Jurisprudence : Décision n°96-383 DC du 06-11-1996

Décision n°96-383 DC du 06-11-1996

A8346AC4

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CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Décision n°96-383 DC du 06-11-1996


Publié au Journal officiel du 13 novembre 1996, p. 16531
Rec. p. 128

LOI RELATIVE À L'INFORMATION ET À LA CONSULTATION DES SALARIÉS DANS LES ENTREPRISES ET LES GROUPES D'ENTREPRISES DE DIMENSION COMMUNAUTAIRE, AINSI QU'AU DÉVELOPPEMENT DE LA NÉGOCIATION COLLECTIVE


Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 10 octobre 1996, par MM Laurent Fabius, Léon Andy, Gilbert Annette, Jean-Marc Ayrault, Jean-Pierre Balligand, Claude Bartolone, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Michel Berson, Jean-Claude Bois, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Didier Boulaud, Jean-Pierre Braine, Mme Frédérique Bredin, MM Laurent Cathala, Henri d'Attilio, Camille Darsières, Mme Martine David, MM Bernard Davoine, Jean-Pierre Defontaine, Maurice Depaix, Bernard Derosier, Michel Destot, Julien Dray, Pierre Ducout, Dominique Dupilet, Jean-Paul Durieux, Henri Emmanuelli, Jean-Jacques Filleul, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Fromet, Kamilo Gata, Pierre Garmendia, Jean Glavany, Jacques Guyard, Jean-Louis Idiart, Maurice Janetti, Serge Janquin, Charles Josselin, Jean-Pierre Kucheida, André Labarrère, Jean-Yves Le Déaut, Louis Le Pensec, Alain Le Vern, Martin Malvy, Marius Masse, Didier Mathus, Louis Mexandeau, Didier Migaud, Mme Véronique Neiertz, MM Michel Pajon, Paul Quilès, Alain Rodet, Mme Ségolène Royal, MM Jean-Marc Salinier, Roger-Gérard Schwartzenberg, Bernard Seux, Henri Sicre, Patrice Tirolien et Daniel Vaillant députés, et le 16 octobre 1996, par MM Claude Estier, Guy Allouche, François Autain, Germain Authié, Mmes Monique Ben Guiga, Maryse Bergé-Lavigne, MM Jean Besson, Pierre Biarnès, Marcel Bony, Jean-Louis Carrère, Robert Castaing, Francis Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Michel Charasse, Marcel Charmant, Michel Charzat, William Chervy, Roland Courteau, Rodolphe Désiré, Marcel Debarge, Bertrand Delanoë, Gérard Delfau, Jean-Pierre Demerliat, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, M Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, MM Léon Fatous, Aubert Garcia, Claude Haut, Roland Huguet, Dominique Larifla, Philippe Madrelle, Jacques Mahéas, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Pierre Mauroy, Georges Mazars, Jean-Luc Mélenchon, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Jean-Marc Pastor, Guy Penne, Jean Peyrafitte, Jean-Claude Peyronnet, Bernard Piras, Mmes Danièle Pourtaud, Gisèle Printz, MM Paul Raoult, René Régnault, Roger Rinchet, Gérard Roujas, René Rouquet, Claude Saunier, Michel Sergent, Franck Sérusclat, René-Pierre Signé, Fernand Tardy, André Vezinhet, Marcel Vidal et Henri Weber, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi relative à l'information et à la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire ainsi qu'au développement de la négociation collective ;

Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu le code du travail ;

Vu les observations du Gouvernement enregistrées le 23 octobre 1996 ;

Vu le mémoire en réplique, présenté par les députés auteurs de la première saisine, enregistré le 28 octobre 1996 ;

Vu le mémoire en réplique, présenté par les sénateurs auteurs de la seconde saisine, enregistré le 29 octobre 1996 ;

Vu les nouvelles observations du Gouvernement enregistrées le 5 novembre 1996 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Considérant que les députés et les sénateurs auteurs respectivement de la première et de la seconde saisines défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à l'information et à la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire, ainsi qu'au développement de la négociation collective, en contestant la conformité à la Constitution des dispositions de son article 6 dont l'objet est de prendre en compte les stipulations de l'accord national interprofessionnel relatif aux négociations collectives conclu le 31 octobre 1995 ;

