Jurisprudence : T. confl., 14-02-2000 , Conflit de la loi du 20 avril 1932 , n° 2929

T. confl., 14-02-2000 , Conflit de la loi du 20 avril 1932 , n° 2929

A9661AGW

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TRIBUNAL

DES CONFLITS

N° 2929

Conflit de la loi du 20 avril 1932

M. RATINET

M. Genevois

Rapporteur

M. de Caigny

Commissaire du Gouvernement

Séance du 17 janvier 2000

Lecture du 14 février 2000

TC 1

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRIBUNAL DES CONFLITS

Vu, enregistrée à son secrétariat le 22 avril 1994, la requête présentée pour M. Jean RATINET, demeurant 26, place des Vosges à Nancy (54 000), tendant à ce que le Tribunal, saisi par application de l'article 1er de la loi du 20 avril 1932 :

1° ) annule l'arrêt en date du 3 février 1992 par lequel la Cour d'appel de Nancy a confirmé le jugement en date du 14 novembre 1988 du tribunal de grande instance de Nancy l'ayant débouté de l'action engagée à l'encontre de la Caisse régionale d'assurance maladie du Nord-Est, de la société Groupe d'Assurances Nationales, de Mme le Docteur Genton-Deloge et de la société La Médicale de France pour obtenir réparation du préjudice consécutif à une erreur de transfusion sanguine ;

2° ) annule l'arrêt en date du 9 juillet 1992 par lequel la Cour administrative d'appel de Nancy, statuant sur le pourvoi introduit à l'encontre du jugement du tribunal administratif de Nancy du 28 mai 1991 et en tant que de besoin du jugement avant-dire-droit du même tribunal du 28 juillet 1989, s'est bornée, en conséquence de la mise en jeu à concurrence seulement d'un tiers de la responsabilité encourue par le Centre hospitalier régional de Nancy, à ne lui allouer qu'une indemnité de 49 524,67 F en réparation du préjudice causé par une erreur de transfusion sanguine dont il a été victime ;

3° ) condamne le Centre hospitalier régional de Nancy, seul ou "in solidum" avec Mme le Docteur Genton-Deloge, au paiement d'une indemnité de 1 589 911 F ainsi qu'à tous les dépens des procédures administrative et judiciaire ;

M. RATINET soutient que lors de l'opération chirurgicale pratiquée le 4 janvier 1984 dans la clinique de Traumatologie de Nancy, une erreur de transfusion sanguine imputable au Centre de transfusion sanguine dépendant du Centre hospitalier régional de Nancy lui a causé un grave préjudice; que cependant, il n'a pu en obtenir intégralement réparation dans la mesure où, d'une part, la juridiction administrative a limité la responsabilité encourue par le Centre hospitalier au tiers des conséquences dommageables au motif que la cause de l'accident incombait pour le surplus à la clinique alors que, d'autre part, la juridiction judiciaire a exonéré Mme Genton-Deloge, médecin-anesthésiste de la clinique, de toute responsabilité, au motif que le Centre de transfusion sanguine dépendant du Centre hospitalier était seul responsable de l'accident ; que ces décisions qui entraînent un déni de justice doivent être annulées ; que, statuant au fond, le Tribunal des Conflits devra déterminer si l'entière responsabilité de l'accident incombe au Centre hospitalier, dont l'agent a commis une faute en intervertissant les fiches du groupe sanguin, ou si une condamnation "in solidum" dudit Centre et de Mme Genton-Deloge doit être prononcée, cette dernière n'ayant pas procédé à toutes les vérifications qui s'imposaient ; que le préjudice subi comporte la perte de salaires (784 911 F), l'incapacité permanente partielle (550 000 F), le pretium doloris (100 000 F), le préjudice esthétique (50 000 F), le préjudice d'agrément (30 000 F) et le préjudice matériel (75 000 F), soit au total 1 589 911 F;

Vu, enregistré le 12 juillet 1994, le mémoire présenté par le ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville par lequel il est relevé que M. RATINET a été privé de la réparation intégrale d'un préjudice à laquelle il était en droit de prétendre ;

Vu, enregistrés le 30 décembre 1999, les mémoires présentés pour le Centre hospitalier régional de Nancy qui concluent, à titre principal, au rejet de la requête au motif que les conditions mises par la loi du 20 avril 1932 à la reconnaissance d'un déni de justice ne sont pas réunies, à titre subsidiaire, dans le même sens que les observations produites devant la juridiction administrative ;

