Instr. du 10-07-2000, BOI 12 C-3-00, n° 24

Instr. du 10-07-2000, BOI 12 C-3-00, n° 24

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BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS

DIRECTION GÉNÉRALE DES IMPÔTS

12 C-3-00

N° 131 du 17 JUILLET 2000

12R/8

INSTRUCTION DU 10 JUILLET 2000

LES ACTIONS EN RECOUVREMENT A CARACTERE PENAL. CONTRAINTE PAR CORPS ET DETOURNEMENT D'OBJETS SAISIS

NOR : ECO L 00 00093 J

[Bureau R 2]


PRESENTATION G.ENERALE

Dans l'exercice de l'action en recouvrement forcé des créances dont ils ont la charge, les comptables publics peuvent être conduits à mettre en oeuvre deux procédures ,à caractère pénal dont lé fondement juridique renvoie à l'organisation d'insolvabilité ou aux manœuvres tendant à faire obstacle au recouvrement.

Il s'agit de l'exercice de la contrainte par corps et de la plainte pour détournement d'objets saisis.

Ces deux actions, dont l'engagement était soumis à l'autorisation préalable de l'administration centrale, ont fait l'objet d'une mesure de déconcentration au profit des directeurs des services fiscaux à compter du 1er février 2000, par l'instruction du 5 janvier 2000 (BOI *12 C-2-00) qui a également précisé leurs conditions de mise en oeuvre.

La présente instruction a pour objet de décrire ces actions et de porter à la connaissance des services la jurisprudence qui en a précisé le cadre juridique.

Les développements qui suivent seront ultérieurement intégrés à la documentation de base.

SOMMAIRE

SECTION 1 : L'exercice de la contrainte par corps
SOUS-SECTION 1 : Origine et évolution de la procédure
A. UNE VOIE D'ACTION PRIVEE
B. UN MOYEN DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE
C. UNE PREROGATIVE DE PUISSANCE PUBLIQUE
SOUS-SECTION 2 : Champ d'application de la contrainte par corps
A. DOMAINE D'APPLICATION
B. CONDITIONS D'APPLICATION
I. Tenant au mode d'établissement des impositions
II. Tenant à la résidence du redevable
1. Changement fréquent de lieu de séjour
2. Séjour dans des locaux d'emprunt ou des locaux meublés appartenant à des tiers
III. Tenant à l'âge et à la solvabilité du redevable et au montant de la créance fiscale concernée
SOUS-SECTION 3 : Mise en oeuvre de la contrainte par corps
A. ENGAGEMENT DE L'ACTION
I. Personne compétente pour engager l'action
II. Engagement de l'action - la procédure sur requête -
B. LES SUITES D'UNE ORDONNANCE FAVORABLE
I. La signification d'un commandement de payer
II. La requête aux fins d'incarcération
III. Les voies de recours
IV. La portée de la contrainte par corps
SECTION 2 : La plainte pour détournement d'objets saisis
SOUS-SECTION 1 : Conditions préalables à l'existence du délit
A. EXISTENCE D'UNE SAISIE PRÉALABLE
B. EXISTENCE D'UN GARDIEN
SOUS-SECTION 2 : Personnes susceptibles d'être poursuivies : l'auteur du délit et les complices
SOUS-SECTION 3 : Les éléments constitutifs du délit
A. LE TEXTE DÉFINISSANT ET RÉPRIMANT LE DÉLIT
B. L'ELEMENT MATÉRIEL DU DÉLIT
C. L'ELEMENT MORAL
SOUS-SECTION 4 : Engagement de l'action
A. LA CONSTATATION DU RELIT
B. LA NATURE DE L'ACTION EN JUSTICE
C. LES CONSÉQUENCES A L'ÉGARD DU TIERS ACQUÉREUR DES BIENS RETOURNES
D. L'OPPORTUNITÉ D'ENGAGER L'ACTION
E. MISE EN CEUVRE DE L'ACTION

SECTION 1
L'exercice de la contrainte par corps

SOUS-SECTION 1
Origine et évolution de la procédure

A. UNE VOIE D'ACTION PRIVES

1. Juridiquement, la contrainte par corps est une voie d'exécution par laquelle le créancier poursuit sur la personne même de son débiteur le recouvrement de ce qui lui est dû.