Sur les I à IV de l'article 6 de la loi :
Considérant que le I de l'article 6 de la loi déférée permet la conclusion, dans certaines conditions, d'accords de branche, négociés en commission composée des représentants des organisations syndicales d'employés et de salariés représentatives, pouvant déroger aux dispositions des articles L 132-2, L 132-19 et L 132-20 du code du travail qui réservent aux organisations syndicales de salariés représentatives le droit de participer à la négociation de conventions ou d'accords collectifs de travail ;
que ces accords de branche pourront ainsi prévoir, en vertu du II de l'article 6, pour certains thèmes qu'ils fixeront, qu'en l'absence de délégués syndicaux dans l'entreprise, ou de délégués du personnel faisant fonction de délégué syndical dans les entreprises de moins de cinquante salariés, les représentants élus du personnel négocient la mise en uvre des mesures dont l'application est légalement subordonnée à un accord collectif ;
qu'en application des dispositions du III de l'article 6, les accords de branche pourront également prévoir que, dans ces entreprises, des accords collectifs soient conclus par un ou plusieurs salariés expressément mandatés, pour une négociation déterminée, par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ;
que les accords de branche préciseront alors les modalités de protection de ces salariés ;
qu'en vertu du IV, les accords de branche prévus aux I à III détermineront également les seuils d'effectifs en deçà desquels les formes dérogatoires de négociation qu'ils prévoient seront applicables ;

Considérant qu'à titre liminaire les députés, auteurs de la première saisine, soulignent que font " partie intégrante de l'ordre constitutionnel français le principe de la négociation collective des conditions de travail et celui de la représentation des travailleurs par l'intermédiaire de leurs délégués " et soutiennent que le principe de représentativité et un principe qu'ils intitulent " principe de faveur " sont des " principes fondateurs de la démocratie sociale " ;
que le premier principe garantirait la participation des organisations syndicales reconnues représentatives à la négociation collective entre les partenaires sociaux et qu'en vertu du second, une convention collective ou un accord collectif de travail ne pourraient qu'améliorer la situation des travailleurs par rapport aux dispositions prévues par la loi et les règlements ou aux stipulations de portée plus large ;
que, pour leur part, les sénateurs auteurs de la seconde saisine se prévalent également de la valeur constitutionnelle de ces principes ;
qu'ils soutiennent notamment à cette fin que le principe dit " principe de faveur " aurait le caractère d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République ;

Considérant, en premier lieu, que les députés et les sénateurs, auteurs respectivement de la première et de la seconde saisines, font valoir qu'il appartient au législateur de déterminer les conditions et garanties de la mise en uvre du principe constitutionnel qu'est le droit à la participation des salariés par l'intermédiaire de leurs délégués à la détermination collective des conditions de travail, posé par le huitième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;
qu'ils soutiennent, d'une part, qu'en ne soumettant pas l'intervention des partenaires sociaux au respect de garanties claires et précises assurant la mise en uvre dudit principe, le législateur n'a pas exercé la totalité des compétences qu'il tient de l'article 34 de la Constitution ;
que, selon les députés requérants, le législateur aurait en particulier dû fixer le seuil d'effectifs en deçà duquel les procédures dérogatoires au droit commun de la négociation collective instaurées par la loi déférée seront applicables ;
que les députés et les sénateurs auteurs des saisines font valoir, d'autre part, que le III de l'article 6 de la loi déférée, en laissant toute latitude aux partenaires sociaux, dans le cadre des accords de branche, pour faire ou non bénéficier du régime protecteur de l'autorisation administrative de licenciement ou de garanties équivalentes les salariés mandatés pour conclure dans les conditions fixées par la loi des accords collectifs, méconnaît l'article 34 de la Constitution, alors que l'existence d'un tel statut constitue une garantie fondamentale de la mise en uvre du droit proclamé par le huitième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;
que les sénateurs soulignent que la représentativité des délégués ne pourrait être garantie que par leur indépendance à l'égard de l'employeur ;
qu'en outre, selon eux, par cette délégation faite aux accords de branche, le législateur aurait méconnu le principe d'égalité devant la loi, en permettant la mise en place de régimes de protection différents selon les entreprises ;

Considérant, en deuxième lieu, que les auteurs des saisines soutiennent que l'article 6 porte atteinte au principe dit de " faveur " ;
que selon eux les dérogations susceptibles d'être apportées à ce principe doivent en tout état de cause demeurer exceptionnelles et être encadrées strictement par la loi, à laquelle il appartient de déterminer les principes fondamentaux du droit du travail et du droit syndical ;
qu'ils font ainsi valoir que la loi devait en particulier déterminer avec précision l'objet et les modalités des dérogations à ce principe ;
qu'ils estiment que ces exigences ne sont pas satisfaites en raison de l'absence de précision des domaines où pourront être conclus des accords dérogeant aux règles légales, dans un sens moins favorable aux salariés ;

