Jurisprudence : Décision n°96-373 DC du 09-04-1996

Décision n°96-373 DC du 09-04-1996

A8338ACS

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CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Décision n°96-373 DC du 09-04-1996


Publié au Journal officiel du 13 avril 1996, p. 5724
Rec. p. 43

LOI ORGANIQUE PORTANT STATUT D'AUTONOMIE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE


Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 15 mars 1996, par le Premier ministre, conformément aux dispositions des articles 46 et 61, alinéa 1, de la Constitution, de la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;

Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment les articles figurant au chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu la loi du 1er juillet 1901 modifiée relative au contrat d'association ;

Vu la loi n° 84-820 du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Polynésie française ;

Vu la loi n° 85-1405 du 30 décembre 1985 tendant à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions électives par les parlementaires ;

Vu la loi n° 87-556 du 16 juillet 1987 relative au transfert de la compétence du second cycle de l'enseignement du second degré au territoire de la Polynésie française ;

Vu la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 modifiée relative à la transparence financière de la vie politique ;

Vu la loi n° 90-612 du 12 juillet 1990 modifiant la loi n° 84-820 du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Polynésie française ;

Vu la loi organique n° 94-499 du 21 juin 1994 relative au transfert à l'Etat des compétences du territoire de la Polynésie française en matière pénitentiaire ;

Vu la loi organique n° 94-1132 du 27 décembre 1994 relative à certaines dispositions législatives des livres Ier et II du code des juridictions financières ;

Vu la loi organique n° 95-173 du 20 février 1995 modifiant la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et préparatoires à l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998 et portant dispositions diverses relatives aux territoires d'outre-mer ;

Vu la décision n° 84-177 DC du 30 août 1984 ;

Vu la décision n° 94-340 DC du 14 juin 1994 ;

Vu la décision n° 94-349 DC du 20 décembre 1994 ;

Vu la décision n° 95-364 DC du 8 février 1995 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Considérant que le texte soumis à l'examen du Conseil constitutionnel comporte sous huit titres distincts, un ensemble de 123 articles ;

Sur la procédure d'adoption de la loi :
Considérant que la loi organique transmise au Conseil constitutionnel a été prise dans le respect de la procédure prévue par les articles 46 et 74 de la Constitution ;

Sur le caractère organique des dispositions de la loi :
Considérant qu'aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article 74 de la Constitution :
" Les statuts des territoires d'outre-mer sont fixés par des lois organiques qui définissent, notamment, les compétences de leurs institutions propres, et modifiés, dans la même forme, après consultation de l'assemblée territoriale intéressée. Les autres modalités de leur organisation particulière sont définies et modifiées par la loi après consultation de l'assemblée territoriale intéressée. " ;
qu'en vertu de ces alinéas, ont un caractère organique les dispositions qui définissent les compétences des institutions propres du territoire, les règles essentielles d'organisation et de fonctionnement de ces institutions, y compris les modalités selon lesquelles s'exercent sur elles les pouvoirs de contrôle de l'Etat, ainsi que les dispositions qui n'en sont pas dissociables ;

Sur les précédentes décisions du Conseil constitutionnel relatives au statut de la Polynésie française :
Considérant que, par l'article 2 de la décision n° 84-177 DC du 30 août 1984, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions de la loi du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Polynésie française ;
que, par la décision n° 94-340 DC du 14 juin 1994, il a déclaré conformes à la Constitution les dispositions de la loi organique du 21 juin 1994 relative au transfert à l'Etat des compétences du territoire de la Polynésie française en matière pénitentiaire ;
que, par la décision n° 94-349 DC du 20 décembre 1994, il a déclaré conforme à la Constitution le texte de la loi organique du 27 décembre 1994 relative à certaines dispositions législatives des livres Ier et II du code des juridictions financières ;
qu'enfin, ont été déclarées conformes à la Constitution, par la décision n° 95-364 DC du 8 février 1995, les dispositions de la loi organique du 20 février 1995 modifiant la loi du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et préparatoires à l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998 et portant dispositions diverses relatives aux territoires d'outre-mer ;

Considérant que, sous réserve de la détermination de leur caractère organique, il n'y a pas lieu de procéder à un examen de la constitutionnalité des dispositions de la loi organique soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ayant une rédaction ou un contenu identique à ceux des dispositions déclarées conformes à la Constitution par les décisions précitées ;