Concrètement, cette mesure se traduit par l'emprisonnement du débiteur, pendant une durée plus ou moins longue. Il s'agit donc à titre principal d'un moyen de pression dirigé contre un débiteur, par hypothèse de mauvaise foi.

2. De ses origines romaines, la contrainte par corps a longtemps conservé son caractère de peine privée, destinée à s'appliquer à des créances civiles ou commerciales, pour des dettes entre particuliers ou professionnels (marchands des foires, membres des corporations).

3. La pratique est codifiée par l'ordonnance de 1667 qui la place sous le contrôle d'un juge et la transforme en mesure facultative.

B. UN MOYEN DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE

4. Abolie le 9 mars 1793 par la Convention, elle est rétablie par l'Empire pour lutter contre les banqueroutes et les scandales financiers qui se multiplient. Elle suit alors la rigueur du code de commerce de 1807.

Au milieu du XIXème siècle, elle apparaît comme la seule arme efficace contre les débiteurs de mauvaise foi qui, par l'organisation d'insolvabilité, rendent préventivement inefficace l'exercice des voies d'exécution ordinaires.

5. La loi du 22 juillet 1867 va durablement fixer sa nature juridique et ses conditions d'exercice, jusqu'à l'ordonnance du 23 décembre 1958 qui révise le code de procédure pénale.

C. UNE PREROGATIVE DE PUISSANCE PUBLIQUE

6. Cette nouvelle codification complète une série de textes spéciaux relatifs à l'exercice de la contrainte par corps en matière fiscale ou douanière.

Elle harmonise sa pratique qui est régie par des dispositions strictes du Code général des impôts.

Surtout, la réforme de 1958 réserve cette mesure d'exception aux seules créances publiques.

7. Une ultime réforme apportée par la loi n° 85-1407 du 30 décembre 1985 humanise ses conditions de mise en oeuvre en modifiant le Code de procédure pénale.

SOUS-SECTION 2
Champ d'application de la contrainte par corps

A. DOMAINE D'APPLICATION

8. L'exercice de la contrainte par corps prévue par les articles L 271 et suivants du LPF est ouvert aux comptables publics à l'encontre de débiteurs défaillants déclaratifs qui organisent leur insolvabilité et rendent inefficaces les poursuites mises en oeuvre (Cass. com. 19 octobre 1971, Bull. civ. IV n° 243 p. 226).

Le domaine d'application de la contrainte par corps en matière de taxes sur le chiffre d'affaires est défini par les articles L 270, L 271 et L 273 du Livre des procédures fiscales.

Elle ne peut concerner que les personnes ayant fait l'objet d'une taxation d'office et qui changent fréquemment de lieu de séjour ou qui séjournent dans des locaux d'emprunt ou des locaux meublés.

9. Toutefois, cette faculté ne peut être exercée dans le cadre d'une condamnation pour fraude fiscale.

En effet, il résulte des dispositions des articles L 272 et L 273 du Livre des procédures fiscales que la contrainte par corps n'est applicable, en cas de condamnation d'un prévenu par application de l'article 1741 du CGI, que pour le recouvrement des impôts directs, des majorations et des pénalités fiscales y afférentes, à l'exclusion de la TVA qui aurait été visée dans la plainte (Cass. crim. 16 janvier 1984, Bull. crim. n° 19 p. 50 ; 21 octobre 1991, Bull. crim. n° 362 p. 902).

B. CONDITIONS D'APPLICATION

10. Elles sont cumulatives.

I. Tenant au mode d'établissement des impositions

11. Les impositions visées par la contrainte par corps doivent avoir été établies par voie de taxation d'office (Cass. com. 16 mai 1977, Bull. civ. IV n° 143 p. 121 ; 24 novembre 1987, ibid. IV n° 247 p. 183).