Vu, enregistré le 10 janvier 2000, le mémoire présenté pour Mme le Docteur Deloge qui conclut, à titre principal, au rejet de la requête au motif que les conditions mises par la loi du 20 avril 1932 à la reconnaissance d'un déni de justice ne sont pas réunies, subsidiairement, à ce que le Centre hospitalier régional de Nancy soit condamné à réparer l'intégralité du préjudice subi par M. RATINET, plus subsidiairement, à ce que la caisse régionale d'assurance maladie du Nord-Est, commettant du Docteur Deloge, soit condamnée à réparer la part du préjudice subi par M. RATINET non imputable au Centre hospitalier régional de Nancy, plus subsidiairement encore, à ce que la caisse régionale d'assurance maladie du Nord-Est et la Compagnie GAN la garantissent des condamnations prononcées à son encontre ;

Vu, enregistré le 10 janvier 2000, le mémoire présenté pour la S.A. La Médicale de France, par lequel cette société fait savoir qu'elle couvrira, s'il y a lieu, Mme le Docteur Deloge pour le cas où une condamnation serait prononcée à son encontre en sa qualité de praticien de la clinique de traumatologie de Nancy ; qu'elle s'en rapporte à la sagesse du Tribunal ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des Conflits a été notifiée à la caisse régionale d'assurance maladie du Nord-Est, à la caisse primaire d'assurance maladie de Nancy et à la S.A. Groupe des assurances nationales, lesquelles n'ont pas produit d'observations

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III;

Vu la loi du 24 mai 1872;

Vu la loi du 20 avril 1932;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié;

Vu les articles 1147, 1153, 1153-1 et 1384 du code civil;

Vu les articles L. 376-1, L. 376-2 et R. 262-5 du code de la sécurité sociale;

Vu l'article 50 de la loi du 13 juillet 1930 repris sous l'article L. 124-1 du code des assurances, ensemble l'article L. 113-5 du même code tel que modifié par la loi n° 81-5 du 7 janvier 1981 ;

Vu les articles 547, 549, 564 et 700 du nouveau code de procédure civile;

Vu l'article 2 de la loi n° 52-854 du 21 juillet 1952, repris sous l'article L. 667 du code de la santé publique, ensemble la loi n° 61-846 du 2 août 1961, modifiant l'article L. 667 de ce code;

Vu l'article 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 54-65 du 16 janvier 1954 pris pour l'application du livre VI du code de la santé publique (articles L. 666 à L. 677) concernant l'utilisation thérapeutique du sang humain, de son plasma et de ses dérivés, modifié par le décret n° 58-829 du 8 septembre 1958 ;

Vu le décret n° 79-506 du 28 juin 1979 portant code de déontologie médicale;

Vu la circulaire n° 84 du 15 décembre 1965 du ministre de la santé et de la population relative à la prévention des accidents transfusionnels publiée au bulletin du ministère de la santé publique n° 65-52;

Après avoir entendu en séance publique:

  • le rapport de M. Genevois, membre du Tribunal;

  • les observations de la SCP Guiguet, Bachelier, de la Varde, avocat de M. Jean RATINET, celles de Me Vuitton et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocats du Centre hospitalier régional de Nancy et celles de la SCP Richard, Mandelkern, avocat tant de Mme Genton-Deloge que de la S.A. La Médicale de France;

  • les conclusions de M. de Caigny, Commissaire du gouvernement

Sur la recevabilité de la requête de M. Jean RATINE

Considérant que la loi du 20 avril 1932 n'a pas eu pour effet de modifier les attributions du Tribunal des Conflits sur le règlement des questions de compétence, telles qu'elles étaient déterminées par les textes antérieurs, mais seulement de lui attribuer, en outre, la connaissance des litiges au fond dans les cas prévus limitativement par l'article 1er de ladite loi ; que, d'après cet article, les décisions définitives rendues par les juridictions de l'ordre administratif et les tribunaux judiciaires dans les instances introduites devant ces deux ordres de juridiction pour des litiges portant sur le même objet peuvent être déférées au Tribunal lorsque lesdites décisions présentent contrariété conduisant à un déni de justice ; que ce dernier existe au sens de ladite loi lorsqu'un demandeur est mis dans l'impossibilité d'obtenir une satisfaction à laquelle il a droit, par suite d'appréciations inconciliables entre elles portées par les juridictions de chaque ordre, soit sur des éléments de fait, soit en fonction d'affirmations juridiques contradictoires ;