Sur les articles 1er à 4 :
Considérant que l'article 1er, après avoir précisé la configuration territoriale de la Polynésie française, énonce les principes généraux applicables au territoire d'outre-mer qu'elle constitue ;
qu'aux termes de l'article 2 :
" l'Etat et le territoire veillent au développement de la Polynésie française et apportent leur concours aux communes pour l'exercice des compétences qui leur sont dévolues " ;
que l'article 4 rappelle que la Polynésie française est représentée au Parlement et au Conseil économique et social ;
que ces dispositions, qui revêtent un caractère organique, sont conformes à la Constitution et notamment à son article 74 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 :
" le haut-commissaire de la République, délégué du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du respect des lois et des engagements internationaux applicables en Polynésie française, de l'ordre public et du contrôle administratif " ;
que cet article, de caractère organique, est identique à des dispositions de la loi du 6 septembre 1984 susvisée déclarées conformes à la Constitution ;

Sur le titre Ier intitulé " De l'autonomie " :
Considérant que ce titre comporte trois articles ;
que les articles 5 et 6 définissent la répartition des compétences entre les autorités de l'Etat et les autorités du territoire ;
que l'article 5 confère une compétence de droit commun aux autorités de la Polynésie française, l'Etat ne disposant que de compétences d'attribution dans les matières limitativement énumérées à l'article 6 ;
que ces dispositions sont de caractère organique ;

Considérant qu'il ressort du 1° de l'article 6 que les autorités de l'Etat sont compétentes en matière de relations extérieures, à l'exception de certaines matières et sans préjudice des dispositions des articles 40 et 41 ;

Considérant que l'article 40 permet en son premier alinéa aux autorités de la République de délivrer pouvoir au président du gouvernement de la Polynésie française pour négocier et signer des accords dans les domaines de compétence de l'Etat ou du territoire avec un ou plusieurs Etats, territoires ou organismes régionaux du Pacifique et avec les organismes régionaux dépendant des institutions spécialisées des Nations unies ;
que les articles 52 et 53 de la Constitution sont applicables à ces accords ;

Considérant que le législateur a pu, sans porter atteinte ni à l'exercice de la souveraineté nationale ni aux prérogatives réservées à l'Etat par l'article 72, alinéa 3, de la Constitution, autoriser le président du gouvernement de la Polynésie française à négocier et signer des accords dans les domaines de compétence de l'Etat ou du territoire, dès lors que pour ce faire le président du gouvernement doit avoir expressément reçu des autorités de la République les pouvoirs appropriés, et que ces accords demeurent soumis aux procédures prévues par les articles 52 et 53 de la Constitution ;

Considérant que les deuxième et quatrième alinéas de l'article 40 permettant au président du gouvernement ou à son représentant d'être associé à la négociation de certains accords intéressant les domaines de compétence de l'Etat et du territoire et l'autorisant à représenter les autorités de la République au sein des organismes régionaux précités ne sont pas contraires à la Constitution ;

Considérant que le premier alinéa de l'article 41 de la loi donne compétence au président du gouvernement du territoire pour négocier et signer des actes qualifiés d'" arrangements administratifs ", dans le respect des accords internationaux, avec les administrations des Etats du Pacifique ou des organismes régionaux du Pacifique, dans les domaines de compétence du territoire ;
qu'il ressort de ces dispositions que sont ainsi visés des accords de portée limitée ou de nature technique rendus nécessaires par la mise en uvre d'autres accords internationaux ;
qu'en renvoyant aux conditions prévues à l'article 40 ces dispositions les soumettent aux règles de procédure fixées ou rappelées par ledit article ;
que, dans ces conditions, elles ne sont pas contraires à la Constitution ;

Considérant que les autres alinéas de l'article 41 fixent les conditions dans lesquelles le président du gouvernement peut, dans les matières ressortissant à la compétence territoriale, négocier et signer au nom de la Polynésie française, dans le respect des engagements internationaux de la République, des conventions de coopération décentralisée avec des collectivités locales françaises ou étrangères, leurs groupements ou établissements publics ;
qu'en subordonnant leur entrée en vigueur à leur transmission au représentant de l'Etat ces dispositions assurent à ce dernier la possibilité de mettre en uvre sans délai les attributions qu'il doit exercer en vertu de l'article 72 de la Constitution ;
que dès lors ces dispositions ne sont pas non plus contraires à la Constitution ;

