Jurisprudence : CE 2/7 ch.-r., 02-12-2022, n° 461276, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 2/7 ch.-r., 02-12-2022, n° 461276, mentionné aux tables du recueil Lebon

A36518XI

Référence

CE 2/7 ch.-r., 02-12-2022, n° 461276, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/90432046-ce-27-chr-02122022-n-461276-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
Copier

Abstract

28-005-03 Election des conseillers départementaux dans le canton d’Avignon-3. Si des agents de la commune d’Avignon, qui étaient rémunérés par celle-ci pour assurer le bon fonctionnement matériel des bureaux de vote, ont été invités à compléter la composition de quatre bureaux de vote en y siégeant comme assesseurs, il n’est pas soutenu qu’ils n’avaient pas la qualité d’électeur dans la commune, ni que leur présence en qualité d’assesseur aurait, dans les circonstances de l’espèce, altéré la sincérité du scrutin. ......Dans ces conditions, le dernier alinéa de l’article R. 44 du code électoral n’a pas été méconnu.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 461276

Séance du 09 novembre 2022

Lecture du 02 décembre 2022

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 7ème et 2ème chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

Mme O J et M. M G ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler les résultats des bureaux n°s 448, 449, 450, 453 et 461 pour les opérations électorales qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021 en vue de l'élection des conseillers départementaux du canton d'Avignon-3, d'annuler ces élections et de les proclamer élus.

Par un jugement n° 2102119 du 30 décembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur protestation.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 février et 1er avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme J et M. G demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à leur protestation ;

3°) de mettre à la charge de M. B L, Mme E F, Mme D K et M. A C la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛, et à celle de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre du même article.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexis Goin, auditeur,

- les conclusions de Mme Cécile Raquin, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue du second tour des opérations électorales auquel il a été procédé le 27 juin 2021 en vue de l'élection des conseillers départementaux dans le canton d'Avignon-3, le binôme composé de Mme J et M. G a obtenu 3 955 voix, soit 49,22 % des suffrages exprimés, tandis que le binôme composé de M. L et Mme F, qui a obtenu 4 081 voix, soit 50,78 % des suffrages exprimés, a été proclamé élu. Le tribunal administratif de Nîmes, par jugement du 30 décembre 2021, a rejeté la protestation de Mme J et de M. G tendant à l'annulation des opérations électorales. Ces derniers font appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Si les appelants soutiennent que le tribunal administratif de Nîmes a rejeté à tort comme irrecevables une partie de leurs conclusions, c'est à bon droit qu'il a regardé comme irrecevables les conclusions par lesquelles ils lui demandaient seulement l'annulation des résultats de certains bureaux de vote et non de l'ensemble des opérations électorales.

En ce qui concerne le déroulement de la campagne électorale :

3. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral🏛 : " Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués () ".

4. Il résulte de l'instruction que ni la participation de la maire d'Avignon, à titre individuel, à un événement de campagne du binôme composé de M. L et Mme F, alors même qu'elle aurait été relayée par la presse locale, ni la diffusion par la mairie d'un communiqué de presse de soutien par voie électronique, dès lors qu'elle représente un coût extrêmement faible pour la commune, ne sauraient être regardées comme ayant constitué des avantages procurés à ce binôme par une personne morale, au sens de l'article L. 52-8 du code électoral🏛.

En ce qui concerne la distribution de la propagande électorale :

5. D'une part, si Mme J et M. G soutiennent que des dysfonctionnements ont empêché la distribution des circulaires et bulletins de vote des candidats à certains électeurs du canton, il ne résulte pas de l'instruction que cette défaillance, dont il n'est d'ailleurs pas soutenu qu'elle n'aurait pas également affecté l'autre binôme de candidats, aurait affecté la sincérité du scrutin au regard du nombre d'électeurs concernés, seul un petit nombre d'attestations d'électeurs étant produites en ce sens, tandis que le préfet indiquait, dans un échange écrit produit par les appelants eux-mêmes, que plus de 96 % des plis avaient été expédiés.