II. Tenant à la résidence du redevable

12. La contrainte par corps ne peut être exercée à l'encontre du redevable que si celui-ci a fait obstacle au recouvrement dans les circonstances suivantes.

1. Changement fréquent de lieu de séjour

  1. une personne ayant séjourné à six adresses différentes en six ans (Cass. com. 16 mai 1977 précité) ;
  2. un redevable ayant vendu tous les biens qu'il possédait en France, ne résidant qu'occasionnellement dans ce pays à des adresses différentes et ayant plusieurs adresses à l'étranger (Cass. com. 9 février 1981, Bull. civ. IV n° 72, p. 56) ;
  3. un redevable changeant fréquemment de domicile, peu important la qualification des locaux et les causes du changement (Cass. com. 24 novembre 1987 précité).

2. Séjour dans des locaux d'emprunt ou des locaux meublés appartenant à des tiers

  1. une personne résidant dans un local dont il n'est pas locataire, garni de meubles ne lui appartenant pas (Cass. com. 6 mars 1984, Bull. civ. IV, n° 90, p. 75) ;
  2. un redevable qui après avoir vendu ses immeubles, est hébergé par sa sœur sans payer de loyer (Cass. com. 22 mai 1984, Bull, civ. IV, n° 177, p. 148) ;
  3. un redevable résidant dans un studio « minuscule », garni d'un mobilier incompatible avec une résidence durable et n'ayant procédé à des règlements de sa dette fiscale qu'au moyen de mandats émis dans des bureaux de poste de villes différentes (Cass. com. 19 mai 1987, Bull. civ. IV, n° 118, p. 90).

III. Tenant à l'âge et à la solvabilité du redevable et au montant de la créance fiscale concernée

13. La loi du 30 décembre 1985, dans ses articles 76 et 77, a humanisé les conditions de mise en oeuvre de la contrainte par corps en modifiant les articles 749 et suivants du Code de procédure pénale (dispositions entrées en application le 1er février 1986).

La contrainte par corps ne peut être mise en oeuvre, pour une durée maximum de 4 mois, que pour des sommes égales ou supérieures à 80 000 F (art. L 272 A du LPF et 750 du CPP).

La contrainte par corps ne peut être exercée ni contre des mineurs à l'époque des faits ni contre des personnes âgées d'au moins 65 ans au moment de la condamnation (art. 751 du CPP).

Elle ne peut être exercée contre des personnes justifiant de leur insolvabilité en produisant un certificat du percepteur de leur domicile constatant qu'ils ne sont pas imposés ou un certificat du maire ou du commissaire de police de leur commune (art. 752 du CPP). Toutefois, l'insolvabilité ne s'oppose qu'à l'exécution de la contrainte par corps et non à son prononcé (Cass. crim. 18 décembre 1989, Bull- crim. n° 484).

Mais la preuve que le condamné est en réalité solvable peut être apportée par tous moyens.

SOUS-SECTION 3
Mise en oeuvre de la contrainte par corps

A. ENGAGEMENT DE L'ACTION

I. Personne compétente pour engager l'action

14. S'agissant d'une mesure de poursuite, cette action s'inscrit dans le cadre de l'action en recouvrement menée par le comptable des impôts en application de l'article L 252 du LPF. Le receveur des impôts est juridiquement compétent, après autorisation donnée par le directeur des services fiscaux (art. L 272 A), pour saisir le président du tribunal de grande instance d'une requête aux fins de contrainte par corps puis après signification d'un commandement de payer suivant la décision de justice favorable et en l'absence de paiement, pour établir une requête au Parquet aux fins d'incarcération.

II. Engagement de l'action - la procédure sur requête -

15. La contrainte par corps est prononcée par ordonnance du président du tribunal de grande instance saisi sur simple requête, conformément aux dispositions des articles 493 et suivants du nouveau code de procédure civile (Cass. com. 5 mai 1982, Bull. civ. IV, n° 153, p. 137 ; 6 mars 1984, ibid. IV, n° 90, p. 75).