Considérant, en outre, que, selon les députés et sénateurs auteurs des requêtes, les dispositions contestées seraient contraires au principe constitutionnel d'égalité devant la loi ;
qu'en effet elles entraîneraient des ruptures d'égalité à l'intérieur d'une même branche d'activité, en faisant dépendre l'étendue des droits des salariés au sein des entreprises de la conclusion d'accords collectifs dérogatoires au droit commun de la négociation collective, le législateur n'encadrant pas le pouvoir de négociation des parties aux accords de branche et d'entreprise par la fixation de critères précis susceptibles de justifier des différences de traitement ;

Considérant, enfin, que les députés auteurs de la première saisine font valoir que, de manière générale, le législateur ne pourrait porter atteinte à des droits sociaux qu'il aurait précédemment garantis ;

En ce qui concerne les normes de constitutionnalité applicables au contrôle des dispositions contestées :
Considérant qu'aux termes du sixième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 :
" Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale " ;
qu'aux termes du huitième alinéa du même préambule :
" Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises. " ;
que si ces dispositions confèrent aux organisations syndicales vocation naturelle à assurer, notamment par la voie de la négociation collective, la défense des droits et intérêts des travailleurs, elles n'attribuent pas pour autant à celles-ci un monopole de la représentation des salariés en matière de négociation collective ;
que des salariés désignés par la voie de l'élection ou titulaires d'un mandat assurant leur représentativité peuvent également participer à la détermination collective des conditions de travail dès lors que leur intervention n'a ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à celle des organisations syndicales représentatives ;

Considérant qu'il découle par ailleurs de l'article 34 de la Constitution que relève du domaine de la loi la détermination des principes fondamentaux du droit du travail et du droit syndical ;
que c'est au législateur qu'il revient de déterminer, dans le respect des dispositions à valeur constitutionnelle ci-dessus rappelées, les conditions et garanties de la mise en uvre de ces dernières ;
qu'il lui est loisible, dans le domaine de compétence qui est le sien, de compléter ou d'abroger des dispositions antérieures sous réserve de ne pas priver de garanties légales des principes constitutionnels ;
que relève de ces garanties la détermination d'un statut de nature à permettre aux personnes conduites à conclure des accords collectifs l'exercice normal de leurs fonctions en toute indépendance par rapport à leur employeur ;

En ce qui concerne les I et IV de l'article 6 :
Considérant, d'une part, que les dispositions contestées n'ont pas pour objet de modifier les règles de fond relatives à la conclusion de conventions ou d'accords collectifs dérogatoires moins favorables aux salariés que des dispositions législatives et réglementaires ou des accords en vigueur ;
qu'elles se bornent à prévoir des procédures nouvelles de conclusion de conventions ou d'accords collectifs de travail ;
que dès lors le grief tiré de la méconnaissance du principe dit " de faveur " invoqué par les requérants manque en fait ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes du IV de l'article 6 :
" Les accords de branche prévus aux I à III détermineront également le seuil d'effectifs en deçà duquel les formules dérogatoires de négociation qu'ils retiennent seront applicables " ;
que la possibilité ainsi prévue pour les partenaires sociaux de déroger au droit commun de la négociation collective revêt un caractère expérimental ainsi qu'il ressort des dispositions mêmes du I de l'article 6, les accords de branche devant être négociés et conclus avant le 31 octobre 1998, pour une durée n'excédant pas trois ans ;
que par ailleurs il résulte du VII du même article que le Gouvernement devra présenter au Parlement, avant le 31 décembre 1998, un rapport sur l'application de l'article 6, en tenant compte du bilan qui sera fait conformément à l'accord interprofessionnel du 31 octobre 1995 précité par les parties signataires dudit accord, dans les différentes branches d'activité après consultation des organisations professionnelles et syndicales représentatives au niveau interprofessionnel ;

Considérant que la fixation des seuils d'effectifs, eu égard à ses conséquences sur le champ d'application des procédures de conclusion d'accords collectifs de travail, relève en principe de la compétence que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution en matière de principes fondamentaux du droit du travail ;
que celui-ci pouvait toutefois, sans méconnaître sa compétence, renvoyer aux accords de branche la détermination de ces seuils, sous la réserve que les procédures nouvelles de négociation ne pourraient intervenir qu'en l'absence de délégués syndicaux ou de délégués du personnel faisant fonction de délégué syndical, dès lors que la latitude ainsi laissée aux acteurs de la négociation collective devrait lui permettre d'adopter par la suite des règles nouvelles appropriées au terme d'une durée réduite d'expérimentation et d'une évaluation des pratiques qui en sont résultées ;

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