 8 700 euros,
* Mme [Af] [S] (enfant) : 8 700 euros,
* M. [B] [E] (petit enfant) : 3 300 euros,
* Mme [V] [E] (petit enfant) : 3 300 euros,
* M. [D] [U] (petit enfant) : 3 300 euros,
* Mme [Y] [U] (petit enfant) : 3 300 euros,
- juger que la CPAM du Gard devra lui verser ces sommes, soit un total de 163 400 euros,
- condamner la société [15]) à lui payer une somme de 1 500 euros en application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛.
Il fait valoir que :
- l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur n'est pas prescrite dès lors que la procédure concerne la demande de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par [H] [S] le 15 février 2017 et non celle déclarée 17 février 2004,
-les consorts [S] démontrent que [H] [S] a été exposé à des inhalations de poussières d'amiante sans que son employeur mette en œuvre des moyens de protections,
- la société [15] a commis une faute inexcusable ouvrant droit à la majoration des indemnités versées, à la majoration de la rente destinée au conjoint survivant ainsi qu'à la réparation des préjudices visés à l'
article L.452-3 du code de la sécurité sociale🏛 ainsi que ceux non visés par cette disposition.
Par conclusions déposées et développées oralement à l'audience, la CPAM du Gard demande à la cour de :
A titre principal :
Donner acte à la Caisse de ce qu'elle déclare s'en remettre à justice sur la recevabilité de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur engagée par les Consorts [S]
A titre subsidiaire :
Donner acte a la Caisse de ce qu'elle déclare s'en remettre à justice sur le point de savoir si la maladie professionnelle en cause est due à une faute inexcusable de l'employeur.
Si la Cour de Céans retient la faute inexcusable :
1) Fixer le montant de la majoration de la rente d'ayant droit de Madame [K] [S],
2) Fixer l'indemnité forfaitaire qui sera versée directement à la succession de M. [Aa] [S],
3) Fixer l'indemnisation des préjudices personnels de Monsieur [Aa] [S] et de ses ayants droit dans les proportions reconnues par la jurisprudence.
4) Condamner l'employeur à rembourser la Caisse Primaire dans le délai de quinzaine des sommes dont elle aura fait l'avance, assorties des intérêts légaux en cas de retard.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures déposées et soutenues oralement lors de l'audience.
MOTIFS
Il est dans l'intérêt de l'administration d'une bonne justice d'ordonner la jonction du dossier enregistré sous le numéro de rôle 20 00895 au dossier enregistré sous le numéro de rôle 20 00868.
Sur la prescription
Selon les dispositions de l'
article L. 431-2 du code de la sécurité sociale🏛 dans sa rédaction applicable au litige :
« Les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités prévues par le présent livre se prescrivent par deux ans à dater :
1°) du jour de l'accident ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière ;
2°) dans les cas prévus respectivement au premier alinéa de l'article L. 443-1 et à l'article L. 443-2, de la date de la première constatation par le médecin traitant de la modification survenue dans l'état de la victime, sous réserve, en cas de contestation, de l'avis émis par l'expert ou de la date de cessation du paiement de l'indemnité journalière allouée en raison de la rechute ;
3°) du jour du décès de la victime en ce qui concerne la demande en révision prévue au troisième alinéa de l'article L. 443-1 ;
4°) de la date de la guérison ou de la consolidation de la blessure pour un détenu exécutant un travail pénal ou un pupille de l'éducation surveillée dans le cas où la victime n'a pas droit aux indemnités journalières.»
Ce délai concerne aussi bien le recours tendant à la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.
L'initiative de la victime d'une maladie professionnelle saisissant la caisse primaire d'assurance maladie d'une requête tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur équivaut à la citation en justice de l'
article 2241 du code civil🏛 et interrompt la prescription biennale.