16. L'article L 271 du LPF permet donc au comptable public de saisir le président de la juridiction, par simple requête, sans débat contradictoire, c'est-à-dire sans avoir à appeler la partie adverse (Cass. com. 6 mars 1984 précité).

17. S'il n'est pas fait droit à sa requête, le comptable est recevable à interjeter appel en application de l'article 496 du NCPC (Cass. com. 6 mars 1984 précité).

Inversement, le redevable peut obtenir la rétractation de l'ordonnance, conformément aux dispositions de l'article 496 du NCPC (Cass, com. 5 mai 1982 précité).

B. LES SUITES D'UNE ORDONNANCE FAVORABLE

I. La signification d'un commandement de payer

18. L'article L 271 du LPF disposant que l'exercice de la contrainte par corps en matière fiscale a lieu dans les conditions fixées par le Code de procédure pénale, la contrainte ne peut être exercée que cinq jours après qu'un commandement a été fait au débiteur à la requête du comptable, conformément aux dispositions de l'article 754 du Code de procédure pénale, pour l'inviter une dernière fois à s'acquitter de sa dette (Cass. com. 23 janvier 1978, Bull. civ. IV, n° 30, p. 23).

En pratique, s'agissant d'un redevable légal poursuivi par un comptable des impôts, il conviendra de faire signifier par ministère d'huissier l'ordonnance favorable à la dernière adresse connue puis de notifier une mise en demeure (article L 257 du LPF) par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et, à l'expiration du délai de vingt jours, de faire signifier par huissier un commandement de payer (art. L 258 du LPF et Cass. com. 9 février 1999, arrêt n° 394 D).

19. La notification du commandement visé à l'article 754 du CPP précité ouvre à l'intéressé la faculté de former opposition à ce commandement, selon les formes et délais prévus par les articles L 281 et R* 281-1 et suivants du LPF (CE 24 mars 1972, Lebon p. 245 ; 3 mars 1976, Lebon p : 119 ; 19 décembre 1979, req. n° 381, RJF 1980 p. 81 ; cf. DB 12 C 2311 n° 7). Bien entendu, la mise en demeure préalable au commandement peut également faire l'objet d'une opposition à poursuites (cf. DB 12 C 2311 § 8).

20. En vertu de l'article 759 du CPP, le débiteur peut prévenir les effets de la contrainte par corps soit en s'acquittant de sa dette, soit en consignant une somme suffisante pour l'éteindre, soit en fournissant une caution reconnue bonne et valable qui doit se libérer dans le mois (CA VERSAILLES 7 mai 1979, DF 1979 II 6274).

II. La requête aux fins d'incarcération

21. Aux termes de l'article 754 du CPP précité, le comptable, après l'expiration du délai de cinq jours suivant la signification du commandement de payer, peut solliciter du procureur de la République, par voie de requête, la prise de réquisitions nécessaires aux agents de la force publique pour procéder à l'arrestation et à l'incarcération du redevable.

III. Les voies de recours

22. Le redevable peut saisir au fond le président du tribunal qui a prononcé la contrainte.

Il peut simultanément solliciter du juge des référés un sursis à exécution de cette contrainte.

Il appartient au juge des référés d'examiner si le titre de détention contesté est démuni de régularité apparente en raison de faits nouveaux intervenus depuis sa délivrance (Cass. com. 23 juin 1987, Bull. civ. IV n° 155, p. 118).

23. Sous réserve de l'appréciation des tribunaux, on peut considérer que le juge de l'exécution, sur le fondement de l'article L 311-12-1 du Code de l'organisation judiciaire qui a repris la rédaction de l'ancien article 811 du NCPC, pourrait être saisi dès lors qu'il connaît des difficultés de l'exécution forcée.

En effet, la jurisprudence considère que la contrainte par corps est une mesure d'exécution forcée.