Considérant que M. Jean RATINET a été admis le 2 janvier 1984 à la clinique de traumatologie et d'orthopédie de Nancy, laquelle dépend de la caisse régionale d'assurance-maladie du Nord-Est, en vue de la pose d'une prothèse totale de la hanche droite ; que l'intéressé a fait l'objet le 3 janvier 1984 au matin d'un prélèvement sanguin effectué par une infirmière de cet établissement privé qui a été transmis sans délai au Centre régional de transfusion sanguine et d'hématologie dépendant du Centre hospitalier régional de Nancy, à charge pour le Centre de transfusion de procéder au groupage

du sang du patient ; que cette opération effectuée le jour même dans l'après-midi a fait apparaître que M. RATINET appartient au groupe O rhésus positif ; que le résultat du groupage n'a cependant pas été dactylographié au moment où il a été connu, vers 17 heures ; que lorsque le préposé de la clinique s'est présenté le 4 janvier 1984 peu après 6 heures au Centre de transfusion sanguine pour réclamer du sang correspondant au groupe sanguin de M. RATINET, l'interne de garde au Centre a interverti les résultats de groupages concernant ce dernier et un autre patient qui devait être opéré le même jour à la clinique traumatologique, de sorte qu'a été établie par erreur une fiche de liaison de couleur verte correspondant au groupe A rhésus positif pour le sang destiné à M. RATINET au lieu d'une fiche de liaison de couleur rouge correspondant au groupe O rhésus positif ; que Mme le Docteur Genton-Deloge, anesthésiste à la clinique traumatologique de Nancy a, vers 7 heures et quart, et alors que l'opération devait débuter à 8 heures, procédé à un unique test de compatibilité d'une des quatre poches de sang livrées, avec le sang de l'opéré sans qu'ait été décelée l'erreur qui avait été commise par le Centre de transfusion sanguine ; que l'injection au cours de l'opération de produits sanguins incompatibles a été à l'origine pour M. RATINET de graves complications dont il a demandé réparation ;

Considérant qu'à la suite d'une action engagée par M. RATINET devant le tribunal de grande instance de Nancy tendant à la condamnation in solidum de la caisse régionale d'assurance-maladie du Nord-Est dont dépend la clinique de traumatologie et de Mme le Docteur Genton-Deloge ainsi que de leurs assureurs respectifs, la société GAN et la société La Médicale de France, le tribunal a, par un jugement rendu le 14 novembre 1988, débouté le demandeur au motif qu'aucun manquement aux règles de l'art médical ne pouvait être reproché à l'anesthésiste de la clinique et que "la cause directe et exclusive de l'accident doit être recherchée dans la faute de l'interne du Centre de transfusion sanguine" ; que ce jugement a été confirmé en appel par un arrêt de la Cour de Nancy du 3 février 1992 qui a estimé, en outre, qu'aucun manquement ne pouvait non plus être relevé à l'encontre de la clinique au titre du contrat d'hospitalisation la liant à M. RATINET ; que le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté par un arrêt du 16 mars 1994 de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation ;

Considérant que, saisi par M. RATINET, le tribunal administratif de Nancy, par un jugement avant-dire-droit en date du 28 juillet 1989, tout en estimant que le Centre hospitalier régional de Nancy dont relève le Centre de transfusion sanguine avait commis une faute dans l'exécution de sa mission de service public en intervertissant les résultats de groupages en instance de dactylographie concernant M. RATINET, a néanmoins limité la part de la responsabilité de l'établissement public au tiers du préjudice subi par la victime au motif que ce préjudice était, pour le surplus, imputable au fait que l'anesthésiste de la clinique traumatologique de Nancy ne s'était pas pleinement assurée de la compatibilité du sang transfusé et de celui du patient alors qu'elle disposait du temps nécessaire pour procéder à un tel examen ; que, saisie d'un appel tant de ce jugement que d'un autre jugement du même tribunal en date du 28 mai 1991 fixant, après expertise, le montant de l'indemnité due à M. RATINET compte tenu des droits de la caisse primaire d'assurance-maladie, la cour administrative d'appel de Nancy a, par un arrêt du 9 juillet 1992, confirmé la décision des premiers juges limitant à un tiers la responsabilité du Centre hospitalier régional de Nancy ; que cet arrêt n'a pas fait l'objet d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat ;

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