La survenance d'une rechute n'a pas pour effet de faire courir à nouveau la prescription biennale prévue par les dispositions de l'
article L. 431-2 du code de la sécurité sociale🏛. Le décès consécutif à une maladie professionnelle n'a pas pour effet de rouvrir un délai pour agir en reconnaissance de faute inexcusable
La victime, dont la lésion a été prise en charge par la caisse à titre de rechute, suivant décision devenue définitive à son égard, n'est pas fondée à contester ultérieurement cette qualification à l'appui de son action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.
En l'espèce, [H] [S] a déclaré sa maladie le 17 février 2004 sur la base d'un certificat médical du 30 décembre 2003, mentionnant une date de première constatation médicale au même jour. Le 6 février 2008, il s'est vu allouer une indemnité en capital suivant un taux d'incapacité de 5%, à cette date.
La société [15] observe que les indemnités journalières ont fait l'objet d'un unique versement- intervenu le 6 février 2008, aucune prestation n'ayant été versée par la suite, en sorte que son action intentée le 12 octobre 2017 est prescrite,
Elle ajoute que le Docteur [G] [Z], pneumologue au CHU de [Localité 11], a expressément indiqué sur le certificat médical faisant état du « mésothéliome » qu'il s'agissait d'une « rechute » et a même précisé : « Complication de sa maladie professionnelle tableau 30 du 31/12/03 ».
De même, le médecin-conseil de la CPAM a estimé qu'il s'agissait d'une demande d'aggravation, et le mésothéliome de [H] [S] a été instruit en tant que telle.
Au demeurant aucune demande de prise en charge n'a été sollicitée sur le fondement d'une nouvelle déclaration de maladie professionnelle, la société [15] en conclut justement que c'est donc aux termes d'une décision aujourd'hui définitive que le mésothéliome diagnostiqué en 2017 a été pris en charge comme une rechute des épaississements pleuraux de 2004, de sorte qu'aucun nouveau délai de prescription n'a commencé à courir.
Aussi, contrairement aux affirmations nullement étayées des consorts [S], ce mésothéliome ne peut pas s'assimiler à une nouvelle maladie.
Les appelants ne peuvent utilement soutenir qu'ils ne sauraient souffrir d'une erreur d'instruction de la caisse qui ne joue que dans les rapports caisse-employeur alors que la décision qui leur a été notifiée et qu'ils n'ont pas contestée leur est parfaitement opposable.
En outre, la victime, dont la lésion a été prise en charge par la caisse à titre de rechute, suivant décision devenue définitive à son égard, n'est pas fondée à contester ultérieurement cette qualification à l'appui de son action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, en l'espèce la Caisse a adressé une notification de rente à compter du 15 février 2017, basée sur un taux d'incapacité permanente de 100 % sur le fondement de la déclaration d'aggravation ce qui n'a pas été contesté par la victime.
Enfin ces derniers ne peuvent pas se prévaloir des dispositions de cet
article 40 de la loi du 23 décembre 1998🏛 qui prévoit :
« II.-Par dérogation aux dispositions des
articles L.431-2 et L.461-5 du code de la sécurité sociale🏛🏛, les droits aux prestations, indemnités et majoration prévus par les dispositions du livre IV dudit code et par les dispositions du chapitre Ier du titre V du livre VII du code rural, y compris en cas de faute inexcusable de l'employeur, au profit des victimes d'affections professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante ou provoquées par elles, et ceux de leurs ayants droit, sont rouverts dès lors qu'ils ont fait l'objet d'une première constatation médicale entre le 1er janvier 1947 et la date d'entrée en vigueur de la présente loi. »
Or cette dérogation ne concerne que les maladies ayant fait l'objet d'une première constatation médicale entre le 1er janvier 1947 et le 28 décembre 1998, date de l'entrée en vigueur de la
loi du 23 décembre 1998🏛 alors que la maladie déclarée par [H] [S] et dont il est décédé, a fait l'objet d'une première constatation médicale au 30 décembre 2003.
Il convient tant pour les motifs qui précèdent que ceux non contraires des premiers juges de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 en l'espèce.