IV. La portée de la contrainte par corps

24. A l'issue de son incarcération qui ne saurait excéder quatre mois, si le redevable ne s'est pas exécuté, une nouvelle contrainte par corps ne pourra pas être demandée pour les mêmes impositions, l'action ayant été épuisée, sans résultat.

SECTION 2 :
La plainte pour détournement d'objets saisis

25. Le fait, pour une personne saisie, de détruire ou de détourner un objet saisi entre ses mains en garantie des droits d'un créancier et confié à sa garde ou à celle d'un tiers constitue un délit sanctionné par l'article 314-6 du nouveau code pénal, qui a remplacé l'article 400 alinéas 3 et 4 du Code pénal.

SOUS-SECTION 1 :
Conditions préalables à l'existence du délit

A. EXISTENCE D'UNE SAISIE PREALABLE

26. L'article 29 1er alinéa de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution pose le principe général que « l'acte de saisie rend indisponibles les biens qui en sont l'objet ». Il a remplacé l'article 2092-3 du Code civil qui a été abrogé.

27. La saisie constitue donc la condition indispensable à la caractérisation du délit de détournement d'objets saisis.

28. A cet égard, la jurisprudence rendue sous l'empire de l'ancien article 400 alinéas 3 et 4 du Code pénal conserve toute sa valeur.

29. Ainsi, le délit n'est pas constitué lorsque les biens ne sont pas placés sous main de justice (Cass. crim. 9 janvier 1962, Bull. crim. n° 17).

30. Au demeurant, la notion de détournement dépasse les cas de saisies proprement dits mais concerne toutes les situations dans lesquelles des immeubles ou des meubles ont été placés sous l'autorité de la justice (pour les immeubles : Cass. crim. 16 octobre 1850 D.P. 1850.5.447 ; pour des meubles saisis-exécutés Cass. crim. 18 juillet 1895 D.P. 1896.1.55 ; pour des meubles saisis-arrêtés : Cass. com. 6 décembre 1945, Bull. crim. n° 132 ; pour des meubles objets de saisies conservatoires : Cass. crim. 22 janvier 1953, Bull. crim. n° 23 ; pour des meubles confiés à un séquestre judiciaire, par décision de justice : Cass. crim. 14 avril 1961, Bull. crim. n° 197 ; pour des objets placés sous scellés, en dehors de toute saisie : Trib. correct. SEINE 27 janvier 1951, D 1951. p. 214).

31. Enfin, il n'appartient pas au saisi d'apprécier la validité ou la nullité de la saisie, quand bien même elle viendrait à être annulée postérieurement par une décision de justice (Trib. correct. SAINT-POL 7 septembre 1934, D.H. 1934.584).

En effet, l'infraction pénale est constituée, même si la procédure suivie pour la saisie comporte des irrégularités susceptibles d'en faire prononcer la.nullité (Cass. crim. 8 novembre 1894 et 18 juillet 1895 : DP 96, 1, 55 ; 18 avril 1961, Bull. Crim. n° 209) qui conduiraient à écarter sa mise en oeuvre.

32. Les développements qui suivent seront essentiellement consacrés aux biens ayant fait l'objet d'une saisie-vente, ce qui est la situation la plus fréquemment rencontrée. On pourra se reporter en tant que dé besoin à la DB 12 C 2212 décrivant cette procédure.

B. EXISTENCE D'UN GARDIEN

33. Il avait été jugé, sous l'empire des anciennes voies d'exécution, que lorsque le saisi avait refusé d'être constitué gardien de la chose saisie et quand, malgré ce refus, l'huissier n'avait pas constitué un autre gardien en la personne des tiers, aucun cas d'application de l'article 400 du Code pénal n'était possible, non à cause d'une nullité de la saisie dont le juge pénal n'a pas à connaitre mais parce que l'un des éléments essentiels du délit n'était pas présent (CA MONTPELLIER 12 décembre 1951, D 1952, Somm. 48).

