Jurisprudence : CJCE, 04-02-1992, aff. C-243/90, The Queen c/ Secretary of State for Social Security, ex parte Florence Rose Smithson

CJCE, 04-02-1992, aff. C-243/90, The Queen c/ Secretary of State for Social Security, ex parte Florence Rose Smithson

A7284AHA

Référence

CJCE, 04-02-1992, aff. C-243/90, The Queen c/ Secretary of State for Social Security, ex parte Florence Rose Smithson. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/895880-cjce-04021992-aff-c24390-the-queen-c-secretary-of-state-for-social-security-ex-parte-florence-rose-s
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Cour de justice des Communautés européennes

4 février 1992

Affaire n°C-243/90

The Queen
c/
Secretary of State for Social Security, ex parte Florence Rose Smithson



61990J0243

Arrêt de la Cour (sixième chambre)
du 4 février 1992.

The Queen contre Secretary of State for Social Security, ex parte Florence Rose Smithson.

Demande de décision préjudicielle: High Court of Justice, Queen' s Bench Division - Royaume-Uni.

Égalité entre hommes et femmes - Sécurité sociale - Pensions d'invalidité - Allocations de logement.

Affaire C-243/90.

Recueil de Jurisprudence 1992 page I-0467

Politique sociale - Égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale - Champ d'application matériel de la directive 79/7 - Allocation de logement - Exclusion

(Directive du Conseil 79/7, art. 3, § 1)

L'article 3, paragraphe 1, de la directive 79/7, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, qui définit le champ d'application matériel de la directive, doit être interprété en ce sens qu'il ne vise pas un régime d'allocation de logement dont le montant est calculé en fonction du rapport entre un revenu théorique auquel a droit le bénéficiaire et son revenu effectif, même si des critères relatifs à la couverture de certains risques visés par la directive, tels que la maladie ou l'invalidité, sont retenus pour la détermination de ce revenu théorique.

Dans l'affaire C-243/90,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CEE, par la High Court of Justice, Queen' s Bench Division, et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

The Queen

Secretary of State for Social Security,

Ex parte : Florence Rose Smithson,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (JO 1979, L 6, p. 24),

LA COUR (sixième chambre),

composée de MM. F. A. Schockweiler, président de chambre, G. F. Mancini et C. n°. Kakouris, juges,

avocat général : M. G. Tesauro

greffier : Mme D. Louterman-Hubeau, administrateur principal

considérant les observations écrites présentées :

- pour Mme Florence Rose Smithson, par M. Nicholas Warren, solicitor,

- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. J. E. Collins, assistant treasury solicitor, en qualité d'agent, assisté de MM. Richard Plender, QC, et David Pannick, barrister,

- pour la Commission des Communautés européennes, par M. Nicholas Khan, membre du service juridique, en qualité d'agent,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de Mme Smithson, représentée par M. Richard Drabble, barrister, du gouvernement du Royaume-Uni et de la Commission à l'audience du 26 septembre 1991,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 20 novembre 1991,

rend le présent

Arrêt

1 Par ordonnance du 26 juin 1990, parvenue à la Cour le 9 août suivant, la High Court of Justice, Queen' s Bench Division, a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, deux questions préjudicielles sur l'interprétation de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (JO 1979, L 6, p. 24).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant Mme Florence Rose Smithson au Secretary of State for Social Security au sujet de la détermination du montant d'une allocation de logement accordée à l'intéressée.

3 Il ressort du dossier de l'affaire au principal qu'au Royaume-Uni une allocation de logement est versée, en vertu du Social Security Act 1986, aux personnes dont le revenu effectif est inférieur à un revenu théorique appelé "montant applicable ". Un des facteurs de majoration retenus pour la détermination de ce "montant applicable" est constitué par la "prime majorée pour retraités" (ci-après "prime majorée "), dont le bénéfice est reconnu, entre autres, à la personne vivant seule, âgée d'au moins 60 ans et de moins de 80 ans et qui bénéficie d'une ou de plusieurs autres prestations de sécurité sociale, dont, notamment, une pension d'invalidité.

