Jurisprudence : TA Nancy, du 01-12-2022, n° 2001963


Références

Tribunal Administratif de Nancy

N° 2001963

Chambre 2
lecture du 01 décembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 13 août 2020 et des mémoires, enregistrés le 17 février 2020 et le 8 avril 2021 M. C A doit être regardé comme demandant au tribunal :

1°) d'annuler la décision du 7 mai 2020 du directeur général du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nancy en tant qu'elle l'affecte sur un poste de jour au sein de l'équipe de brancardage, ensemble celle du 12 juin 2020 en tant qu'elle rejette son recours gracieux ;

2°) d'annuler la décision du 12 juin 2020 du directeur général du CHRU de Nancy en tant qu'elle lui refuse la requalification de son congé de maladie ordinaire du 23 mars 2020 au 17 avril 2020, en autorisation spéciale d'absence ;

3°) d'enjoindre au directeur général du CHRU de Nancy de procéder à la reconstitution de sa carrière ;

4°) de mettre à la charge du CHRU de Nancy, la somme de 700 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Il soutient que :

Sur la recevabilité :

-son affectation en horaire de jour lui fait grief, la décision lui fait grief ;

- le refus de son placement en autorisation spéciale a des conséquences financières, la décision lui fait grief ;

Sur son affectation en horaire de jour :

- la décision l'affectant en horaire de jour est insuffisamment motivée ;

- la décision repose sur deux avis divergents du même jour du médecin du travail ;

- la décision l'affectant en horaire de jour ne repose pas sur un motif réel d'intérêt du service ; il est le seul de l'équipe à subir un tel traitement ; curieusement cette décision intervient au moment même où il a interpellé sa hiérarchie sur différents problèmes ; rien ne lui interdit de travailler de nuit, au contraire il lui est recommandé de travailler de nuit ; il s'agit d'une sanction déguisée ;

Sur le refus de requalification de son congé de maladie ordinaire ;

- la décision est entachée d'erreur d'appréciation, les besoins du service n'avaient pas à être pris en compte, seul le critère de vulnérabilité devait l'être.

Par des mémoires, enregistrés les 26 novembre 2020 et 21 avril 2021, le CHRU de Nancy conclut au rejet de la requête et demande au tribunal de condamner M. A à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Le CHRU soutient que les moyens de M. A sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°86-33 du 9 janvier 1986🏛 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Boulangé, rapporteur ;

- les conclusions de Mme Milin-Rance, rapporteure publique,

- et les observations de M. A.

Considérant ce qui suit :

1. M. C A exerce en qualité d'agent des services hospitaliers qualifié titulaire au CHRU de Nancy en tant que brancardier en équipe de nuit sur le site des hôpitaux urbains. A la suite d'un congé de maladie de plusieurs semaines, intervenu à compter du 23 mars 2020 et après deux visites médicales auprès du médecin du travail en date des 5 et 7 mai 2020, la direction des ressources humaines du CHRU de Nancy, par un courrier du 7 mai 2020, a maintenu l'affectation de M. A au sein du même service, mais dans un horaire fixe de jour, de 13 heures 30 à 20 heures 30. Le recours gracieux de l'intéressé du 28 mai 2020 dirigé contre cette affectation en horaires fixes de jour a été rejeté par une décision du 12 juin 2020. M. A doit être regardé comme demandant au tribunal d'annuler la décision du 7 mai 2020 du directeur général du CHRU de Nancy en tant qu'elle l'affecte sur un poste de jour au sein de l'équipe de brancardage, ensemble celle du 12 juin 2020 en tant qu'elle rejette son recours gracieux. Par ailleurs, dans son courrier du 28 mai 2020 adressé à la direction du CHRU, M. A demandait également que son congé de maladie du 23 mars 2020 au 17 mai 2020 soit requalifié en autorisation spéciale d'absence, requalification refusée par la direction du CHRU dans le courrier précité du 12 juin 2020. M. A demande également au tribunal d'annuler cette décision de refus.

Sur les conclusions à-fin d'annulation :

En ce qui concerne l'affectation en service de jour :

2. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou de leur contrat ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent de perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination ou une sanction, est irrecevable. Toutefois, il est constant que l'affectation dans un service de jour de M. A a eu pour conséquence de lui faire perdre les indemnités de travail de nuit qu'il percevait alors. Dès lors que la décision de changement de service de l'intéressé a eu pour ce dernier des conséquences pécuniaires, elle ne présente pas le caractère d'une simple mesure d'ordre intérieur et est susceptible d'être contestée devant le juge de l'excès de pouvoir.

3. Aux termes de l'article 71 de la loi du 9 janvier 1986🏛 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état de santé, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état de santé () ".

