Jurisprudence : Décision n°98-408 DC du 22-01-1999

Décision n°98-408 DC du 22-01-1999

A8770ACS

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Abstract

Pour l'instant, uniquement annoncée à l'occasion d'un discours du garde des Sceaux, la réforme du statut pénal du chef de l'Etat pourrait devenir rapidement - voire très rapidement - une réalité : en effet, le texte devrait être très prochainement présenté en Conseil des ministres et le président de la République, Jacques Chirac, devrait en faire l'annonce lors de son discours du 14 juillet.

CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Décision n°98-408 DC du 22-01-1999


Publié au Journal officiel du 24 janvier 1999, p. 1317


Traité portant statut de la Cour pénale internationale


Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 24 décembre 1998, par le Président de la République et le Premier ministre, conformément à l'article 54 de la Constitution, de la question de savoir si, compte tenu des engagements souscrits par la France, l'autorisation de ratifier le traité portant statut de la Cour pénale internationale signé à Rome le 18 juillet 1998 doit être précédée d'une révision de la Constitution ;

Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;

Vu le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 18, alinéa 2, 19 et 20 ;

Vu le décret du 2 décembre 1910 portant promulgation de la Convention concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, signée à La Haye le 18 octobre 1907 et le règlement annexé concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre ;

Vu le décret du 22 août 1928 promulguant le Protocole concernant la prohibition d'emploi à la guerre des gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques, signé à Genève le 17 juin 1925 ;

Vu le décret n° 45-2267 du 6 octobre 1945 portant promulgation de l'accord entre le Gouvernement provisoire de la République française et les gouvernements des Etats-Unis d'Amérique, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et de l'Irlande du Nord, et de l'Union des républiques socialistes soviétiques concernant la poursuite et le châtiment des grands criminels de guerre des puissances européennes de l'axe, signé à Londres le 8 août 1945, ensemble le statut du tribunal militaire international ;

Vu le décret n° 46-35 du 4 janvier 1946 portant promulgation de la Charte des Nations unies contenant le statut de la Cour internationale de justice, signée à San Francisco le 26 juin 1945 ;

Vu le décret n° 50-1449 du 24 novembre 1950 portant publication de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide approuvée par l'assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1948 ;

Vu le décret n° 52-253 du 28 février 1952 portant publication de la Convention relative au traitement des prisonniers de guerre, de la Convention relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, de la Convention pour l'amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer, de la Convention pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne, signées à Genève le 12 août 1949 ;

Vu la loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964 tendant à constater l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité ;

Vu la loi n° 83-1130 du 23 décembre 1983 autorisant l'adhésion de la République française au protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (protocole II), adopté à Genève le 8 juin 1977, ensemble le décret n° 84-727 du 17 juillet 1984 portant publication de ce protocole ;

Vu la loi n° 87-1134 du 31 décembre 1987 autorisant la ratification d'une convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination (ensemble les protocoles I et II), conclue à Genève le 10 octobre 1980, ensemble le décret n° 88-1021 du 2 novembre 1988 portant publication de cette convention ;

Vu la loi n° 90-548 du 2 juillet 1990 autorisant la ratification de la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990, ensemble le décret n° 90-917 du 8 octobre 1990 portant publication de cette convention ;

Vu la loi n° 95-1 du 2 janvier 1995 portant adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution 827 du Conseil de sécurité des Nations unies instituant un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991 ;

