Jurisprudence : Cass. civ. 3, 30-11-2022, n° 21-23.097, F-D, Rejet

Cass. civ. 3, 30-11-2022, n° 21-23.097, F-D, Rejet

A34988XT

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Cass. civ. 3, 30-11-2022, n° 21-23.097, F-D, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/90407628-cass-civ-3-30112022-n-2123097-fd-rejet
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Abstract

► Le délai décennal de dix ans à compter de la réception est un délai d'épreuve et non un délai d'action ; ► la condition de gravité décennale doit donc être remplie dans le délai décennal.


CIV. 3

VB


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 novembre 2022


Rejet


Mme TEILLER, président


Arrêt n° 843 F-D

Pourvoi n° Q 21-23.097


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 NOVEMBRE 2022


1°/ la société Saint-Martin Gaveau VRD, société à responsabilité limitée,

2°/ la société Saint-Martin Gaveau paysage société à responsabilité limitée,

3°/ la société du XV, société civile immobilière,

Toutes trois ayant leur siège [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° Q 21-23.097 contre l'arrêt rendu le 23 juin 2021 par la cour d'appel de Rouen (1re chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la société Guedon-[T], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

3°/ à M. [D] [T], domicilié [… …], pris en sa qualité de liquidateur de la société Guedon-[T],

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat des sociétés Saint-Martin Gaveau VRD, Saint-Martin Gaveau paysage et de la société du XV, de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Gan assurances, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 23 juin 2021), par acte du 1er juillet 2006, la société Saint-Martin Gaveau VRD et la société Saint-Martin Gaveau Paysages (les locataires) ont pris à bail commercial une ancienne grange.

2. Suivant devis des 20 septembre 2006, 16 octobre 2006, 27 novembre 2006 et 24 janvier 2007, la société Guedon-[T], assurée par la société Gan assurances, a réalisé divers travaux de structure, notamment sur la charpente et les planchers, afin d'y aménager des bureaux.

3. Par acte en date du 25 octobre 2006, la société civile immobilière du XV (la SCI) a acquis l'immeuble.

4. Invoquant la présence de champignons lignivores et d'insectes xylophages dans le bâti et un sous-dimensionnement de la charpente, la SCI et les locataires ont, après expertise, assigné la société Guedon-[T] et son assureur en indemnisation de leurs préjudices.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La SCI et les locataires font grief à l'arrêt de rejeter les demandes formées contre les sociétés Guedon-Pépin et Gan assurances au titre du sous-dimensionnement de la charpente, alors :

« 1°/ qu'en ne recherchant pas, comme elle l'y était invitée, si la destination de l'ouvrage qui était d'accueillir des bureaux n'impliquait pas que le plancher soit en mesure de supporter les charges prévues par les règles de l'art, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil🏛 ;

2°/ que les juges ont l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; qu'en retenant, pour considérer que le rapport d'expertise avait une force probante « très limitée », qu'il ressortirait de la page 6 du rapport que l'expert n'aurait fait que reprendre in extenso les calculs réalisés par la société BESB à la demande de la SCI du XV, commençant sa description du désordre n° 2 par la phrase : « Le Maître de l'ouvrage a fait procéder à un calcul de charpente par le bureau d'Etudes BESB. Le bureau d'études conclut: » et poursuivant par une synthèse de ce rapport, quand, la page 6 constituant un rappel des désordres allégués, la référence de l'expert à la description fournie par le maître d'ouvrage s'imposait, la cour d'appel, qui en a déduit que l'expert n'aurait pas accompli personnellement sa mission, a dénaturé le rapport d'expertise judiciaire et ainsi violé l'interdiction faite au juge de ne pas dénaturer les éléments de la cause ;

3°/ qu'en énonçant qu'il ne ressortait d'aucun élément des débats que l'expert aurait vérifié les calculs afférents à la solidité de la charpente, quand l'expert énonçait expressément, en page 10 du rapport « nous avons pu constater que les entraits de fermes, le solivage du plancher, les pannes et les contreventements n'étaient pas conformes aux règles de calcul », la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise judiciaire, violant ainsi l'interdiction faite au juge de ne pas dénaturer les éléments de la cause ;

4°/ que le juge ne peut écarter des débats un rapport établi unilatéralement à la demande d'une partie, dès lors qu'il a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire ; qu'en retenant, pour considérer que le rapport d'expertise judiciaire avait une force probante très limitée, que l'expert se serait fondé sur des données techniques fondamentales et des calculs procédant d'une analyse non contradictoire menée à la demande d'une des parties, lors même que cela n'excluait pas leur prise en compte, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile🏛 ;