6. D'autre part, il résulte de l'instruction qu'un nombre significatif d'électeurs du canton d'Avignon-3 ont reçu les circulaires et bulletins de vote de binômes d'autres cantons en lieu et place de ceux de Mme J et M. G. Toutefois, compte tenu de ce que le préfet de Vaucluse a informé les électeurs de ces difficultés par un communiqué de presse et de la possibilité de consulter les professions de foi en ligne et que les bulletins de vote des candidats étaient disponibles dans les bureaux de vote, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette circonstance aurait été de nature à semer la confusion dans l'esprit des électeurs, ces erreurs n'ont pas, dans les circonstances de l'espèce, porté atteinte à la sincérité du scrutin.

En ce qui concerne la composition des bureaux de vote :

7. Aux termes de l'article R. 42 du code électoral🏛 : " Chaque bureau de vote est composé d'un président, d'au moins deux assesseurs et d'un secrétaire choisi par eux parmi les électeurs de la commune. / Dans les délibérations du bureau, le secrétaire n'a qu'une voix consultative. / Deux membres du bureau au moins doivent être présents pendant tout le cours des opérations électorales. / Le président titulaire, un assesseur titulaire ou le secrétaire d'un bureau de vote ne peuvent exercer les fonctions de membre titulaire ou suppléant d'un autre bureau de vote. / Toutefois, lorsque deux scrutins se tiennent concomitamment, une même personne peut exercer les fonctions de président des deux bureaux de vote prévus pour chacun de ces scrutins lorsque les opérations électorales se déroulent dans la même salle et que celle-ci a été aménagée pour éviter tout risque de confusion dans l'esprit des électeurs. Il en va de même des fonctions de secrétaire. / Dans les communes équipées de machines à voter, l'ensemble des membres du bureau peut être commun aux deux scrutins concomitants. / En outre, lorsqu'à l'issue de la période d'inscription sur les listes électorales prévues à l'article L. 17, le bureau de vote prévu à l'article R. 40-1 compte moins de deux cents électeurs inscrits, une même personne peut exercer les fonctions de président de ce bureau de vote et d'un autre bureau de vote de la commune chef-lieu du département, lorsque les deux bureaux de vote sont installés dans une même salle. Il en va de même des fonctions de secrétaire ".

8. Selon l'article R. 44 de ce code🏛 : " Les assesseurs de chaque bureau sont désignés conformément aux dispositions ci-après : / - chaque candidat, binôme de candidats ou chaque liste en présence a le droit de désigner un assesseur et un seul pris parmi les électeurs du département ; / - des assesseurs supplémentaires peuvent être désignés par le maire parmi les conseillers municipaux dans l'ordre du tableau puis, le cas échéant, parmi les électeurs de la commune. / Le jour du scrutin, si, pour une cause quelconque, le nombre des assesseurs se trouve être inférieur à deux, les assesseurs manquants sont pris parmi les électeurs présents sachant lire et écrire le français, selon l'ordre de priorité suivant : l'électeur le plus jeune, puis l'électeur le plus âgé. / Les assesseurs ne sont pas rémunérés ".

9. En premier lieu, si des agents de la commune d'Avignon, qui étaient rémunérés par celle-ci pour assurer le bon fonctionnement matériel des bureaux de vote, ont été invités à compléter la composition de quatre bureaux de vote en y siégeant comme assesseurs, il n'est pas soutenu qu'ils n'avaient pas la qualité d'électeur dans la commune, ni que leur présence en qualité d'assesseur aurait, dans les circonstances de l'espèce, altéré la sincérité du scrutin. Dans ces conditions, le grief soulevé par les appelants, tiré de la méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l'article R. 44 du code électoral🏛, doit être écarté.

10. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que M. I N, qui a été désigné comme assesseur du bureau n° 448 par le binôme composé de Mme J et M. G pour les élections régionales, a assuré les fonctions d'assesseur pour les élections départementales, alors que l'article R. 42 du code électoral🏛 ne permet pas, lorsque deux scrutins se tiennent concomitamment, qu'une même personne exerce ces fonctions pour deux bureaux. Ce bureau, dont un des deux assesseurs n'avait pas été régulièrement désigné, était de ce fait irrégulièrement composé. Par suite, il y a lieu de soustraire du nombre de voix obtenu par le binôme arrivé en tête un nombre de suffrages correspondant à l'écart de voix constaté en sa faveur dans ce bureau, soit 105 voix.