4. En premier lieu, les changements d'affectation ne sont pas au nombre des décisions qui doivent être motivées. En tout état de cause, la décision par message électronique du 7 mai 2020 du directeur des ressources humaines du CHRU de Nancy mentionne le fait que sa nouvelle affectation en horaires fixes de jour permet de concilier les aménagements préconisés par le service de santé au travail et les nécessités d'organisation du service dans le cadre de la crise sanitaire. Cette décision est ainsi suffisamment motivée.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A exerce les fonctions de brancardier en horaires de nuit depuis 2015, son état diabétique nécessitant des horaires réguliers. En raison de sa situation de " patient à risque covid " nécessitant son " exclusion du lieu de travail ", il a été placé en congé de maladie par son médecin traitant à compter du 23 mars 2020, congé régulièrement renouvelé jusqu'au 10 mai 2020 inclus. A l'issue d'une visite médicale de reprise le 5 mai 2020, le médecin du travail du CHRU s'est prononcé en faveur de la reprise de l'intéressé pour un poste " uniquement de nuit " et " sans alternance matin / après-midi ". A la même date, le médecin du travail a préconisé également " un poste sans alternance pendant 3 mois, soit que du matin, soit que d'intermédiaire, soit que de nuit ". M. A conteste son affectation de jour par son employeur sur l'horaire 13 heures-20 heures 30. Il fait valoir son affectation de nuit depuis 2015 ainsi que le caractère contradictoire des deux avis émis le même jour par le médecin du travail du CHRU. Ce faisant, il doit être regardé comme soutenant que son affectation à horaires fixes de jour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Il est toutefois constant que l'affectation contestée de M. A en horaires fixes de jour est intervenue en période covid alors que le CHRU de Nancy, à l'instar de nombres d'autres établissements hospitaliers avait déclenché le plan blanc. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, notamment de la fiche de poste en date du 9 juin 2020, que la mission essentielle des brancardiers de nuit consiste pour l'essentiel, à la gestion des flux générés par l'activité du service des urgences de l'hôpital central, notamment dans cette période spécifique, à la prise en charge des patients atteints du covid. Dans ce contexte particulier et compte-tenu des tâches attendues des brancardiers de nuit, alors que les congés de maladie de M. A à compter du 23 mars 2020 sont justifiés en raison de sa situation " à risque " par rapport au covid, son affectation en service de nuit l'aurait nécessairement conduit à prendre en charge des patients contaminés sans possibilité réelle d'être relayé par des collègues en raison du calibrage réduit de l'équipe de nuit composée de seulement deux binômes. Dès lors, pour autant regrettable que soit l'émission de deux avis médicaux concomitants différents, dans la mesure où le médecin du travail, préconise principalement pour M. A des horaires fixes, pour une durée limitée à 3 mois seulement, c'est sans erreur manifeste d'appréciation, que la direction du CHRU de Nancy a pu affecter l'intéressé en poste de jour à horaires fixes, dont la régularité est compatible avec la pathologie diabétique dont il souffre et dont l'activité est mieux à même de limiter ses contacts avec les patients atteints de covid eu égard à l'effectif présent des brancardiers en journée et à la plus grande diversité des prises en charge qu'ils sont conduits à effectuer.

6. En troisième lieu, compte-tenu de ce qui vient d'être dit, bien que M. A a travaillé de nuit pendant de nombreuses années et qu'il a par ailleurs interpellé la direction sur différents sujets d'organisation et de conditions de travail dans le cadre de ses activités syndicales, il ne ressort pas des pièces du dossier, que la décision l'affectant sur un poste de jour à horaires fixes, constituerait une sanction déguisée.

En ce qui concerne le refus de requalification du congé de maladie ordinaire en autorisation spéciale d'absence :

7. L'émergence du coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19, particulièrement contagieux, et sa propagation sur le territoire français à compter du début de l'année 2020 ont conduit les pouvoirs publics à prendre diverses mesures de lutte contre l'épidémie. Dans le même temps, l'activité de nombreuses administrations a été réduite aux missions les plus essentielles dans le cadre de la mise en œuvre de plans de continuité d'activité, les agents dont la présence sur leur lieu de travail n'était pas nécessaire à cette fin étant invités à télé-travailler ou, en cas d'impossibilité, pour ceux identifiés vulnérables, étant placés en autorisation spéciale d'absence.

8. Il ressort des pièces du dossier que dès le 23 mars 2020, M. A a été placé en arrêt de travail par son médecin traitant, ce jusqu'au 5 avril 2020, ce congé de maladie ayant été régulièrement renouvelé jusqu'à la reprise du travail de l'intéressé. Dès lors que M. A bénéficiait d'un congé de maladie à compter du 23 mars 2020 c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le directeur du CHRU de Nancy a pu refuser, le 12 juin 2020, la demande de l'intéressé, présentée le 28 mai 2020, tendant à la requalification de ce congé de maladie en autorisation spéciale d'absence, laquelle se borne à autoriser un agent à ne pas se présenter sur son lieu de travail et ce, malgré la fiche d'inaptitude rédigée par le médecin du travail du CHRU le 26 mars 2020, soit à une date postérieure à la date de l'arrêt de travail de M. A.

9. Il résulte de tout ce qui précède, que les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent jugement qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par le requérant n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite ses demandes à fin d'injonction doivent également être rejetées.

Sur les frais d'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens ou la partie perdante, la somme demandée par M. A au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande du CHRU de Nancy au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du CHRU de Nancy au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. C A et au centre hospitalier régional et universitaire de Nancy.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Marti, président,

M. Boulangé, premier conseiller,

Mme Marini, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er décembre 2022.

Le rapporteur,

P. Boulangé

Le président,

D. Marti

La greffière,

M. B

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°2001963

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