34. La réforme des procédures civiles d'exécution a supprimé cette difficulté. Ainsi, l'article 29 alinéa 2 de la loi du 9 juillet 1991 dispose que si la saisie porte sur des biens corporels, le débiteur saisi ou le tiers détenteur entre les mains de qui la saisie a été effectuée est réputé gardien des objets saisis sous les sanctions prévues par l'article 314-6 du Code pénal.

La modification ci-dessus est entrée en vigueur le 1er mars 1994.

SOUS-SECTION 2
Personnes susceptibles d'être poursuivies : l'auteur du délit et les complices

35. La répression du délit n'est applicable qu'au saisi lui-même ou à ses complices (Cass. crim. 23 mai 1930, Bull. crim. n° 159 ; 7 novembre 1973, ibid. n° 406). Le conjoint du débiteur, ses descendants et ascendants qui l'ont aidé dans le détournement sont punissables des mêmes peines.

36. Lorsque le saisi est une société, seul le mandataire social peut être poursuivi comme auteur principal (Cass. crim. 7 novembre 1973 précité).

Le simple préposé d'une personne morale qui n'a reçu copie du procès-verbal de saisie qu'en tant que représentant local de la société sur laquelle il n'exerce aucun contrôle ne saurait être assimilé au saisi et poursuivi comme tel (Cass. crim. 10 octobre 1974, Gaz. Pal. 1975.1 Somm. 97).

SOUS-SECTION 3
Les éléments constitutifs du délit

A. LE TEXTE DEFINISSANT ET REPRIMANT LE DELIT

37. L'article 314-6 du nouveau code pénal, entré en vigueur le 1 e' mars 1994, dispose que le fait par le saisi, de détruire ou de détourner un objet saisi entre ses mains en garantie des droits d'un créancier et confié à sa garde ou à celle d'un tiers, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 2 500 000 F d'amende.

La tentative de l'infraction prévue au présent article est punie des mêmes peines.

B. L'ELEMENT MATÉRIEL DU DÉLIT

38. Il y a détournement lorsque l'objet saisi est enlevé et déplacé.

Constitue un détournement le déplacement de l'objet saisi en vue de gêner l'exercice de la saisie et de mettre le bien hors d'atteinte du créancier saisissant (Cass. crim. 23 juin 1965, GP 1965-2-220 ; 10 octobre 1973, ibid. 1974-1-8 et 28 avril 1982, Bull. crim. n° 107). Il n'est pas nécessaire qu'il y ait en outre dissipation.

Ainsi, il a été jugé qu'il y a détournement punissable lorsque le saisi a donné en gage à l'un de ses créanciers un des objets compris dans la saisie (Crim. 7 février 1844, Bull. crim. n° 54).

39. A été également sanctionnée l'aliénation des biens sans l'accord des créanciers (Cass. crim. 18 janvier 1950, JCP 1950 II 5422). Le délit, peut être constitué même s'il n'y a pas déplacement. Il en est ainsi lorsque le fonds de .commerce et ses accessoires est vendu à un tiers de bonne foi . à l'insu du créancier saisissant, même si les objets n'ont pas été déplacés de l'endroit où ils se trouvaient au moment de la saisie (Crim. 1er avril 1954, D. 1954.439).

Le délit est également constitué dès lors qu'une résistance non motivée et persévérante est opposée à la mise en demeure du créancier qui fait suite à la saisie (Cass. crim. 6 novembre 1956, Bull. crim. n° 71 1 )

C. L'ELEMENT MORAL

40. L'intention frauduleuse existe dès lors que le prévenu avait connaissance de la saisie (Cals : crim. 22 janvier 1953, Bull. crim. n° 23 ; 29 octobre 1957, ibid. n° 679 ; 25 mars 1958, ibid. n° 303 ; 28 avril 1982, ibid. n° 107).