11. En troisième lieu, si les appelants soutiennent qu'un assesseur ayant participé aux opérations de vote dans le bureau n° 461 n'aurait pas signé le procès-verbal, il ne résulte pas de l'instruction que cette personne aurait eu la qualité d'assesseur.

12. En quatrième lieu, le grief tiré de ce que certains bureaux de vote auraient été irrégulièrement composés en ce que seul un assesseur siégeait, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 44 du code électoral🏛, qui a été présenté pour la première fois après l'expiration du délai de cinq jours prévu à l'article R. 119 du code électoral🏛, est irrecevable.

En ce qui concerne le grief tiré de l'irrégularité de certains émargements :

13. Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 62-1 du code électoral🏛 : " Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l'encre en face de son nom sur la liste d'émargement ".

14. D'une part, si l'auteur d'une protestation peut développer, après l'expiration du délai de cinq jours imparti par l'article R. 119 du code électoral🏛, un grief, soulevé avant l'expiration de ce délai, relatif à la régularité des émargements dans un bureau de vote en invoquant l'irrégularité d'autres émargements dans ce même bureau, il n'est en revanche pas recevable, après l'expiration de ce délai, un tel grief ne présentant pas un caractère d'ordre public, à contester pour la première fois la régularité des émargements dans d'autres bureaux de vote. Mme J et M. G ne sont, ainsi, pas recevables à contester pour la première fois en appel les émargements des bureaux n°s 449, 451, 452, 454, 455, 456, 457, 459, 460, 462, 463, 464, 465, 466, 467, 468, 469 et 470.

15. D'autre part, les signatures apposées sur les listes d'émargement aux premier et second tour de scrutin pour les lignes n° 260 du bureau n° 448, n°s 203, 241, 289 et 512 du bureau n° 453, n° 631 du bureau n° 459 et n° 274 du bureau n° 461 en face du nom de sept électeurs présentent des divergences telles qu'elles ne sauraient, en l'absence de toute justification, être regardées comme attestant le vote des électeurs concernés dans les conditions fixées par l'article L. 62-1 du code électoral🏛. Ces suffrages doivent donc être regardés comme irréguliers et être retranchés du total des suffrages recueillis par M. L et Mme F.

16. Ainsi qu'il est dit au point 10, 105 voix doivent être soustraites au total des suffrages exprimés en faveur du binôme composé de M. L et Mme F, la composition du bureau de vote n° 448 étant irrégulière. Après que six suffrages ont été également soustraits du total de voix exprimées en faveur du même binôme, eu égard à ce qui a été dit au point 15 - à l'exception du suffrage irrégulier exprimé dans le bureau n° 448, qui doit être regardé comme ayant déjà été déduit du même total -, le total des voix exprimées en faveur de ce binôme est toujours supérieur de 15 voix aux suffrages recueillis par le binôme composé de Mme J et M. G. Aucun des autres griefs qu'ils invoquent ne justifiant l'annulation du scrutin, les appelants ne sont pas fondés, en dépit du faible écart de voix subsistant en faveur du binôme proclamé élu, à se plaindre de ce que le tribunal administratif a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation des opérations électorales, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en appel par les défendeurs.

17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. L, Mme F, Mme K et M. C au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛. Les dispositions du même article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à leur charge sur son fondement, dès lors qu'ils ne sont pas la partie perdante à la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme J et M. G est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. L, Mme F, Mme K et M. C au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme O J, M. M G, M. B L, Mme E F, Mme D K, M. A H et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 9 novembre 2022 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Olivier Rousselle, Mme Anne Courrèges, M. Benoît Bohnert, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Alexis Goin, auditeur-rapporteur.

Rendu le 2 décembre 2022.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

Le rapporteur :

Signé : M. Alexis Goin

La secrétaire :

Signé : Mme Nadine Pelat

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Décisions similaires

Domaine juridique - ELECTIONS

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par thème
La Guadeloupe
La Martinique
La Guyane
La Réunion
Mayotte
Tahiti

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.