Vu la loi n° 96-432 du 22 mai 1996 portant adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution 955 du Conseil de sécurité des Nations unies instituant un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis en 1994 sur le territoire du Rwanda et, s'agissant de citoyens rwandais, sur le territoire d'Etats voisins ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Sur le contenu de l'engagement international soumis au Conseil constitutionnel :
Considérant que le traité, signé à Rome le 18 juillet 1998, porte création de la Cour pénale internationale et en définit le statut ;
qu'il précise que cette Cour, de caractère permanent et dotée de la personnalité juridique internationale, peut exercer sa compétence à l'égard des crimes les plus graves, commis par des personnes physiques, qui touchent l'ensemble de la communauté internationale et qui, suivant les termes du préambule du traité, sont de nature à menacer " la paix, la sécurité et le bien-être du monde " ;
que le traité indique que la Cour, qui peut exercer ses fonctions et ses pouvoirs sur le territoire des Etats parties, " est complémentaire des juridictions criminelles nationales " ;
qu'il stipule que la Cour " est liée aux Nations unies par un accord qui doit être approuvé par l'Assemblée des Etats parties au présent statut, puis conclu par le président de la Cour au nom de celle-ci " ;
qu'il incombera à l'Assemblée des Etats parties d'adopter, à la majorité des deux tiers de ses membres, le règlement de procédure et de preuve la concernant ;

Considérant que la Cour, qui aura son siège à La Haye, aux Pays-Bas, " Etat hôte ", est composée en particulier d'une section préliminaire, d'une section de première instance et d'une section des appels ;
que les juges, au nombre de dix-huit au moins, sont élus par l'Assemblée des Etats parties, pour un mandat de neuf ans ;
que la section des appels est composée du président et de quatre juges, la section de première instance et la section préliminaire étant, quant à elles, composées de six juges au moins ;
que les fonctions judiciaires de la Cour sont exercées dans chaque section par des chambres ;
que les juges exercent leurs fonctions en toute indépendance et ne sont pas rééligibles ;
qu'ils adoptent, à la majorité absolue, le règlement nécessaire au fonctionnement quotidien de la Cour ;

Considérant que les autres organes de la Cour sont le bureau du procureur et le greffe ;
que le bureau du procureur, composé du procureur, qui le dirige, et des procureurs adjoints, " agit indépendamment en tant qu'organe distinct au sein de la Cour " ;
que les procureurs sont élus par l'Assemblée des Etats parties et exercent leurs fonctions pendant neuf ans ;
qu'ils ne sont pas rééligibles ;
qu'enfin, le greffe, dirigé par un greffier, est responsable des aspects non judiciaires de l'administration et du service de la Cour ;

Considérant qu'un Etat partie ou le Conseil de sécurité agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations unies peut déférer au procureur une situation dans laquelle des crimes relevant de la compétence de la Cour paraissent avoir été commis ;
qu'en outre, le procureur peut ouvrir une enquête au vu de renseignements concernant les mêmes crimes si la chambre préliminaire, après examen des éléments justificatifs qu'il a recueillis, lui en donne l'autorisation ;

Considérant que la chambre préliminaire, après ouverture d'une enquête, est seule compétente pour prendre, sur requête du procureur, des mesures restrictives ou privatives de liberté, telles que la délivrance d'un mandat d'arrêt ou d'une citation à comparaître ;
que ladite chambre dispose d'un pouvoir général de suivi des enquêtes et poursuites diligentées par le procureur ;
que ce pouvoir s'exerce notamment en matière de preuve, s'agissant de recueillir, d'examiner ou de vérifier certains éléments de preuve aux fins d'un procès à la demande du procureur ou à celle de la personne poursuivie ;
que, dans un délai raisonnable après la remise de la personne à la Cour, il appartient à la chambre préliminaire de confirmer éventuellement les charges sur lesquelles le procureur entend se fonder pour requérir le renvoi en jugement ;
qu'elle tient à cette fin une audience, en présence du procureur et de la personne concernée, au cours de laquelle elle s'assure qu'" il existe des preuves suffisantes donnant des raisons sérieuses de croire que la personne a commis chacun des crimes qui lui sont imputés " ;
qu'à défaut de telles preuves, elle peut soit ne pas confirmer lesdites charges, soit demander au procureur une modification des charges ou un supplément d'enquête ;

Considérant que le procès ne commence devant la chambre de première instance qu'après la confirmation des charges ;
qu'en cas de verdict de culpabilité, la chambre de première instance fixe la peine à appliquer ;
qu'il peut être fait appel de la décision ainsi rendue devant la chambre d'appel qui a les mêmes pouvoirs que la chambre de première instance ;
que la chambre d'appel peut annuler ou modifier la décision ou la condamnation ou ordonner un nouveau procès devant une chambre de première instance différente ;