SOUS-SECTION 4 :
Engagement de l'action

A. LA CONSTATATION DU DÉLIT

41. Le plus souvent, c'est à l'occasion de l'établissement d'un procès-verbal de vérification des biens saisis établi soit par l'officier. ministériel chargé de la vente dans. les conditions prévues à l'article 113 du décret du 31 juillet 1992, soit par un créancier du débiteur lors de son opposition à la première saisie diligentée par le créancier saisissant, qu'est constaté la disparition, la détérioration ou le détournement d'un des objets saisis confiés à la garde du débiteur ou d'un tiers.

42. Quel que soit la décision qui serait ultérieurement prise par le comptable public d'engager la procédure pénale dé détournement d'objets saisis, l'officier ministériel, qui constate, au moyen d'un procès-verbal, ce délit, a l'obligation aux termes de l'article 40 du Code de procédure pénale d'en informer sans délai le procureur de la République en lui transmettant ledit procès-verbal.

43. La prescription de l'action qui est de trois ans, court du jour où le détournement est commis, sauf si le saisissant démontre que des manœuvres frauduleuses l'ont empêché de connaître le délit. Dans ce cas, le point de départ de la prescription est le jour où le délit a pu être connu.

B. LA NATURE DE L'ACTION EN JUSTICE

44. Le détournement d'objets saisis constituant un délit, l'action en justice permet une condamnation pénale et comme telle, a un caractère d'exemplarité.

Toutefois, cette procédure vise également à l'allocation de dommages-intérêts au Trésor afin de compenser un préjudice qui ne saurait être confondu avec la créance, cause de la saisie (Cass. crim. 13 novembre 1969, Gaz. Pal. 1970.1.85 ; 11 octobre 1972, Bull. crim. 1972 n° 278 ; 9 juin 1980, ibid. 1980 n° 179).

45. Dans ces conditions, ces dommages-intérêts constituent une créance chirographaire, qui ne peut être recouvrée que par la mise en oeuvre de voies d'exécution de droit commun (saisie-attribution au lieu de l'avis à tiers détenteur).

C. LES CONSEQUENCES A L'EGARD DU TIERS ACQUEREUR DES BIENS RETOURNES

46. Le tiers acquéreur des meubles saisis qui ignorait la saisie et quia donc acheté de bonne foi est protégé par les dispositions de l'article 2279 du Code civil. Les créanciers saisissants et opposants ne pourront pas agir contre le tiers acquéreur, mais seulement poursuivre le débiteur saisi en dommages-intérêts lors de sa citation devant la juridiction pénale en détournement d'objets saisis.

47. En revanche, le tiers acquéreur qui connaissait l'existence de la saisie est réputé de mauvaise foi, et peut être obligé à restituer les meubles acquis, sans pouvoir exiger la. restitution par les créanciers saisissants et opposants du prix qu'il a payé au saisi, restitution qu'il ne pourrait même pas poursuivre contre lé saisi en raison de l'irrecevabilité de son action en application de l'adage « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ».

D. L'OPPORTUNITE D'ENGAGER L'ACTION

48. D'une manière générale, il apparaît inopportun d'alourdir par le biais d'une condamnation Pénale, le montant des restes à recouvrer d'un débiteur insolvable.

Le préjudice allégué par un comptable doit correspondre à la valeur des biens saisis et détournés mais si cette valeur est plus élevée que le montant de la créance fiscale, il ne saurait être supérieur à celle-ci.

49. Toutefois, sous ces réserves et lorsque parle détournement d'objets de valeur certaine, un redevable fait obstacle au recouvrement d'une créance d'un montant significatif, cette procédure peut utilement être engagée, compte tenu de son caractère d'exemplarité.

E. MISE EN OEUVRE DE L'ACTION

50. Cette action s'inscrit dans le cadre de l'action en recouvrement menée par le comptable en application de l'article L 252 du Livre des procédures fiscales. Le receveur des impôts est juridiquement compétent pour saisir le procureur de la République d'une plainte puis pour produire ensuite devant le tribunal de grande instance, statuant en matière correctionnelle, des conclusions de partie civile visant à obtenir la condamnation à des dommages-intérêts.

Le Sous-Directeur,

Marc WOLF

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