4 La pension d'invalidité est versée, en vertu du Social Security Act 1975, jusqu'à ce que le bénéficiaire ait atteint l'âge de la retraite, fixé à 60 ans pour les femmes et à 65 ans pour les hommes. Lorsqu'une personne a dépassé cet âge, mais a conservé un emploi régulier, la pension d'invalidité lui est également due pendant une période de cinq ans suivant la date à laquelle cette personne a atteint l'âge de la retraite. Une personne qui a pris sa retraite, mais n'a pas atteint, pour une femme, l'âge de 65 ans ou, pour un homme, l'âge de 70 ans, peut quitter le régime de la retraite en vue d'obtenir la pension d'invalidité.

5 Mme Florence Rose Smithson a cessé, à l'âge de 60 ans, de bénéficier de la pension d'invalidité qu'elle percevait jusqu'alors. La prime majorée lui a été refusée au motif qu'elle ne remplissait pas la condition supplémentaire de percevoir une pension d'invalidité. Étant donné qu'elle avait 67 ans, Mme Smithson n'a pas davantage pu invoquer le droit de quitter le régime de la retraite au profit de celui de l'invalidité.

6 Saisie d'un recours introduit par l'intéressée contre le refus des autorités britanniques de lui accorder la prime majorée, la High Court of Justice, Queen' s Bench Division, a décidé de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice ait répondu aux questions préjudicielles suivantes :

"1) L'impossibilité, pour une femme âgée de 65 à 70 ans, de bénéficier du taux de prestation plus élevé accordé aux retraités sur la base du point 10 (1) (b) (i) de l'annexe 2 des Housing Benefit (General) Regulations 1987 est-elle contraire à l'article 4 de la directive 79/7/CEE du Conseil?

2) Une femme âgée de 65 à 70 ans est-elle en droit, en vertu des dispositions combinées de l'article 2 du European Communities Act 1972 et de l'article 4 de la directive 79/7/CEE du Conseil, de renoncer au régime de retraite en application de l'article 30 (3) du Social Security Act 1975, de bénéficier (si les autres conditions sont remplies) de la prestation d'invalidité au titre de l'article 15 du même Act, et d'obtenir le taux de prestation plus élevé accordé aux retraités sur la base du point 10 (1) (b) (i) de l'annexe 2 des Housing Benefit (General) Regulations 1987?"

7 Par ordonnance du 24 janvier 1992, la Cour (deuxième chambre) a admis les exécuteurs testamentaires de la requérante au principal, entre-temps décédée, au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite.

8 Pour un plus ample exposé des faits de l'affaire au principal, du déroulement de la procédure et des observations écrites présentées à la Cour, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

9 A titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, celle-ci n'est pas compétente, dans le cadre de l'application de l'article 177 du traité, pour statuer sur la compatibilité d'une disposition nationale avec le droit communautaire. La Cour peut cependant dégager du libellé des questions formulées par le juge national, eu égard aux données exposées par celui-ci, les éléments relevant de l'interprétation du droit communautaire, en vue de permettre à ce juge de résoudre le problème juridique dont il se trouve saisi (voir, en particulier, arrêt du 11 juin 1987, Pretore di Salò/X., 14/86, Rec. p. 2545).

10 Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que, par sa première question, la juridiction nationale cherche à savoir si l'article 3, paragraphe 1, de la directive 79/7, précitée, doit être interprété en ce sens qu'il vise un régime d'allocation de logement dont le montant est calculé en fonction du rapport entre un revenu théorique auquel a droit le bénéficiaire et son revenu effectif, si des critères relatifs à la couverture de certains risques visés par la directive, tels que la maladie ou l'invalidité, sont retenus pour la détermination de ce revenu théorique.

11 A cet égard, il convient d'observer que, selon les premier et deuxième considérants de la directive 79/7, celle-ci vise la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale.