Considérant que les peines d'emprisonnement prononcées par la Cour sont exécutées dans un Etat désigné par celle-ci sur la liste des Etats ayant fait savoir qu'ils sont disposés à recevoir des condamnés ;
que, si aucun Etat n'est désigné, la peine est exécutée " dans un établissement pénitentiaire fourni par l'Etat hôte " ;
que la Cour contrôle l'exécution des peines d'emprisonnement ;

Sur les normes de référence applicables :
Considérant que le peuple français a, par le préambule de la Constitution de 1958, proclamé solennellement " son attachement aux droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946 " ;
qu'il ressort, par ailleurs, du préambule de la Constitution de 1946 que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d'asservissement et de dégradation est un principe de valeur constitutionnelle ;

Considérant que, dans son article 3, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen énonce que " le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation " ;
que l'article 3 de la Constitution de 1958 dispose, dans son premier alinéa, que " la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum " ;

Considérant que le préambule de la Constitution de 1946 proclame, dans son quatorzième alinéa, que la République française se " conforme aux règles du droit public international " et, dans son quinzième alinéa, que " sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix " ;

Considérant que, dans son article 53, la Constitution de 1958 consacre, comme le faisait l'article 27 de la Constitution de 1946, l'existence de " traités ou accords relatifs à l'organisation internationale " ;
qu'en vertu de l'article 55 de la Constitution de 1958 :
" Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie " ;

Considérant qu'il résulte de ces textes de valeur constitutionnelle que le respect de la souveraineté nationale ne fait pas obstacle à ce que, sur le fondement des dispositions précitées du préambule de la Constitution de 1946, la France puisse conclure des engagements internationaux en vue de favoriser la paix et la sécurité du monde et d'assurer le respect des principes généraux du droit public international ;
que les engagements souscrits à cette fin peuvent en particulier prévoir la création d'une juridiction internationale permanente destinée à protéger les droits fondamentaux appartenant à toute personne humaine, en sanctionnant les atteintes les plus graves qui leur seraient portées, et compétente pour juger les responsables de crimes d'une gravité telle qu'ils touchent l'ensemble de la communauté internationale ;
qu'eu égard à cet objet, les obligations nées de tels engagements s'imposent à chacun des Etats parties indépendamment des conditions de leur exécution par les autres Etats parties ;
qu'ainsi, la réserve de réciprocité mentionnée à l'article 55 de la Constitution n'a pas lieu de s'appliquer ;

Considérant, toutefois, qu'au cas où ces engagements contiennent une clause contraire à la Constitution, mettent en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis ou portent atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, l'autorisation de les ratifier appelle une révision constitutionnelle ;

Considérant que c'est au regard de ces principes qu'il revient au Conseil constitutionnel de procéder à l'examen du traité portant statut de la Cour pénale internationale, signé à Rome le 18 juillet 1998 ;

Sur le respect des dispositions de la Constitution relatives à la responsabilité pénale des titulaires de certaines qualités officielles :
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 27 du statut :
" Le présent statut s'applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier, la qualité officielle de chef d'Etat ou de gouvernement, de membre d'un gouvernement ou d'un parlement n'exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent statut, pas plus qu'elle ne constitue en tant que telle un motif de réduction de la peine " ;
qu'il est ajouté, au 2 de l'article 27, que " les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s'attacher à la qualité officielle d'une personne, en vertu du droit interne ou du droit international, n'empêchent pas la Cour d'exercer sa compétence à l'égard de cette personne " ;

Considérant qu'il résulte de l'article 68 de la Constitution que le Président de la République, pour les actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions et hors le cas de haute trahison, bénéficie d'une immunité ;
qu'au surplus, pendant la durée de ses fonctions, sa responsabilité pénale ne peut être mise en cause que devant la Haute Cour de justice, selon les modalités fixées par le même article ;
qu'en vertu de l'article 68-1 de la Constitution, les membres du Gouvernement ne peuvent être jugés pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions que par la Cour de justice de la République ;

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