5°/ qu'en retenant que l'expert judiciaire n'avait caractérisé ni la nature ni l'ampleur du risque de survenance de désordres au cas où le plancher supporterait, conformément à sa destination, une charge de 250 kg/m², quand les normes dont l'expert avait constaté la violation, notamment la norme CB71 « règles de calcul et de conception des charpentes en bois », ont pour objet de codifier les méthodes de calcul applicables à l'établissement des objets de charpentes en bois afin que celles-ci offrent un degré de sécurité approprié à leur destination et à leur durée et sont afférentes à la ruine des bâtiments construits en méconnaissance de leurs prescriptions, de sorte que leur violation caractérise une atteinte à la sécurité de l'ouvrage comme des usagers, la cour d'appel a dénaturé le rapport et ainsi méconnu l'interdiction faite au juge de ne pas dénaturer les éléments de la cause ;

6°/ que dans l'hypothèse où l'ouvrage présente un danger pour les personnes, l'impropriété à destination ne suppose pas que le risque se soit déjà réalisé ; que la cour d'appel a rappelé que l'atteinte à la destination retenue par le premier juge reposait sur la mise en évidence d'un risque selon lequel le plancher serait incapable de soutenir une charge utile de 250 kg/m² ; qu'en énonçant toutefois, pour exclure toute preuve d'une impropriété de l'ouvrage à sa destination et toute atteinte à sa solidité, que l'atteinte à la destination reposait sur un risque théorique, selon lequel le plancher serait incapable de soutenir une charge utile de 250 kg/m² sans que des désordres n'apparaissent et qu'il s'agissait de désordres potentiels, quand, en présence d'un risque pour la sécurité des personnes, cette circonstance ne pouvait exclure l'application de la garantie décennale, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil🏛 ;

7°/ que le dommage consistant dans la non-conformité de l'ouvrage aux règles de sécurité compromet sa solidité et la rend impropre à sa destination ; qu'en énonçant, pour exclure toute preuve d'une impropriété de l'ouvrage à sa destination et toute atteinte à sa solidité, que l'expert n'avait pas précisé la nature ou l'ampleur du risque, que son calcul n'a pas été vérifié ni réalisé par lui, que les locaux sont utilisés depuis 15 ans sans trace de dégradation apparente, qu'il n'est pas justifié d'un désordre apparent et que la SCI du XV reste taisante sur l'état actuel de l'ouvrage ou les conditions de charge du plancher par ses locataires, motifs impropres à exclure toute impropriété de l'immeuble à sa destination du fait du risque pour la sécurité des personnes présenté par l'ouvrage, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil🏛. »


Réponse de la Cour

6. En premier lieu, il ne ressort ni de l'arrêt ni des conclusions d'appel que la SCI et les locataires aient soutenu, même en substance, une impropriété de l'immeuble à sa destination en raison d'un risque pour la sécurité des personnes.

7. En second lieu, ayant retenu, par une appréciation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté du rapport d'expertise rendait nécessaire, que l'impossibilité d'utiliser le plancher avec une charge utile de 250 kg/m² n'était qu'un risque théorique et qu'il n'était justifié d'aucun désordre, alors que les travaux sur la charpente avaient été réalisés près de quinze ans auparavant, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les conclusions de l'expert, en a souverainement déduit que la preuve d'une impropriété à destination ou d'une atteinte à la solidité apparue dans le délai décennal n'était pas rapportée.

8. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision.

9. Le moyen, pour partie irrecevable, n'est donc pas fondé pour le surplus.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société civile immobilière du XV, la société Saint-Martin Gaveau VRD et la société Saint-Martin Gaveau Paysages aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour les sociétés Saint-Martin Gaveau VRD, Saint-Martin Gaveau paysage et la société du XV

La SCI DU XV, la SARL SAINT MARTIN GAVEAU VRD, et la SARL SAINT MARTIN GAVEAU PAYSAGE font grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement en ce qu'il avait condamné in solidum la SARL Guedon-Pépin et la SA Gan Assurances à verser à la SCI DU XV la somme de 84.639,27€ HT au titre du sous-dimensionnement de la charpente et condamné la SA Gan assurance à garantir la SARL Guedon-Pépin de la condamnation prononcée à son encontre, au titre du sous-dimensionnement de la charpente à hauteur de 84.639,27 € et, rejetant toutes autres demandes formulées par les parties, rejeté leurs demandes,

1°) ALORS Qu'en ne recherchant pas, comme elle l'y était invitée, si la destination de l'ouvrage qui était d'accueillir des bureaux n'impliquait pas que le plancher soit en mesure de supporter les charges prévues par les règles de l'art, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil🏛 ;