12 Selon le libellé de l'article 3, paragraphe 1, cette directive s'applique aux régimes légaux qui assurent une protection contre, entre autres, le risque d'invalidité ou de vieillesse, et aux dispositions concernant l'aide sociale dans la mesure où elles sont destinées à compléter le régime d'invalidité. Ainsi, une prestation doit constituer tout ou partie d'un régime légal de protection contre un des risques énumérés ou une forme d'aide sociale ayant le même but, pour entrer dans le champ d'application de la directive 79/7 (arrêt du 24 juin 1986, Drake, point 21, 150/85, Rec. p. 1995).

13 Dans l'arrêt précité, point 24, la Cour a jugé qu'une prestation relevait du régime légal de protection contre l'invalidité, malgré le fait qu'elle ait été versée, en partie, personnellement à un invalide et, en partie, à la personne qui lui prodiguait les soins; elle a souligné, à cet égard, que le versement de la prestation à la personne qui prodiguait les soins restait dépendant de l'existence d'une situation d'invalidité, en ce sens que cette dernière constituait une condition sine qua non de son attribution et a relevé le lien économique évident qui rattachait cette prestation à l'invalide, étant donné que celui-ci tirait un avantage du fait que la personne qui l'assistait bénéficiait d'une aide.

14 Il convient, dès lors, de relever que, si les modalités d'allocation ne sont pas décisives pour qualifier une prestation au regard de la directive 79/7, il n'en faut pas moins que cette prestation, pour relever du champ d'application de cette directive, soit liée directement et effectivement à la protection contre l'un quelconque des risques énumérés à son article 3, paragraphe 1.

15 Or, il y a lieu de constater que l'article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 79/7 ne vise pas des régimes légaux qui tendent à garantir à toute personne dont le revenu effectif est inférieur à un revenu théorique, établi d'après certains critères, une allocation spéciale lui permettant de faire face à ses frais de logement.

16 L'âge et l'invalidité du bénéficiaire ne constituent que deux des critères retenus pour déterminer les besoins financiers du bénéficiaire d'une telle allocation. Le fait que ces critères sont déterminants pour l'octroi d'une allocation majorée ne suffit pas pour faire entrer cette allocation dans le champ d'application de la directive 79/7.

17 Une telle majoration constitue, en effet, une composante inséparable de la prestation considérée dans son ensemble, qui est destinée à compenser l'insuffisance des moyens d'existence du bénéficiaire, en ce qui concerne les frais de logement, et ne saurait être analysée comme un régime autonome destiné à assurer une protection contre certains des risques énumérés à l'article 3, paragraphe 1, de la directive 79/7.

18 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la première question posée par la High Court, Queen' s Bench Division, que l'article 3, paragraphe 1, de la directive 79/7 doit être interprété en ce sens qu'il ne vise pas un régime d'allocation de logement dont le montant est calculé en fonction du rapport entre un revenu théorique auquel a droit le bénéficiaire et son revenu effectif, même si des critères relatifs à la couverture de certains risques visés par la directive, tels que la maladie ou l'invalidité, sont retenus pour la détermination de ce revenu théorique.

19 La seconde question portant, ainsi que la Commission l'a souligné dans ses observations, uniquement sur les moyens grâce auxquels la demanderesse au principal peut faire valoir ses droits en cas de réponse affirmative à la première question, il n'y a pas lieu d'y répondre.

Sur les dépens

20 Les frais exposés par le gouvernement du Royaume-Uni et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par la High Court of Justice, Queen' s Bench Division, par ordonnance du 26 juin 1990, dit pour droit :

L'article 3, paragraphe 1, de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, doit être interprété en ce sens qu'il ne vise pas un régime d'allocation de logement dont le montant est calculé en fonction du rapport entre un revenu théorique auquel a droit le bénéficiaire et son revenu effectif, même si des critères relatifs à la couverture de certains risques visés par la directive, tels que la maladie ou l'invalidité, sont retenus pour la détermination de ce revenu théorique.

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