Considérant que dans ces conditions, le 1° de l'article 6 de la loi, y compris en tant qu'il renvoie aux articles 40 et 41 de ladite loi, est conforme à la Constitution ;

Considérant que les 2°, 5°, 9° et 12° de l'article 6 qui donnent compétence à l'Etat en matière de police des étrangers, de défense et de matières premières stratégiques, de fonction publique d'Etat, de communication audiovisuelle sont identiques à des dispositions de la loi du 6 septembre 1984 susvisée déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ;

Considérant que les 3°, 4°, 6°, 10° et 11° de ce même article déterminent les compétences de l'Etat en matière de communication, de monnaie, crédit, change et Trésor, de maintien de l'ordre et de sécurité, d'administration communale, d'enseignement supérieur et de recherche scientifique ;
qu'ils ne sont contraires à aucun principe ni à aucune règle de valeur constitutionnelle ;

Considérant que le 7° de l'article 6 énonce notamment que l'Etat est compétent en matière de nationalité, d'organisation législative de l'état civil, de principes fondamentaux des obligations commerciales, de principes généraux du droit du travail ;
qu'il reprend dans cette mesure des dispositions de la loi du 6 septembre 1984 déclarées conformes à la Constitution ;

Considérant que ce même alinéa donne également compétence à l'Etat dans la matière du droit civil, à l'exclusion de la procédure civile et de la réglementation relative à la coopération et à la mutualité " sous réserve des dispositions de l'article 28 (13° et 14°) " ;

Considérant qu'aux termes du 13° de l'article 28 le conseil des ministres du territoire " autorise, à peine de nullité, toute opération ayant pour effet le transfert entre vifs d'une propriété immobilière ou de droits sociaux y afférents, sauf si le bénéficiaire est de nationalité française et domicilié en Polynésie française ou, s'agissant d'une personne morale, y a son siège " ;
qu'il ajoute que " sont également soumises à autorisation les cessions d'actions de sociétés commerciales quand des biens immobiliers ou des participations immobilières constituent 75 p 100 ou plus de l'ensemble des actifs figurant à leur bilan " ;

Considérant que cette disposition modifie substantiellement le régime d'autorisation de transferts de propriété immobilière instauré par le 11° de l'article 26 de la loi du 6 septembre 1984 susvisée portant statut du territoire de la Polynésie française ;
qu'il convient donc d'examiner sa conformité à la Constitution ;

Considérant que le 13° de l'article 28 organise un régime discrétionnaire d'autorisation préalable à la réalisation d'opérations de transfert de propriété qui peuvent concerner des catégories de droits multiples, sans préciser les motifs se référant à des fins d'intérêt général sur lesquels le conseil des ministres devrait, sous le contrôle du juge, fonder sa décision ;
que ces autorisations, requises sous peine de nullité des opérations de cession en cause, comportent des limitations directes au droit de disposer, attribut essentiel du droit de propriété ;
que de telles limitations revêtent un caractère de gravité telle que l'atteinte au droit de propriété qui en résulte dénature le sens et la portée de ce droit garanti par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
qu'il y a lieu en conséquence pour le Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution le 13° de l'article 28 de la loi organique et, par suite, dans le texte du 7° de l'article 6 de ladite loi, les mots " et sous réserve des dispositions de l'article 28-13° " ;

Considérant que le 14° de l'article 28, qui permet au conseil des ministres, dans les cas prévus au 13° du même article, d'exercer un droit de préemption au nom du territoire sur les immeubles ou les droits sociaux en cause, à charge de verser aux ayants droit le montant de la valeur desdits biens, est indissociable du 13° ;
que dès lors le 14° de l'article 28 de la loi organique doit être déclaré contraire à la Constitution et, par suite, dans le texte du 7° de l'article 6 de la même loi, les mots " et 14° " ;

Considérant que le 7° de l'article 6 donne également compétence à l'Etat en ce qui concerne les " garanties fondamentales des libertés publiques " ;

Considérant que ni le principe de libre administration des collectivités territoriales ni la prise en compte de l'organisation particulière des territoires d'outre-mer ne sauraient conduire à ce que les conditions essentielles de mise en uvre des libertés publiques et, par suite, l'ensemble des garanties que celles-ci comportent dépendent des décisions de collectivités territoriales et, ainsi, puissent ne pas être les mêmes sur l'ensemble du territoire de la République ;

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