2°) ALORS QUE les juges ont l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; qu'en retenant, pour considérer que le rapport d'expertise avait une force probante « très limitée », qu'il ressortirait de la page 6 du rapport que l'expert n'aurait fait que reprendre in extenso les calculs réalisés par la société BESB à la demande de la SCI du XV, commençant sa description du désordre n°2 par la phrase : "Le Maître de l'ouvrage a fait procéder à un calcul de charpente par le bureau d'Etudes BESB. Le bureau d'études conclut:" et poursuivant par une synthèse de ce rapport, quand, la page 6 constituant un rappel des désordres allégués, la référence de l'expert à la description fournie par le maître d'ouvrage s'imposait, la cour d'appel, qui en a déduit que l'expert n'aurait pas accompli personnellement sa mission, a dénaturé le rapport d'expertise judiciaire et ainsi violé l'interdiction faite au juge de ne pas dénaturer les éléments de la cause ;

3°) ALORS QU'en énonçant qu'il ne ressortait d'aucun élément des débats que l'expert aurait vérifié les calculs afférents à la solidité de la charpente, quand l'expert énonçait expressément, en page 10 du rapport « nous avons pu constater que les entraits de fermes, le solivage du plancher, les pannes et les contreventements n'étaient pas conformes aux règles de calcul », la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise judiciaire, violant ainsi l'interdiction faite au juge de ne pas dénaturer les éléments de la cause ;

4°) ALORS QUE le juge ne peut écarter des débats un rapport établi unilatéralement à la demande d'une partie, dès lors qu'il a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire ; qu'en retenant, pour considérer que le rapport d'expertise judiciaire avait une force probante très limitée, que l'expert se serait fondé sur des données techniques fondamentales et des calculs procédant d'une analyse non contradictoire menée à la demande d'une des parties, lors même que cela n'excluait pas leur prise en compte, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile🏛 ;

5°) ALORS QU'en retenant que l'expert judiciaire n'avait caractérisé ni la nature ni l'ampleur du risque de survenance de désordres au cas où le plancher supporterait, conformément à sa destination, une charge de 250 kgs/m², quand les normes dont l'expert avait constaté la violation, notamment la norme CB71 « règles de calcul et de conception des charpentes en bois », ont pour objet de codifier les méthodes de calcul applicables à l'établissement des objets de charpentes en bois afin que celles-ci offrent un degré de sécurité approprié à leur destination et à leur durée et sont afférentes à la ruine des bâtiments construits en méconnaissance de leurs prescriptions, de sorte que leur violation caractérise une atteinte à la sécurité de l'ouvrage comme des usagers, la cour d'appel a dénaturé le rapport et ainsi méconnu l'interdiction faite au juge de ne pas dénaturer les éléments de la cause ;

6°) ALORS QUE dans l'hypothèse où l'ouvrage présente un danger pour les personnes, l'impropriété à destination ne suppose pas que le risque se soit déjà réalisé ; que la cour d'appel a rappelé que l'atteinte à la destination retenue par le premier juge reposait sur la mise en évidence d'un risque selon lequel le plancher serait incapable de soutenir une charge utile de 250 kg/m2 ; qu'en énonçant toutefois, pour exclure toute preuve d'une impropriété de l'ouvrage à sa destination et toute atteinte à sa solidité, que l'atteinte à la destination reposait sur un risque théorique, selon lequel le plancher serait incapable de soutenir une charge utile de 250 kg/m2 sans que des désordres n'apparaissent et qu'il s'agissait de désordres potentiels, quand, en présence d'un risque pour la sécurité des personnes, cette circonstance ne pouvait exclure l'application de la garantie décennale, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil🏛 ;

7°) ALORS QUE le dommage consistant dans la non-conformité de l'ouvrage aux règles de sécurité compromet sa solidité et la rend impropre à sa destination ; qu'en énonçant, pour exclure toute preuve d'une impropriété de l'ouvrage à sa destination et toute atteinte à sa solidité, que l'expert n'avait pas précisé la nature ou l'ampleur du risque, que son calcul n'a pas été vérifié ni réalisé par lui, que les locaux sont utilisés depuis 15 ans sans trace de dégradation apparente, qu'il n'est pas justifié d'un désordre apparent et que la SCI du XV reste taisante sur l'état actuel de l'ouvrage ou les conditions de charge du plancher par ses locataires, motifs impropres à exclure toute impropriété de l'immeuble à sa destination du fait du risque pour la sécurité des personnes présenté par l'ouvrage, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil🏛.

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